G. L'EXÉCUTION BUDGETAIRE DES CRÉDITS DE COOPÉRATION DU MAE EN 2003 ET 2004

La régulation budgétaire du MAE, et plus particulièrement de ses crédits de coopération, a été très contrastée au cours des deux derniers exercices : après une année 2003 que l'on peut qualifier d'éprouvante, les crédits de l'exercice 2004 ont été au contraire sanctuarisés, après une prise de conscience au plus haut niveau de l'Etat . Votre rapporteur spécial rappelle qu'il ne saurait contester le principe de la régulation, en particulier sur des chapitres dont les reports témoignent, au moins partiellement, d'une gestion perfectible, mais considère que la gestion budgétaire de ces deux exercices est révélatrice de deux excès : une régulation de grande ampleur et par à-coups en 2003, puis une réaction de « compensation » en 2004, alors que la régulation aurait pu s'exercer de façon modérée et avec discernement. Afin que l'autorisation parlementaire puisse conserver son sens, c'est bien en amont, au stade des négociations budgétaires, qu'une approche fine et rigoureuse des dotations doit prévaloir, ce qui suppose d'une part de disposer de priorités claires et pérennes, et d'autre part de ne pas se laisser gagner par la logique non coopérative d'aspirations morcelées à des hausses de crédits.

De manière générale, la régulation, par les obligations de report et les dégels tardifs qu'elle implique, a également conforté une caractéristique budgétaire majeure du ministère comme des crédits de coopération qu'il gère : les crédits ouverts modifient si profondément les dotations initiales 67 ( * ) , eu égard au faible poids des mesures nouvelles votées en loi de finances initiale, que l'autorisation parlementaire perd une bonne partie de son sens.

1. L'exercice 2003

La régulation au titre de l'exercice 2003 a été massive et a commencé très tôt, dès début février. Les annulations et gels de crédits ont affecté le budget des affaires étrangères jusqu'à une hauteur de 284 millions d'euros (régulation maximale entre avril et juillet), soit 15 % des crédits hors rémunérations et engagements internationaux et 134 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2002. Le ministère ne précise toutefois pas quelle est la part des crédits de coopération qui a été affectée. La régulation en 2003 a suivi les étapes suivantes :

- le 3 février, un gel de 60 millions d'euros au titre de la « réserve d'innovation » pour les dépenses ordinaires (dont 16,8 millions d'euros sur les crédits d'APD), et de 98 millions d'euros au titre de la « réserve de précaution » pour les dépenses d'investissement (exclusivement imputée sur les crédits APD et coopération militaire et de défense). Cette réserve de précaution ne pouvait être mobilisée que pour couvrir des dépenses non prévues au titre de l'APD, et le reliquat après financement de ces éventuelles dépenses non prévues pouvait être librement utilisé . Ces réserves constituaient donc un gel de crédits éventuellement mobilisable . ;

- le 15 mars, annulation de 5,3 millions d'euros en AP et de 31 millions d'euros sur les CP précédemment gelés au titre de la « réserve d'innovation » ;

- le 15 avril, gel de 133 millions d'euros de crédits de reports , dont 103 millions d'euros d'obligation de reports imposée fin 2003. Cette mesure a suscité l'incompréhension du ministère car elle n'avait fait l'objet d'aucun avertissement préalable, y compris lors de la conférence de reconduction quatre semaines plus tôt ;

- à partir du mois de juin, la perspective d'une extension des cessations de paiement au-delà du FSP a motivé un dégel progressif de 37 millions d'euros durant l'été. Cette mesure a permis au FSP d'éviter une « banqueroute », selon les termes du ministère ;

- le 15 octobre, annulation de 67 millions d'euros sur les crédits mis en « réserve d'innovation » et sur les reports gelés.

- la loi de finances rectificative pour 2003 s'est traduite par 6 millions d'euros d'ouvertures de crédits, mais également par l'annulation de 72 millions d'euros de CP et de 76 millions d'euros d'AP . La loi de finances rectificative a donc eu un double impact en terme de régulation : s'ajoutant aux 72 millions d'euros de dépenses ordinaires et CP annulés, 83 millions d'euros sont restés gelés et ont donc été inutilisables sur l'exercice 2003, constituant de facto une nouvelle obligation de report sur les crédits du ministère.

La perte totale de crédits en fin d'année subie par le ministère en 2003 s'élève à 267 millions d'euros de CP et 82 millions d'euros d'AP. Le report de charges à financer hors loi de finances initiale pour 2004 a été estimé à 298 millions d'euros. Il aura été couvert à hauteur de 50 % par les reports.

Certaines lignes budgétaires concourant à la coopération ont été particulièrement touchées par la régulation :

- les établissements culturels et de recherche ainsi que les alliances françaises ont enregistré une baisse sensible de leurs subventions de fonctionnement, les contraignant à réduire leurs activités et à prélever sur leurs réserves éventuelles ;

- s'agissant des projets, la récurrence de certains moyens a, malgré les mesures prises (réduction et annulation de projets, report de recrutement d'assistants techniques, réduction de subventions à des acteurs du développement,...), donné lieu à un important report de charges sur 2004 ;

- l'insuffisance de CP du FSP a entraîné une interruption des paiements de mai à août 2003 (gel puis dégel de 19 millions d'euros), puis une nouvelle interruption dès la mi-octobre qui a justifié l'ouverture de 5 millions d'euros de nouveaux CP en loi de finances rectificative. De fait, votre rapporteur spécial a constaté, lors de sa mission de contrôle en Afrique, que les postes diplomatiques dans lesquels il s'est rendu avaient dans certains cas dû reporter sur 2004 le paiement de nombreuses factures au titre du FSP, réduisant d'autant les crédits disponibles pour poursuivre les projets en cours ;

- l'AFD a été amenée à interrompre ses décaissements en dons fin novembre faute de disposer des ressources budgétées ;

- l'absence des crédits nécessaires pour faire face au dernier appel de fonds du FED pour 2003, des pénalités et un report de charges pèsent sur l'enveloppe 2004 ;

- la régulation budgétaire sur le chapitre 42-29 (coopération militaire et de défense) a conduit au non-remboursement au ministère de la défense des 11/12èmes des stages 2003 dans les écoles militaires françaises, soit 10 millions d'euros.

* 67 Ainsi les crédits ouverts en 2002 étaient supérieurs de plus de 21,7 % aux dotations initiales, de 16,3 % en 2001 et de 20,1 % en 2000.

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