2. La garde des jeunes enfants

a) Le libre choix du mode de garde

Une offre de garde variée mais déséquilibrée

Représentant 25,5 % du total des prestations légales de la branche famille, les prestations concernant la garde des enfants entre la naissance et trois ans sont fortement sollicitées depuis quelques années par l'augmentation du nombre de la natalité, d'autant que les allocations familiales n'étant versées qu'à partir du second enfant, le coût du premier enfant est pris en charge par les prestations en faveur de la petite enfance. Les dépenses de la branche famille dans ce domaine ont de ce fait crû de près de 4 % par an depuis 2000.

Votre rapporteur constate, à cet égard, qu'au sein de l'Union européenne, la France est le seul pays à ne pas prendre en compte la première naissance au titre des allocations familiales, mesure pourtant réclamée par l'ensemble des associations familiales. Il constate toutefois que son coût (1,5 milliard d'euros) serait actuellement prohibitif, sauf à revoir les priorités de la politique familiale et des dépenses de la branche.

Les prestations pour garde d'enfants sont, d'une part l'AGED, pour la garde d'enfant par une employée à domicile, d'autre part l'AFEAMA lorsque l'enfant est confié à une assistante maternelle, ainsi que l'APJE et l'APE.


Les différents modes de garde

1. Les modes de garde collectifs

Ces structures accueillent environ 10 % des enfants de moins de trois ans.

Crèches collectives traditionnelles : elles accueillent des enfants, soit à proximité du domicile des parents (crèche de quartier), soit sur le lieu de travail des parents (crèche de personnel).

Crèches parentales : elles s'inscrivent dans une logique particulière, dans la mesure où elles sont gérées par les parents qui s'occupent eux-mêmes à tour de rôle des enfants, sous la direction de personnels qualifiés.

Crèches familiales : les enfants sont accueillis au domicile de l'assistante maternelle agréée rémunérée par la collectivité locale (à la différence des assistantes maternelles libérales dont l'emploi donne droit à l'AFEAMA).

Halte-garderies : elles accueillent ponctuellement les enfants de moins de six ans au cours de la journée et peuvent être traditionnelles ou parentales.

2. Les modes de garde individuels ou intermédiaires

Assistantes maternelles : elles sont agréées par leur département et gardent à leur domicile trois enfants au maximum. 20 % des enfants sont accueillis de cette manière ; ce mode de garde est financé par l'AFEAMA.

Garde à domicile : la garde est assurée à domicile par une employée ayant signé un contrat de travail avec les parents. Ce système, qui ne concerne que 2 % des enfants, est partiellement financé par l'AGED.

Garde non institutionnelle : ce vocable regroupe la garde par l'un des parents, le plus souvent la mère, avec le bénéfice de l'APE ou de l'APJE, mais également par l'entourage (grands-parents, voisinage). Près de deux tiers des jeunes enfants sont gardés de cette manière.

Ces différents modes de garde n'ont pas un coût identique pour les familles, d'autant que certains ont été privilégiés par des choix politiques et budgétaires.

Comme votre rapporteur l'a rappelé précédemment, les modes de garde collectifs ont été quelque peu délaissés par les pouvoirs publics jusqu'à une période récente, au profit, dans un premier temps, de l'accueil par une assistante maternelle agréée. L'AFEAMA a ainsi connu une augmentation considérable : + 7,5 % en 2003, + 10,4 % en 2000 et en 2001, + 14,5 % en 2002.

L'effort a ensuite porté sur les crèches, avec la récente mise en oeuvre des deux fonds d'investissement spécifiques (FIPE I et II), cette fois au détriment de l'AGED, dont seulement 60.000 familles profitent aujourd'hui.

Il en résulte l'absence d'un véritable libre choix pour les familles, en raison des importants écarts de coût existant entre les différents modes de garde. Les crèches et les assistantes maternelles constituent désormais les deux modes de garde les moins onéreux pour les parents.

Les crèches, qui ont le coût le plus élevé pour la collectivité, sont particulièrement avantageuses financièrement, pour les familles modestes, à la naissance du premier enfant. Le taux d'effort associé aux crèches est même nul jusqu'à 1,4 SMIC en raison du bénéfice de l'APJE, d'un montant supérieur au coût d'une place en crèche.

