EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE PREMIER
MESURES DE SIMPLIFICATION DE PORTÉE
GÉNÉRALE
Article 1er A
Conseil d'orientation de la simplification
administrative
En
première lecture, l'Assemblée nationale a adopté un
article additionnel avant l'article 1
er
du présent projet de
loi, instituant un
organe chargé de l'orientation et du suivi du
travail de simplification administrative
, dénommé Conseil
d'orientation de la simplification administrative.
Le Conseil d'orientation de la simplification administrative serait
compétent pour formuler des propositions visant à simplifier la
législation et la réglementation. Il interviendrait notamment
pour émettre des avis sur la simplification des procédures, des
structures et du langage administratifs.
La composition retenue par l'Assemblée nationale ferait une
large
place aux élus
. Seraient ainsi représentés, à
part égales, les élus de la nation : trois
députés et trois sénateurs. Trois représentants des
élus locaux siègeraient également au sein de cet
organe : un conseiller régional, un conseiller
général ainsi qu'un maire. Enfin, quatre personnalités
qualifiées seraient également amenées à participer
aux travaux de cet organisme.
Le présent article résulte d'un amendement présenté
par M. Alain Madelin qui, durant le débat à
l'Assemblée nationale, a souligné le besoin d'une structure
permanente destinée à assurer un dialogue continu entre les
élus et les services de l'Etat chargés de mener à bien
l'entreprise de simplification du droit. Cette initiative parlementaire reprend
une idée que M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la
réforme de l'Etat, avait exposée aux membres de votre commission
des Lois, ainsi qu'aux membres des autres commissions saisies pour avis de ce
texte, lors de son audition du 1
er
avril 2003
48(
*
)
.
Compte tenu de l'ampleur et de la complexité de la tâche que s'est
assigné le Gouvernement, il est indispensable que de larges
échanges de vues sur les mesures à prendre en vue de simplifier
la réglementation dans tous les domaines de la législation
interviennent entre les services ministériels et les élus. Ces
derniers, au contact quotidien et direct des citoyens, sont
particulièrement à même de percevoir les difficultés
et les lenteurs que certaines procédures administratives sont
susceptibles de générer auprès des usagers. La nouvelle
structure envisagée pourrait, pour ces raisons, revêtir un
rôle d'impulsion en matière de simplifications
administratives
.
En outre, dans la mesure où la démarche de simplification
aujourd'hui entreprise se fait sur la base d'une habilitation du Gouvernement
à légiférer par ordonnance, la création du Conseil
d'orientation de la simplification administrative
permettrait aux
parlementaires d'être directement associés à
l'élaboration des ordonnances
.
L'institution de ce nouvel organisme pose toutefois la question de sa
coordination avec l'actuelle Commission pour les simplifications
administratives (COSA)
, instituée par le décret n°
98-1083 du 2 décembre 1998 relatif aux simplifications administratives.
Ses compétences sont, actuellement, extrêmement proches de celles
octroyées au Conseil d'orientation de la simplification administrative.
Elle assure en effet l'homologation des formulaires administratifs, mais
surtout instruit les questions de simplification des formalités et des
procédures administratives dont elle est saisie. Elle n'intervient
cependant actuellement qu'au niveau réglementaire.
Le Conseil d'orientation de la simplification administrative pourrait donc
reprendre les compétences actuelles de la COSA, ce dernier organe
étant, par la suite, supprimé
.
Si l'initiative de l'Assemblée nationale doit être saluée,
certaines modifications peuvent lui être apportées.
En premier lieu, il conviendrait d'augmenter le nombre des personnalités
qualifiées nommées au sein de ce comité afin que cet
organe puisse faire davantage place à l'expertise de personnes
extérieures au pouvoir exécutif comme au pouvoir
législatif.
Votre commission des Lois vous soumet, en conséquence, un amendement
portant le nombre de personnalités qualifiées de quatre à
six.
En second lieu, le présent article prévoit que ses dispositions
seront précisées, en tant que de besoin, par décret. Cette
indication semble inutile. Le Gouvernement dispose en effet, en l'absence de
toute habilitation législative expresse, du pouvoir d'adopter les
mesures réglementaires indispensables à l'application de la loi.
C'est seulement dans le cas où le législateur souhaiterait
soumettre l'exercice de ce pouvoir à des procédures
particulières (par exemple, la consultation du Conseil d'Etat), qu'une
mention serait nécessaire. Or, il ne semble pas pertinent, en
l'espèce, de soumettre les décrets d'application à une
procédure particulière. Votre commission des Lois vous invite
donc, par
amendement,
à supprimer le dernier alinéa du
présent article.
Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle
vous soumet, votre commission des Lois vous propose donc
d'adopter
l'article 1
er
A ainsi modifié.
Article 1er
Habilitation à prendre des mesures de
simplification
générales intéressant les usagers
En 1994,
le « rapport Picq » constatait qu'«
en
vérité, l'administration paraît plus tournée vers
ses agents que vers les usagers
»
49(
*
)
. L'article 1
er
du
présent projet de loi d'habilitation entend remettre en cause cette
affirmation -bien trop souvent ressentie par les citoyens- afin de
replacer
l'usager au coeur de l'administration.
A cette fin, la présente disposition
autorise le Gouvernement
à prendre par ordonnance toutes dispositions nécessaires afin de
modifier les règles actuellement applicables aux
procédures
administratives non contentieuses
. Ces modifications intéressent
trois hypothèses.
1. La simplification des démarches des usagers
Le
1° de l'article 1
er
du présent projet de loi
permet de modifier les règles de procédure non contentieuse
existantes aux fins de simplifier les démarches des usagers.
Son examen suscite cependant une interrogation sur son champ d'application.
Selon l'exposé des motifs, l'article 1
er
serait, dans son
ensemble, applicable aux administrations de l'Etat, aux collectivités
territoriales, aux établissements publics qui en relèvent, aux
organismes de sécurité sociale ainsi qu'aux autres organismes
chargés d'une mission de service public.
Cependant, le texte adopté en première lecture par
l'Assemblée nationale ne détermine pas expressément le
champ d'application de l'ensemble des dispositions du point 1° de
l'article 1
er
. C'est donc seulement
de manière implicite
que l'on peut déduire de la formulation actuelle de cette disposition
son champ d'application d'ensemble
.
Afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté
quant aux
autorités administratives et services publics qui seraient susceptibles
d'être concernés par les mesures de simplifications
que le
Gouvernement apportera par ordonnances, votre commission des Lois vous propose
un
amendement
tendant à préciser le champ d'application de
l'ensemble des mesures visées au 1° du présent article.
Tel qu'il est défini, le champ d'application
ratione personae
de
la présente disposition est plus large que celui retenu par la loi
n° 2000-321 du 12 avril 2000 sur les droits des citoyens dans leurs
relations avec l'administration.
En effet, selon l'article 1
er
de la loi du 12 avril 2000
précitée, les mesures destinées à renforcer les
droits des citoyens face à l'administration ne concernent, outre les
administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les
établissements publics qui en relèvent et les organismes de
sécurité sociale,
que les organismes chargés de la
gestion d'un service public administratif. Or, en vertu de la rédaction
retenue par le présent projet de loi, les
organismes chargés
de la gestion d'un service public industriel et commercial seraient
également concernés
par les mesures de simplification
administrative.
Cette extension du champ d'application permettra donc de faciliter les
démarches que peuvent accomplir les citoyens auprès des nombreux
services publics industriels et commerciaux. Votre rapporteur est partisan
d'une telle extension. Il est en effet souhaitable qu'aucune distinction ne
soit faite, en matière de simplification, selon que le service auquel
s'adresse le citoyen est de nature administrative ou industrielle et
commerciale. L'administration est perçue comme un tout unique par le
citoyen et la simplification doit s'appliquer à tous les services de
l'administration en contact avec les usagers, quelle que soit leur nature
juridique.
Enfin, il importe de souligner que les usagers seront les
bénéficiaires des mesures de simplification qui interviendront
par ordonnance. A cet égard, le changement de perspective avec la loi
précitée du 12 avril 2000 est notable : la simplification
administrative ne s'adresse pas aux seuls citoyens, elle concerne la
catégorie plus large des
usagers de l'administration
. A ce titre,
les
entreprises, quelle que soit la forme juridique qu'elle
revêtent
(entreprise individuelle, entreprise sous forme de
société), pourront bénéficier de l'ensemble des
mesures prévues par l'article 1
er
, 1° du présent
projet de loi.
Dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, en
première lecture, le Gouvernement serait autorisé à
prendre, par ordonnance, cinq types de mesures de simplification.
a) La simplification des démarches préalables
Sur la base de l'habilitation prévue à l'article 1
er
,
1°, a), le Gouvernement envisage de
réduire le nombre de
pièces ou de démarches préalables demandées aux
usagers, ainsi que la fréquence à laquelle celles-ci sont
exigées
.
Les usagers rencontrent fréquemment des difficultés pratiques
à rassembler quantité de pièces nécessaires
à la reconnaissance de leurs droits. Il s'agit pour eux d'un sujet de
complainte permanent. Des progrès indéniables ont certes
été accomplis en ce domaine lors des toutes dernières
années. Ainsi, en supprimant de façon
quasi-générale l'exigence de présentation de fiches
d'état civil, le décret n° 2000-1277 du 26 décembre
2000, a permis d'économiser, chaque année, quelque 60 millions de
démarches auprès des administrations. De façon similaire,
en supprimant, dans son principe, la certification conforme des copies de
documents délivrés par les autorités administratives, le
décret n° 2001-899 du 1
er
octobre 2001 a
libéré les citoyens de l'accomplissement de démarches
répétitives.
L'habilitation proposée au vote du Parlement permet toutefois au
Gouvernement d'aller plus loin dans la réduction des démarches
administratives en donnant un cadre général aux mesures de
simplification dans les contacts des usagers avec les administrations qui ont,
jusqu'ici, été relativement circonscrites.
En effet, il est nécessaire d'adopter des mesures de nature
législative, afin de poser à un plus haut niveau de la
hiérarchie des normes le principe de la simplification administrative.
En outre, pour pouvoir appliquer les mesures de simplification
envisagées aux collectivités décentralisées,
l'intervention de la loi paraît nécessaire. Compte tenu du
principe de libre administration des collectivités territoriales,
énoncé à l'article 72, troisième alinéa, de
la Constitution, seul le législateur peut fixer les conditions dans
lesquelles les collectivités territoriales s'administrent librement et
exercent leur pouvoir réglementaire.
Le présent projet de loi pourrait ainsi permettre de définir le
cadre juridique général de « l'administration
électronique » qui favoriserait la
dématérialisation des procédures administratives
existantes. Il n'est que temps que la France s'engage, elle aussi, comme
d'autres Etats européens, résolument dans cette voie.
L'habilitation prévue à l'article 1
er
, 1°, a)
donne au Gouvernement les moyens juridiques pour y parvenir.
Si des efforts ont déjà été entrepris dans ce
domaine, grâce à la multiplication des formulaires
électroniques et des téléservices
50(
*
)
, des progrès restent encore
à opérer afin de fournir aux usagers de véritables
téléprocédures
51(
*
)
.
Cette adaptation de l'administration aux nouvelles technologies de
l'information pourra notamment faciliter la mise en place d'un
«
portail administratif personnalisé
» qui,
comme l'a affirmé le Premier ministre dans son discours de
présentation du Plan RE/SO 2007, constitue l'une des priorités de
l'action de simplification des démarches administratives
52(
*
)
. Certains Etats européens, tels
l'Italie, l'Irlande et le Royaume-Uni, offrent déjà cette
facilité aux usagers. Une telle création serait de nature
à limiter les doubles ou les triples déclarations auprès
des services administratifs à l'occasion de certains
événements de la vie des citoyens (par exemple, en cas de
changement d'adresse).
Sur ce point, il convient de souligner que, dans son principe,
« l'e-administration » ne contrevient pas au
légitime souci d'assurer la protection des données personnelles
des usagers. En particulier, ainsi qu'il ressort du
Livre blanc
rédigé par MM. Pierre Truche, Jean-Paul Faugère et Patrice
Flichy
53(
*
)
, les dispositions de
la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux
fichiers et aux libertés, pas plus d'ailleurs que la ligne
jurisprudentielle dégagée par la Commission nationale de
l'informatique et des libertés (CNIL) ne font obstacle à
l'institution de téléservices administratifs susceptibles de
rapprocher les usagers de l'administration.
L'« e-administration » ne doit toutefois pas exclusivement
concerner les services de l'Etat ; les collectivités territoriales
doivent également y être parties prenantes.
L'application des
mesures de simplification administrative aux collectivités territoriales
et à leurs établissements publics doit se faire en pleine
concertation avec ces dernières
. Il sera donc souhaitable que
l'élaboration des ordonnances à venir résulte d'une large
concertation entre le pouvoir réglementaire et les différentes
instances représentatives de ces collectivités, afin que les
particularités de leur action soient réellement prises en compte.
La volonté de simplification affichée par le Gouvernement aura
sans doute un coût pour l'ensemble des organismes concernés, tant
au niveau étatique qu'au niveau des collectivités territoriales.
Néanmoins, si la mise en place de l'administration électronique
peut conduire à une augmentation temporaire de la dépense
publique, elle conduira, à moyen ou long terme, à réduire
les coûts de gestion des demandes émanant des usagers, en
allégeant les contraintes pesant tant sur ces derniers que sur les
agents de l'administration.
b) La simplification des documents administratifs
L'article 1
er
, 1°, b) du présent projet de loi autorise,
en outre, le Gouvernement à procéder à la
modification
des conditions d'élaboration, de révision et d'évaluation
des formulaires administratifs
.
Le pouvoir réglementaire a, depuis longtemps, institué des
structures destinées à veiller à l'amélioration et
à la simplification des formulaires administratifs. La création,
en 1966, de centres d'enregistrement des formulaires administratifs (CERFA) a
constitué une première étape dans la volonté des
pouvoirs publics de simplifier les documents que l'administration met à
la disposition des usagers afin que ces derniers puissent faire valoir leurs
droits. D'autres organismes ont, par la suite, été
créés spécialement à cet effet.
Ainsi, en 1983, une commission pour la simplification des formalités
(COSIFORME) fut instituée par décret afin d'initier des mesures
de simplifications administratives à destination des entreprises. Le
décret précité du 18 décembre 1990 a placé
cet organisme auprès du Premier ministre, tout en élargissant son
champ de compétence à l'ensemble des mesures de simplification
à l'égard des usagers. L'actuelle commission pour les
simplifications administratives (COSA), issue du décret
précité du 2 décembre 1998 et reprenant les
compétences des centres d'enregistrement des formalités
administratives (CERFA), lui a été substituée à
compter de 1999.
