ARTICLE 63 bis
(nouveau)
Amortissement accéléré des acquisitions
de terminaux permettant l'accès à l'internet haut débit
par satellite
Commentaire : afin de favoriser l'accès à internet haut débit des entreprises situées dans des zones géographiques où seule la technologie satellitaire le leur permet, le présent article prévoit un amortissement accéléré des dépenses d'acquisition des terminaux correspondant (notamment les paraboles).
En attendant l'irrigation de toute la France par des réseaux en fibre optique ou faisant appel à des technologies hertziennes terrestres à très hautes fréquences (ondes millimétriques), le satellite est la solution la plus rapide et la moins coûteuse de desserte de certaines zones par l'internet à haut débit 28 ( * ) .
Aussi le présent article, qui résulte d'un amendement voté par l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du gouvernement, à l'initiative de notre collègue député Patrice Martin-Lalande, autorise-t-il un amortissement accéléré sur douze mois des dépenses relatives à l'acquisition des terminaux nécessaires (à dater de leur mise en service et sur une période allant du 1 er janvier 2004 au 31 décembre 2006).
Déjà, l'article 16 de la seconde loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002) avait créé une incitation allant dans le même sens mais adressée aux exploitants de réseaux satellitaires ouverts au public (forfaitisation de leur redevance plus favorable que la taxation par site qui prévalait auparavant).
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE
64
Création de la société unipersonnelle
d'investissement à risque
Commentaire : le présent article offre aux investisseurs dits « providentiels » un cadre juridique adapté et des avantages fiscaux spécifiques en contrepartie des risques qu'ils consentent à courir pour le financement de la création de certaines entreprises.
I. UN DISPOSITIF APPROPRIÉ ET AVANTAGEUX
A. UN CADRE JURIDIQUE ADAPTÉ À LA SITUATION DES INVESTISSEURS PROVIDENTIELS
1. Une mesure annoncée par le « plan innovation » du gouvernement
a) La genèse du plan gouvernemental
Un plan d'aide aux entreprises innovantes, rebaptisé ensuite « plan innovation » a été présenté le 11 décembre 2002 en Conseil des ministre par Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie.
Ce plan, à la mise au point et à la promotion duquel s'est jointe la ministre déléguée à la recherche, Mme Claudie Haigneré, a fait l'objet d'une consultation nationale qui s'est achevée le 9 avril 2003 par un colloque à la Maison de la Chimie à Paris.
La création de statuts, d'une part de la jeune entreprise innovante (l'article 6 du présent projet de loi de finances), et, d'autre part, d'une société adaptée aux investisseurs providentiels ( business angels ) en étaient les mesures phares. On a successivement parlé, à propos de cette dernière, de « société de capital risque unipersonnelle », puis de « société unipersonnelle d'investissement providentiel », avant de choisir la dénomination, retenue par le présent article, de « société unipersonnelle d'investissement à risque » (SUIR).
b) La situation actuelle des investisseurs providentiels
Pour bénéficier d'avantages fiscaux significatifs autres que ceux de la « loi Madelin 29 ( * ) », l'investisseur providentiel ne peut, actuellement, suivre une démarche individuelle (à moins d'inscrire des actions non cotées dans un PEA). Il doit se joindre à, au minimum, deux autres business angels , pour constituer une société de capital risque (SCR) dont l'ensemble des recettes (plus values et dividendes notamment) provenant d'un portefeuille de participations non cotées 30 ( * ) sont exonérées d'impôt sur les sociétés (IS). Un certain nombre de conditions doivent, pour cela, être respectées 31 ( * ) .
c) Les options possibles
Il était prévu dès l'origine que le statut juridique proposé à l'investisseur providentiel individuel s'inspirerait de celui soit de l'EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée) soit, solution finalement retenue, de la SASU (société par actions simplifiées à associé unique). La SASU est une société commerciale, dont la création résulte de la volonté unilatérale de l'associé unique, ne pouvant pas faire appel à l'épargne publique.
Des ratios prudentiels et d'emprises étaient initialement envisagés, ainsi que des critères d'éligibilité des participations et, bien sûr, des avantages fiscaux comparables à ceux des SCR.
Par souci de simplicité, aucune durée minimale de conservation des titres n'a été imposée et il a été renoncé au ratio prudentiel projeté (une participation à une seule et même société n'aurait pas dû représenter plus de 25 % de l'actif de la SUIR, ce qui l'aurait obligé à avoir investi dans au moins quatre sociétés).
2. Les caractéristiques de la SUIR
a) L'attribution de la personnalité morale à l'investisseur providentiel
Hormis la qualité de l'associé unique et le mode de constitution de la société, le présent article n'a pas prévu, en ce qui concerne la SUIR, de dérogations particulières aux dispositions du code de commerce relatives aux sociétés par actions simplifiées à associé unique (SASU).