Le recours à une assistante maternelle, système de garde le plus abordable pour la collectivité, revient moins cher aux ménages les plus aisés pour le premier enfant (à partir de trois SMIC). En outre, le complément d'AFEAMA permet aux revenus inférieurs à 1,8 SMIC de prétendre plus facilement à ce mode de garde.

En revanche, l'AGED et l'APE ne compensent que de façon limitée les coûts induits par la garde d'enfant. Ainsi, l'emploi à taux plein d'une garde à domicile ne peut être financièrement supporté que par les ménages les plus aisés (3/4 des bénéficiaires de l'AGED appartiennent aux 20 % de familles les plus aisées parmi celles qui ont un enfant de moins de six ans).

Votre rapporteur souhaite le développement de la diversification des modes de garde, afin que les familles puissent réellement choisir celui qui leur convient, sans que ce choix soit le fait de contraintes financières trop lourdes. A cet égard, il ne peut donc que se féliciter largement de la mise en place de la PAJE.

Des familles mieux solvabilisées

Instituée par l'article 50 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, la PAJE est constitué de deux volets : une prime à la naissance ou à l'adoption de 800 euros et une allocation de base mensuelle de 160 euros versée jusqu'aux trois ans de l'enfant, complétées, en fonction du choix des parents, par un complément de mode de garde ou un complément d'activité (en cas de cessation de l'activité professionnelle de l'un des parents).

Ainsi, le plafond de ressources s'appliquant à la prime à la naissance ou à l'adoption et à l'allocation de base sera augmenté de 37 % par rapport à l'actuelle APJE pour s'établir à 4.100 euros : 90 % des familles pourront ainsi bénéficier du premier volet de la PAJE, c'est-à-dire un total de 1,9 million, soit 200.000 familles nouvelles . La PAJE touchera donc un nombre jamais atteint de familles, y compris celles à revenus moyens aujourd'hui exclues de l'APJE.

En outre, cette prestation concernera également les familles adoptantes, qui auront désormais droit à une prime d'adoption de 800 euros à l'arrivée de l'enfant, ainsi qu'à l'allocation de base, versée pendant trois ans quel que soit l'âge de l'enfant. Le dispositif assure ainsi l'égalité des droits entre toutes les familles qui accueillent un nouvel enfant et assure une assimilation complète des familles adoptantes. L'actuelle allocation d'adoption était en effet peu lisible et ses règles de cumul avec l'APJE particulièrement complexes.

Par ailleurs, les 12.000 familles concernées chaque année par des naissances multiples percevront une allocation de base pour chaque enfant et non plus forfaitairement.

Enfin, la PAJE sera versée dans les départements d'outre-mer dans les mêmes conditions qu'en métropole, alors que ces derniers se voyaient auparavant appliquer un plafond de ressources inférieur de 10 % à celui pris en compte en métropole pour le calcul de l'ouverture des droits à prestations. Elle se rapproche ainsi d'une politique familiale véritablement universelle.

Gains pour les familles résultant du versement de la PAJE

Revenu par famille par mois

1 SMIC
915 €

2 SMIC
1.830 €

3 SMIC
2.750 €

3,5 SMIC
3.200 €

4 SMIC
3.660 €

4,5 SMIC
4.120 €

5 SMIC
4.575 €

Situation actuelle avec l'APJE

160 €

160 € 0

160 €

0

0

0

0

Situation proposée avec la PAJE

160 €

160 €

160 €

160 €

160 €

160 €

0

Gains par mois

 
 
 

+ 160 €

+ 160 €

+ 160 €

 

Source : ministère délégué à la famille

Le coût des systèmes de garde demeure un élément déterminant du choix des familles. Une étude du centre de recherche et de développement sur la consommation (CREDOC) de février 2000 montrait déjà que 43 % des parents n'avaient pas recours au mode de garde qu'ils auraient souhaité.

La PAJE a donc pour objectif de remplacer les prestations existantes dans le domaine du financement de la garde d'enfant, afin de lisser les déséquilibres et de mieux solvabiliser les familles.

Les différentes prestations remplacées par la PAJE

La PAJE se substituera aux cinq prestations suivantes :

APJE courte et longue (allocation pour jeune enfant)

- 159 euros par mois versés du cinquième mois avant la naissance jusqu'aux trois ans de l'enfant, sous condition de ressources (revenus mensuels inférieurs à 3.000 euros).