Instance d'étude, d'impulsion et de suivi en matière de
simplifications administratives, la COSA contribue à
l'amélioration de la qualité des formulaires administratifs en
proposant au Gouvernement les mesures de simplification qui lui paraissent
nécessaires et en évaluant celles envisagées au niveau
ministériel. En outre, cet organisme est chargé d'homologuer les
formulaires émanant des services ministériels en opérant
un contrôle de légalité, d'opportunité et de
lisibilité de ces documents.
Parallèlement, un arrêté du 2 juillet 2001, pris
conjointement par le ministre de la culture et le ministre de la fonction
publique et de la réforme de l'Etat, a institué un comité
d'orientation pour la simplification du langage administratif (COSLA),
chargé de formuler des propositions concrètes pour
améliorer la qualité du langage administratif et de suivre leur
mise en oeuvre par le Gouvernement.
L'action de ces divers organismes a été relativement
efficace
. Elle a conduit à la suppression de certaines
démarches inutiles, ainsi qu'à la reformulation de divers
documents administratifs qui les rend désormais plus facilement
intelligibles aux usagers.
Toutefois, elle n'a jusqu'ici concerné,
pour l'essentiel, que les administrations de l'Etat ou les organismes
chargés d'un service public national
.
Si les collectivités territoriales peuvent, si elles le souhaitent,
saisir la COSA de questions relatives à la simplification
administrative, celle-ci n'est pas compétente pour homologuer les
documents et formulaires émanant des collectivités
décentralisées. Elle peut seulement jouer, à leur demande,
un rôle de conseil en la matière. Or, ces collectivités et
leurs établissements publics, avec lesquels les citoyens sont
également en contact direct, doivent aussi simplifier leurs documents
administratifs.
Par ailleurs, la base réglementaire des compétences de la COSA
n'a, semble-t-il, pas toujours permis à la commission d'assurer son
rôle d'homologation des formulaires émis par certains organismes
de sécurité sociale. Ces derniers considèrent actuellement
qu'un décret ne peut les obliger à soumettre leurs formulaires au
contrôle de la COSA. Pourtant, une simplification des formulaires de
sécurité sociale s'impose. Le recours à la loi permettrait
donc de renforcer utilement les compétences de la COSA et rendrait
incontestable le passage des formulaires de sécurité sociale sous
l'examen attentif de cet organe.
L'adoption d'une ordonnance sur la base de l'article 1
er
, 1°,
b) du présent projet de loi permettrait ainsi d'instituer une
procédure d'élaboration et de suivi des formulaires
administratifs qui concernerait l'ensemble des autorités administratives
et organismes chargés d'une mission de service public,
y compris les
collectivités territoriales et les établissements publics qui en
relèvent
.
L'habilitation laisse cependant au Gouvernement toute latitude afin de
déterminer les structures administratives qui seraient mises en place
ainsi que leurs moyens d'action. Une question essentielle, lors de la
rédaction des ordonnances, sera de définir avec elles les
conditions dans lesquelles les collectivités territoriales pourraient
être soumises à ces organes de simplification pour
l'élaboration, le suivi et la révision des formulaires
délivrés par leurs services ou leurs établissements
publics.
c) L'extension du recours aux déclarations sur l'honneur
La démarche de simplification que conduira le Gouvernement, sur la base
de
l'article 1
er
, 1°, c)
du présent projet de
loi, vise également à substituer
des déclarations sur
l'honneur à la production de pièces justificatives.
Dans le cadre des diverses démarches qu'il est appelé à
mener auprès des autorités administratives, l'usager doit
aujourd'hui systématiquement apporter la preuve de sa bonne foi, en
produisant des pièces, souvent nombreuses et diverses, justifiant de sa
situation juridique. Il appartient à l'autorité administrative
d'en vérifier la véracité. En pratique, il faut cependant
reconnaître que l'administration n'est souvent pas à même,
faute de moyens, de mener à bien l'ensemble de ces vérifications.
La modification à laquelle le Gouvernement envisage de procéder
s'inscrit dans le
« rapport de confiance »
que le
Gouvernement souhaite voir s'instaurer entre les usagers et les
autorités administratives.
L'usager serait dorénavant
présumé être de bonne foi dans ses démarches
auprès de l'administration
. Dans son principe, la transformation de
l'approche de l'administration à l'égard des citoyens ne peut
qu'être saluée.
La très grande majorité des usagers se conforme
spontanément à la réglementation et il semble inutile de
soumettre l'ensemble de leurs démarches à la production
préalable de pièces justificatives souvent nombreuses. En outre,
de manière limitée, le droit positif fait déjà une
place à la déclaration sur l'honneur. Ainsi, le nouveau code des
marchés publics, institué par le décret n° 2001-210
du 7 mars 2001, exige seulement des candidats aux marchés publics la
production de déclarations sur l'honneur affirmant qu'ils n'ont pas fait
l'objet de certaines condamnations pénales ou qu'ils ont satisfait aux
obligations fiscales et sociales qui s'imposent à eux
54(
*
)
. Ce système mérite donc
d'être plus largement étendu.
Il convient néanmoins de s'interroger sur la
nécessité
de prévoir le maintien de justificatifs dans des hypothèses
particulières
. Certaines démarches visant à obtenir la
reconnaissance de droits aux conséquences particulièrement
importantes, tels que la nationalité française, devraient pouvoir
être entamées sur la bases de pièces préalablement
produites à l'administration afin que cette dernière en examine
la véracité. Dans ce contexte,
un choix méthodologique
se posera au Gouvernement
lors de la rédaction des ordonnances.
Une première option serait d'inventorier les procédures en
définissant, pour chacune d'entre elles, si des pièces
justificatives seront systématiquement exigées des usagers. Une
seconde option serait de consacrer dans l'ordonnance une règle
générale selon laquelle l'administration ne pourrait, en
principe, pas exiger des usagers la production de pièces justificatives.
Par exception, l'ordonnance pourrait prévoir que le pouvoir
réglementaire définisse, au cas par cas et en tant que de besoin,
les hypothèses dans lesquelles des pièces ou documents
justificatifs seraient exigés. Cette seconde solution semblerait plus
lisible pour le citoyen. En outre, elle s'inscrirait dans la continuité
des démarches adoptées par les décrets
précités des 26 décembre 2000 et 1
er
octobre
2001 qui ont énoncé le principe de la suppression des fiches
d'état civil et des certifications conformes, tout en prévoyant
un certain nombre d'exceptions.
Il faut cependant se garder de tout angélisme. Demain comme aujourd'hui,
des individus se rendront coupables de fausses déclarations aux fins
d'obtenir de l'administration la reconnaissance d'un droit. La confiance de
l'administration à l'égard des citoyens ne doit pas conduire
à laisser prospérer la fraude qui ne peut que
décrédibiliser l'action des pouvoirs publics. Le
régime
des sanctions
applicables en cas de fausse déclaration doit, en
conséquence,
être réaménagé afin de
dissuader la fraude
ou, le cas échéant, de la
réprimer. Le présent projet de loi autorise à cet effet le
Gouvernement à
préciser les conséquences qui
s'attachent à l'éventuelle inexactitude de ces
déclarations
.
La fausse déclaration conduit normalement à la nullité de
la demande auprès de l'autorité administrative. En outre, la
réglementation actuelle prévoit des sanctions de natures diverses
en cas de déclarations inexactes.
Ces sanctions sont d'abord de nature pénale. Ainsi, l'article 441-6 du
nouveau code pénal punit de deux ans d'emprisonnement et de
30.000 euros d'amende le fait de fournir une déclaration
mensongère en vue d'obtenir d'une administration publique ou d'un
organisme chargé d'une mission de service public une allocation, un
paiement ou un avantage indu. Cette sanction pourra donc continuer à
s'appliquer en cas de fraude dans les démarches administratives.
Toutefois, la répression pénale ne doit être que la
sanction ultime en la matière. Elle est d'un maniement lourd, les taux
de poursuite sont faibles et elle s'avère souvent inadaptée aux
délits mineurs.
Les ordonnances pourraient donc favoriser d'autres types de sanction, en
s'inspirant de mécanismes déjà présents dans la
législation. On peut notamment penser à des sanctions de nature
administrative. Celles-ci pourraient consister en des sanctions fiscales ou
dans la perte de certains droits à prestation.
Néanmoins, pour ce faire, il conviendra que soient
définies
des procédures internes et propres à chaque administration
concernée, permettant d'effectuer un contrôle
a posteriori
efficace
, afin de s'assurer de la sincérité des
déclarations sur l'honneur qui lui parviennent. En outre, il reviendra
aux ordonnances de fixer les conditions de recours contre les
éventuelles sanctions prononcées à l'encontre des
individus suspectés d'avoir effectué des manoeuvres frauduleuses.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter un
amendement de
coordination
afin de supprimer l'énumération des services et
organismes visés par les mesures destinées à assurer le
transfert des informations entre les autorités administratives
visées au présent article, compte tenu de la mention de ces
organismes opérée, en facteur commun, au premier alinéa du
1°.
d) La substitution de régimes déclaratifs à certains
régimes d'autorisation administrative préalable
En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté,
à la suite d'un amendement présenté par sa commission des
Lois, un
nouvel alinéa c bis)
au 1° du présent
article. Aux termes de cette disposition, le Gouvernement serait
autorisé à prendre des
mesures de simplification visant
à substituer des régimes déclaratifs à certains
régimes d'autorisation administrative préalable
.
Le dispositif retenu s'inspire
, en réalité,
des
dispositions initialement prévues à l'article 17
du
présent projet de loi et supprimées lors de l'adoption de ce
texte par l'Assemblée nationale. L'article 1
er
, 1°, c
bis) procède toutefois à une
extension considérable de
son champ d'application
.
L'article 17 du présent projet de loi était rédigé
comme suit : «
Dans les conditions prévues par
l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à
prendre par ordonnance toutes mesures nécessaires, d'une part, pour
permettre la substitution de régimes déclaratifs à
certains régimes d'autorisation administrative préalable auxquels
sont soumises les entreprises pour leur création ou certaines de leurs
activités et, d'autre part, pour prévoir les possibilités
d'opposition de l'administration, les modalités du contrôle a
posteriori et les sanctions éventuelles
».
- En premier lieu, cette disposition habilitait donc le Gouvernement
à prendre des mesures visant à substituer des régimes
déclaratifs aux régimes d'autorisations préalables
auxquelles sont soumises
les seules entreprises
. La formulation retenue
permettait de faire bénéficier de ces régimes l'ensemble
des entreprises, au sens économique du terme, c'est-à-dire
indépendamment de leur forme juridique.
En outre, le champ d'application matériel de cette mesure de
simplification restait relativement circonscrit. Il s'agissait de substituer
des régimes déclaratifs à certains régimes
d'autorisation administrative préalable
applicables lors de la
création ou lors de l'exercice de certaines activités des
entreprises
. Sous cette réserve, le Gouvernement était
habilité à substituer des régimes déclaratifs dans
tout type de domaine. Auraient été cependant principalement
concernés certains régimes déclaratifs institués
par le code général des impôts, le code de commerce, le
code de l'artisanat ainsi que le code des douanes.
Il serait en effet bienvenu qu'un régime déclaratif soit
notamment institué aux lieux et places du régime d'autorisation
préalable prévu en matière de déclaration par voie
électronique de la déclaration d'échanges de biens entre
Etats membres de la Communauté européenne
55(
*
)
. Il en va de même en
matière de télédéclaration de la taxe sur la valeur
ajoutée, instituée par l'article 41 de la loi n°
99-1173 du 30 décembre 1999 portant loi de finances rectificative pour
1999.
Cette mesure de simplification dirigée spécialement vers les
entreprises est, à tous égards, indispensable et attendue.
L'obligation pour les entreprises d'obtenir des autorisations administratives
préalablement à la réalisation de diverses
opérations peut constituer une entrave à leur activité
économique, d'ailleurs souvent dénoncée. Les délais
de réponses de l'administration, parfois incompressibles, peuvent
être préjudiciables à la réactivité
indispensable des entreprises dans le monde des affaires. Or, il ne semble pas
pertinent de maintenir certains régimes d'autorisation préalable
dont l'utilité n'est plus guère démontrée.
En adoptant l'amendement créant un alinéa c bis),
l'Assemblée nationale a, d'une part, étendu le champ
d'application
personnel
de la mesure de substitution envisagée.
Cette dernière s'appliquerait toujours aux entreprises, qui sont des
usagers de l'administration, mais elle serait élargie à
l'ensemble des particuliers. D'autre part, elle a considérablement
étendu le champ d'application
matériel
de cette mesure de
simplification, dans la mesure où aucune mention des matières
dans lesquelles des régimes déclaratifs seraient institués
n'est plus faite.
L'extension du dispositif originel du projet de loi n'est pas sans susciter de
fortes réserves.
La première a trait à la
compatibilité de
l'alinéa c bis) avec les exigences posées par le Conseil
constitutionnel pour l'application du régime des ordonnances
visées à l'article 38 de la Constitution. Le Conseil
constitutionnel impose en effet que les lois habilitant le Gouvernement
à agir par ordonnance définissent avec précision les
finalités de l'habilitation demandée, sous peine
d'inconstitutionnalité
56(
*
)
. Or, avec la formulation retenue, on
pourrait craindre une déclaration d'inconstitutionnalité.
La seconde et principale réserve concerne le
recours à la
procédure des ordonnances
pour traiter une
question touchant aux
libertés publiques
. Les régimes de déclaration
préalable et d'autorisation préalable sont des modalités
d'encadrement des libertés des citoyens. Le choix de tel ou tel
système doit être le fruit d'une réflexion approfondie et
d'une mise en balance de l'intérêt public, d'une part, et de la
liberté individuelle des citoyens, d'autre part. En la matière,
seul le législateur est compétent pour soumettre telle ou telle
activité à une déclaration préalable ou à
une autorisation préalable
57(
*
)
.
Dès lors,
s'il s'agit
, comme le prévoit la disposition
adoptée par l'Assemblée nationale,
de réviser
l'ensemble des régimes actuels d'encadrement des droits des citoyens, le
législateur doit exercer ses prérogatives dans leur
intégralité. La voie de l'habilitation ne paraîtrait pas
appropriée
; la procédure législative ordinaire
devrait seule être suivie.
- En second lieu, l'article 17 du présent projet de loi autorisait le
Gouvernement à prévoir des
possibilités d'opposition,
les modalités de contrôle
a posteriori
ainsi que les
sanctions
qui s'appliqueraient en cas de fausse déclaration.
La suppression, dans des cas nombreux, d'un contrôle
a priori
effectué par le biais d'un régime d'autorisation préalable
rend indispensable l'organisation d'un contrôle
a posteriori
efficace, afin de détecter toute manoeuvre frauduleuse. Au surplus,
toute fraude doit faire l'objet d'une sanction appropriée et
adaptée en fonction de la nature de l'activité encadrée.
