2. Les propositions budgétaires dans le cadre du « trilogue »
En dépit de l'élargissement et des élections européennes, la procédure budgétaire a suivi son cours normal, mais avec des acteurs différents en début et en fin de période. Les objectifs de la France sont, comme chaque année, d'éviter le recours à l'instrument de flexibilité et la surbudgétisation des exercices passés, en ne recourant pas à des objectifs trop volontaristes de crédits de paiement.
a) La proposition de la Commission européenne
La proposition de la Commission, présentée le 28 avril 2004, est manifestement optimiste puisqu'elle fixe les crédits d'engagement à 117,2 milliards d'euros (+ 5,2 % par rapport au budget initial pour 2004) et les crédits de paiement à 109,5 milliards d'euros (+ 9,8 %), soit 1,03 % du RNB de l'Union. Cette proposition n'est pas totalement conforme à l'esprit des perspectives financières et surtout aux orientations fixées par le Conseil en mars 2004 : les marges sous plafond sont très faibles pour les politiques internes, et même négatives pour les actions extérieures (en particulier du fait de la mobilisation de l'instrument de flexibilité à hauteur de 115 millions d'euros pour financer l'aide à l'Irak) et les dépenses administratives. La Commission justifie cette évolution par la montée en puissance du coût de l'élargissement (impact de 3,9 milliards d'euros), mais aussi par d'autres facteurs :
- les conséquences des engagements au titre de la pré-adhésion des candidats actuels (surcoût de 500 millions d'euros) ;
- l'effet des variations du dollar (240 millions d'euros) ;
- le coût net de la réforme de la PAC adoptée en juin 2003 (nouvelle aide laitière pour 1,3 milliard d'euros) ;
- et les effets d'une meilleure consommation escomptée des fonds structurels (2,7 milliards d'euros).
b) Le vote du Conseil en première lecture
Comme cela est souvent le cas, le Conseil a joué son rôle de modérateur budgétaire, et a établi un projet de budget à 116 milliards d'euros en crédits d'engagement (soit + 4,1 % par rapport au budget initial pour 2004) et à 105,2 milliards d'euros en crédits de paiement (+ 5,4 %), soit 0,99 % du RNB. Les marges sous plafond des politiques internes, de l'aide extérieure et des dépenses administratives ont ainsi été restaurées, et les crédits de paiement ont été réduits de 4,3 milliards d'euros, la Commission étant invitée à présenter en cours d'année un budget rectificatif et supplémentaire en cas d'insuffisance des dotations.
c) Le vote du Parlement européen en première lecture
A l'issue de son vote en première lecture du 28 octobre 2004 , le Parlement européen a adopté une hausse très substantielle des crédits de paiement puisqu'elle s'élève à 11,7 % par rapport au budget européen pour 2004, et à 5,7 % (près de 6,5 milliards d'euros) par rapport à la proposition du Conseil en première lecture, soit un total de 111,26 milliards d'euros. Cette proposition du Parlement européen conduirait à relever la contribution française de 986 millions d'euros. Les crédits d'engagement s'inscrivent quant à eux en augmentation de 5,4 % par rapport au budget 2004 et de 1 % par rapport à la proposition du Conseil, soit 117,2 milliards d'euros.
Comme ce fut le cas lors de la préparation du budget 2004, les rubriques privilégiées par le Parlement sont les fonds structurels (+ 11,8 %, dont il résulte un épuisement des marges sous plafond), les actions extérieures (+ 6,7 %) et les instruments de pré-adhésion (+ 20 %). Les marges de l'ensemble du budget s'en trouvent réduites du tiers. Afin de préserver le financement de ses priorités et de se doter d'une marge de négociation supplémentaire lors de la seconde lecture par le Conseil, le Parlement a décide de mettre en réserve deux mesures relatives aux politiques internes et aux actions extérieures , qui conduisent à un dépassement du plafond de ces rubriques : les crédits de paiement nécessaires (54 millions d'euros) à la création de nouvelles agences communautaires n'ont pas été inscrits dans le budget, de même que ceux relatifs à l'aide pour la reconstruction de l'Irak (192 millions d'euros), pour laquelle le Parlement souhaite la mobilisation de l'instrument de flexibilité , qui permet un dépassement maximal de 200 millions d'euros du plafond d'une rubrique. Il a en outre annulé l'augmentation des crédits de la PESC, adoptée par le Conseil.
Le Parlement a souhaité rétablir le volume de crédits proposés par la Commission pour financer la PAC , et a donc annulé la réduction de un milliard d'euros adoptée par le Conseil. Il pourrait également profiter de la proposition de la Commission de réviser le plafond des perspectives financières de 2005 et 2006 pour régler les problèmes de financement qui se posent sur d'autres rubriques (actions extérieures, aides de pré-adhésion et politiques intérieures).
