II. PRÉSENTATION DES PROGRAMMES
A. PROGRAMME 221 « STRATÉGIE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE ET RÉFORME DE L'ETAT »
1. Le rattachement de la réforme de l'Etat
Le rattachement de la réforme de l'Etat aux attributions du ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat est un fait nouveau qui implique la recherche de synergies entre les activités relatives à la réforme budgétaire, dans sa dimension de mise en oeuvre d'une nouvelle gestion publique voulue par la LOLF, et celles relatives à la réforme de l'Etat.
Conformément aux orientations annoncées par le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat lors du Conseil des ministres du 27 juillet 2005, deux pôles se dégagent ainsi auprès du ministre, l'un chargé de la modernisation de l'Etat, l'autre du pilotage des finances publiques et de l'analyse des performances des politiques publiques. Clairement distingués dans leurs finalités et dans leurs structures, ils doivent agir de manière étroitement coordonnée, mais selon des modalités différentes.
2. La double finalité du programme
Le programme 221 a pour finalité d'assister le gouvernement dans la conception et la mise en oeuvre de la politique économique et financière du pays. Il regroupe également les moyens consacrés au pilotage des actions de modernisation de l'Etat, sous la direction du ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat.
a) Le pilotage des finances publiques
Le pôle chargé du pilotage des finances publiques doit contribuer à la définition de la trajectoire des finances publiques, assurer la négociation budgétaire autour de l'analyse de la performance des politiques publiques et assurer le pilotage global de l'exécution budgétaire des administrations publiques.
b) La modernisation de l'Etat
Le pôle chargé de la modernisation de l'Etat doit identifier les objectifs communs de réforme, fournir la grille d'analyse, évaluer et suivre ce qui est proposé par les ministères et lui proposer des outils de modernisation. Ce pôle est constitué à partir de la reconfiguration de quatre structures existantes : la direction de la réforme budgétaire (DRB) pour ses missions autres que celles dévolues à la direction du budget, la délégation à la modernisation de la gestion publique et des structures administratives (DMGPSE), la délégation aux usagers et aux simplifications administratives (DUSA) et l'agence pour le développement de l'administration électronique (ADAE).
3. Des moyens en hausse
Les crédits de ce programme sont éclatés entre plusieurs missions, ce qui ne permet pas une vision d'ensemble des budgets alloués et des actions. Cette polyvalence des moyens et emplois du programme rendent peu claire la structure finale et impossible l'analyse des coûts .
A signaler d'ailleurs le montant des dépenses fiscales : 610 millions d'euros, soit 70 % des crédits de paiement de la mission. On voit mal la place de dépenses fiscales aussi diverses que les prêts à la consommation ou la réduction des droits pour les donations dans le cadre d'un programme principalement en charge de la conception de la politique économique .
Liens entre les actions du programme et d'autres programmes
a) Les autorisations d'engagement
Le programme représente 522,82 millions d'euros en autorisations d'engagement , soit 53 % des AE de la mission, en hausse de plus de 15 % par rapport à la loi de finances pour 2005.
Les dépenses de fonctionnement de 154 millions d'euros , dont la plus grande part sert à financer les prestations réalisées par la Banque de France (147 millions d'euros), ne sont pas significatives, les moyens de fonctionnement courant étant imputés sur l'action de soutien du programme « conduite et pilotage des politiques économique, financière et industrielle ».
210 millions d'euros demandés pour 2006 en dépenses d'investissement permettront de financer les besoins essentiels de la LOLF (Palier 2006 et ACCORD-LOLF) et la mise en oeuvre des grands chantiers informatiques comme le projet Chorus.
b) Les crédits de paiement en hausse
Le montant des crédits de paiement du programme 221 s'élève à 412,1 millions d'euros , soit 47,6 % des CP de la mission, en hausse de 10,4 % par rapport aux crédits votés en loi de finances pour 2005.
Cette hausse est peu significative compte tenu des changements de périmètre et du manque de clarté des répartitions entre missions du Minéfi. A noter que les crédits de paiement de l'AIFE passent de 81 millions d'euros en 2005 à 118 millions d'euros.
c) Les dépenses de personnel
Avec des effectifs de 1.528 ETP , le programme affiche une augmentation qui s'explique essentiellement par le transfert de 117 emplois en provenance des services généraux du Premier ministre et correspondant au personnel des services chargés de la réforme de l'Etat. Ces effectifs sont marqués par la forte proportion d'emplois de catégorie A et A +, qui reflète les activités de direction des services concernés.
Les dépenses de personnel, 112,95 millions d'euros, sont en hausse de 15 % par rapport à la loi de finances pour 2005.
4. Des changements de périmètre importants
L'architecture du programme 221 a été modifiée pour tenir compte du rattachement des politiques de réformes de l'Etat au ministère du budget. Il est structuré en cinq actions complémentaires en vue d'assurer la définition et la mise en oeuvre de la stratégie économique et de la réforme de l'Etat.