Dans ces conditions, il serait également pertinent de permettre au
Gouvernement de définir les sanctions qui s'appliqueraient aux personnes
reconnues coupables de déclaration mensongère. Enfin, il peut
s'avérer utile, dans certaines hypothèses, de prévoir des
possibilités d'opposition de l'administration, lorsque la
démarche de l'usager doit, en raison de sa nature, être plus
particulièrement encadrée.
Or, dans sa rédaction actuelle, l'alinéa c bis) n'habilite
nullement le Gouvernement à agir sur ces points importants.
Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission des Lois vous propose
d'adopter un
amendement de suppression de l'alinéa c bis)
du
1° de l'article 1
er
du présent projet de loi.
Elle vous invitera, en conséquence, par un
autre amendement, à
rétablir l'article 17
du présent projet de loi
dans sa
rédaction initiale, au chapitre V
du présent projet de
loi
.
e) Le renforcement de la mutualisation des informations entre les
administrations
En vertu de
l'article 1
er
, 1°, d)
du présent
projet de loi, le Gouvernement sollicite, en dernier lieu, l'autorisation
d'intervenir dans le domaine de la loi afin d'
organiser la transmission
d'informations entre les autorités administratives
.
La répartition parfois complexe des compétences entre les
autorités administratives de l'Etat ou des collectivités
territoriales impose souvent aux usagers de s'adresser à plusieurs
services en cas de changements affectant leur vie privée. Tel est le
cas, en particulier, des changements d'adresse. Lorsqu'elle change de domicile,
une personne est dans l'obligation de notifier ses nouvelles coordonnées
à plusieurs administrations. Pour respecter ses obligations fiscales,
elle doit notifier son changement de domicile à la direction
régionale des impôts ainsi qu'à la direction de la
comptabilité publique ; pour continuer à
bénéficier des prestations sociales, elle doit informer le centre
de sécurité sociale de son nouveau domicile ; pour voter
dans sa nouvelle circonscription électorale, elle doit présenter
une demande à la mairie. Cette multiplication des démarches
entraîne une perte de temps pour le citoyen. En outre, elle favorise
l'omission de certaines formalités par les usagers de l'administration.
A cette multiplication des démarches s'ajoute le fait que, bien souvent,
le citoyen est tenu de produire aux différentes administrations des
pièces justificatives détenues par d'autres. Au surplus, ces
pièces justificatives ont souvent été
délivrées par d'autres autorités administratives. Il en va
tout particulièrement ainsi en matière d'aide sociale. Ainsi,
pour bénéficier de l'allocation de garde d'enfant à
domicile, versée par la caisse d'allocations familiales (CAF),
l'administré est tenu de produire lui-même un certificat
délivré par l'URSSAF attestant la réalité de
l'embauche d'un salarié à domicile. Pourquoi la CAF ne
pourrait-elle être rendue directement destinataire de l'attestation
émise par l'URSSAF ?
Dans un tel contexte, la généralisation de la
communication
des informations détenues par certaines autorités administratives
à d'autres autorités administratives serait un progrès
remarquable.
La transmission des pièces administratives pourrait ainsi s'effectuer
directement d'une autorité administrative à une autre, à
l'initiative du service chargé de traiter la demande de l'usager. Cette
mesure répondrait à certaines observations de la Commission pour
la simplification des formalités administratives qui regrettait, en
2001, que les administrations ne se soient pas toujours organisées pour
conserver et restituer aux usagers les informations qu'elles détiennent
déjà
58(
*
)
. Elle
permettrait d'économiser nombre de démarches aux usagers.
La mutualisation des informations entre les administrations serait
également de nature à
limiter les risques de fraude
, ce
qui doit être un objectif des pouvoirs publics. L'administration à
laquelle serait transmis directement un document délivré par une
autre autorité administrative n'aurait plus à s'interroger sur
son authenticité, l'usager n'ayant pu, à aucun moment, le
falsifier.
Toutefois,
l'organisation d'une transmission directe d'informations entre
les différents services de l'administration doit être
conciliée avec la nécessaire protection de la liberté
individuelle et de la vie privée
. Le projet de loi d'habilitation
prévoit opportunément, à ce titre, que la
mutualisation
des informations se fera dans le respect des règles établies par
la législation relative à l'informatique, aux fichiers et aux
libertés
.
La
loi n° 78-17 du 6 janvier 1978
relative à
l'informatique, aux fichiers et aux libertés est née de la
crainte que les interconnexions entre fichiers publics ne portent atteinte
à la liberté des citoyens. Elle n'interdit pas pour autant le
croisement des fichiers des administrations, mais soumet la mutualisation des
informations détenues par les administrations à l'intervention
d'un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission
nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
La CNIL a, par le passé accepté des interconnexions de fichiers
entre les administrations, notamment dans le souci de lutter efficacement
contre la fraude en matière de prestations sociales. En 1998, elle a
ainsi donné des avis favorables à des échanges
d'informations entre les caisses d'allocation familiale et l'agence nationale
pour l'emploi concernant les allocataires du revenu minimum d'insertion
bénéficiaires de mesures pour l'emploi, ainsi qu'aux
échanges d'informations entre certains organismes de
sécurité sociale et les conseils généraux pour
vérifier le non-cumul de la prestation spécifique
dépendance avec d'autres prestations.
59(
*
)
Dans son principe, la présente disposition ne saurait donc rencontrer
d'obstacle dirimant dans l'actuelle législation sur l'informatique et
les libertés ou dans la jurisprudence de la CNIL. En revanche, les
ordonnances devront faire en sorte que la mutualisation s'effectue dans le
cadre d'un
système sécurisé
et que les usagers
seront
préalablement informés
que les informations
recueillies par une administration seront susceptibles d'être
communiquées à d'autres services.
2. La réduction des délais d'instruction des demandes des
usagers
En second lieu, le Gouvernement serait autorisé à prendre par
ordonnance, sur la base de l'article 1
er
, 2° du présent
projet de loi, toutes dispositions visant à
réduire les
délais d'instruction des demandes et à accélérer la
prise de décision
.
La lenteur et l'imprécision des délais
au terme desquels
les autorités administratives prennent des décisions à
l'égard des usagers est l'objet de critiques constantes des
administrés et des élus locaux. De fait, en mai 1994, le
« rapport Picq », précité, relevait
qu'«
on ne juge[ait] presque jamais les responsables de
l'administration sur les délais de réponse
». Le
législateur a, par la loi précitée du 12 avril 2000
relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration
(loi DCRA), tenté d'apporter un premier remède à cette
situation.
L'article 19 de la loi DCRA a institué une
obligation
à la
charge des autorités administratives, au sens de cette loi, d'
accuser
réception des demandes émanant des usagers
. Ses articles 20
à 22 ont, par ailleurs, aménagé le régime des
décisions administratives implicites. Le principe posé par la
législation en vigueur est que le
silence gardé par
l'administration pendant deux mois à compter de la réception de
la demande par l'autorité administrative vaut décision de
rejet
.
Cette règle n'est toutefois pas absolue. D'une part, la loi DCRA ouvre
la possibilité que des décrets en Conseil d'Etat instaurent des
délais différents lorsque la complexité ou l'urgence d'une
procédure le justifie. D'autre part, dans des hypothèses
limitées, des décrets en Conseil d'Etat, peuvent prévoir
que le silence de l'administration gardé pendant deux mois, ou pendant
un délai différent si la complexité d'une procédure
ou l'urgence le justifie, vaut acceptation de la demande.
Le présent projet de loi n'autorise pas le Gouvernement à
remettre en cause l'acquis de la loi DCRA. Faute de réponse dans un
délai déterminé, l'usager bénéficiera
toujours d'une décision qu'il pourra, le cas échéant,
contester devant le juge administratif. L'article 1
er
, 2°, du
présent projet de loi ne renverse pas non plus la règle selon
laquelle le silence de l'administration vaut, en principe, décision
implicite de rejet. Faire de la décision implicite d'acceptation la
règle eût été profondément illusoire et
eût induit des effets pervers considérables.
La réforme prévue par la présente disposition n'en est pas
moins profondément innovante, puisque le Gouvernement serait
habilité à
définir
, par ordonnance, les
mesures
pour lesquelles les autorités administratives indiqueront le
délai dans lequel sera instruite la demande
.
Une telle mesure s'inscrit dans la volonté affichée par le
Gouvernement d'
améliorer la qualité du traitement des
demandes
au sein des différentes autorités administratives.
Il est évident que certaines demandes simples peuvent, compte tenu des
moyens technologiques actuels, être traitées de manière
rapide et, en tout état de cause, dans un délai inférieur
au délai de droit commun de deux mois. Dès lors, une telle mesure
permettrait de renforcer l'information de l'usager face à
l'administration. Certaines administrations se sont d'ailleurs
déjà engagées dans cette voie. Ainsi, il est actuellement
possible d'obtenir du ministère de la justice un extrait du bulletin
n° 3 du casier judiciaire, soit immédiatement si l'usager se rend
en personne au service du casier judiciaire national, soit dans un délai
d'une semaine dans les autres cas.
De plus, la volonté d'instituer une mention des délais de
réponse participe, comme le relevait M. Henri Plagnol, secrétaire
d'Etat à la réforme de l'Etat, lors de son audition devant votre
commission des Lois, d'une démarche de
responsabilisation des
services publics
60(
*
)
. Elle
devrait inciter les administrations à faire preuve d'une plus grande
célérité dans l'accomplissement de leur mission. En outre,
elle pourrait permettre d'introduire une véritable « culture
de l'efficacité et de la qualité » dans les
administrations.
Cette obligation d'information des usagers s'imposera, aux termes du
présent article, à l'ensemble des administrations de l'Etat, aux
collectivités territoriales, aux établissements publics qui en
relèvent, aux organismes de sécurité sociale et aux autres
organismes chargés d'une mission de service public. Sur ce point, votre
commission des Lois vous soumet
un
amendement de coordination
afin d'éviter la répétition des autorités
administratives et services publics concernés par l'obligation
susmentionnée.
L'introduction d'un tel dispositif est plus que souhaitable car celui-ci
permettra, à terme, d'inciter les administrations à mieux servir,
et dans des délais plus brefs, l'ensemble des usagers. Néanmoins,
sa mise en oeuvre suscite certaines
interrogations
.
La première concerne les
modalités par lesquelles le
délai de réponse sera communiqué aux usagers
. La
mention du délai dans l'accusé de réception prévu
par l'article 19 de la loi DCRA du 12 avril 2000 paraîtrait, à
première vue, comme la solution la plus simple et la plus commode.
Toutefois, il convient de relever que les autorités ayant la charge, en
vertu du présent projet de loi, d'indiquer les délais
d'instruction sont plus largement définies que les autorités
tenues d'accuser réception des demandes des administrés en
application de la loi DCRA. Lorsque la mention du délai sera à la
charge d'un organisme chargé de la gestion d'un service public
industriel et commercial, l'ordonnance devra prévoir d'autres
modalités permettant d'informer les usagers du délai de
traitement de leur demande.
La seconde interrogation concerne les
conséquences du
dépassement du délai de réponse communiqué par
l'administration
. L'article 1
er
, 2°, du présent
projet de loi ne prévoit pas l'établissement de sanctions dans
l'hypothèse où l'administration ne traiterait pas la demande dans
le délai annoncé. Dans une certaine mesure, on peut estimer que
cette sanction existe déjà, puisque le silence gardé par
l'administration pendant une période, en principe, de deux mois vaut
décision de rejet ou décision d'acceptation. Mais la question se
pose de savoir si d'autres sanctions devraient être envisagées. Il
en va en effet de la crédibilité de l'administration : si
celle-ci communique un délai de réponse à
l'administré, elle devra impérativement le respecter, sous peine
de donner l'impression aux usagers d'un retour à un certain arbitraire.
Dans ce contexte, il semblerait trop lourd d'instituer un véritable
régime de sanction à l'égard de l'administration. La
mention du délai vise à renforcer l'information de l'usager sur
la date à laquelle une décision sera prise. En revanche, il est
essentiel que l'administration prenne des engagements qu'elle est susceptible
de tenir, sans pour autant, pour ce faire, que le délai de
réponse communiqué à l'usager soit identique au
délai au terme duquel l'usager peut se prévaloir d'une
décision implicite...
3. La simplification des commissions administratives
L'article 1
er
, 3°,
du présent projet de loi autorise
enfin le Gouvernement à prendre, par ordonnance, toutes dispositions
visant à
simplifier la composition et le fonctionnement des
commissions administratives et d'en réduire le nombre
.
Le souci d'assurer une concertation lors de la prise de décision au
niveau local a conduit à la multiplication des commissions
départementales et régionales. Particulièrement
nombreuses, celles-ci ont souvent été créées hors
de tout esprit de système, afin de répondre, au cas par cas,
à certaines préoccupations spécifiques.
Dans un récent rapport
61(
*
)
, l'inspection générale
de l'administration a recensé quelque
350 commissions administratives
locales présidées par les préfets de département ou
de région
. Encore ce dénombrement est-il non exhaustif, de
l'aveu même des services du ministère de l'intérieur. Une
telle situation est préjudiciable à l'efficacité de
l'administration. Elle multiplie la charge de travail des préfets, ainsi
que des magistrats de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, souvent
appelés à les présider. En outre, certaines commissions
administratives locales ont des compétences redondantes ; d'autres
ne se réunissent que très rarement.
L'existence et les modalités de fonctionnement de certaines commissions
sont actuellement définies par la voie réglementaire, comme le
comité de pilotage de veille sociale
62(
*
)
, le comité départemental
d'aide à la création d'entreprise
63(
*
)
ou le comité de pilotage
régional de l'observatoire du bruit et du transport terrestre
64(
*
)
. D'autres, en revanche, le sont par la
loi. C'est le cas, par exemple, du conseil départemental
d'insertion
65(
*
)
, du
comité départemental de coordination des politiques de lutte
contre les exclusions
66(
*
)
ou du
comité de coordination régionale de l'emploi et de la formation
professionnelle
67(
*
)
. Cette
circonstance justifie le recours à une norme de valeur
législative. De plus, il peut être souhaitable d'instaurer au
niveau législatif un régime général applicable
à l'ensemble des commissions administratives locales.
La limitation du nombre des commissions administratives
L'habilitation sollicitée par le Gouvernement l'autorise, en premier
lieu, à
supprimer
, par ordonnance,
certaines commissions
existantes dont l'utilité est aujourd'hui discutable.
Déjà, au début des années 1980, le pouvoir
réglementaire s'était attelé à cette tâche.