- 1,4 million de familles concernées.

L'APJE est répartie entre deux allocations : l'APJE courte (du cinquième mois de grossesse jusqu'aux trois mois de l'enfant) et longue (des quatre mois jusqu'aux trois ans de l'enfant).

Coût total : 2,9 milliards d'euros.

APE (allocation parentale d'éducation)

- 493 euros par mois versés en cas de retrait d'activité professionnelle du parent jusqu'aux trois ans de l'enfant.

- 550.000 familles concernées.

- Pas de condition de ressources.

Coût actuel : 3 milliards d'euros.

AFEAMA (aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée)

- Prestation versée jusqu'aux six ans de l'enfant.

- Trois volets représentant environ 430 à 500 euros par mois une rémunération de l'assistante maternelle pour un temps de garde plein :

1/ Exonération à 100 % des cotisations sociales (soit 250 euros par mois)

2/ Complément légèrement modulé selon le revenu : entre 136 et 200 euros par mois.

3/ Réduction d'impôt maximale de 48 euros par mois (575 euros par an).

- 600.000 familles concernées, nombre en forte progression.

Coût actuel : 2 milliards d'euros.

AGED (allocation de garde d'enfant à domicile)

- Versée jusqu'aux six ans de l'enfant.

- Deux volets :

1/ Exonération des cotisations sociales entre 50 et 75 % selon le revenu (100 % jusqu'en 1997).

2/ Réduction d'impôt jusqu'à 5.000 euros par an (réduction d'impôt « emplois à domicile »).

- 60.000 familles concernées, soit une diminution d'un tiers depuis 1997.

Coût actuel : 135 millions d'euros.

Source : ministère délégué à la Famille

A côté de la prime à la naissance et de l'allocation de base, la PAJE comporte en outre deux compléments, variables suivant le mode de garde de l'enfant et l'activité professionnelle des parents.

Le premier de ces complément, appelé « libre choix du mode de garde », s'adresse aux familles dont au moins l'un des parents choisit de continuer à exercer une activité professionnelle. Il est calculé par enfant, en cas de garde par une assistante maternelle ou en crèche, et par famille dans le cas d'une garde à domicile. Il est en outre réduit de moitié pour les enfants âgés de trois à six ans fréquentant un accueil périscolaire, dans la mesure où ils sont scolarisés.

Ce complément décroît avec l'augmentation des revenus afin de favoriser les familles à revenus modestes et moyens et leur permettre de choisir librement leur mode de garde . Il s'élève à : 150 euros pour un revenu de plus de 4,5 SMIC, 250 euros entre 2,1 et 4,5 SMIC et 350 euros pour un revenu inférieur. Le Gouvernement a décidé d'y consacrer 400 millions d'euros supplémentaires par rapport aux prestations existantes, soit 20 % de plus que les crédits consacrés à l'AGED et à l'AFEAMA réunis.

La revalorisation de cette prestation permettra notamment aux revenus modestes et intermédiaires d'avoir accès aux services d'une assistante maternelle, en rapprochant leur taux d'effort de celui résultant de la garde en structures collectives. Toutefois, la garde à domicile par une employée restera trop coûteuse pour les revenus les plus faibles.

Création d'un libre choix entre une assistante maternelle
et une place en crèche pour les familles modestes

Revenu mensuel des parents

1 SMIC
915 €

1,5 SMIC 1.370 €

2 SMIC
1.830 €

% du revenu consacré à la garde en crèche

10,7 %

9,4 %

8,9 %

% du revenu consacré aujourd'hui à la garde par une assistante maternelle

28 %

18,8 %

14 %

% du revenu consacré à la garde par une assistante maternelle avec la PAJE

12 %

7,8 %

5 %

Source : Ministère délégué à la famille

En outre, les cotisations sociales restent prises en charge entièrement en cas de garde par une assistante maternelle et à 50 % pour une garde à domicile. Les réductions d'impôt existantes sont également maintenues.