Budget prévisionnel pour 2005 Commission/Conseil (en millions d'euros) |
|||||||||
|
Budget 2004 |
APB Commission 2005 |
Projet du Conseil (1 ère lecture) |
Ecart Conseil/APB |
|||||
|
CE |
CP |
CE |
CP |
CE |
CP |
Ecart CP 05/04 |
CE |
CP |
Agriculture |
46.781,3 |
45.693,3 |
50.675,5 |
50.113,9 |
49.675,5 |
49.113,9 |
7,5 % |
-1.000 |
-1.000 |
Marge sous plafond |
2.523,7 |
763,6 |
1.763,6 |
||||||
Fonds structurels |
41.035 |
30.822,3 |
42.378,5 |
35.396 |
42.378,5 |
32.396 |
5,1 % |
0 |
-3.000 |
Marges sous plafond |
0 |
62,5 |
62,5 |
||||||
Politiques internes |
8.704,8 |
7.510,4 |
8.958,6 |
7.728,6 |
8.903,3 |
7.686,2 |
2,3 % |
-55,2 |
-42,4 |
Marges sous plafond |
17,2 |
53,4 |
108,7 |
||||||
Actions extérieures |
5.176,6 |
4.950,9 |
5.234 |
5.010,2 |
5.104,6 |
4.986,2 |
0,7 % |
-129,4 |
-24 |
Marges sous plafond |
-94,6 |
-115 |
14,4 |
||||||
Administration |
6.121,3 |
6.121,3 |
6.388,7 |
6.388,7 |
6.308,1 |
6.308,1 |
3,1 % |
-80,6 |
-80,6 |
Marges sous plafond |
35,7 |
-28,7 |
51,9 |
||||||
Réserves |
442 |
442 |
446 |
446 |
446 |
446 |
0,9 % |
0 |
0 |
Marge sous plafond |
0 |
0 |
0 |
||||||
Pré-adhésion |
1.733,3 |
2.856,2 |
1.856 |
3.179,9 |
1.856 |
2.979,9 |
4,3 % |
0 |
-200 |
Marge sous plafond |
1.721,7 |
1.616 |
1.616 |
||||||
Compensation |
1.409,5 |
1.409,5 |
1.305 |
1.305 |
1.305 |
1.305 |
-7,4 % |
0 |
0 |
Marge sous plafond |
0,5 |
0 |
|
0 |
|||||
TOTAL UE 25 |
111.403,7 |
99.805,9 |
117.242,2 |
109.568,2 |
115.977 |
105.221,2 |
5,4 % |
-1.255 |
-4.347 |
Marge sous plafonds |
4.204,3 |
11.574,1 |
2.351,8 |
4.491,8 |
3.617 |
8.838,8 |
|||
Source : « jaune » annexé au PLF 2005 |
|
|
|
|
|
|
|
Budget prévisionnel pour 2005 Conseil/Parlement européen (en millions d'euros) |
|||||||
|
Projet du Conseil (1 ère lecture) |
Projet du Parlement (1 ère lecture) |
Ecart Parlement/Conseil |
||||
|
CE |
CP |
CE |
CP |
Ecart CP 2005/budget 2004 |
CE |
CP |
PAC |
49.675,5 |
49.113,9 |
50.722,1 |
50.160,5 |
9,8 % |
2,1 % |
2,1 % |
Marge sous plafonds |
1.763,6 |
716,9 |
-59,4 % |
||||
Actions structurelles |
42.378,5 |
32.396 |
42.378,5 |
36.219 |
17,5 % |
0 % |
11,8 % |
Marges sous plafonds |
62,5 |
62,5 |
0 % |
||||
Politiques internes* |
8.903,3 |
7.686,2 |
9.011,9 |
7.878 |
4,9 % |
1,2 % |
2,5 % |
Marges sous plafonds |
108,7 |
91,4 |
-15,9 % |
||||
Actions extérieures* |
5.104,6 |
4.986,2 |
5.119 |
5.322,2 |
7,5 % |
0,3 % |
6,7 % |
Marges sous plafonds |
14,4 |
0 |
-100 % |
||||
Administration |
6.308,1 |
6.308,1 |
6.356,8 |
6.356,8 |
3,8 % |
0,8 % |
0,8 % |
Marges sous plafonds |
51,9 |
3,2 |
-93,8 % |
||||
Réserves |
446 |
446 |
446 |
446 |
0,9 % |
0 % |
0 % |
Marge sous plafonds |
0 |
0 |
|||||
Pré-adhésion |
1.856 |
2.979,9 |
1.856 |
3.576,5 |
25,2 % |
0 % |
20 % |
Marge sous plafonds |
1.616 |
1.616 |
0 % |
||||
Compensations |
1.305 |
1.305 |
1.305 |
1.305 |
-7,4 % |
0 % |
0 % |
TOTAL |
115.977 |
105.221,2 |
117.195,3 |
111.263,9 |
11,5 % |
1,1 % |
5,7 % |
Marge sous plafonds |
3.617 |
8.838,8 |
2.398,7 |
2.971,1 |
N.D. |
-33,7 % |
|
* Le Parlement européen a adopté une présentation particulière du budget, deux mesures conduisant à un dépassement des marges sous plafond des rubriques concernées (politiques internes et actions extérieures, voir commentaires y afférents), tributaires d'un accord avec le Conseil, ne figurent pas dans le total des crédits votés. Source : document du Parlement européen |
Le Conseil devrait adopter le budget en seconde lecture le 25 novembre, et la procédure budgétaire prendra fin le 16 décembre avec l'arrêt définitif du budget par le président du Parlement européen, qui clôturera la seconde lecture des parlementaires.
Compte tenu du probable compromis à mi-chemin qui sera élaboré entre les deux propositions concurrentes, les commentaires infra portant sur les différentes rubriques se fondent essentiellement sur les chiffres du projet du Conseil en première lecture.