III. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR VOTRE RAPPORTEUR À VOTRE COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
La proposition de loi n° 292 tendant à préserver les services de proximité en zone rurale ne comptait que trois articles : un article 1 er consacré au dispositif, un article 2 attribuant à la CDEC la responsabilité de la procédure, et un article 3 gageant les dépenses nouvelles par la création d'une taxe additionnelle à la TACA. A l'issue de ses travaux, votre rapporteur a soumis à votre commission des affaires économiques un dispositif à la fois plus précis et plus complet, qui a toutefois été rejeté.
A. UN DISPOSITIF PLUS PRÉCIS
Les deux articles « utiles » de la proposition de loi initiale étaient complétés et précisés sous les articles 1 er à 5 du texte proposé par votre rapporteur. Celui-ci avait par ailleurs modifié l'intitulé de la proposition de loi, afin de le rendre plus conforme à son objet, qui était de préserver les « commerces » de proximité en zone rurale et non les « services ».
1. Article 1er : institution d'un revenu minimum de maintien d'activité
Cet article s'ouvrait sur un alinéa reprenant, en l'adaptant, la pétition de principe figurant à l'article 55 de la loi « montagne » n° 85-30 du 9 janvier 1985, afin d'affirmer que « l'existence dans les zones rurales d'un réseau commercial de proximité répondant aux besoins courants des populations et contribuant à l'animation de la vie locale est d'intérêt général » .
Cette déclaration définissait parfaitement l'objectif de la proposition de loi et légitimait sa mise en oeuvre. En se référant à la notion de « populations » , elle indiquait que l'équipement commercial de proximité doit non seulement bénéficier aux habitants des bourgs ruraux pour satisfaire à leurs besoins de consommation courante, mais également aux petites entreprises locales qui trouvent nécessairement intérêt à la présence de services utiles à leur activité, ainsi naturellement qu'aux résidents secondaires ou aux touristes de passage qui doivent trouver sur leur lieu de villégiature un environnement commercial minimum. Par ailleurs, en visant « l'animation de la vie locale », le texte indiquait que des préoccupations plus larges que la seule logique économique rendent nécessaire le maintien d'un tissu commercial de proximité en zone rurale.
C'est au demeurant cet aspect social et, au sens originel du terme, politique de la problématique qui justifiait le caractère « d'intérêt général » conféré à l'existence d'un réseau commercial de proximité : s'assurer que toute une partie de l'espace rural français n'est pas condamné à être constitué de « villages fantômes » d'où toute vie collective et conscience de constituer une communauté seraient bannies.
Par déduction logique, cet objectif d'intérêt général légitimait le second alinéa de l'article 1 er , qui reprenait pour l'essentiel le premier alinéa de l'article 1 er de la proposition initiale en prévoyant qu' « afin de favoriser le maintien ou l'implantation des commerces de proximité en zone rurale, il est institué un revenu minimum de maintien d'activité » . Outre la suppression de la référence à la zone d'éligibilité (question qui était abordée par l'article 2), le texte proposé par votre rapporteur se distinguait de la version initiale par l'emploi d'un pluriel ( « des commerces de proximité » ) plutôt que d'un singulier ( « un commerce de proximité » ) : loin d'être neutre, cette modification avait pour objet de ne pas limiter le dispositif au seul « dernier » commerce de la commune. Il peut en effet être légitime et utile, dans une même commune, de conserver ou de favoriser l'implantation de plusieurs petits commerces offrant des produits différents : une boulangerie, une épicerie et un bar-restaurant par exemple. Aussi votre rapporteur n'avait-il pas voulu limiter le mécanisme du revenu minimum de maintien d'activité au dernier commerce.
2. Article 2 : bénéficiaires du revenu minimum de maintien d'activité
Afin d'encadrer très précisément le dispositif et de s'assurer de la conformité de sa définition avec les objectifs qu'il poursuivait, le nouvel article 2 de la proposition de loi établissait de stricts critères d'éligibilité.
S'agissant du zonage géographique, pour les raisons qui ont été détaillées précédemment, votre rapporteur avait préféré au critère des communes de moins de 1.000 habitants suggéré par les auteurs de la proposition de loi initiale celui des zones de revitalisation rurale instituées par l'article 52 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.
En ce qui concerne les personnes et commerces éligibles, il avait formalisé un certain nombre de conditions qui devaient garantir l'absence de dérives :
- le bénéfice du revenu minimum de maintien d'activité était ouvert aux commerçants et artisans inscrits au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ;
- l'activité principale des ces professionnels devait relever d'une classe de la nomenclature d'activités françaises (NAF, révision 1) figurant sur une liste fixée par décret. Ce renvoi au pouvoir réglementaire, qui ne faisait au demeurant que respecter la répartition des compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif prévue par les articles 34 et 37 de la Constitution, présentait l'avantage de ne pas « figer » la liste des activités de manière quasi-définitive : des adaptations réglementaires auraient ainsi pu être aisément effectuées à raison des circonstances (dont notamment la révision de la nomenclature, comme celle qui est intervenue le 1 er janvier 2003 en application du décret n° 2002-1622 du 31 décembre 2002 portant approbation des nomenclatures d'activités et de produits).
