EXAMEN
DES ARTICLES
TITRE
PREMIER
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Le code électoral ne comporte point de dispositions spécifiques encadrant le déroulement des référendums et des consultations locales. Ce manque devrait être comblé dans la mesure où la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République a considérablement développé les mécanismes de démocratie directe locale.
Pour l'heure, le présent projet de loi tend à organiser la consultation des électeurs de Corse en procédant par renvoi aux articles du code électoral susceptibles de s'appliquer, sous réserve d'indispensables adaptations terminologiques.
Le renvoi dans une loi à des dispositions d'ordre réglementaire ne peut manquer de surprendre. Il est justifié, en l'occurrence, par la proximité de la consultation. Le Conseil constitutionnel a considéré, à plusieurs reprises, qu'une loi intervenant dans le domaine réglementaire n'était pas, de ce seul fait, contraire à la Constitution 18 ( * ) , rappelant que le Gouvernement pouvait se prévaloir de l'article 41 et du deuxième alinéa de l'article 37 de la Constitution pour protéger son domaine.
Article premier
Principe d'une consultation des électeurs de Corse
-
Définition du corps électoral
Cet article a pour objet de poser le principe d'une consultation des électeurs de Corse, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, sur les orientations proposées pour modifier l'organisation institutionnelle de l'île qui figurent en annexe de ce texte.
Jusqu'à la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, cette possibilité était réservée aux seules populations d'outre-mer , sur le fondement du deuxième alinéa du Préambule de la Constitution de 1958, aux termes duquel : « en vertu de ces principes [de la souveraineté nationale] et de celui de la libre détermination des peuples, la République offre aux territoires d'outre-mer qui manifestent la volonté d'y adhérer des institutions nouvelles fondées sur l'idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité et conçues en vue de leur évolution démocratique . »
Le Conseil constitutionnel avait ainsi admis que les populations d'outre-mer intéressées puissent être consultées non seulement sur leur volonté de se maintenir au sein de la République française ou d'accéder à l'indépendance mais également sur l'évolution statutaire de leur collectivité territoriale à l'intérieur de la République. Il avait toutefois souligné que, dans cette éventualité, les autorités de la République « ne sauraient être liées, en vertu de l'article 72 de la Constitution, par le résultat de cette consultation 19 ( * ) . »
Les deux dernières consultations ont été organisées en Nouvelle-Calédonie , le 8 novembre 1998, sur l'accord de Nouméa signé le 5 mai 1998, et à Mayotte , le 2 juillet 2000, sur l'accord concernant l'avenir de Mayotte signé à Paris le 27 janvier 2000.
La loi d'orientation pour l'outre-mer n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 a introduit un nouvel article L. 5916-1 dans le code général des collectivités territoriales prévoyant que le Gouvernement peut déposer un projet de loi organisant une consultation pour recueillir l'avis de la population du département d'outre-mer concerné au vu « notamment » des propositions d'évolution institutionnelle formulées par le congrès et des délibérations du conseil général et du conseil régional. La consultation de la population reste facultative, et son résultat ne lie pas juridiquement le Gouvernement .
Le Conseil constitutionnel a souligné, à chaque fois, que la consultation devait satisfaire une double exigence de clarté et de loyauté impliquant, d'une part, que le projet de statut soit suffisamment détaillé pour éclairer l'avis des électeurs, d'autre part, que la valeur purement indicative de la consultation soit explicite.
En revanche, comme le soulignait M. Daniel Vaillant, alors ministre de l'intérieur, lors de l'examen en première lecture par le Sénat de la loi du 22 janvier 2002, il n'était pas possible de consulter les électeurs de Corse sur l'organisation institutionnelle de leur île 20 ( * ) .
La loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l' organisation décentralisée de la République a inséré un article 72-1 dans la Constitution, dont le dernier alinéa ouvre deux nouvelles possibilités de consultation des électeurs d'une partie seulement du territoire national :
- d'une part, lorsqu'il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d'un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités territoriales intéressées (première phrase) ;
- d'autre part, la modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi (seconde phrase).
S'agissant spécifiquement de l' outre-mer , la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a, de surcroît, subordonné le changement d'une collectivité territoriale ou d'une partie de cette collectivité du régime de l'assimilation, qui caractérise les départements et régions d'outre-mer, vers celui de la spécialité législative -ou l'inverse- au consentement des électeurs de la collectivité ou de la partie de collectivité intéressée ( article 72-4 de la Constitution ). De même, la création par la loi d'une collectivité se substituant à un département et une région d'outre-mer ou l'institution d'une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne pourra intervenir sans qu'ait été recueilli le consentement des électeurs inscrits dans ces collectivités ( article 73 de la Constitution ).
Le présent projet de loi s'inscrit donc dans le cadre tracé par la première phrase du dernier alinéa de l'article 72-1 de la Constitution .