Les décrets n° 82-389
68(
*
)
et 82-390
69(
*
)
du 10 mai 1982 avaient posé le
principe de la suppression des commissions administratives
départementales et régionales créées par un texte
réglementaire. Ces textes n'ont cependant reçu aucune
application. Par ailleurs aucune mesure de suppression générale
n'a concerné les commissions créées par des textes de
valeur législative. L'intervention du législateur en la
matière est donc nécessaire.
Il ne
s'agit pas de supprimer les commissions administratives dans leur
principe.
Leur existence se justifie par le souci d'assurer une
concertation entre les acteurs de la vie publique lors de la prise de certaines
décisions administratives. Les commissions administratives permettent
d'associer aux représentants des diverses administrations de l'Etat au
niveau local les représentants des collectivités territoriales,
voire dans certaines hypothèses, des personnalités
extérieures bénéficiant d'une qualification ou d'une
compétence particulière.
Il convient toutefois de faire
usage de la pratique des commissions
administratives avec mesure
et retenue. La généralisation de
la pratique des décisions après commission administrative
présente en effet des inconvénients mis en exergue, en 1997, par
M. Pierre-Rémy Houssin dans son rapport sur la simplification de l'Etat
dans ses relations avec le public et les collectivités
territoriales
70(
*
)
.
Elle peut être une source de blocage, tant l'unanimité est, en
pratique, de mise dans ces commissions et dans la mesure où, bien que
ces organes soient le plus souvent chargés de délivrer un simple
avis, l'autorité investie du pouvoir de décision suit
systématiquement leurs recommandations. Cette pratique conduit
également souvent à une dilution des responsabilités chez
les décideurs publics, tandis qu'elle est forte consommatrice de temps
et d'argent pour les administrations.
En outre, elle retarde mécaniquement la prise de décision, sans
que l'apport de l'avis de la commission consultée soit toujours
réel. Ainsi en va-t-il notamment, de la commission départementale
des annonces judiciaires et légales
71(
*
)
, ainsi que de la commission
départementale des dégâts de gibiers
72(
*
)
qui ne bénéficient
d'aucune marge de manoeuvre réelle, les décisions prises au
niveau central ou déconcentré s'imposant d'elles-mêmes par
simple application des critères fixés par les textes
législatifs ou réglementaires.
Il faut par ailleurs souligner que la concertation des différents
acteurs de la vie publique et administrative n'appelle pas toujours
nécessairement le cadre rigide d'une commission. Davantage de
flexibilité peut être souhaitable. Ainsi, le rapport
précité de l'inspection générale de
l'administration soulignait que, «
dans nombre de cas, la
réunion d'une commission apparaît superflue. Une simple
consultation écrite de ses membres suffirait
».
Enfin, certaines commissions n'ont pour fonction que de donner un avis sur
l'octroi, par l'autorité administrative, de certaines autorisations
préalables. Il en va ainsi, notamment de la commission
départementale du commerce non sédentaire
73(
*
)
ou de la commission d'agrément
des activités de ramassage des huiles usagées
74(
*
)
. Or, dans la mesure où le
présent projet de loi habilite, en ses autres dispositions, le
Gouvernement à prendre des mesures visant à substituer des
régimes déclaratifs à certains régimes
d'autorisation préalable existants, il serait nécessaire par
coordination de supprimer ces commissions dans leur forme et avec leurs
compétences actuelles.
Pour l'ensemble de ces raisons, une clarification et une
réévaluation du rôle des différentes commissions
administratives locales s'avère indispensable. L'habilitation
donnée au Gouvernement d'intervenir dans le domaine de la loi pourrait
donc conduire à la
fusion de certaines commissions et au regroupement
des compétences jusqu'alors réparties dans plusieurs formations
distinctes
. Tel pourrait être le cas, en particulier, de la
commission départementale des objets mobiliers
75(
*
)
et de la commission régionale
du patrimoine et des sites
76(
*
)
qui pourraient voir leurs compétences regroupées.
Dans sa version initiale, l'habilitation prévue à l'article
1
er
, 3° du présent projet de loi comportait deux
restrictions
importantes
à l'action du Gouvernement.
La
première était que
les mesures de simplification
envisagées ne sauraient s'étendre aux commissions qui n'ont pas
un caractère consultatif
. Le nombre et la nature des commissions
détentrices d'un pouvoir de décision resteraient donc
inchangés. Seraient également exclues du champ de l'habilitation
les commissions qui sont investies du pouvoir d'émettre des avis
contraignants sur les décisions arrêtées par d'autres
autorités administratives. Cette
limitation a été
maintenue lors de la première lecture du projet de loi par
l'Assemblée nationale
.
En outre, étaient initialement exclues de l'habilitation les commissions
consultatives «
dont la consultation met en cause l'exercice des
libertés publiques ou le principe de libre administration des
collectivités territoriales
». Lors de son examen en
première lecture par l'Assemblée nationale, cette seconde
réserve a été supprimée à la suite d'un
amendement présenté par la commission des Lois de
l'Assemblée nationale et accepté par le Gouvernement. Il a
été jugé qu'une telle réserve était inutile,
la question de la préservation des libertés publiques et du
respect du principe de libre administration des collectivités
territoriales se posant seulement lors de l'adoption des ordonnances et non au
stade de l'habilitation.
Les
garanties offertes tant aux administrés qu'aux
collectivités territoriales doivent être
préservées
. Or, l'intervention de commissions administratives
peut constituer une garantie réelle lorsque sont en cause le respect des
libertés publiques et le principe de libre administration des
collectivités territoriales. Elle doit être
considérée comme un acquis qu'il serait mal venu de remettre en
cause. En revanche, dans un souci de rationalisation, il peut être utile
de réévaluer les compétences dévolues à
chacune des commissions administratives intervenant dans des situations
où la libre administration ou les libertés publiques sont en
cause. Dans sa rédaction initiale, le présent projet de loi ne le
permettait pas. La nouvelle formulation retenue par l'Assemblée
l'autorise désormais, mais n'encadre pas suffisamment l'action du
Gouvernement en la matière. Or, l'habilitation doit imposer au
Gouvernement de respecter ces principes essentiels.
Votre commission des Lois vous soumet, en conséquence,
un
amendement
tendant à préciser que, lors de l'adoption des
ordonnances,
le Gouvernement devra maintenir la consultation d'une
commission administrative lorsque l'exercice d'une liberté publique ou
le principe de libre administration des collectivités territoriales est
en cause.
La modification de la composition et du recrutement des commissions
administratives
Le présent projet de loi autorise également le Gouvernement
à
modifier
, par ordonnance, la
composition et le
fonctionnement des commissions administratives
.
Une certaine uniformisation des modes de recrutement, des compétences et
des modalités de fonctionnement permettrait sans conteste de simplifier
la « lisibilité » et l'efficacité du
dispositif consultatif existant au niveau de l'administration
déconcentrée.
A cet égard, l'ordonnance prévue par le présent article
devrait contribuer à
réduire la participation des magistrats
de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif à certaines
commissions administratives locales
.
Les magistrats du siège, tout comme ceux du parquet, sont en effet
tenus, en vertu de dispositions législatives ou réglementaires,
de participer à de nombreuses commissions administratives. En 2002, la
mission d'information de la commission des Lois sur l'évolution des
métiers de la justice en a dénombré 135 qui recouvrent des
domaines variés de l'activité administrative et a
recommandé de réduire la présence des magistrats aux
«
seules commissions dont les activités mettent en cause
les libertés publiques ou relèvent par nature de la sphère
judiciaire
»
77(
*
)
.
La présence de magistrats au sein de certaines commissions
s'avère sans aucun doute pertinente lorsque les décisions rendues
sont susceptibles de mettre en cause une liberté publique. Il en va
ainsi tout particulièrement dans le domaine électoral où
la participation des magistrats est très développée. Leur
participation est exigée, en particulier, dans les commissions de
contrôle des opérations de vote (articles L. 85-1 et R. 93-2 du
code électoral), ainsi que les commissions de propagande pour
l'élection des députés (article R. 32 du code
électoral) et des sénateurs (article R. 158 du code
électoral).
En revanche, comme le relevait M. Jean-Paul Collomp, inspecteur
général des services judiciaires, dans nombre de commissions
administratives, «
la présence d'un magistrat ne
paraît justifiée que par rapport à un rôle
d'impartialité. Or, cette prétendue garantie semble totalement
factice
»
78(
*
)
. Les
magistrats sont ainsi membres, dans le domaine social ou médical de
vingt-cinq commissions, aux compétences variées et disparates,
telles que la commission d'admission à l'aide sociale, les commissions
départementales et centrale d'aide sociale ou la commission
départementale de la médaille de la famille française.
Est-il toujours indispensable de mobiliser l'expertise et le temps des
magistrats en ces divers domaines ? Il convient de libérer les
juges judiciaires de ces fonctions inutiles afin de leur permettre de se
recentrer sur leur fonction première : celle de juger.
L'ensemble des mesures prévues au présent article devra
intervenir dans un délai de douze mois à compter de la
publication de la présente loi.
Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle
vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'
adopter l'article
1
er
du présent projet de loi ainsi modifié.
Article 2
Habilitation à simplifier les conditions de
publication
et d'entrée en vigueur des
textes
L'article 2 du présent projet de loi d'habilitation tend
à autoriser le Gouvernement à modifier, par ordonnance, les
règles relatives au
régime d'entrée en vigueur des
actes législatifs et administratifs, ainsi que les modalités de
leur diffusion au public
.
La détermination de la date d'entrée en vigueur des lois et des
actes administratifs est fondamentale, tant sur le plan juridique que sur le
plan politique. Il est essentiel, dans une démocratie, que les citoyens
sachent clairement quand une norme à caractère obligatoire leur
est opposable. Or, dans son
Rapport 1993
, la Cour de cassation
soulignait déjà la nécessité de modifier les
dispositions législatives qui régissent la matière, afin
de les «
adapter au monde moderne
»
79(
*
)
.
Les règles actuelles relatives à l'entrée en vigueur des
actes juridiques se caractérisent par leur ancienneté. Les textes
qui régissent les conditions d'entrée en vigueur et de
publication des lois, ordonnances et décrets remontent tous au
XIXème siècle. Le droit positif s'articule autour de cinq
textes : la loi du 12 vendémiaire an IV, l'article 1
er
du code civil, les ordonnances des 27 novembre 1816 et 18 janvier 1817 ainsi
que le décret du 5 novembre 1870. Compte tenu des évolutions
de la société, ces textes apparaissent dans une certaine mesure
dépassés, quand bien même les principes qu'ils
énoncent doivent être maintenus.
Aux termes des textes précités, le caractère obligatoire
d'une loi ou d'un acte administratif et son entrée en vigueur sont
conditionnés par l'accomplissement de formalités de
publicité. Cependant, aucun texte ne définit une date
d'entrée en vigueur uniforme pour ces différentes
catégories d'actes. De plus, les formalités de publicité
sont diverses selon les actes en cause.
La simplification des modalités d'entrée en vigueur des
textes
L'entrée en vigueur d'une loi ou d'un acte administratif, quel qu'il
soit, est soumise à une mesure de publicité qui constitue un
élément essentiel de sécurité juridique pour les
administrés. Toutefois, la détermination de la date de cette
entrée en vigueur apparaît, en l'état actuel de la
législation, passablement complexe.
- La
loi
peut, en premier lieu, prévoir expressément sa
date d'entrée en vigueur. Dans cette hypothèse, celle-ci
interviendra à la date spécifiée, une fois sa promulgation
et sa publication valablement effectuées.
La loi peut cependant ne contenir aucune disposition quant à sa date
d'entrée en vigueur. Dans ce cas, cette dernière varie selon la
partie du territoire national dans laquelle se trouvent les citoyens.
Ainsi, à Paris, la loi promulguée entre en vigueur au terme d'un
délai d'un jour franc à compter de la date de publication au
Journal officiel de la République française
. En revanche,
sur le reste du territoire métropolitain, dans les départements
d'outre-mer ainsi qu'à Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon, la loi
n'entre en vigueur qu'un jour franc après la date de réception du
Journal officiel
au chef-lieu de l'arrondissement ou des
collectivités de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon. Encore faut-il
préciser qu'un régime d'entrée en vigueur d'urgence est
également prévu et permet, le cas échéant,
d'assurer l'entrée en vigueur du texte dès son affichage par le
préfet. Dans les autres collectivités d'outre-mer,
l'entrée en vigueur de la loi n'intervient qu'à la date de sa
publication dans le journal officiel particulier de la collectivité.
Enfin, quand bien même la loi aurait elle-même
précisé la date de son entrée en vigueur ou quand bien
même les délais d'opposabilité précédemment
exposés auraient été respectés, la loi ou certaines
de ses dispositions peut ne pas entrer en vigueur faute pour le pouvoir
réglementaire d'avoir édicté les décrets
nécessaires à son application.
Le
régime actuel développe
donc,
paradoxalement
,
une certaine insécurité juridique
chez les citoyens et
est, au quotidien,
source de nombreuses difficultés contentieuses
.
- L'entrée en vigueur des
actes administratifs
n'est, quant
à elle, pas moins complexe. Aucun texte de portée
générale n'intéresse la matière, les règles
applicables résultant seulement de textes particuliers ou de la
jurisprudence administrative.
L'entrée en vigueur des ordonnances, décrets et autres actes
administratifs est conditionnée par leur publication au
Journal
officiel
ou sur un autre support et la date de leur entrée en
vigueur est définie conformément au régime applicable pour
les lois. Toutefois, l'entrée en vigueur des décisions
individuelles administratives défavorables à leur destinataire
n'est opposable à ces derniers qu'à compter de leur notification.
Un régime spécifique d'entrée en vigueur est prévu
pour les actes des collectivités locales depuis 1982. Le code
général des collectivités territoriales distingue, sur ce
point, les actes dits « transmissibles », qui n'entrent en
vigueur qu'à compter de leur réception par le représentant
de l'Etat dans le département, et les actes dits « non
transmissibles », qui prennent effet à compter de leur
publication (articles L. 2131-1, L. 3131-1 et 4141-1 du code
général des collectivités territoriales).
Malgré la complexité de la situation engendrée par
l'absence de règle uniforme,
l'adage «
nul n'est
censé ignorer la loi
», et plus
généralement, les normes juridiques,
qu'elles soient de
nature législative ou réglementaire
, reste applicable
.
Le présent projet de loi autorise le Gouvernement à
modifier
les règles susmentionnées
, afin de simplifier et d'unifier le
régime juridique applicable aux différents textes.
Dans ce travail, le Gouvernement pourrait utilement s'inspirer des propositions
faites par l'Assemblée générale du Conseil d'Etat dans une
étude intitulée
Publication et entrée en vigueur des
lois et de certains actes administratifs
.