Reste que pour votre rapporteur, cette liste aurait nécessairement dû comprendre au moins les boulangeries et boulangeries-pâtisseries (code NAF 15.8C), les activités de transformation de la viande et de boucherie et charcuterie artisanales (15.1A, 15.1C, 15.1F), les commerces d'alimentation générale (52.1B), les supérettes (52.1C), les commerces de détail de fruits et légumes (52.2A), de viandes et produits à base de viandes (52.2C), de poissons, crustacés et mollusques (52.2E), de pain, pâtisserie et confiserie (52.2G), de boissons (52.2J), de tabac (52.2L), de produits laitiers (52.2N), les auberges de jeunesse et refuges (55.2A), les restaurants de type traditionnels (55.3A), les cafés tabacs (55.4A) ou les débits de boissons (55.4B). Cette liste n'est évidemment qu'indicative et pas exhaustive, puisqu'on aurait aussi pu s'interroger sur l'opportunité d'y faire figurer des activités telles que, par exemples, l'entretien et la réparation de véhicules automobiles (50.2Z) ou le commerce de détail des carburants (50.5Z). En tout état de cause, il aurait été nécessaire de bien s'assurer que toutes les activités de proximité nécessaires à l'animation du milieu rural auraient été retenues. |
- afin d'éviter que l'établissement d'une liste aussi large que possible des activités éligibles ne conduise à des dérives et des effets d'aubaine, votre rapporteur avait prévu un seuil de chiffre d'affaires au-delà duquel le droit au revenu minimum de maintien d'activité n'aurait pu être demandé. Ce seuil était celui du dispositif fiscal du « micro-BIC » fixé au premier alinéa de l'article 50-0 du code général des impôts, soit 76.300 € HT ou 27.000 € HT selon les types d'activité. Une telle limite d'activité avait pour objectif de garantir que la mesure aurait été réservée aux « petits » commerçants et artisans ;
- enfin, pour s'assurer que l'activité commerciale répond correctement à l'objectif législatif de participation à l'animation de la vie locale, un ultime critère avait été retenu par votre rapporteur : l'obligation pour le commerce de satisfaire à des conditions de durée minimale d'ouverture au public fixées par décret. Là encore, comme il n'appartient pas au législateur de faire figurer de telles prescriptions dans le marbre de la loi, c'est au pouvoir réglementaire qu'il serait revenu de déterminer ces conditions minimales, qui auraient naturellement dû combiner des critères de plages d'ouverture annuelle, hebdomadaire et quotidienne, de manière à s'assurer que le commerce serait effectivement accessible à la clientèle dans des conditions « normales ».
3. Article 3 : calcul de l'allocation de revenu minimum de maintien d'activité
Comme cela a été indiqué précédemment, votre rapporteur avait suggéré à votre commission de retenir le dispositif différentiel imaginé par les auteurs de la proposition de loi initiale ainsi que la fixation du montant mensuel maximum de l'allocation à hauteur de celui de l'allocation de revenu minimum d'insertion, c'est-à-dire 411,70 €, dans un texte cependant légèrement différent pour garantir le caractère normatif de ces dispositions.
En revanche, s'agissant des revenus des professionnels susceptibles d'être pris en considération pour déterminer l'éventuelle ouverture de leur droit, comme de la limite maximale que la somme desdits revenus et de l'allocation de revenu minimum de maintien d'activité ne pouvait dépasser, votre rapporteur avait proposé de plus importantes modifications.
Ainsi que cela a été exposé ci-dessus, la référence au « bénéfice dégagé par l'activité commerciale » figurant dans la proposition de loi initiale s'était en effet avérée insuffisante au regard des multiples formes d'exercice de l'activité commerciale auxquelles peuvent recourir les exploitants. Aussi votre rapporteur avait-il jugé préférable, notamment pour des raisons de simplicité fiscale, de s'appuyer sur la notion de valeur ajoutée, qui est précisément définie par les dispositions du paragraphe II de l'article 1647 B sexies du code général des impôts. Il avait précisé à cette occasion que serait pris en compte l'ensemble des activités commerciales et artisanales de l'exploitant, afin de répondre aux situations de pluri-activité. En outre, pour éviter que l'emploi d'un ou plusieurs salariés, parfois indispensable au maintien de l'activité, ne conduise l'exploitant à se voir interdire le bénéfice du dispositif, il avait prévu qu'un montant forfaitaire, par salarié, serait déduit du montant de la valeur ajoutée retenue. Votre rapporteur fait enfin observer que, par construction, les commerçants et artisans éventuellement éligibles qui s'installent n'auraient pu bénéficier du revenu minimum de maintien d'activité qu'à compter de la deuxième année de leur activité. Il est vrai qu'ils disposent cependant, au titre des divers dispositifs institués en faveur de la création ou de la reprise d'entreprise, et qui devraient au demeurant être améliorés par les projets de loi portés par le gouvernement, de facilités et d'exonérations qui devaient au moins suffire pour les aider à passer le cap de la première année d'activité.