L'associé unique de la SUIR, qui est une personne physique , peut ainsi nommer d'autres dirigeants, dont les pouvoirs sont définis par les statuts de la société, mais doit prendre lui-même les décisions qui relèveraient normalement de la compétence des assemblées d'actionnaires (en matière d'augmentation de capital, de nomination des commissaires aux comptes, de répartition des bénéfices, etc).
La démarche de l'investisseur individuel providentiel est institutionnalisée par le présent article qui, en attribuant à celui-ci la personnalité morale permet d'identifier juridiquement, dans l'ensemble de son patrimoine, les capitaux affichés à son activité d'investisseurs qui peut donc faire l'objet d'un traitement fiscal particulier.
b) Un objet social exclusivement consacré à l'apport en fonds propres
Il est précisé, au début de l'article qu'il est proposé d'insérer dans le code général des impôts 32 ( * ) , que les sociétés par actions simplifiées à associé unique dites « sociétés unipersonnelles d'investissement à risque », détenues par une personne physique « ont dès leur création, pour objet social exclusif, la souscription en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés (dont les caractéristiques sont présentées ci-après) ... »
Par dérogation à ces dispositions, les SUIR peuvent toutefois également consentir aux sociétés dans lesquelles elles ont investi :
- des avances en compte (dans la limite de 15 % de leur actif brut comptable) ;
- ou des apports d'autres éléments (à hauteur de 5 % de ce même actif).
L'associé unique, son conjoint et leurs ascendants ne peuvent pas détenir ensemble plus de 25 % des droits financiers et des droits de vote de société dont les titres figurent à l'actif de la SUIR ou y exercer des fonctions rémunérées de dirigeant.
Chaque société, dont les SUIR ne peuvent détenir qu'entre 5 % et 20 % des droits financiers et des droits de vote (ratio d'emprise) et dont les titres figurent à l'actif de la SUIR, doit remplir les conditions suivantes :
- exercer une activité commerciale, industrielle ou artisanale (il n'est pas exigé de ratio de dépenses de recherche) ;
- avoir son siège dans la communauté européenne ;
- ne pas être cotée, même sur le nouveau marché (alors que les SCPR peuvent gérer un portefeuille de valeurs mobilières lorsqu'elles ont satisfait leur quota de 50 % d'actions non cotées) ;
- être majoritairement détenue par des personnes physiques (directement ou par l'intermédiaire d'une société analogue) ;
- avoir été créée depuis moins de cinq ans à la date de la première souscription à leur capital de la SUIR (dont l'apport de fonds propres apparaît ainsi très précoce) ;
- être entièrement nouvelle au sens de l'article 44 sexies du code général des impôts (c'est-à-dire ne pas être issue d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension ou, sauf dans le cas où un jugement de cession ou de liquidation, a été prononcé 33 ( * ) , d'une reprise d'activités préexistantes) ;
- être soumise à l'impôt sur les sociétés dans les conditions du droit commun au taux normal.
Il résulte de la multitude de ces conditions et, notamment, de la dernière 34 ( * ) « une indéniable complexité », pour reprendre l'expression de notre collègue député gilles Carrez, rapporteur général du budget.
B. UN RÉGIME FISCAL FAVORABLE
1. Des exonérations généreuses
a) Au regard de l'impôt sur les sociétés
Les SUIR satisfaisant aux conditions évoquées ci-dessus, en ce qui concerne à la fois elles-mêmes et les sociétés au capital desquelles elles ont souscrit, sont totalement exonérées d'impôts sur les sociétés, à raison des revenus provenant de leur portefeuille de titres figurant à leur actif et des plus values nettes réalisées, grâce à celui-ci, au cours d'exercices précédents.
Elles sont également dispensées de l'imposition forfaitaire annuelle et de la contribution exceptionnelle de 10 %.
b) Au regard de l'impôt sur le revenu
Les distributions prélevées sur les bénéfices exonérés d'impôt sur les sociétés ne sont pas soumises à l'impôt sur le revenu ou, si l'actionnaire unique réside à l'étranger, ne subissent pas de retenue à la source.
2. Des restrictions limitées
a) Une durée déterminée
L'exonération d'impôt sur les sociétés, prévue par le présent article, n'est accordée aux SUIR que jusqu'au terme du dixième exercice suivant celui de leur création.
Corrélativement, la durée de l'exonération d'impôt sur le revenu des bénéfices, qui doivent être eux-mêmes exonérés d'IS, issus de produits ou de plus-values provenant du portefeuille de la SUIR, est également de dix années.
b) Des avantages personnels et conditionnels
Le non respect d'une des conditions exigées entraîne la perte des exonérations d'IS, et par conséquent aussi d'IR, prévues.