Enfin, le complément de libre choix du mode de garde tend à favoriser le développement des entreprises dans le secteur de la garde d'enfants puisqu'il bénéficie aux familles qui passent par un mandataire ou un prestataire de service (association ou entreprise) pour la garde de leur enfant, alors qu'elles devaient auparavant être uniquement employeur direct.

La PAJE sera aussi l'occasion de simplifier et de moderniser les relations des familles avec leur CAF. En effet, les circuits de gestion de ce complément de garde seront simplifiés par rapport à ceux existant actuellement pour l'AGED et l'AFEAMA. Après vérification des droits à l'allocation par la CAF, la déclaration des rémunérations versées se fera auprès d'un centre de recouvrement, au moyen d'un « chéquier PAJE », sur le modèle du dispositif existant pour le chèque emploi service. Les formalités administratives imposées aux familles seront donc allégées et les risques de rupture de droits supprimés.

L'objectif annoncé par le Gouvernement est l'augmentation de 200.000 enfants pris en charge par l'un des trois modes d'accueil institutionnels d'ici à 2007.

b) Le libre choix d'activité

Le second complément de la PAJE, le complément de libre choix d'activité, est destiné aux parents souhaitant arrêter de travailler pendant un temps plus ou moins long, afin de s'occuper eux-mêmes de leur enfant : 556.000 enfants de moins de trois ans sont actuellement gardés par l'un de leurs parents, la mère dans la grande majorité des cas, avec le bénéfice de l'APE et 400.000 le sont grâce au versement de l'APJE longue.

Ce complément a pour objet de compenser une partie de la perte de rémunération liée à l'arrêt d'activité professionnelle et remplace l'APE. Son montant est fixé à 334 euros versés par famille pour une durée de trois ans, s'ajoutant aux 160 euros de l'allocation de base (soit 494 euros, le niveau actuel de l'APE).

Cette prestation sera versée dès le premier enfant , en cas de retrait total de la vie professionnelle (avec une condition d'activité continue dans les deux ans précédant la naissance de l'enfant), pendant les six mois suivant le congé de maternité.

Par ailleurs, le complément de libre choix d'activité est augmenté de 15 % par rapport à l'actuelle APE pour un temps partiel, ce qui représente un gain de 37 à 49 euros par mois pour 125.000 familles à revenus modestes. Il sera dans ce cas cumulable avec le complément libre choix du mode de garde de la PAJE.

Comparaison entre l'APE et la PAJE

 

Situation actuelle

Situation avec la PAJE

Gain

Temps partiel au plus égal à 50 %

APE : 326 €/mois

375 €/mois
Décomposition :
Allocation de base : 159 €
Complément : 216 €

+ 49 €/mois

Temps partiel entre 50 et 80 %

APE : 246 €/mois

283 €/mois
Décomposition :
Allocation de base : 159 €
Complément : 124 €

+ 37 €/mois

Source : Ministère délégué à la famille.

S'il approuve ce dispositif, votre rapporteur s'étonne que les modalités de mise en oeuvre envisagent de renforcer les exigences d'activité professionnelle pour en être bénéficiaire.

Actuellement, le versement de l'APE, est subordonné à une activité professionnelle de deux ans pendant les cinq dernières années pour deux enfants à charge et les dix dernières années pour trois enfants. Or, le projet de décret prévoit de restreindre ces durées à deux ans dans les quatre ans pour deux enfants à charge et deux ans dans les cinq ans pour trois enfants. Ces conditions sont extrêmement restrictives, notamment pour les familles nombreuses à naissances rapprochées, où l'arrêt de l'activité est le plus souvent inévitable.

Ces conditions pénalisent également les jeunes mères étudiantes ou en fin d'études, qui n'ont pas encore eu la possibilité d'exercer un emploi, ou celles qui présentes moins de deux ans d'activité professionnelle et qui se trouvent en effet exclues de droit du dispositif.

Votre rapporteur souhaitait donc une reconsidération du projet de décret relatif aux modalités de mise en oeuvre de la prestation afin d'assouplir les conditions de recours au complément de libre choix d'activité. Il semble avoir été entendu puisque, devant votre commission des Affaires sociales, M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille, a indiqué que les périodes de congé parental, de congé maternité ou paternité, de congé maladie ou de formation professionnelle seraient comptabilisées comme périodes travaillées pour l'ouverture des droits au complément de libre choix d'activité.

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