ARTICLE 22 - Montant et répartition du prélèvement de solidarité pour l'eau
Commentaire : le présent article tend à fixer le montant et la répartition du prélèvement de solidarité pour l'eau.
I. LE DROIT EXISTANT
Le prélèvement de solidarité pour l'eau est un prélèvement à la charge des agences de l'eau, qui a été initialement institué, par le II de l'article 58 de la loi de finances pour 2000 158 ( * ) , au profit du Fonds national de solidarité pour l'eau (FNSE). Celui-ci a toutefois été budgétisé à compter de 2004, ce dont votre commission, qui s'était montrée critique à l'égard de ce fonds, s'était félicitée 159 ( * ) . L'article 38 de la loi de finances pour 2004 160 ( * ) a clos le compte d'affectation spéciale n° 902-00 « Fonds national de l'eau », dont le FNSE constituait la seconde section. Les opérations en compte au titre de ce fonds ont été reprises au sein du budget général, sur lequel ont été reportés les crédits disponibles à la clôture des comptes. Le budget du ministère de l'écologie et du développement durable a ainsi vu ses dotations majorées de 83 millions d'euros au titre des dépenses auparavant financées par le FNSE, tandis que le prélèvement de solidarité pour l'eau a été maintenu et son montant, affecté au budget général.
Son montant est déterminé chaque année en loi de finances. Ce prélèvement est versé au comptable du Trésor du lieu du siège de chaque agence de l'eau, sous la forme d'un versement unique intervenant avant le 15 février de chaque année. Il est recouvré selon les modalités s'appliquant aux créances de l'Etat étrangères à l'impôt, au domaine, aux amendes et autres condamnations pécuniaires.
Le montant de ce prélèvement est inscrit comme dépense obligatoire dans le budget primitif des agences de l'eau. Il est fonction, pour deux tiers, de la part de chaque bassin dans le montant total des redevances autorisées pendant la durée du programme pluriannuel d'intervention et, pour un tiers, de la part de chaque bassin dans la population recensée en métropole.
Compte tenu de ces critères, la part de la contribution de chaque agence est la suivante :
Répartition de la contribution entre les agences
(en %)
Agences de l'eau |
Part |
Adour-Garonne |
9,20 % |
Artois-Picardie |
7,66 % |
Loire-Bretagne |
15,94 % |
Rhin-Meuse |
8,46 % |
Rhône-Méditerranée-Corse |
23,04 % |
Seine-Normandie |
35,70 % |
Total |
100,00 % |
II. LE DISPOSITIF PRÉVU PAR LE PRÉSENT ARTICLE
Le présent article prévoit que le montant et la répartition du prélèvement de solidarité pour l'eau seront en 2005 identiques à ceux fixés pour 2005 par l'article 45 de la loi de finances pour 2005 161 ( * ) .
Le montant du prélèvement atteindra donc 83 millions d'euros, répartis comme suit :
Montant du prélèvement de solidarité pour l'eau par agence
(en euros)
Agence de l'eau Adour Garonne |
7.636.000 |
Agence de l'eau Artois-Picardie |
6.358.000 |
Agence de l'eau Loire-Bretagne |
13.230.000 |
Agence de l'eau Rhin-Meuse |
7.022.000 |
Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse |
19.123.000 |
Agence de l'eau Seine-Normandie |
29.631.000 |
Total |
83.000.000 |
L'évolution du montant du prélèvement de solidarité pour l'eau Le montant du prélèvement avait été fixé à 500 millions de francs, soit 76,22 millions d'euros, par l'article 58 de la loi de finances initiale pour 2000. L'article 30 de la loi de finances initiale pour 2001 avait reconduit le même montant. L'article 29 de la loi de finances initiale pour 2002 avait porté le montant du prélèvement à 81,6 millions d'euros, cette hausse devant permettre de mieux financer le système d'information sur l'eau requis par la directive cadre sur l'eau du 23 octobre 2000 et de couvrir des dépenses supplémentaires d'application de la directive « nitrates » dans les régions du Grand Ouest. L'article 44 de la loi de finances initiale pour 2003, avait maintenu à 81,6 millions d'euros le montant du prélèvement de solidarité pour l'eau, mais seulement 60 millions d'euros avaient été affectés au FNSE, le solde, soit 21,6 millions d'euros, étant affecté au budget général. L'article 38 de la loi de finances initiale pour 2004 a porté le montant du prélèvement de solidarité pour l'eau à 83 millions d'euros, montant qui a été reconduit par l'article 45 de la loi de finances initiale pour 2005. |
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UN PRÉLÈVEMENT CRITIQUÉ PAR LA COUR DES COMPTES
Dans le cadre de la procédure prévue par l'article 58-2° de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) 162 ( * ) , votre commission des finances avait demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur le Fonds national de solidarité pour l'eau, qui a fait l'objet d'un rapport de notre collègue Philippe Adnot, alors rapporteur spécial des crédits de l'écologie et du développement durable 163 ( * ) .