La consultation serait décidée par la loi . Elle porterait sur des orientations , au moment où « il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d'un statut particulier », et revêtirait la valeur d'un simple avis , ce que souligne la rédaction du premier alinéa du présent article.
Les orientations proposées, le cas échéant approuvées par les électeurs de Corse, n'auraient de valeur juridique contraignante ni pour le Gouvernement ni pour le Parlement. Pour autant, il est incontestable que les résultats de la consultation seraient difficiles à méconnaître sur le plan politique, à plus forte raison en cas de résultat positif : on imagine mal le législateur se déjuger après avoir obtenu le soutien des électeurs de Corse sur les grandes lignes d'un statut qu'il aurait lui-même tracées.
Si ces orientations recevaient un avis favorable, le Gouvernement aurait l'intention de soumettre au Parlement, à l'automne, un projet de loi définissant le nouveau statut de la collectivité territoriale de Corse sur la base du document approuvé par les électeurs de l'île. Il appartient en effet au Parlement, en tout état de cause, de définir, par le vote d'une loi, le futur statut de la collectivité territoriale.
Toujours aux termes du premier alinéa du présent article, seuls pourraient participer à la consultation les quelque 190.000 électeurs de nationalité française inscrits sur les listes électorales de Corse.
Cette rédaction interdit non seulement le vote des Français originaires de l'île mais n'y résidant plus, ce qui est tout à fait conforme à la Constitution, mais également celui des ressortissants de l'Union européenne inscrits sur les listes électorales de Corse.
L'article 72-1 de la Constitution dispose en effet que la consultation est ouverte aux électeurs inscrits dans les collectivités territoriales intéressées. Lors de l'examen en première lecture de la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République par l'Assemblée nationale, M. Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la justice, a précisé que les ressortissants communautaires pourraient participer à l'exercice du droit de pétition et aux consultations organisées dans les seules communes , et non dans les autres collectivités territoriales, dans la mesure où, aux termes de l'article 88-3 de la Constitution, ils peuvent bénéficier, sous réserve de réciprocité, du droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales 21 ( * ) .
Le deuxième alinéa du présent article dispose que les électeurs seraient convoqués par un décret auquel la procédure de consultation préalable de l'Assemblée de Corse prévue par l'article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales ne serait pas applicable.
Le V de l'article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales prévoit, en effet, la consultation de l'Assemblée de Corse sur les projets et les propositions de loi ou de décret comportant des dispositions spécifiques à la Corse. L'assemblée dispose alors d'un délai d'un mois pour rendre son avis. Ce délai est réduit à quinze jours en cas d'urgence, sur demande du représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse. Le délai expiré, l'avis est réputé avoir été donné.
L'Assemblée de Corse ayant été consultée sur le présent projet de loi, il apparaît inutile de lui soumettre un projet de décret qui, compte tenu du caractère extrêmement détaillé de la loi, aurait pratiquement pour seul objet de fixer la date de convocation des électeurs, probablement le dimanche 6 juillet 2003.
Votre commission des Lois vous soumet deux amendements rédactionnels et vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié .
Article 2
Majorité requise - Question posée aux
électeurs -
Modalités d'information
Cet article a pour objet de déterminer la majorité requise pour apprécier les résultats de la consultation, la question posée aux électeurs et les modalités de leur information.
Aux termes du premier alinéa , le corps électoral, défini à l'article premier du présent projet de loi, se prononcerait à la majorité absolue des suffrages exprimés , comme lors des consultations de la population de la Nouvelle-Calédonie sur l'accord de Nouméa et des électeurs mahorais sur l'accord concernant l'avenir de Mayotte.
Pour l'appréciation des résultats de la consultation ne seraient donc pris en compte ni les bulletins blancs ou nuls, ni les abstentions. Conformément au droit commun, auquel se réfère l'article 14 du présent projet de loi, ne seraient pas non plus pris en compte les bulletins qui comporteraient des mentions ne correspondant pas à une réponse à la question posée.
Aux termes des deuxième et troisième alinéas , les électeurs auraient à répondre par « oui » ou par « non » à la question suivante : « Approuvez-vous les orientations proposées pour modifier l'organisation institutionnelle de la Corse figurant en annexe de la loi n° 2003-... du... 2003 . »
Conformément au voeu de l'Assemblée de Corse et afin d'éviter toute confusion, l'intitulé de la loi ne figurerait pas dans le libellé de la question.
Enfin, le dernier alinéa de cet article précise que le texte de l'annexe serait imprimé et diffusé aux électeurs par les soins de l'Etat, qui leur adresserait également, à l'exclusion de tout autre, deux bulletins de vote imprimés sur papier blanc, l'un portant la réponse « oui » l'autre la réponse « non ».