80(
*
)
Il y aurait lieu, tout d'abord, de
simplifier les
diverses
sources
législatives
en la
matière afin de déterminer dans un seul texte les règles
applicables à l'entrée en vigueur des actes législatifs et
administratifs. Cette démarche pourrait conduire à abroger la loi
du 12 vendémiaire an IV, les ordonnances des 27 novembre 1816 et 18
janvier 1817 ainsi que le décret du 5 novembre 1870. Le
régime d'entrée en vigueur des lois pourrait être
défini à l'article 1
er
du code civil
81(
*
)
dont la rédaction serait
modifiée à cette fin. Une disposition à caractère
général pourrait concerner l'ensemble des actes administratifs.
La
modulation de la date d'entrée en vigueur des textes
devrait
également être réexaminée, dès lors que les
motifs qui ont conduit à l'instituer ont aujourd'hui disparu. Ainsi, une
même date d'entrée en vigueur pourrait être prévue
sur l'ensemble du territoire métropolitain ainsi que dans les
départements d'outre-mer, à Mayotte et à
Saint-Pierre-et-Miquelon, auxquels s'applique le principe d'assimilation
législative. En revanche, compte tenu du principe de
spécialité législative applicable dans les autres
collectivités d'outre-mer, il pourrait être pertinent de continuer
à soumettre l'entrée en vigueur des textes à une
formalité supplémentaire de publicité.
Ces modifications ne régleront cependant pas la
difficulté qui
résulte du défaut d'entrée en vigueur d'une loi
ou de
certaines de ses dispositions
, en raison de la carence du pouvoir
réglementaire à assurer,
dans un délai raisonnable,
son rôle d'exécution des lois.
Bien que la jurisprudence
administrative ait consacré l'obligation pour le pouvoir
réglementaire de prendre toutes mesures nécessaires à
l'exécution des lois
82(
*
)
,
les décrets d'application des lois se font trop souvent attendre. Seule
une meilleure organisation du travail gouvernemental en la matière
serait de nature à pallier l'insuffisance constatée.
La modernisation des modalités de publicité des textes
Le développement technologique a considérablement modifié
le rapport du citoyen aux normes législatives et réglementaires.
Grâce aux réseaux informatiques et, en premier lieu, grâce
au développement de l'Internet, les citoyens peuvent avoir plus
rapidement accès à la règle juridique. A cet égard,
des créations comme le site
« www.legifrance.gouv.fr » ont rendu plus facilement
accessible la législation et la réglementation. Aussi, les
modalités de publicité prévues par les textes en vigueur
n'apparaissent-elles plus adaptées à l'évolution de notre
société. La publication papier ne doit plus être
considérée comme le seul moyen de porter à la connaissance
des citoyens les normes juridiques qui leur sont opposables.
L
es possibilités offertes par les nouvelles technologies de
l'information et de la communication doivent
donc
être davantage
prises en compte dans la définition des conditions de publicité
des textes juridiques.
Un premier pas a déjà été accompli dans cette
direction lors de l'adoption de la loi n° 2002-276 du 27 février
2002 relative à la démocratie de proximité qui a
prévu, en son article 6-VII, que les actes des collectivités
territoriales pouvaient faire l'objet d'une publication ou d'un affichage,
à titre complémentaire et non exclusif, sur un support
numérique. Dans ce contexte, l'ordonnance pourrait utilement reprendre
les propositions présentées par l'Assemblée
générale du Conseil d'Etat dans son étude
précitée du 27 septembre 2001.
Sans remettre en cause la nécessité d'une publication des textes
juridiques sur un support papier -en premier lieu, au
Journal officiel
-,
l'ordonnance prise sur la base du présent article pourrait imposer la
publication en ligne
des actes législatifs et administratifs
en conférant à ce dernier mode de publication une valeur
juridique identique à la publication sur support papier
.
A terme, la question pourrait se poser de limiter la formalité de
publicité de certains actes administratifs à leur seule
publication par voie électronique. La généralisation de ce
mode unique de publication devra néanmoins nécessairement prendre
en compte l'effectivité de l'accès des citoyens aux nouvelles
technologies de l'information. A cet égard, il faut noter que selon un
sondage conduit en mars 2002, seuls 53% des Français disposaient d'un
accès à Internet
83(
*
)
. Cette possibilité devrait donc
être limitée à certaines catégories d'actes qui
intéressent des catégories de personnes limitées dont on
peut raisonnablement penser qu'elles ne seraient pas défavorisées
par ce mode de publication (par exemple, les avis d'appel d'offre en
matière de marchés publics).
La mise en ligne de certaines décisions individuelles peut toutefois
susciter certaines craintes dès lors qu'elle pourrait, dans son
principe, porter atteinte au principe de protection de la vie privée des
citoyens. Les moteurs de recherche sur Internet sont désormais puissants
et permettent de trouver des informations très précises en
quelques secondes. Il faut donc éviter que la mise en ligne de
décisions individuelles ne soit de nature à permettre à un
internaute, quelles que soient ses intentions, de rassembler l'ensemble des
éléments concernant la vie privée d'une personne. Une
telle faculté irait à l'encontre des principes
énoncés par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative
à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
L'étude précitée de l'Assemblée
générale du Conseil d'Etat a prévu, dans ce cadre, que des
décrets en Conseil d'Etat pourraient définir les actes relatifs
à l'état des personnes qui ne feraient l'objet que d'une
publication sur un support papier. Cette réserve permettrait ainsi de ne
pas publier en ligne les actes administratifs prononçant, par exemple,
la naturalisation des personnes ou autorisant le changement des noms
patronymiques.
Il convient toutefois de relever que, en cas de modification de la
législation existante, la Commission nationale de l'informatique et des
libertés s'est, sur cette question, estimée favorable à ce
que, pour les décisions administratives nominatives, la règle
retenue soit celle de l'absence de publication sur support électronique.
Par exception, des décrets en Conseil d'Etat détermineraient, au
cas par cas, les décisions pouvant faire l'objet d'une mise en
ligne
84(
*
)
.
Les mesures prises par ordonnance sur la base du présent article devront
intervenir dans un délai de douze mois à compter de la
publication de la présente loi.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois
vous propose d'
adopter
l'article 2 sans modification
.
Article 3
Habilitation à clarifier le droit de la commande
publique
Cet
article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale en
première lecture, a pour objet d'habiliter le Gouvernement à
clarifier, par voie d'ordonnance, le droit de la commande publique.
Le champ de l'habilitation serait circonscrit :
1° aux mesures nécessaires pour rendre compatibles avec le
droit communautaire
les dispositions législatives relatives
à la passation des
marchés publics
;
2° aux mesures permettant de clarifier les règles applicables
aux
marchés passés par certains organismes non soumis au code
des marchés publics
.
Il est vrai que le
droit de la commande publique
s'avère pour le
moins
hermétique
en raison, d'une part, de la
superposition de
règles communautaires et nationales
qui ne se recoupent pas toujours
et, d'autre part, de l'
application de règles différentes
,
au niveau national
, selon la nature des commanditaires, les uns
étant soumis au code des marchés publics, les autres étant
régis par différents textes, en particulier la loi
n° 91-3 du 3 janvier 1991 relative à la transparence et
à la régularité des procédures de marchés et
soumettant la passation de certains contrats à des règles de
publicité et de mise en concurrence.
Le délai d'habilitation prévu pour cet article serait
fixé, selon l'article 28 du présent projet de loi, à
douze mois
à partir de la publication de la loi.
Votre rapporteur ne saurait trop insister sur l'importance de cette question
et la nécessité de mettre fin à la grande
insécurité juridique dans laquelle se trouvent actuellement les
commanditaires publics
.
La
commande publique
représente, selon les chiffres du
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie,
110 milliards d'euros par an, soit environ 9 % du produit
intérieur brut
français. Au niveau communautaire, les
marchés passés par les pouvoirs publics représentaient
11 % du produit intérieur brut de la Communauté
européenne en 1996.
S'il importe de mettre les règles nationales en conformité avec
un droit communautaire en pleine mutation, il convient également de
clarifier un droit qui a pu être qualifié
d'« éclaté ». Aussi votre commission des Lois
juge-t-elle justifiée la demande d'habilitation formulée par le
présent article, le recours aux ordonnances devant permettre de
clarifier
et
de
sécuriser
rapidement le droit de la
commande publique.
1. Un droit communautaire en pleine mutation
Les directives communautaires régissant la commande publique s'imposent,
en vertu de leur champ d'application organique, à l'ensemble des
« pouvoirs adjudicateurs
», c'est-à-dire
à l'Etat, aux collectivités territoriales, aux organismes de
droit public, ainsi qu'aux associations formées par une ou plusieurs de
ces collectivités ou de ces organismes de droit public.
Est considéré comme un organisme de droit public par les
directives communautaires relatives à la commande publique :
«
tout organisme créé pour satisfaire
spécifiquement des besoins d'intérêt général
ayant un caractère
autre qu'industriel ou commercial
et
doté d'une personnalité juridique et dont l'activité est
financée majoritairement par l'Etat, les collectivités
territoriales ou d'autres organismes de droit public dont, soit la gestion est
soumise à un contrôle par ces derniers, soit l'organe
d'administration, de direction ou de surveillance est composé de membres
dont plus de la moitié est désignée par l'État, les
collectivités territoriales ou d'autres organismes de droit
public.
». Certains établissements publics industriels et
commerciaux nationaux sont des organismes de droit public au sens de cette
définition, dans la mesure où ils ne satisfont pas, malgré
leur statut, un besoin d'intérêt général ayant un
caractère industriel et commercial au sens du droit communautaire. Tel
est notamment le cas de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de
l'énergie (ADEME).
Outre les dispositions des traités, les règles communautaires en
matière de commande publique sont posées par des
directives
communautaires
. Il s'agit notamment des directives n° 93/37/CEE du
Conseil du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation
des marchés publics de travaux, n° 92/13/CEE du conseil de la
même date portant coordination des procédures de passation des
marchés (de fourniture, de travaux et de services) dans les secteurs de
l'eau, de l'énergie, des transports et des
télécommunications et n° 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin
1992, portant coordination des procédures de passation des
marchés publics de services. Les deux premières ont pour champ
d'application les secteurs dits « classiques », par
opposition au champ de la troisième, relative aux « secteurs
exclus » (eau, énergie, transports et
télécommunications).
Les dernières directives modifiant les règles de passation des
marchés publics sont la directive n° 97/52/CE du Parlement
Européen et du Conseil du 13 octobre 1997 modifiant les directives
92/50/CEE, 93/36/CEE et 93/37/CEE portant coordination des procédures de
passation des marchés publics de services, des marchés publics de
fournitures et des marchés publics de travaux respectivement et la
directive n° 98/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 16
février 1998 modifiant la directive 93/38/CEE portant coordination des
procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau,
de l'énergie, des transports et des télécommunications.
Afin de tenir compte des règles posées par le nouvel accord des
marchés publics (AMP) conclu dans le cadre de l'Organisation Mondiale du
Commerce, ces deux directives ont modifié certaines dispositions
relatives aux « secteurs classiques » et aux
« secteurs exclus », par exemple en matière de
délais de réception des demandes de participation ou des offres.
Ces règles communautaires, extrêmement diffuses, font actuellement
l'objet d'une
réforme profonde
. Elle devrait aboutir à la
rédaction de deux directives, l'une étant relative aux
« secteurs classiques » et l'autre aux « secteurs
exclus », et être adoptées avant avril 2004.
2. Un droit national éclaté
• Le code des marchés publics
Il régit un nombre considérable de marchés publics.
Toutefois, certains marchés demeurent non soumis au code des
marchés publics.
Le nouveau code des marchés publics, annexé au décret
n° 2001-210 du 7 mars 2001, est entré en vigueur, pour l'essentiel
de ses dispositions, le 8 septembre 2001. Il devait apporter une
clarification et une simplification, attendues depuis très longtemps,
des règles applicables.
Dans son avis présenté au nom de votre commission des Lois sur le
projet de loi portant mesures urgentes de réformes à
caractère économique et financier (MURCEF), notre excellent
collègue Pierre Jarlier avait cependant regretté :
- d'une part, que le
Parlement
n'ait
pas
été
associé
à cette réforme essentielle, le Conseil
d'Etat ayant pourtant jugé, dans un arrêt du
29 avril 1981
85(
*
)
, que les dispositions du code des
marchés publics applicables aux collectivités locales relevaient
du domaine de la loi ;
- d'autre part, l'
absence d'une réforme d'ensemble de la
commande publique
qui eût permis de rassembler dans un même
code l'ensemble des règles dans ce domaine, qu'il s'agisse, par exemple,
des dispositions relatives aux délégations de service public ou
des dispositions de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à
la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la
maîtrise d'oeuvre privée
86(
*
)
.
Dans un arrêt du 5 mars 2003, « Ordre des avocats à la
cour d'appel de Paris », le Conseil d'Etat a confirmé que les
dispositions du code des marchés publics applicables aux
collectivités locales
relevaient du
domaine de la loi
, alors
que «
ni l'article 34 de la Constitution ni aucune autre
règle de valeur constitutionnelle n'exige que les conditions de
passation des marchés passés par l'Etat soient définies
par la loi
», mais a estimé que le décret-loi du 12
novembre 1938 conférait au Premier ministre le pouvoir d'étendre
aux collectivités territoriales les dispositions prises pour
l'État.
A peine publié, le nouveau code des marchés publics a fait
l'objet de nombreuses critiques tenant, d'une part, au manque de clarté
de certaines de ses dispositions, en particulier la notion de
« prestations homogènes » utilisée pour
apprécier les seuils et, d'autre part, du non respect du droit
communautaire.
La Commission européenne a demandé
, le 17 octobre 2002,
que plusieurs
articles
soient
modifiés
afin d'être
mis en conformité avec les directives communautaires
. Les
principales critiques portent sur l'absence de respect des seuils prévus
par la directive services et du principe de non-discrimination et
d'égalité de traitement en cas d'achats non soumis aux
procédures détaillées des directives
« marchés publics », sur la nécessaire
soumission aux règles de publicité et de mise en concurrence des
emprunts et engagements financiers et des contrats de mandat, sur les
procédures négociées non prévues par les
directives, sur la non conformité au droit communautaire, non seulement
des règles relatives aux modes de preuves offerts aux soumissionnaires
des autres États membres pour justifier de leur régularité
fiscale et sociale, mais également des dispositions du code relatives
à la pré-information, aux variantes et au nombres minimal de
participants dans une procédure restreinte.
Dans un arrêt du 5 mars 2003, « Union nationale des services
publics industriels et commerciaux », le
Conseil d'Etat
a,
quant à lui,
annulé le 3° de l'article 7 du nouveau code
des marchés publics
qui excluait les contrats de mandat du champ
d'application du code, en invoquant la méconnaissance des principes de
transparence et de mise en concurrence posés par la directive
précitée du Conseil du 18 juin 1992 portant coordination des
procédures de passation des marchés publics de services.
