II. DES LIENS ENTRE LE PLF 2002 ET LE PLFSS 2002 TOUJOURS PLUS COMPLEXES

Le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale constituent deux textes financiers de nature complètement différente, mais qui entretiennent des relations étroites qui, année après année, conduisent à rendre délicate l'appréhension globale de l'état de nos finances publiques comme des conséquences réelles des décisions proposées par le gouvernement à l'approbation du Parlement.

Si, par rapport aux années précédentes, il existe pour 2002 peu de dispositifs miroirs entre les deux textes, votre rapporteur général tient à souligner d'une part que la complexité intrinsèque porteuse d'obscurité et de manipulations demeure, d'autre part que le jeu combiné des deux textes ne peut faire oublier que les dépenses sociales ne se maîtrisent pas, que les prélèvements sociaux augmentent, et que le rééquilibrage des comptes de la Sécurité sociale n'est que fruit d'un dynamisme des recettes que la fragilité de l'environnement international pourrait remettre en cause.

A. UN ENVIRONNEMENT MACROÉCONOMIQUE COMMUN AU PLF ET AU PLFSS

La loi de finances et la loi de financement de la Sécurité sociale partagent les hypothèses macroéconomiques et constituent, l'une comme l'autre, un élément des engagements européens de la France en matière de finances publiques.

1. L'importance des hypothèses

a) Le cadrage macroéconomique

Les deux textes sont construits sur les mêmes hypothèses macroéconomiques, à savoir un taux de croissance du PIB pour 2002 de 2,5 %, un taux de croissance de la masse salariale du secteur privé de 5 % et un taux de croissance des effectifs salariés de 1,7 %.

Comme pour le budget de l'État, l'influence de ces hypothèses sur les résultats des régimes sociaux est très importante.

Par exemple, une variation d'un point de la masse salariale se traduit par une différence de 1,22 milliard d'euros (7,87 milliards de francs) de recettes de cotisations sociales, par une perte totale de ressources de 1,687 milliard d'euros (11,07 milliards de francs) pour le régime général de sécurité sociale. L'effet de la croissance économique sur les recettes de CSG est encore plus fort. En prenant pour hypothèse une élasticité de 1,2 de la CSG à la croissance 38( * ) , ce qui se trouve en deçà de la réalité, alors une erreur de 0,5 point sur la prévision de croissance économique se traduirait par une perte de 0,6 point de CSG, soit 360 millions d'euros (2.361 millions de francs).


Évolution du produit de la CSG

(en millions d'euros)

2000

2001

Écart 2000/2001

2002*

Écart 2001/2002

57.923

60.850

+ 5,05 %

62.665

+ 3 %

* Hypothèses du gouvernement

D'après une projection réalisée par l'OFCE pour votre commission des finances dans le cadre du premier collectif budgétaire pour 2001, une erreur d'un point de croissance se traduirait par une moins-value de recettes sociales de 3,1 milliards d'euros (20,33 milliards de francs).

De même, une erreur sur le taux d'inflation se répercute, par les mécanismes d'indexation, sur de nombreuses prestations sociales, amorçant un effet de ciseaux dangereux.

b) Le rôle de l'ONDAM

Le gouvernement, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, détermine l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM). Celui-ci devrait relever de la volonté politique, mais, faute de mécanisme efficace de maîtrise des dépenses d'assurance maladie, il constitue en réalité une hypothèse macroéconomique.

Il n'existe aucune raison de penser que l'ONDAM prévu pour 2002 (112,62 milliards d'euros soit 738,74 milliards de francs) sera respecté. D'une part, l'exécution des années 1998 à 2001 montre une progression des dépenses d'assurance maladie sur un rythme systématiquement supérieur à celui qui avait été prévu dans les lois de financement de la Sécurité sociale. D'autre part, l'analyse par composante de l'ONDAM laisse entrevoir des tendances de fond de progression des dépenses d'assurance maladie dont on comprend mal comment elles pourraient s'inverser par le seul biais de la « marche tranquille des événements » : protocole hospitalier, passage aux 35 heures dans les établissements hospitaliers publics et privés et dans les établissements médico-sociaux, apparition de besoins médicaux nouveaux, financement des innovations thérapeutiques, etc.

Or cette progression des dépenses d'assurance maladie porte en elle, à terme, des besoins d'ajustement des recettes de l'assurance maladie, sous forme de prélèvements obligatoires supplémentaires, qui constituent de ce point de vue un élément d'ensemble du cadrage macroéconomique dans lequel s'inscrivent la loi de finances comme la loi de financement de la Sécurité sociale. Un point de dérapage de l'ONDAM représente 1 milliard d'euros de dépenses en plus pour l'assurance maladie.

2. Les finances sociales, partie intégrante des engagements européens de la France

Comme son nom l'indique, le programme pluriannuel de finances publiques concerne l'ensemble du champ des finances publiques, c'est-à-dire autant les finances sociales que celles de l'État.

Du point de vue des prélèvements obligatoires, les administrations de Sécurité sociale prélèvent chaque année une part croissante de la richesse nationale qui contraste avec le discours du gouvernement sur la baisse des prélèvements.

Evolution comparée des prélèvements sociaux et des prélèvements de l'Etat

(en points de PIB)

Parallèlement, les dépenses sociales progressent elles aussi sur un rythme élevé, de 3,1 % en 2001 et, d'après les prévisions du gouvernement, de 2,4 % en 2002. Les différentes mesures du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002 (congé parental, revalorisation des prestations, hausse des cotisations au fonds pour l'emploi hospitalier, affectations de recettes au FOREC, etc.) tout comme les autres mesures en matière sociale décidées par le gouvernement (APA, CMU par exemple) ou l'absence de mécanismes de régulation ne contribueront pas à ralentir la hausse des dépenses sociales, sans compter les conséquences d'un éventuel ralentissement de l'économie.

Le solde des administrations de Sécurité sociale, qui dégageait un excédent de 0,6 % du PIB en 2000, ne serait plus excédentaire, en 2001, que de 0,4 % du PIB. Ce résultat encore positif ne vient pas des organismes composant le champ de la loi de financement de la Sécurité sociale, mais, en grande partie, des résultats de l'assurance chômage, ainsi que du dynamisme des recettes dans un contexte de forte croissance économique .

Ainsi les prévisions de ressources et les objectifs de charges inclus dans le champ de la loi de financement sont-ils sujets à caution car fondés sur des hypothèses macroéconomiques exagérément optimistes, qui fragilisent ainsi le respect, par la France, de ses engagements européens en matière de finances publiques.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page