En ce qui concerne le seuil de sortie du revenu minimum de maintien d'activité, les auteurs de la proposition de loi l'avaient fixé dans leur texte à 1.016 €, en évoquant à cet égard la notion de « revenu mensuel net du commerce » . Il s'agissait, dans leur esprit, de garantir à l'exploitant un « reste à vivre » correspondant à l'actuel SMIC net. Pour respecter les dispositions constitutionnelles relatives à la séparation des pouvoirs, tout comme pour permettre une évolution régulière de ce plafond corrélée avec celle du coût de la vie, votre rapporteur avait estimé nécessaire de renvoyer au pouvoir réglementaire la responsabilité d'en fixer le montant. Il n'en reste pas moins que le niveau évoqué par les auteurs de la proposition de loi devait, de son point de vue, servir d'indicateur, et que ce montant devait par conséquent, lors de sa première fixation par décret, tourner autour des 1.000 €.
Enfin, votre rapporteur avait suggéré de soumettre l'allocation de revenu minimum de maintien d'activité aux prélèvements fiscaux de droit commun, puisqu'elle aurait constitué un complément de revenu.
4. Articles 4 et 5 : décision d'attribution, instruction des demandes et service de l'allocation
Les articles 4 et 5 présentés par votre rapporteur transformaient fondamentalement l'ancien article 2 de la proposition de loi, qui faisait relever de la commission départementale de l'équipement commercial (CDEC) l'ensemble de la procédure : dépôt des demandes, instruction et décision d'attribution (le service de l'allocation n'était toutefois pas précisé).
L'allocation étant financée par des crédits de l'Etat, il avait paru cohérent à votre rapporteur de conférer au préfet du département la responsabilité de la décision d'attribution. C'est ce que précisait l'article 4, qui introduisait toutefois la consultation préalable de la commission départementale d'adaptation du commerce rural mentionnée au paragraphe V de l'article 1648 AA du code général des impôts, chargée de donner un avis sur les demandes d'allocation. On rappellera que cette commission est coprésidée par le préfet et le président du conseil général, et composée de trois maires, de quatre représentants du conseil général, de trois représentants de la chambre de commerce et d'industrie, d'un représentant de la chambre des métiers, et de deux personnalités qualifiées désignées par les deux coprésidents. Elle est normalement chargée de répartir les ressources du fonds départemental d'adaptation du commerce rural dans le but de maintenir une présence commerciale harmonieuse en zone rurale. Sa composition et ses compétences étaient par conséquent particulièrement adaptées pour assurer la mission consultative nouvelle que lui conférait le texte présenté par votre rapporteur.
La décision d'attribuer l'allocation relevant de la responsabilité du préfet, il devenait nécessaire de confier à ses services la mission d'accueillir les demandes et d'instruire les dossiers. Le premier alinéa de l'article 5 prévoyait ces principes, et renvoyait à un décret en Conseil d'Etat leur mise en oeuvre pratique. Le deuxième alinéa disposait cependant que pour l'exercice de leur mission, les services du représentant de l'Etat dans le département avaient à vérifier les déclaration des demandeurs et pouvaient demander toutes les informations nécessaires aux services fiscaux, qui auraient été tenus de les leur communiquer sous réserve qu'elles soient limitées aux données nécessaires à l'identification de la situation du demandeur en vue de l'attribution de l'allocation.
Quant au service de l'allocation, il aurait été assuré, conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 5, par l'ORGANIC, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Comme cela a déjà été relevé, l'ORGANIC paraissait être l'organisme le mieux à même s'assurer le service de l'allocation, en raison tant de ses compétences générales en matière de prestations sociales servies aux commerçants (les retraites) que du fait que cette organisation est déjà chargée du prélèvement de la TACA ainsi que de l'attribution des aides et subventions ouvertes aux titre de l'aide au départ, du FISAC et du CPDC. Là encore, l'adéquation de la nouvelle mission conférée à l'ORGANIC à ses fonctions traditionnelles semblait parfaite.
Enfin, le dernier alinéa de l'article 5 précisait que toute personne appelée à intervenir dans l'instruction des demandes ou l'attribution de l'allocation était tenue au secret professionnel dans les termes de l'article 226-13 du code pénal et passible des peines prévues audit article.