Un
décret portant réforme
du code des marchés
publics devrait donc être publié
avant la fin du mois de
juin
. Cette réforme ne nécessite, bien évidemment,
aucune mesure d'habilitation et n'entre pas dans le champ du présent
article puisqu'elle relève de la compétence du pouvoir
réglementaire.
• Les dispositions législatives régissant le droit de
certains marchés publics.
Le nouveau code des marchés publics ne couvre pas l'ensemble du
droit
de la commande publique
. Aux termes de son article 2-I, il ne
s'applique qu'aux «
marchés conclus par l'Etat, ses
établissements publics autres que ceux ayant un caractère
industriel et commercial, les collectivités territoriales et tous leurs
établissements publics.
»
Les
autres marchés
, sans évoquer le cas des
délégations de service public, n'échappent pas pour autant
au droit de la concurrence. Ils sont régis par des textes épars,
au premier rang desquels figurent la
loi n° 91-3 du 3 janvier
1991
relative à la transparence et à la
régularité des procédures de marchés et soumettant
la passation de certains contrats à des règles de
publicité et de mise en concurrence et
la loi n° 92-1282 du
11 décembre 1992
relative aux procédures de passation de
certains contrats dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des
transports et des télécommunications.
Ces deux lois permettent de faire
respecter le droit communautaire par les
organismes de droit public non soumis au code des marchés publics
,
tels que les sociétés d'économie mixte.
Elles ont été modifiées afin de permettre la transposition
respectivement de la directive du Conseil du 14 juin 1993
précitée portant coordination des procédures de passation
des marchés publics de travaux et de la directive du Conseil de la
même date précitée portant coordination des
procédures de passation des marchés (de fournitures, de travaux
et de services) dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports
et des télécommunications.
Par ailleurs,
la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001
portant mesures urgentes de réformes à caractère
économique et financier (MURCEF) a intégré les
établissements publics industriels et commerciaux, ainsi que les
groupements d'intérêt public dans le champ d'application de la loi
de transposition du 3 janvier 1991 précitée, afin de les
soumettre aux règles de passation communautaires dès lors qu'ils
satisfont « un besoin autre qu'industriel et
commercial »
87(
*
)
.
La
loi n° 2001-420 du 15 mai 2001
relative aux nouvelles
régulations économiques (NRE) contient également deux
dispositions (articles 54 et 55) relatives aux sommes dues en exécution
d'un marché public et aux éventuels intérêts
moratoires dus à raison du dépassement du délai de
paiement.
Concernant les sociétés d'économie mixte,
la loi
n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention
de la corruption et à la transparence de la vie économique et des
procédures publiques, dite « loi Sapin »,
a
précisé que «
les contrats de travaux,
d'études et de maîtrise d'oeuvre conclus pour l'exécution
ou les besoins du service public par les sociétés
d'économie mixte, en leur nom ou pour le compte de personnes publiques,
sont soumis aux principes de publicité et de mise en concurrence
prévus par le code des marchés publics dans des conditions
fixées par décret en Conseil d'Etat
» (article 48).
Enfin, plusieurs dispositions législatives codifiées soumettent
certains organismes au respect des règles de passation des
marchés publics.
Ainsi en est-il des articles
L. 6141-7 et suivants du code de la
santé publique, relatifs aux établissements publics de
santé, et de l'article L. 124-4 du code de la
sécurité sociale
, aux termes duquel «
les
travaux, les fournitures, les prestations intellectuelles et les services pour
le compte des organismes de droit privé jouissant de la
personnalité civile assurant en tout ou partie la gestion d'un
régime légalement obligatoire d'assurance contre la maladie, la
maternité, la vieillesse, l'invalidité, le décès,
le veuvage, les accidents du travail et les maladies professionnelles ou de
prestations familiales, ainsi que des unions ou fédérations
desdits organismes, font l'objet de marchés dont le mode de passation et
les conditions d'exécution respectent les garanties prévues en
matière de marchés de l'État
».
Enfin, les contrats conclus par les organismes privés d'habitations
à loyer modéré et par les sociétés
d'économie mixte exerçant une activité de construction ou
de gestion de logements sociaux sont également soumis aux principes de
publicité, de mise en concurrence et d'exécution prévus
par le code des marchés publics en vertu des articles
L. 433-1 et L.
481-4 du code de la construction et de l'habitat
.
3. Une demande d'habilitation justifiée
L'objet de l'habilitation proposée par le présent article est
tout d'abord justifié car il est urgent de
rendre le droit national
compatible avec le droit communautaire
. En effet, toutes nos lois n'ont pas
évoluées au même rythme que les normes communautaires.
Certaines
règles de passation des marchés publics demeurent
ainsi applicables à certains organismes
, alors même qu'ils
n'entrent plus dans le champ d'application des directives communautaires.
L'exposé des motifs du présent projet de loi cite l'exemple de
France Telecom qui «
demeure soumis à des procédures
de passation pour ses marchés, alors même que depuis deux ans les
opérateurs de télécommunications ne se trouvent plus
soumis à aucune règle communautaire en ce domaine, tout
simplement parce que la loi du 11 décembre 1992 n'a pas encore
prévu de mécanisme de sortie, au contraire de la directive que
cette loi transposait.
»
Or, si ces modifications ont bien été prises en compte lors de la
rédaction du nouveau code des marchés publics, elles n'ont pas
été intégrées dans le régime juridique
défini par les lois du 3 janvier 1991 et du 11 décembre 1992
précitées. Par conséquent,
ces lois ne sont plus
exactement compatibles avec les règles communautaires
.
Votre rapporteur estime que les ordonnances prises en application du
présent article seront
d'autant plus efficaces qu'elles prendront en
compte les évolutions en cours du droit communautaire
. Il serait
regrettable que, quelques mois après l'adoption des ordonnances, les
dispositions législatives nouvellement modifiées ne soient de
nouveau plus compatibles avec les règles communautaires. Le délai
d'habilitation prévu par l'article 28 du présent projet de loi
devrait permettre de transposer, par ordonnance, les prochaines directives
communautaires relatives aux marchés publics.
Le
second objet
de cette demande d'habilitation - permettre une
clarification des règles applicables aux organismes de droit public
non soumis au code des marchés publics
-
est
également justifié
.
A titre d'exemple, les
sociétés d'économie mixte
relèvent à la fois des dispositions de la loi du 3 janvier 1991,
de la loi 11 décembre 1992 ainsi que de la loi du 29 janvier 1993. Elles
sont ainsi soumises à des règles différentes selon leur
secteur d'activité. Une clarification et une simplification s'imposent
pour d'évidentes raisons de sécurité juridique.
A terme, il serait souhaitable, de rassembler dans un même code
l'ensemble des règles régissant la commande publique en
procédant, comme le proposait le projet de loi déposé en
1997 par le Gouvernement de M. Alain Juppé, à leur reclassement
entre les principes fondamentaux, qui sont du ressort de la loi, les
mécanismes d'application d'ordre public, qui relèvent du
décret, et les règles supplétives, qui peuvent trouver
place dans de simples recommandations.
Une telle réforme fournirait l'occasion de donner une valeur
législative aux principes qui gouvernent l'achat public par l'Etat et
ses établissements publics, par parallélisme avec ce qui est
constitutionnellement nécessaire pour les marchés des
collectivités territoriales.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois
vous propose d'
adopter l'article 2
sans modification
.
Article 4
Habilitation à aménager le régime juridique
de contrats existants
et à créer de nouvelles formes de
contrats
en matière de commande
publique
Cet
article autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance les
dispositions nécessaires pour
aménager le régime
juridique des contrats existants et créer de nouvelles formes de
contrats
conclus par des personnes publiques ou privées
chargées d'une mission de service public ayant pour objet la conception,
la réalisation, la transformation, l'exploitation et le financement
d'équipements publics ou la gestion et le financement de services, ou
une combinaison de ces différentes missions.
Il s'agira de déterminer les règles de publicité et de
mise en concurrence relatives au choix du co-contractant, ainsi que les
principes de transparence et de contrôle relatifs au mode de
rémunération de ce dernier, à la qualité des
prestations et au respect des exigences de service public.
Enfin, cet article prévoit que le Gouvernement étende et adapte
la plupart des dispositions prévues à l'article 3 de la loi
n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour
la sécurité intérieure à d'autres besoins et
à d'autres personnes publiques.
Le délai d'habilitation pour cet article est fixé à
12
mois
à compter de la publication de la loi d'habilitation.
• La nécessité d'assouplir les règles
actuelles
La
gestion immobilière
est actuellement
strictement
encadrée
par les dispositions de la loi n° 85-704 du 12 juillet
1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses
rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée (dite « loi
MOP ») ainsi que le code des marchés publics.
En effet,
la
«
loi MOP
» impose le
découpage de l'opération en plusieurs phases distinctes ainsi que
des procédures particulières et distinctes pour le choix du
maître d'oeuvre puis des entreprises.
L'article 7 de la loi du 12 juillet 1985 précitée pose le
principe selon lequel la mission de maîtrise d'oeuvre doit être
distincte de celle d'entrepreneur
. Répondant ainsi aux exigences de
transparence et de contrôle des passations de contrat dans la
maîtrise d'ouvrage publique, cette procédure classique allonge
toutefois considérablement le délai de réalisation des
opérations immobilières. De plus, la multiplicité des
acteurs intervenant sur le projet immobilier crée une dilution des
responsabilités alourdissant encore davantage la
procédure
88(
*
)
.
Seul l'article 18 de cette même loi autorise, sous des conditions
très restrictives et dans des cas très particuliers, la passation
de marchés communs, et ce seulement pour la conception et la
réalisation de travaux : «
le maître de
l'ouvrage peut confier par contrat à un groupement de personnes de droit
privé ou, pour les seuls ouvrages d'infrastructure, à une
personne de droit privé, une mission portant à la fois sur
l'établissement des études et l'exécution des travaux,
lorsque des motifs d'ordre technique rendent nécessaire l'association de
l'entrepreneur aux études de l'ouvrage.
» Certaines
opérations immobilières telles que la construction de stations
d'épuration ont répondu à ces critères mais elles
ne constituent qu'un petit nombre.
L'article 2 de la loi « MOP » dispose que le
maître de l'ouvrage est la personne morale pour laquelle l'ouvrage est
construit
.
Le code des marchés publics
pose également quelques
principes limitant la possibilité de partenariat public-privé et
de contrats globaux.
L'article 10 du nouveau code des
marchés publics
dispose que les
marchés
ne peuvent porter à la fois sur la construction et sur
l'exploitation ou la maintenance
d'un ouvrage
89(
*
)
. Il pose également le
principe de l'allotissement
.
L'article 94 du nouveau code des marchés publics
90(
*
)
pose le principe selon lequel
«
est interdite l'insertion dans un marché de toute clause
de paiement différé
», ce qui limite fortement la
possibilité de partenariat public-privé.
Ainsi, les marchés d'entreprise de travaux publics (METP)
contrevenaient-ils à ce principe d'interdiction du paiement
différé, dans la mesure où la personne publique versait
à l'entreprise, qui avait été chargée de construire
ou réhabiliter un ouvrage public et qui en assurait l'exploitation
pendant assez longtemps, une rémunération
échelonnée sur plusieurs années et comprenant le
coût de la construction ainsi que de l'exploitation de l'ouvrage. Ce
partenariat public-privé français fut donc interdit par le
Conseil d'Etat
91(
*
)
.
La
concession
, système dans lequel
l'investissement
repose
uniquement
sur des fonds privés
, continue d'être
employée par les personnes publiques. Le concessionnaire perçoit
dans ce cas une rémunération sur le produit des redevances qu'il
perçoit des usagers de l'ouvrage public ou du service public qu'il
exploite
92(
*
)
.
Confronté à la nécessité d'augmenter rapidement et
massivement le nombre de places dans les établissements
pénitentiaires, le garde des sceaux Albin Chalandon avait, par la loi
n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire,
choisi de passer des
contrats globaux de conception, de construction et
d'aménagement des établissements
pénitentiaires
93(
*
)
.
Ainsi, dans le cadre de son « programme 13.000 »
(places), le ministre est parvenu à construire vingt-et-un
établissements pénitentiaires entre 1990 et 1992. Ont
également été déléguées la gestion et
l'exploitation de l'ensemble des services concourant au fonctionnement des
nouveaux établissements, tels que la maintenance, l'entretien, le
transport, l'hôtellerie, la restauration ou encore l'organisation du
travail et de la formation professionnelle.
L'article 13-II de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration
de la décentralisation, codifié à l'article L.
1311-2
94(
*
)
du code
général des collectivités territoriales, a ouvert la
possibilité aux seules
collectivités territoriales, et
à leurs établissements, de consentir un bail emphytéotique
sur les dépendances de leur domaine public à l'exception des
voies publiques et de leurs dépendances
. Par définition, ce
bail est pris pour une longue durée (18 à 99 ans) et
confère au preneur un droit réel. De plus, il peut être
conclu «
en vue de l'accomplissement, pour le compte de la
collectivité territoriale, d'une mission de service public ou en vue de
la réalisation d'une opération d'intérêt
général relevant de sa compétence
» (article
L. 1311-2 du code général des collectivités
territoriales).
Le bail emphytéotique est un moyen employé par les
collectivités pour
capter les financements privés
sur leur
domaine public du fait de la
création de droits réels
et
de la
longue durée des contrats
. Toutefois, le recours au bail
emphytéotique est strictement encadré dans la mesure où il
constitue une dérogation au principe de l'inaliénabilité
du domaine public.
A l'étranger, le partenariat public-privé, loin d'être
interdit, se développe depuis plusieurs années.
Le private
finance initiative
(PFI), créé par le gouvernement
britannique, en constitue l'exemple le plus remarquable. Cette opération
est conclue entre différents acteurs et mêle plusieurs contrats.
Tout d'abord, un contrat de longue durée portant sur la conception, la
réalisation et l'exploitation d'un équipement est signé
entre une personne publique et une personne privée, nommée
société de projet. Cette dernière reçoit une
rémunération de l'administration qui s'appuie pour partie sur la
performance et la qualité du service effectué. En outre, la
société de projet signe un contrat avec une banque afin d'obtenir
le financement nécessaire pour la construction de l'équipement,
le prêt étant garanti par la personne publique qui signe un
«
direct agreement
» avec ladite banque. Le private
finance initiative est un instrument très efficace pour la conception,
la réalisation et l'exploitation des constructions immobilières
publiques anglo-saxonnes.