Outre deux amendements rédactionnels, votre commission des Lois vous soumet un amendement ayant pour objet de préciser, d'une part, que le texte de l'annexe et les bulletins de vote seraient adressés en même temps aux électeurs, d'autre part, que cet envoi devrait être effectué au plus tard le mercredi précédant le scrutin.
Le choix du mercredi correspond à la date retenue par l'article R. 34 du code électoral pour l'envoi, par la commission de propagande, des bulletins de vote pour les élections législatives, cantonales et municipales.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 2 ainsi modifié .
Article 3
Institution d'une commission de contrôle de la
consultation
Cet article a pour objet d'instituer une commission de contrôle chargée de veiller à la liberté et à la sincérité de la consultation des électeurs de Corse, de préciser sa composition et de définir ses missions.
La mise en place d'une telle commission est traditionnelle pour ce type de consultation. Il en avait déjà été ainsi pour les consultations de la population des Comores et de Mayotte en 1974-1976, de la population de la Nouvelle-Calédonie en 1998 et, à nouveau, des électeurs de Mayotte en 2000.
Aucune commission de contrôle n'avait été créée lors du référendum du 24 septembre 2000 sur la loi constitutionnelle relative à la durée du mandat du Président de la République. Mais, dans ce cas, le contrôle de la régularité du scrutin est assuré par le Conseil constitutionnel, en application de l'article 60 de la Constitution et de l'article 50 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.
La composition de la commission de contrôle de la consultation des électeurs de Corse serait la suivante, calquée sur celle des deux précédentes commissions 22 ( * ) :
- un conseiller d'Etat désigné par le vice-président du Conseil d'Etat, président ;
- deux magistrats de l'ordre administratif, membres du Conseil d'Etat ou des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, également désignés par le vice-président du Conseil d'Etat ;
- deux magistrats de l'ordre judiciaire désignés par le Premier président de la Cour de cassation.
La commission siègerait au chef-lieu de la collectivité territoriale de Corse, c'est-à-dire à Ajaccio.
Elle aurait pour mission de veiller à la liberté et à la sincérité de la consultation. A cet effet, elle serait chargée :
- de dresser la liste des partis et groupements politiques habilités à participer à la campagne , selon les modalités définies à l'article 7 du présent projet de loi, mais également de leur attribuer les panneaux d'affichage et de répartir entre eux la durée des émissions radiodiffusées et télévisées , dans les conditions définies respectivement aux articles 8 et 9 ;
- de contrôler la régularité du scrutin ;
- de procéder au recensement général des votes et à la proclamation des résultats , dans les conditions définies aux articles 15 et 16 du présent projet de loi, qui lui confient le soin de contrôler le décompte et les rectifications opérées par les commissions de recensement.
Dans la mesure où aucun décret n'est prévu pour préciser les modalités d'application du présent projet de loi, votre commission des Lois vous soumet, outre un amendement rédactionnel , quatre amendements ayant pour objet d'indiquer :
- en premier lieu, que la commission pourrait s'adjoindre des délégués , conformément à ce qui était prévu pour la consultation des électeurs de Mayotte et afin de lui permettre de remplir pleinement sa mission ;
- en deuxième lieu, que son secrétariat serait assuré par les services du représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse ;
- en troisième lieu, que la commission serait chargée d' attribuer les panneaux d'affichage aux partis et groupements politiques habilités et de répartir entre eux la durée des émissions radiodiffusées et télévisées , dans les conditions définies respectivement aux articles 8 et 9 du présent projet de loi ;
- enfin, que le président, les membres et les délégués de la commission de contrôle pourraient, pour l'exercice de leur mission, procéder à tous les contrôles et vérifications utiles, auraient accès à tout moment aux bureaux de vote et pourraient exiger l'inscription de toutes observations au procès-verbal soit avant, soit après la proclamation des résultats du scrutin, les autorités qualifiées pour établir les procurations de vote, les maires et les présidents des bureaux de vote étant tenus de leur fournir tous les renseignements qu'ils demanderaient et de leur communiquer tous les documents qu'ils estimeraient nécessaires à l'exercice de leur mission.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 3 ainsi modifié .
* 18 Décisions n° 82-143 DC du 30 juillet 1982 et n° 2000-439 DC du 16 janvier 2001.
* 19 Décision n° 2000-428 DC du 4 mai 2000 sur la loi organisant une consultation de la population de Mayotte et décision n° 2000-435 DC du 7 décembre 2000 sur la loi d'orientation pour l'outre-mer.
* 20 Journal officiel des débats du Sénat, séance du 6 novembre 2001.
* 21 Journal officiel des débats de l'Assemblée nationale - troisième séance du vendredi 22 novembre 2002.
* 22 Article 17 du décret n° 98-733 du 20 août 1998 portant organisation de la consultation des populations de la Nouvelle-Calédonie prévue par l'article 76 de la Constitution et article 5 de la loi n° 2000-391 du 9 mai 2000 organisant une consultation de la population de Mayotte.