La Cour des comptes s'était montrée critique envers l'assiette de ce prélèvement, ainsi que le rappelle le passage suivant, extrait de la communication transmise à votre commission des finances :
« L'assiette de ce prélèvement appelle l'observation suivante. Compte tenu du mode de fixation des redevances des agences, leurs niveaux sont d'autant plus élevés dans un bassin hydrographique donné que le montant des interventions de l'agence de ce bassin prévu à son programme pluri-annuel est lui-même élevé. Un montant élevé de redevances traduit donc des besoins importants ou une solidarité à l'échelle du bassin intense. Dans ces conditions, la solidarité ou la péréquation entre les bassins devrait se traduire plutôt par un transfert des bassins où les taux de redevance sont relativement bas - c'est-à-dire des bassins où les besoins sont eux-mêmes relativement bas ou bien où la solidarité est faible - vers les bassins où les taux de redevances sont relativement élevés - c'est-à-dire vers les bassins où les besoins sont aussi élevés ou bien où la solidarité est forte. Pour deux tiers, l'assiette du prélèvement pour l'eau est fonction d'un critère indirectement lié aux niveaux des redevances et provoque un transfert entre bassins opposé à ce que l'objectif de solidarité ou de péréquation pourrait laisser imaginer . »
Le tableau suivant montre l'importance de ce transfert :
Répartition du prélèvement de solidarité pour l'eau entre les agences selon le seul critère démographique (année 2001) |
||||
Agences de l'eau |
Populations des bassins |
Répartition démographique (1) |
Répartition légale (2) |
Ecart (1)-(2) |
Adour-Garonne |
6 484 000 |
8,46 M€ |
7,01 M€ |
-1,45 M€ |
Artois-Picardie |
4 814 000 |
6,29 M€ |
5,84 M€ |
- 0,44 M€ |
Loire-Bretagne |
11 605 000 |
15,15 M€ |
12,15 M€ |
- 3,00 M€ |
Rhin-Meuse |
3 962 000 |
5,17 M€ |
6,45 M€ |
+ 1,28 M€ |
Rhône-Méditerranée-Corse |
14 138 000 |
18,46 M€ |
17,56 M€ |
- 0,90 M€ |
Seine-Normandie |
17 386 000 |
22,70 M€ |
27,21 M€ |
+ 4,52 M€ |
Total |
58 389 000 |
76,22 M€ |
76,22 M€ |
0,00 M€ |
Source : estimation Cour des comptes pour la répartition du prélèvement de solidarité pour l'eau entre bassins selon le seul critère de la population de ces bassins, in Philippe Adnot, « Le Fonds national de solidarité pour l'eau (FNSE) : une expérience riche d'enseignements », rapport d'information n° 345 (2003-2004) |
La Cour estimait que « indirectement, le prélèvement de solidarité pour l'eau organise donc un transfert supplémentaire des ménages urbains vers les autres usagers de l'eau qui s'ajoute à celui opéré par les agences et, marginalement, par le FNDAE 164 ( * ) ». En outre, elle mettait en évidence l' opacité de ce prélèvement fiscal assis sur les redevances établies et recouvrées par les agences de l'eau : « si aucun principe de droit ne s'oppose à une telle superposition, que le Conseil constitutionnel n'a pas censurée, elle est évidemment opaque pour les redevables puisqu'une partie des sommes qu'ils versent à une personne publique, l'agence, pour financer ses missions, est en réalité destinée à une autre personne publique, l'Etat, qui finance ainsi d'autres missions ».