En France,
les lois
n° 2002-1138 du 9 septembre 2002
d'orientation et de programmation pour la Justice
et n° 2002-1094
du 29 août 2002
d'orientation et de programmation pour la
sécurité intérieure
ont
autorisé la
passation de marchés uniques
pour répondre aux besoins de la
justice, de la police et de la gendarmerie nationales, par exception à
l'article 7 précité de la loi n° 85-704 du 12 juillet
1985. En outre, l'entretien et la maintenance pourront être
externalisés. Enfin, la loi d'orientation et de programmation pour la
sécurité intérieure favorise le pré-financement par
le secteur privé sur le domaine de l'État, par le recours
à la location avec option d'achat et au crédit-bail, et encourage
les collectivités territoriales à prendre part au financement et
à la construction de commissariats ou de gendarmeries
95(
*
)
.
Ces nouveaux dispositifs applicables à l'État pour des besoins
spécifiques devraient désormais être étendus et
adaptés à d'autres besoins et à d'autres personnes
publiques par voie d'ordonnances.
• Le renouvellement de la gestion immobilière et le
développement du partenariat public privé
Cet article a deux objectifs principaux : permettre
l'aménagement du régime juridique des contrats existants
ainsi que la création d'une
nouvelle forme de contrat de
coopération public-privé
.
Cela constitue une
demande d'habilitation relativement vaste
de la part
du Gouvernement, notamment du fait des domaines dans lesquels les mesures
prises par l'ordonnance pourront intervenir.
En effet, la formule « aménager le régime juridique des
contrats existants et la création de nouveaux contrats [...] »
confère une habilitation large au gouvernement et pourrait lui permettre
de
modifier
par voie d'ordonnance
les règles posées par
les dispositions régissant la délégation de service
public
.
La notion de « contrats existants »
ne saurait en
revanche renvoyer aux contrats conclus pour des ouvrages ou services publics en
cours, mais bien aux types de contrat
prévus par la
législation actuelle.
L'habilitation demandée à cet article vise également
à permettre la passation de
nouvelles formes de contrats
pour la
conception, la réalisation, la transformation, l'exploitation et le
financement d'équipements publics, ou la gestion et le financement de
services, ou encore une combinaison de ces différentes missions.
Ces contrats globaux permettront
le développement du partenariat
public-privé
en France. En effet, des financements privés
pourront participer aux constructions immobilières de l'État, des
collectivités territoriales et des établissements hospitaliers.
Ces nouveaux contrats dérogeraient à certains principes
essentiels, parmi lesquels la séparation des missions de maître
d'oeuvre et d'entrepreneurs ainsi que le principe selon lequel le maître
de l'ouvrage est la personne morale pour laquelle l'ouvrage est construit.
Le projet de loi prévoit
d'étendre et d'adapter à
l'Etat, aux collectivités territoriales et aux hôpitaux, les
nouvelles possibilités
offertes pour la construction des prisons,
ainsi que des bâtiments de la gendarmerie et de la police nationales, par
l'article 3 respectivement des lois précitées
n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation
pour la Justice et n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation
et de programmation pour la sécurité intérieure.
Par cette habilitation il s'agira tout d'abord par voie d'ordonnances
d'autoriser l'Etat, les collectivités territoriales et les
hôpitaux à passer des
contrats globaux
portant à la
fois sur la conception, la réalisation, la gestion, l'exploitation et,
le cas échéant, le financement d'équipements et de
services publics.
L'objectif principal de telles mesures consiste à
raccourcir les
délais
de construction, et par ricochet, à en
diminuer
également
le coût. Le prix est fixe
dans la mesure
où il correspond à celui sur lequel le co-contractant s'engage au
début du contrat.
De plus, un contrat global permettrait une meilleure coordination des
concepteurs, des réalisateurs et des responsables de l'entretien.
Confier au même co-contractant une mission globale de conception, de
réalisation mais également d'entretien et de maintenance
permettrait également aux personnes publiques d'apprécier, comme
l'avait souligné le rapport précité de M. Jean-Patrick
Courtois au nom de la commission des Lois, sur le projet de loi d'orientation
et de programmation pour la sécurité intérieure,
«
sur la base d'un programme technique détaillé, la
pertinence des solutions proposées, la qualité des
matériaux mis en oeuvre et l'impact financier de ces choix sur les
charges ultérieures de maintenance
».
En outre, la passation de contrats globaux offre à la personne publique,
maître d'ouvrage, la possibilité de tenir compte de
l'équilibre de l'ensemble du marché et non pas lot par lot afin
de choisir son co-contractant.
Si cette mesure intéresserait principalement la construction des
établissements hospitaliers dans le cadre du plan
« Hôpital 2007 », elle permettrait de
généraliser une procédure ayant un fort apport
simplificateur
.
Cet article du projet de loi vise également
l'extension et
l'adaptation
aux besoins d'autres personnes publiques des règles des
articles
L. 34-3-1
et
L. 34-7-1
du code du domaine de
l'Etat
, issus de l'article 3 de la loi précitée du 29
août 2002.
- L'article L. 34-3-1 du code du domaine de l'Etat crée un
dispositif spécifique de location avec option d'achat
. Ainsi,
l'Etat délivre à un opérateur privé, chargé
de construire des bâtiments pour les besoins de la justice, de la police
ou de la gendarmerie nationales, une autorisation d'occupation temporaire du
domaine public et bénéficie d'une option lui permettant ensuite
de le prendre à bail avec une option d'achat
96(
*
)
.
Ce nouveau dispositif sera beaucoup
plus incitatif
pour les bailleurs,
dans la mesure où le loyer versé pour la location du bien pourra
être fixé non plus uniquement en fonction du marché locatif
local, mais également en tenant compte de l'amortissement financier et
de l'investissement effectué.
Dans la mesure où il s'agit d'un contrat de location, ces baux ne seront
pas soumis aux dispositions de la loi du 12 juillet 1985 précitée
et au code des marchés publics. Toutefois, les règles de
publicité et de mise en concurrence préalable devraient
être appliquées.
- L'article L. 34-7-1
97(
*
)
du code du domaine de l'État autorise le
financement par
crédit bail
des constructions édifiées sur la base du
nouvel article L. 34-3-1 du même code, par dérogation au principe
selon lequel le crédit bail ne peut être conclu pour la
réalisation d'ouvrages, constructions et installations
«
affectés à un service public et
aménagés à cet effet ou affectés directement
à l'usage du public ainsi que des travaux exécutés pour
une personne publique dans un but d'intérêt
général
. » (article L. 34-7 du code du domaine de
l'État). Il est précisé que le contrat devait comporter
des clauses permettant de préserver les exigences du service public.
Le crédit bail est une technique contractuelle de crédit à
moyen terme autrefois réservée aux constructions à usage
privé, qui permettra à une personne publique d'octroyer la
propriété d'un bien immobilier à une entreprise qui le
louera à cette même personne publique en contrepartie de
redevances ou loyers pendant un temps préalablement fixé
correspondant en principe à la période d'amortissement fiscal du
bien. Au terme de cette période, le locataire peut demander le
renouvellement du bail, restituer l'immeuble à l'entreprise ou bien
l'acquérir en tenant compte des redevances ou loyers perçus pour
la fixation du prix.
Conformément aux dispositions du second alinéa de l'article L.
34-7 du code du domaine de l'État applicables aux contrats de
crédit-bail prévu à l'article L. 34-7-1 du même
code, «
la conclusion de tels contrats de crédit-bail au
bénéfice d'organismes dans lesquels l'État ou
l'établissement public gestionnaire du domaine apporte un concours
financier ou détient, directement ou indirectement, une participation
financière permettant d'exercer un pouvoir prépondérant de
décision ou de gestion est soumise à un agrément de
l'État. Cet agrément peut être refusé si
l'opération se traduit par un accroissement des charges ou une
diminution des ressources de l'État. Les modalités de cet
agrément sont précisées par décret en Conseil
d'Etat.»
Enfin, le présent article du projet de loi prévoit
d'étendre à d'autres besoins et à d'autres personnes
publiques les dispositions des
articles L. 1311-2 et L. 1311-4-1
du code général des collectivités territoriales
.
- Comme vu précédemment, l'article L. 1311-2
98(
*
)
du code général des
collectivités territoriales permet la
passation de baux
emphytéotiques
par les collectivités territoriales sur les
dépendances de leur domaine public, à l'exception des voies
publiques et de leurs dépendances. Cette habilitation pourrait permettre
une
extension de cette disposition
, à la fois pour
d'autres
besoins
, comme l'a déjà fait la loi du 29 août 2002
d'orientation et de programmation pour la sécurité
intérieure, et pour
d'autres personnes publiques
que les
collectivités territoriales.
- L'article L. 1311-4-1 du code général des
collectivités territoriales
99(
*
)
est issu de la loi
précitée du 29 août 2002. Il a pour objet d'autoriser,
jusqu'au 31 décembre 2007 les collectivités territoriales et les
établissements publics de coopération intercommunale à
construire, acquérir ou rénover des bâtiments
affectés à la justice, à la police ou à la
gendarmerie nationales
100(
*
)
.
Il conviendra de prévoir, dans l'ordonnance, les dispositifs de
transparence et de contrôle permettant de rassurer quant aux
éventuels inconvénients
qui ont pu et pourraient de
nouveau être soulevés à propos de la passation d'un
marché unique. En effet, il s'agit
d'écarter des risques
survenus
il y a quelques années
dans la passation des
marchés d'entreprise de travaux publics
, notamment celui de faire
ressurgir des problèmes de corruption.
En outre, des règles de
publicité et de mise en concurrence
relatives au choix du cocontractant devront être prise pour la
passation de ces marchés. En effet, les modalités de
publicité en matière d'appel d'offre devront permettre d'informer
le plus grand nombre d'entreprises possible.
Si la création de nouvelles formes de contrats permettant le
développement du partenariat public-privé en France
s'avère pleinement justifiée, votre rapporteur souhaite toutefois
rappeler qu'il est indispensable de prévoir des
solutions pour que
les petits entrepreneurs et les architectes ne soient pas
pénalisés
.
Une
place
devra être
assurée pour les architectes
dans ces contrats globaux, afin de préserver une certaine reconnaissance
de leur fonction et maintenir la qualité architecturale des
constructions.
Concernant les
petites et moyennes entreprises et notamment les
artisans
, il conviendra que le gouvernement mette en place des
dispositifs
évitant qu'ils puissent
être
écartés systématiquement de ces nouveaux contrats
.
Avec la remise en cause de l'allotissement, les petits entrepreneurs auront en
effet grand peine à gagner ce type de contrats. En revanche ils pourront
toujours participer aux marchés obtenus par les grandes entreprises par
le biais de la sous-traitance, avec toutes les difficultés que cela peut
également comporter.
Il est en particulier courant que les entreprises générales
fassent travailler en sous-traitance les mêmes petites et moyennes
entreprises, et notamment les artisans, les autres se trouvant de ce fait
systématiquement exclues des marchés publics.
Malgré un fort ancrage local qui pourrait jouer à leur avantage
dans le domaine de la maintenance, les petites et moyennes entreprises
craignent d'être
exclues du champ ouvert par ces contrats
en
matière de commande publique.
Enfin, votre rapporteur insiste sur la
nécessité pour le
gouvernement d'harmoniser les dispositions prises
à la fois en vertu
du présent article et de l'article 27 du même projet de loi,
lequel prévoit notamment une codification à droit non constant de
la réglementation relative aux propriétés publiques. En
effet, il serait
regrettable que les dispositions du présent article
ne soient pas prises en compte lors de la rédaction de ce code
.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous
propose d'
adopter l'article 4 sans modification
.
Article 5
Habilitation à modifier par ordonnance le code
général des impôts
et le livre des procédures
fiscales
Cet
article a pour objet d'habiliter le Gouvernement à modifier par voie
d'ordonnance le code général des impôts et le livre des
procédures fiscales.
Cette disposition fait l'objet d'un
examen par délégation
de la commission des Finances
101(
*
)
.
Article 6
Habilitation autorisant à procéder par ordonnance
à la suppression
de la procédure d'affirmation de certains
procès-verbaux
Cet
article vise à habiliter le Gouvernement à
supprimer
, par
ordonnance,
la procédure d'affirmation de certains
procès-verbaux
.
Cette
formalité,
actuellement
obligatoire
, incombe
à certains rédacteurs de procès-verbaux dans des cas
limitativement prévus par la loi, lors de la constatation d'infractions.
Elle consiste à s'assurer, «
par serment prêté
dans un délai déterminé par certains agents verbalisateurs
devant une autorité supérieure, de la véracité des
énonciations du procès-verbal
»
102(
*
)
.
L'absence d'affirmation conduit à la nullité du
procès-verbal
.
Cette procédure ancienne devait à l'origine permettre au
magistrat ou au maire de vérifier l'exactitude des mentions contenues
dans le procès-verbal. En effet, de nombreux agents verbalisateurs
étaient illettrés et faisaient écrire le
procès-verbal par un tiers, souvent un instituteur.
L'affirmation renforçait alors la force probante du procès-verbal
par la vérification par le juge ou le maire de la conformité des
écrits aux affirmations orales de l'agent.
Depuis le milieu du XIXe siècle, de nombreuses catégories
d'agents assermentés ont été dispensées de cette
formalité ; la loi du 17 juillet 1856 dispense par
exemple les procès-verbaux adressés par les brigadiers de
gendarmerie et les gendarmes de la procédure d'affirmation.
En revanche,
les procès-verbaux de certains agents verbalisateurs
sont toujours soumis à cette formalité
.
Ainsi, le code forestier prévoit à son article L. 231-1
que les procès-verbaux des gardes champêtres des communes et des
gardes des bois et forêts des particuliers, recherchant et constatant les
délits et contraventions commis dans les bois non soumis au
régime forestier, sont affirmés «
au plus tard le
lendemain de la clôture desdits procès-verbaux par devant le juge
chargé du tribunal d'instance ou par devant le maire ou l'adjoint, soit
de la commune de leur résidence, soit de celle où l'infraction a
été commise ou constatée, le tout sous peine de
nullité
».
En vertu de l'article 153 du code du domaine public fluvial et de la
navigation intérieure, les procès-verbaux donnés par des
agents de surveillance et gardes assermentés doivent être
affirmés, à peine de nullité, «
dans les
trois jours devant le tribunal d'instance ou le maire, soit du lieu du
délit, soit du lieu de résidence de l'agent
».
L'affirmation des procès-verbaux est une procédure
présente dans de nombreuses autres législations comme le code des
postes et télécommunications (articles L. 79 et
L. 86), le code des ports maritimes (articles L. 321-3 et
L. 331-5), le code de la santé publique (article 1324-2), ou
encore la loi du 15 juin 1906 sur les distributions
d'énergie...
Cette procédure semble désormais être une formalité
inutile, dans la mesure où les agents verbalisateurs écrivent
aujourd'hui eux-mêmes leurs procès-verbaux.
