II. L'ALLÉGEMENT DU COÛT DU TRAVAIL
Les
crédits consacrés à l'allégement du coût du
travail représentent pour 2002,
731,85 millions d'euros
(4,80 milliards de francs), contre 607,66 millions d'euros (environ
4 milliards de francs) en 2001, soit une
progression de 20,4 %.
Il convient de faire trois observations :
- une mesure nouvelle, à hauteur de 22,87 millions d'euros
(150 millions de francs), a été décidée au
titre des exonérations de cotisations sociales sur la totalité
des avantages en nature dans les hôtels, cafés, restaurants, suite
au décret du 13 juin 2001, pris pour faciliter le passage de ces
commerces aux 35 heures ;
- les exonérations au profit de certains secteurs de production dans les
DOM bénéficient également d'une mesure nouvelle d'un
montant de 45,73 millions d'euros (300 millions de francs) ;
- l'article 71 du présent projet de loi de finances propose de proroger
le dispositif d'exonération de cotisations sociales patronales
applicable en zone franche urbaine, cette mesure se traduisant par un
coût de 49 millions d'euros (321,42 millions de francs).
Les effets sur l'emploi des allégements de charges sur les bas salaires
Le
conseil supérieur de l'emploi a proposé une évaluation des
mesures mises en oeuvre en France et ciblées sur les bas salaires
(1)
. Compte tenu de la fragilité des estimations du lien
entre l'emploi et son coût du travail, il a proposé une fourchette
de créations (ou de préservations) d'emplois de 50 à
70.000 emplois pour une baisse de 1,52 milliard d'euros (10 milliards de
francs) des cotisations sociales sur les emplois dont le salaire est
inférieur à 1,33 SMIC. La DARES a fourni une
évaluation de 60.000
(2)
. Sur la base de 6,10 milliards
d'euros (40 milliards de francs) d'allégement, les
évaluations des effets sur l'emploi seraient de 40.000 à 200.000
selon que l'on prenne en compte l'effet du financement de la mesure ou non. Ces
résultats sont des résultats de moyen terme, car les
délais d'action de cette politique sont lents à se faire sentir.
Aujourd'hui, compte tenu de ces évaluations, les mesures
d'exonération des cotisations sociales sur les bas salaires mises en
place depuis 1993 pourraient avoir eu un effet cumulé sur l'emploi de
l'ordre de 200.000.
Le rapport « Malinvaud » a abordé la question de
l'effet des allégements de cotisations. Il a montré que les
exonérations de cotisations sur les bas salaires trop ciblées
(c'est le cas de l'allégement « Juppé »
jusqu'à 1,3 SMIC) pouvaient créer des « trappes
à bas salaires » en pénalisant financièrement
les entreprises qui accordent des hausses de revenu. Pour cette raison, et
selon le gouvernement, les allégements mis en place dans le cadre de la
réduction du temps de travail ont été mis en place pour
les salaires jusqu'à 1,8 SMIC.
Les allégements « 35 heures » sont
également conditionnés à des engagements sur l'emploi des
entreprises et à l'existence d'un accord de réduction du temps de
travail. Cette condition n'existait pas dans les allégements
jusqu'à 1,3 SMIC, qui ne posait aucune condition en matière
de volume ou de qualité de l'emploi.
Au-delà des chiffrages d'effet sur l'emploi, un faisceau d'indices
montre que ces mesures ont joué un rôle dans le
développement de l'emploi. D'abord, une série de travaux montre
qu'il y a eu enchérissement de la croissance en emplois. Le seuil de
création d'emplois est ainsi passé de 2,3 % dans les
années 1980 à 1,5 % dans la seconde partie des années
1990. Le développement du temps partiel explique une partie de ce
résultat mais une autre partie peut s'expliquer par les politiques
d'allégement. Ensuite, des travaux montrent que la part de l'emploi non
qualifié dans l'emploi total a commencé à se redresser
après une longue période de baisse tendancielle. De ce point de
vue la baisse des charges sur les bas salaires semble donc avoir rempli son
objectif initial : celui d'améliorer la situation du marché
du travail des moins qualifiés.
D'autres pays mettent en oeuvre des exonérations de cotisations
sociales, mais il y a assez peu d'études empiriques portant sur les
effets sur l'emploi de ces mesures. Ce sont la Belgique et les Pays-Bas qui
mettent en oeuvre des politiques de réduction du coût du travail
sur les bas salaires les plus significatives.
En Belgique, depuis 1981, l'opération Maribel donne lieu à un
allégement de cotisations sociales pour les travailleurs manuels de
certains secteurs. Elle a ensuite été étendue à
l'ensemble des secteurs. En 1997, pour un travailleur manuel payé au
SMIC, la mesure permet de réduire de 4 à 7 points le taux de
cotisation. Au niveau du salaire minimum, la réduction des cotisations
sociales atteint 50 %. Au total, l'allégement a permis de baisser
de 2 points le coût salarial moyen, et il était prévu
de le baisser de 3,4 points à l'horizon 2004. Le bureau du plan a
fourni une évaluation selon laquelle un allégement de
30 milliards de francs belges financé par un impôt sur le CO2
(760 millions d'euros, soit 5 milliards de francs environ) créerait
20.000 emplois à terme
(3)
.
Au Pays-Bas, le programme « SPACK » a été mis
en oeuvre depuis 1996 à l'intention des salariés ayant un salaire
inférieur à 1,15 salaire minimum. Ce programme réduit
globalement de 10 % environ le coût du travail. Des travaux
économétriques cités par l'OCDE
(4)
montrent que
ce programme a permis de créer 60.000 emplois depuis 1997.
(1) CSERC 1996, L'allégement des charges sur les bas salaires. La
documentation française.
(2) DARES, La politique de l'emploi, la Découverte, 1997.
(3) Études économiques de l'OCDE, Belgique, janvier 1999.
(4) Études économiques de l'OCDE, Pays-Bas, mars 2000.