I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Le budget de la défense pour 2003, qui constitue la première année d'exécution de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008, augmente de +6,3 %. Il y a là le premier signe tangible d'un retournement, qui doit être confirmé et conforté par le vote de la nouvelle loi de programmation militaire.

1. Le contexte stratégique

Le monde occidental sorti vainqueur de la guerre froide, ne touche pas les « dividendes de la paix ». Il doit faire face à une menace diffuse, à des risques d'agressions locales qui supposent une capacité à procéder, souvent simultanément, à des déploiements de forces d'inégale importance.

Actuellement, seuls les États-Unis ont la capacité et surtout, depuis les attentats du 11 septembre, la volonté d'être une puissance militaire d'envergure véritablement mondiale.

Face à une Amérique surarmée, l'Europe de la défense reste partiellement virtuelle .

Sur le plan politique, elle semble, pour un certain nombre de nos partenaires, être plus le prolongement de l'OTAN, qu'une entité autonome.

Sur le plan industriel, son mode de fonctionnement à géométrie variable et les multiples accidents qui jalonnent la définition et la mise en oeuvre des projets, lui ôtent beaucoup de consistance et risquent de la soumettre à l'attraction fatale des grands programmes américains.

a) Une menace multiforme

L'attentat du 11 septembre 2001 a servi de révélateur de l'évolution des menaces qui pèsent sur le monde occidental. Le terrorisme, qui n'était certes pas inconnu, prend aujourd'hui une nouvelle dimension que l'on peut résumer sous le terme de menace asymétrique. Celles-ci émanent d'un certain nombre d'états qualifiés de « voyous » ou d'acteurs non étatiques, qui n'ont d'autres moyens de menacer les états développés que par des actions terroristes de grande ampleur.

Le danger est d'autant plus grand qu'il prend des formes diverses : réseaux moins centralisés, agents dormants, liens étroits avec les économies criminalisées.

Les puissances occidentales sont mal armées pour faire face à un ennemi invisible, qui connaît la façon de déstabiliser les sociétés complexes, particulièrement vulnérables aux actions instantanément relayées et amplifiées par les médias à l'échelle mondiale. Une chose semble certaine, il n'y a plus de havres de paix et même les paradis pour touristes de l'autre bout du monde ne sont plus à l'abri.

La faiblesse des démocraties est d'avoir à affronter un ennemi prêt à mourir, qui sait qu'il a en face de lui une société soucieuse d'épargner chaque vie humaine.

Nous assistons non seulement au retour de la violence mais à celui de l'irrationnel, contre lequel il est difficile de trouver une voie moyenne entre l'angélisme et le cynisme : quand la dissuasion ne marche plus, on peut facilement céder à une nouvelle forme de principe de précaution, en l'occurrence, à la tentation de l'action préventive .

A cela s'ajoutent des risques de prolifération d'armes de destruction massives, consécutifs à la décomposition des forces des anciens pays de l'Est et à la montée en puissance de certains états.

b) L'Europe en ordre dispersé face à la suprématie américaine

Le président des États-Unis a fait adopter une loi augmentant de 353 milliards de dollars au budget 2003 du Pentagone, soit à peu près 1 Mds € par jour. C'est la plus forte augmentation (+ 12 %) des crédits de la défense américaine depuis la « guerre des étoiles ».

Ces moyens nouveau serviront, à concurrence de 71,6 milliards de dollars -ce qui représente quatre fois l'effort français dans ce domaine-, à l'acquisition de systèmes d'armes majeurs : missiles de croisière, des drones, appareils de transport et de ravitaillement en vol, des avions de combat neufs ou modernisés.

Le budget prévoit également le développement du F 35 ex JSF (Joint Strike Fighter) pour les armées américaines et des clients européens, qui ont rallié le projet, ainsi qu'un programme de 7,4 milliards de dollars en matière de défense antimissile tactique, comportant, notamment, l'achat de missiles sol-air Patriot-3 et Arrow destinés à protéger des troupes en opération.