B. UN PRÉLÈVEMENT APPELÉ À ÉVOLUER, DANS LE CADRE DE LA REFONTE DE LA POLITIQUE DE L'EAU
Le ministre de l'écologie et du développement durable, alors M. Serge Lepeltier, avait indiqué, lors de son audition portant sur la communication de la Cour des comptes, le 15 juin 2004, que l'assiette basée sur la population permettait de rééquilibrer la contribution en faveur des agences de l'eau les plus rurales et que, finalement, les bassins les plus riches étaient également les plus contributeurs. Il avait toutefois précisé que la question du devenir de ce prélèvement serait abordée avec le Parlement dans le cadre du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques 165 ( * ) .
L'article 41 de ce projet de loi propose ainsi d'instituer, un Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA), qui se substituerait au Conseil supérieur de la pêche et devrait constituer le « bras armé » du ministère de l'écologie et du développement durable. Cet office, qui serait créé le 1 er janvier 2007 , serait chargé :
- de participer à la protection et à la surveillance de l'eau et des milieux aquatiques, de leur faune et de leur flore, et de contribuer à la prévention des inondations ;
- d'apporter son appui aux services de l'Etat, aux agences de l'eau et aux offices de l'eau dans la mise en oeuvre de leurs politiques ;
- d'assurer la mise en place et la coordination technique d'un système d'information sur l'eau ;
- de garantir une solidarité financière entre les bassins et de conduire ou de soutenir des programmes de recherche et d'études qui leur sont communs ou revêtent un intérêt général ;
- de mener et de soutenir des actions nationales de communication et de formation.
Les ressources de l'ONEMA seraient de deux types :
- les contributions des agences de l'eau , dont le montant global annuel sera plafonné à 108 millions d'euros sur la période 2007-2012 ;
- des subventions versées par des personnes publiques.
En contrepartie, l'article 49 de ce projet de loi propose de supprimer le prélèvement de solidarité pour l'eau.
Votre rapporteur général estime qu'il est nécessaire d'obtenir des précisions sur la mise en place du nouveau cadre de la politique de l'eau, tel qu'il résultera des dispositions finales du projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques 166 ( * ) , ainsi que sur la situation budgétaire des agences de l'eau, afin de pouvoir juger de la pertinence de maintenir ce prélèvement au même montant que les années précédentes.
Dans l'attente, votre rapporteur général propose de réduire de moitié , en 2006, le montant du prélèvement de solidarité pour l'eau par rapport au montant fixé pour 2005.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
* 158 Loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999.
* 159 Sur ce point, se reporter au commentaire de l'article 21 figurant dans le rapport n° 73 (2003-2004), Tome II, fascicule 1, de votre rapporteur général sur le projet de loi de finances pour 2004.
* 160 Loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003.
* 161 Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004.
* 162 Cet article dispose que « la mission d'assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes par le dernier alinéa de l'article 47 de la Constitution comporte notamment : 2° La réalisation de toute enquête demandée par les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle. Les conclusions de ces enquêtes sont obligatoirement communiquées dans un délai de huit mois après la formulation de la demande à la commission dont elle émane, qui statue sur leur publication ».
* 163 Philippe Adnot, « Le Fonds national de solidarité pour l'eau (FNSE) : une expérience riche d'enseignements », rapport d'information n° 345 (2003-2004)
* 164 Fonds national de développement des adductions d'eau.
* 165 Pour une analyse des dispositions de ce projet de loi ayant un impact budgétaire, se reporter au rapport pour avis n° 273 (2004-2005) de notre collègue Fabienne Keller.
* 166 Ce projet de loi (n° 97 (2004-2005)) a été adopté par le Sénat le 14 avril 2005. Son examen est prévu à l'Assemblée nationale pour le mois de février 2006.