En particulier, le capital de la SUIR ne peut pas être ouvert à d'autres associés (hormis le cas expressément prévu de transmission à titre gratuit à la suite du décès de l'associé unique initial).
Cette exigence du strict respect du principe de l'unicité de l'associé empêche que puisse se constituer un marché secondaire des actions de la SUIR.
c) La soumission aux prélèvements sociaux
Le II du présent article soumet expressément les distributions de la SUIR à son associé initial, ou à son ou ses héritiers, aux prélèvements sociaux, soit au total 10 % de prélèvements (contribution sociale généralisée, contribution pour le remboursement de la dette sociale et prélèvement de 2 %).
II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UNE MESURE PARTICULIÈREMENT BIENVENUE
Votre commission des finances approuve cet article qui incite les investisseurs individuels à contribuer à la création, sous forme de sociétés non cotées majoritairement détenues par des personnes physiques, d'entreprises développant des activités industrielles et commerciales .
Ce dispositif complète utilement l'exonération d'ISF accordée par la loi sur l'initiative économique aux redevables qui souscrivent au capital de PME, en numéraire, en nature ou par apport de biens nécessaires à leur activité.
Aujourd'hui, le nombre de business angels en France est estimé autour de 3.000 à 4.000 avec des investissements annuels de l'ordre de 70.000 euros en moyenne. Ce chiffre représente une proportion de 5 à 6 pour 100.000 habitants contre environ 100 aux Etats-Unis et au Royaume-Uni (soit 10 à 20 fois plus).
Le présent article, en créant à l'intention des investisseurs providentiels français un outil juridique spécifique fiscalement privilégié, à l'instar des limited partnerships anglo-saxons, peut contribuer à rattraper ce retard.
B. QUELQUES INTERROGATIONS
Toutefois, votre rapporteur général s'interroge sur :
- les éléments d'actifs non capitalistiques des sociétés dans lesquelles elles ont investi que les SUIR peuvent détenir (cf. 4° du I du même article 208 D) : n'aurait-il pas été souhaitable qu'elles puissent effectuer des apports en industrie (brevets, savoir faire) à défaut d'émission d'obligations convertibles ou de prêts d'actionnaires ?
- le minimum de 5 % des droits financiers (deuxième alinéa du 1° du I de l'article 208 D précité) que la SUIR doit atteindre ou dépasser : cette condition ne risque-t-elle pas de se révéler difficile à satisfaire, au fur et à mesure de l'augmentation du capital de la société financée (au troisième tour de table par exemple) ?
- enfin, dans la mesure où le 1° du I du texte proposé pour l'article précité 208 D dispose que les SUIR doivent souscrire au capital d'entreprises « soumises à l'impôt sur les sociétés dans les conditions normales », on aurait pu se demander si elles sont autorisées à investir dans des JEI qui peuvent en être exonérées au titre de leurs premiers exercices bénéficiaires (voir commentaire de l'article 6). La réponse des services fiscaux interrogés à ce sujet par votre rapporteur général est affirmative. Seules, les sociétés auxquelles sont accordées des exonérations d'IS complètes et permanentes doivent être exclues du champ d'investissement des SUIR, et non pas celles qui bénéficient d'avantages temporaires ou partiels, à raison de certaines de leurs activités.
Une SUIR peut donc apporter des fonds propres à une JEI.
Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
* 28 L'ADSL n'est accessible qu'à des usagers du réseau téléphonique géographiquement assez proche d'un central.
* 29 Réduction d'impôt sur le revenu égale à 25 % des souscriptions en numéraire au capital de sociétés non cotées (art. 199 terdecies-0A du code général des impôts) dans la limite d'un plafond annuel de 6.000 euros (12.000 euros pour un couple marié).
* 30 Ainsi que, par dérogation, certaines actions d'entreprises cotées au nouveau marché.
* 31 L'actif de la SCR doit être constitué pour 50 % au moins de titres non cotés. Le niveau d'une participation dans une même société ne peut pas dépasser 25 % et celui des droits de vote 40 %. Les actions de la SCR doivent être conservées pendant 5 ans et les revenus exonérés y être réinvestis et rester indisponibles pendant également 5 ans.
* 32 1° du I du nouvel article 208 D.
* 33 La reprise d'une entreprise par une SUIR est donc autorisée dans ce cas où est intervenu un jugement prononçant sa liquidation judiciaire ou ordonnant sa cession, en l'absence de tout plan de continuation (cf. articles l. 621-83 et suivants du code de commerce).
* 34 Du fait que le régime de la SUIR ne doit pas interférer avec de nombreux régimes dérogatoires prévoyant des exonérations particulières en faveur de certaines entreprises nouvelles ou d'autre sociétés créées pour reprendre des entreprises en difficulté à la suite de jugements prononçant leur cession.