L'autre axe de la nouvelle politique américaine est la recherche , qui bénéficie d'un programme de 58,6 milliards de dollars soit quatre fois le montant global du seul budget français d'équipement militaire.

Les États-Unis entreprennent ainsi un effort sans commune mesure avec celui des Européens. Ils consacrent plus de 3 % de leur produit intérieur brut à leur défense. Seuls, le Royaume-Uni et la Turquie atteignent un niveau comparable. Sur le plan militaire l'Amérique, c'est trois Europe .

Mais, à ce déséquilibre quantitatif, s'ajoute un facteur qualitatif qui tient à l'émiettement des efforts européens . L'industrie de la défense part à la conquête ses marchés en ordre dispersé.

Le déficit d'Europe, on le constate d'abord avec les multiples « feuilletons », d'ailleurs toujours renouvelés, de la coopération industrielle.

Le plus connu et sans doute le plus lourd de conséquences, si l'issue n'en était pas favorable, c'est celui de l'A 400 M .

L'Allemagne devait en commander 73 ; déjà, elle n'est plus officiellement qu'à 55. Or il en faut 180 pour que le projet ne soit pas définitivement abandonné pour des raisons de rentabilité. Compte tenu des défections italiennes et portugaises, la marge allemande est de 13. Les informations de presse les plus récentes semblent indiquer que cette marge va être utilisée et que la commande allemande portera sur 60 appareils. Le plan de charge est donc désormais à son niveau le plus juste 3 ( * ) et toute nouvelle défection pourrait être fatale au projet.

En tout état de cause, il ne sera pas après toutes ces vicissitudes sur le marché avant 2009. C'est ce qui a conduit l'OTAN à décider de se tourner vers les États-Unis pour s'engager dans une location de longue durée à Boeing d'une quinzaine de C 17 disponibles dès 2005.

Mais il est d'autres feuilletons, moins médiatiques mais d'une importance non négligeable.

Les frégates antiaériennes que la Grande-Bretagne a abandonné en cours que route et que la France poursuit avec l'Italie, va voir le jour mais avec du retard mais aura perdu avec le temps une bonne part de ses capacités concurrentielles, comme cela a été le cas, hélas, avec le Rafale.

Le missile Meteor, adaptable sous Eurofighter comme sous Rafale ou l'avion suédois Gripen, pâtit des hésitations de l'Allemagne, alors que la Grande Bretagne, l'Italie et la Suède se sont engagés aux côtés de la France pour la construction de ce missile de croisière qui devrait être fabriqué à un millier d'exemplaires livrables à partir de 2008 par MBDA. Cette entreprise, numéro deux mondial du secteur regroupe depuis décembre 2001 les activités missiles du britannique BAE Systems, de l'européen EADS et de l'italien Alenia.

Plus grave encore, elle subit la force d'attraction des Etats-Unis, soit dans le cadre de partenariats industriels équilibrés comme on le voit avec l'accord entre les chantiers allemands et l'américain Northrop Grumman 4 ( * ) , soit dans le cadre de contrats d'adhésion, quasi-léonins, comme dans le cas de l'avion F35 JSF, où l'on voit les pays européens, non contents d'acheter américain, accepter de mettre à la disposition leur potentiel de recherche : le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Norvège, le Danemark et l'Italie ont ainsi annoncé qu'ils allaient participer au développement de cet avion américain pour un montant de 4 Mds €

* 3 Soit 180 appareils à raison de 60 pour l'Allemagne, 50 pour la France, 27 pour l'Espagne, 25 pour la Grande-Bretagne, 10 pour la Turquie, 7 pour la Belgique et 1 pour le Luxembourg

* 4 Les chantiers navals allemands HDW, leader mondial des sous-marins conventionnels, s'allient avec le groupe de défense américain Northrop Grumman.. Les contrats seraient partagés à 50-50 : les sous-marins, y compris la propulsion, seraient construits en Allemagne pour le marché américain, les systèmes de direction et d' armement étant ajoutés aux États-Unis

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