Parmi les tâches devant être supprimées d'après les
entretiens de Vendôme menés par le ministère de la justice
en 2001, figurait notamment l'affirmation des procès-verbaux des gardes
particuliers assermentés d'électricité de France.
De même, la mission d'information de votre commission des Lois
103(
*
)
sur l'évolution des
métiers de la justice a posé comme recommandations
104(
*
)
la suppression de la procédure
d'affirmation des procès-verbaux, mettant en évidence son
inutilité : «
La procédure d'affirmation des
procès-verbaux, par ailleurs déjà dressés par des
agents assermentés (en matière de balisage des ports maritimes,
d'infractions à la distribution d'énergie par EDF-GDF ou encore
d'infractions douanières), paraît (...) inutile
105(
*
)
».
Enfin, il semble que cette suppression soit une revendication de l'association
nationale des juges d'instance.
Même si l'affirmation des procès-verbaux est
présentée comme une formalité souvent inutile,
il
conviendra toutefois de s'assurer que tous ces agents verbalisateurs,
aujourd'hui toujours soumis à cette procédure, sont
assermentés
. En effet,
en cas contraire, la suppression de
l'affirmation risquerait de porter atteinte à la force probante du
procès-verbal
dressé par l'agent.
L'ordonnance prévue par le présent article devra être prise
dans un délai de
douze mois
à compter de la publication de
la loi d'habilitation.
Votre commission vous propose d'
adopter l'article 6
sans
modification
.
Article 6 bis
Habilitation à simplifier les procédures
administratives
en matière de travaux publics
d'aménagement
L'article 6 bis du présent projet de loi, adopté
en
première lecture par l'Assemblée nationale à la suite d'un
amendement déposé par M. Eric Woerth, et accepté par le
Gouvernement, vise à habiliter le Gouvernement à
simplifier
les procédures administratives relatives aux travaux
d'aménagement menés par les autorités administratives
.
La réalisation de certains travaux d'aménagement menés par
l'Etat, les collectivités territoriales ou les établissements
publics, est actuellement soumise à des procédures de
concertation administrative entre différents intervenants, tant au
niveau local qu'au niveau central.
L'existence d'une concertation pour
certains travaux d'aménagement de grande ampleur apparaît
justifiée
.
La construction d'autoroutes ou de lignes de chemin de fer, de même que
la réalisation d'infrastructures de réseaux urbains de transports
en commun, tels que des tramways et des métros, nécessitent le
concours de plusieurs services de l'Etat, tant au niveau
déconcentré qu'au niveau central. Grâce à la
participation de ces services, les initiateurs des projets et, en premier lieu,
les collectivités territoriales, sont informés des contraintes
tant techniques que juridiques qui s'imposent à eux lors de la
réalisation de leurs projets.
Toutefois, force est de constater que les
procédures actuelles de
concertation apparaissent souvent complexes, lourdes, chronophages et
,
à bien des égards,
déresponsabilisantes
pour les
acteurs locaux. Ces derniers peuvent parfois avoir l'impression que la
réalisation des projets qu'elles initient au niveau local est ralentie,
voire bloquée par les procédures d'instruction prévues par
la législation actuelle.
Encore convient-il de souligner que de réels progrès sont, depuis
peu, intervenus en la matière.
Ainsi, la loi n° 52-1265 du 29 novembre 1952 sur les travaux mixtes, qui
instituait la très décriée
procédure
d'instruction mixte à l'échelon central a été
entièrement abrogée par la loi n° 2002-276 du 27
février 2002
relative à la démocratie de
proximité. Dans son article 137, la loi du
27 février 2002 prévoyait que l'abrogation de la loi
sur les travaux mixtes prendrait effet à une date fixée en
Conseil d'Etat et au plus tard un an à compter de sa publication. Les
décrets attendus n'étant, à ce jour, toujours pas
adoptés, l'abrogation de la loi du 29 novembre 1952 a néanmoins
pris effet le 28 février 2003.
La loi du 29 novembre 1952 précitée imposait pour certains
projets de travaux limitativement énumérés la
réunion d'une «
conférence à l'échelon
central entre les différents départements ministériels
intéressés par leur réalisation
». Les
participants à la conférence présentaient leurs
observations et pouvaient demander que des aménagements soient
apportés au projet, en vue de sauvegarder les intérêts de
leurs services. Le décret d'application de la loi conférait
surtout aux membres de la conférence le pouvoir de donner une
adhésion pure et simple aux projets, de les accepter sous réserve
ou de les refuser
106(
*
)
. De
plus, faute d'accord des conférents sur le projet
présenté, le ministre dont relevait les travaux soumettait ce
projet à la commission des travaux mixtes, chargée
d'émettre un avis sur les différents intérêts en
cause et de concilier les différents intérêts en
présence. Il était alors statué, au vu de cet avis, par
décret en Conseil d'Etat pris sur le rapport des ministres
intéressés.
L'application de ce régime a contribué à ralentir
considérablement la réalisation des projets d'aménagement
présentés, dans la mesure où aucun délai
n'était prévu pour que les services ministériels
intéressés fassent connaître leurs informations et
parviennent à un accord. Bien des projets ont ainsi vu leurs
délais de réalisation dépasser dix années pour de
simples questions d'arbitrages et de procédures. En outre, les acteurs
locaux se voyaient, du fait de cette procédure, totalement
dépossédés de la gestion de leurs projets, dont la
réalisation était, en définitive, décidée au
niveau de l'administration centrale.
Le législateur, et plus particulièrement votre
assemblée, a pris en compte les critiques inévitablement
suscitées par cette procédure
. La loi précitée
du 27 février 2002 relative à la démocratie de
proximité a ainsi
substitué aux procédures
prévues par la loi du 29 novembre 1952 une procédure
générale de concertation entre l'Etat et les collectivités
territoriales.
Cette procédure est désormais codifiée
aux articles L. 1331-1 et suivants du code général des
collectivités territoriales.
Le nouveau dispositif présente de nombreux avantages sur la
procédure antérieure. En premier lieu, comme le relevait notre
excellent collègue Daniel Hoeffel dans son rapport lors de la discussion
devant le Sénat de la loi sur la démocratie de
proximité
107(
*
)
, la
nouvelle procédure prend désormais pleinement en compte le
principe de décentralisation. La concertation est, en effet,
menée de manière totalement déconcentrée. En second
lieu, la procédure de concertation doit être conduite dans un
délai maximum de six mois. Enfin, la concertation intervient
obligatoirement avant la tenue de l'enquête publique, si les travaux
projetés ne sont pas exemptés d'une telle procédure.
L'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions est cependant
soumise à l'adoption d'un décret en Conseil d'Etat
. Ce
dernier est encore à l'examen devant le Conseil d'Etat. Toutefois, en
son état actuel, ce décret procéderait à une forte
réévaluation des seuils au delà desquels la
procédure de concertation visée par le code des
collectivités territoriales s'appliquerait. Ainsi, cette
procédure ne serait destinée à régir que les
travaux dont le coût est élevé. De même, cette
nouvelle procédure n'interviendrait que pour des projets qui
présentent une ampleur physique importante, par exemple pour la
création d'une ligne ferroviaire, au delà d'un certain
kilométrage.
Malgré les progrès apportés, il n'est pas contestable que
la procédure de concertation, même dans sa forme actuelle,
s'ajoute à d'autres procédures. Pour les travaux
d'aménagement d'ampleur, divers types de procédures
s'enchaînent. Un débat public est, en premier lieu,
organisé sur la base des articles L. 121-1 et suivants du code de
l'environnement. Une étude d'impact peut, par ailleurs, être
entreprise
108(
*
)
. La
procédure de concertation instaurée par la loi du 27
février 2002 précitée est alors entamée. Ce n'est
qu'à compter de sa clôture que l'enquête publique sur le
projet sera réalisée
109(
*
)
. Enfin, le cas échéant,
la procédure conduisant à la déclaration d'utilité
publique du projet en vue de l'expropriation des terrains nécessaires
à sa réalisation sera entreprise.
Ces procédures ont sans conteste leur utilité. Elles permettent
d'associer l'ensemble des acteurs concernés par les projets
d'aménagement, y compris les administrés, et peuvent contribuer
à limiter les contentieux. Toutefois,
des améliorations et des
simplifications pourraient encore être apportées au
déroulement et à l'enchaînement de ces diverses
procédures.
Il en va ainsi, en particulier, de la procédure de concertation
visée aux articles
L. 1331-1 et suivants du code
général des collectivités territoriales, qui pourrait
être allégée. La présente habilitation pourrait
permettre, à côté de la procédure de concertation
qui subsisterait dans sa forme actuelle, d'
offrir aux collectivités
territoriales ou établissements publics la possibilité d'obtenir
des services déconcentrés de l'Etat les diverses informations qui
leur sont nécessaires pour mener à bien leur projet
. Ce
mécanisme pourrait s'inspirer du système du « porter
à connaissance » organisé par le code de l'urbanisme.
Ce dernier prévoit, en effet, que le préfet porte à la
connaissance des collectivités territoriales les informations
nécessaires à l'exercice de leurs compétences en
matière d'urbanisme, au nombre desquels les études techniques
dont dispose l'Etat en matière de prévention des risques et de
protection de l'environnement
110(
*
)
.
D'autres réformes en la matière seraient sans doute
nécessaires. Il convient toutefois de souligner qu'elles pourraient
intervenir dans un autre projet de loi d'habilitation.
Le Gouvernement a en
effet d'ores et déjà annoncé le dépôt devant
le Parlement d'un second projet de loi d'habilitation relatif aux
simplifications administratives
proposées par les ministres
chargés de l'agriculture, de l'équipement, de l'écologie
et de la famille. Dans ce nouveau texte
seraient notamment prévues
des mesures de simplification relatives aux procédures d'enquête
publique et de déclaration d'utilité publique
.
Outre un amendement rédactionnel, votre commission des Lois vous soumet
un
amendement
tendant à limiter l'habilitation prévue
à la simplification des seules procédures de concertation
existantes
.
Elle vous propose d'
adopter
l'article 6 ter
ainsi
modifié
.
Article 6 ter
Habilitation à préciser la situation des
délégués
du Médiateur de la
République
Lors de
la première lecture du présent projet de loi, l'Assemblée
nationale a adopté un amendement parlementaire, le Gouvernement s'en
étant remis à la sagesse de l'Assemblée, créant un
article 6 ter et visant à habiliter le Gouvernement à prendre
toutes mesures nécessaires pour
préciser la situation des
délégués du Médiateur de la République
.
Par la loi n° 73-6 du 6 janvier 1973, le législateur a
institué le Médiateur de la République, autorité
administrative indépendante chargée de recevoir les
réclamations des citoyens et de formuler toute recommandation permettant
de régler en équité le différend survenu entre
l'auteur de la réclamation et l'administration.
Depuis son institution, le Médiateur a vu le nombre des
réclamations qui lui étaient adressées
régulièrement augmenter. Ainsi, en 2001, l'institution du
Médiateur a traité 58 591 affaires, dont 27 046
réclamations. Dans ce contexte, la centralisation des
réclamations au siège parisien de l'institution est apparue comme
un obstacle au plein exercice de sa mission par le Médiateur. Ce dernier
a donc conduit une politique volontaire de développement territorial
afin d'ouvrir au plus large public le recours de la loi du 6 janvier 1973.
Pour ce faire, le Médiateur a, en 1978, instauré à titre
expérimental des « correspondants
départementaux » dans les préfectures. Ceux-ci ont
reçu une consécration officielle par un décret du 18
février 1986. Toutefois, la consécration législative de
l'existence de ces agents déconcentrés de l'institution du
Médiateur est récente. C'est l'article 26 de la
loi n°
2000-321 du 12 avril 2000
relative aux droits des citoyens dans leurs
relations avec les administrations, insérant un
article 6-1 dans la
loi précitée du 6 janvier 1973, qui a institué des
« délégués du Médiateur »
.
Les délégués du Médiateur ont d'abord pour mission
d'apporter aux citoyens les informations et l'assistance nécessaires
à la présentation d'une réclamation. Le cas
échéant, ils instruisent les réclamations qui leur sont
confiées par le Médiateur et participent au règlement des
différends situés dans leur ressort géographique. Leur
effectif a crû rapidement. Ils étaient, au 31 décembre
2001, au nombre de 232, exerçant leurs fonctions, soit dans les
préfectures de département, soit dans d'autres structures, telles
que les maisons de la justice et du droit et les maisons de services publics.
Ils ont traité, en 2001, 53.653 affaires, dont une majorité
consistait en des demandes d'informations.
Pourtant, malgré leur reconnaissance officielle et l'importance tant
quantitative que qualitative du travail qu'ils accomplissent au quotidien,
les délégués du Médiateur ne
bénéficient pas d'une situation juridique clair
. Or, cette
circonstance est,
pour l'institution du Médiateur, une source de
difficulté dans la poursuite de la mission qui lui a été
conférée par le législateur
.
Dans son rapport 2001
111(
*
)
, le
Médiateur relevait ainsi que l'absence de précision de la
législation conduisait à créer une certaine
insécurité juridique en matière de cumul et
d'incompatibilités entre les fonctions de délégué
et certaines fonctions publiques électives ou non électives. Ces
incertitudes concernent également le régime fiscal et le
régime de protection sociale auxquels sont soumis les agents
déconcentrés de l'institution.
Sans doute, lors du lancement du programme de développement territorial
du Médiateur, certaines instances officielles, et notamment le
Comité interministériel des villes, ont-elles pris acte que la
fonction de délégué du Médiateur avait le
caractère d'un «
bénévolat
indemnisé
» et que l'indemnité perçue
à ce titre constituait une «
indemnité
représentative de frais
». Cette position a
été rappelée par le Premier ministre en réponse
à une question écrite, en juin 2001
112(
*
)
. Cependant, ces déclarations
n'ont pas encore trouvé leur traduction juridique dans un texte de
nature législative.
La définition des règles applicables aux
délégués du Médiateur paraît pourtant
urgente, dans la mesure où l'absence de dispositions claires en la
matière ne peut que nuire au recrutement des
délégués ainsi qu'au bon accomplissement de leur mission.
Les précisions nécessaires pourraient être utilement
apportées au sein même de la loi précitée du 3
janvier 1973 qui constitue le texte juridique fondateur de l'institution du
Médiateur. L'article 6-1 de ce texte pourrait ainsi préciser
que les délégués exercent leurs fonctions à titre
bénévole et perçoivent, à ce titre, une
indemnité représentative de frais dont le montant est fixé
par le Médiateur.
L'ordonnance prise sur la base du présent article devra être
adoptée dans un délai de douze mois à compter de la
publication de la présente loi.
Votre commission des Lois vous soumet un
amendement rédactionnel
à l'article 6 ter et. vous propose
d'adopter
cet
article
ainsi modifié
.