Action 1 « Définition et mise en oeuvre de la politique économique et financière de la France dans le cadre national, international et européen »
Cette action, mise en oeuvre par la direction générale du Trésor et de la politique économique (DGTPE), est en étroite interaction avec les autres missions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Elle résulte du regroupement des directions du Trésor (DT), des relations économiques extérieures (DREE) et de la prévision et des analyses économiques (DPAE). Elle a été créée fin 2004 pour répondre à la nécessité d'adapter l'organisation du Minéfi à l'évolution de l'environnement économique mondialisé. Son objectif est de doter le ministère d'un outil administratif puissant et cohérent pour peser dans les négociations économiques internationales et mobiliser les nombreux moyens dont il dispose pour mettre en oeuvre une action économique de l'Etat plus performante.
Les ETP des services de la DGTPE rattachés à cette action représentent 75 % des effectifs du programme. Ils participent à la mise en oeuvre de cinq programmes du budget général du Minéfi : « Stratégie économique et financière et réforme de l'Etat », « Aide économique et financière du développement », « Charge de la dette et trésorerie de l'Etat », « Appels en garantie de l'Etat » et « Développement des entreprises », ainsi qu'à huit programmes de comptes spéciaux.
Alors que les ressources humaines de l'ensemble de ces programmes sont rassemblées dans cette seule action, les coûts salariaux sont ventilés au prorata des effectifs des programmes sur les actions concernées.
Les moyens de fonctionnement courant de la DGTPE sont imputés sur le programme « Conduite et pilotage des politiques économique, financière et industrielle » de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques ».
En revanche, inscrits en titre 3, 154 millions d'euros en AE et CP sont affectés pour l'essentiel au remboursement à la Banque de France et à l'Institut d'émission des départements d'Outre-mer des coûts engagés dans l'exercice des missions d'intérêt général confiées à la prise en charge de la rémunération des prestations pour le compte de l'Etat (147 millions d'euros en AE et CP).
Le reste de l'enveloppe est destiné à financer des audits et études et à assurer les moyens de fonctionnement de l'Agence France Trésor.
Ventilation des crédits de soutien et/ou polyvalents vers (+) ou en provenance (-) d'autres programmes (en millions d'euros) |
|
Aide économique et financière au développement (mission « Aide publique au développement » |
+ 2,52 |
Appels en garantie de l'Etat (mission « Engagements financiers de l'Etat) |
+ 0,22 |
Charge de la dette et trésorerie de l'Etat (mission « Engagements financiers de l'Etat ») |
+ 4,05 |
Développement des entreprises (mission « Développement et régulation économique » |
+ 5,92 |
Conduite et pilotage des politiques économique, financière et industrielle (mission « Gestion des finances publiques » |
- 36,59 |
Action 2 « Politique des finances publiques et analyse de la performance des politiques publiques »
L'action 2 est mise en oeuvre par la direction du budget. Elle vise à assurer le financement des politiques publiques et veille à l'amélioration de l'efficacité des finances publiques.
Elle regroupe les moyens de la direction du budget et une partie des moyens de la direction de la réforme budgétaire. Elle correspond à la préparation et au suivi de l'exécution du budget de l'Etat et à la mise à disposition du gouvernement de toutes analyses utiles sur les mesures susceptibles d'induire des conséquences budgétaires ou en termes de performance des politiques publiques.
Les moyens de fonctionnement de cette action sont, comme pour l'action précédente, inscrits à l'action 5 du programme « Conduite et pilotage des politiques économique, financière et industrielle ».
Avec 329 ETP, l'action 2 supporte les effectifs affectés à la direction du budget en majeure partie et aux services des contrôles financiers et du contrôle.
Action 3 « Elaboration de la législation fiscale »
L'action 3 relève essentiellement de la direction de la législation fiscale au titre de ses missions d'expertise juridique et budgétaire et d'élaboration de normes fiscales.
Comme pour les actions précédentes, l'essentiel des moyens de fonctionnement de cette action , notamment logistiques et immobiliers , sont supportés par le programme « Conduite et pilotage des politiques économique, financière et industrielle » de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques ».
Action 4 « Modernisation de l'Etat »
L'action 4 correspond aux moyens alloués à la nouvelle direction générale de la modernisation de l'Etat (DGME), à partir de la reconfiguration de quatre structures existantes, la délégation de la modernisation de la gestion publique et des structures de l'Etat (DMGPSE), la délégation aux usagers et aux simplifications administratives (DUSA), une partie de la direction de la réforme budgétaire (DRB) et de l'agence pour le développement de l'administration électronique (ADAE). Cette direction est la structure pivot de l'animation interministérielle et de l'accompagnement de la modernisation de l'Etat.
Elle identifie les sujets liés à l'amélioration de la qualité du service rendu aux usagers et la recherche d'une utilisation plus performante de l'argent public, notamment par des actions de réforme de la gestion publique et de fonctions d'audit et de conseil avec le relais des réseaux de gestionnaires ministériels.
Une dotation de fonctionnement de 42,8 millions d'euros et 161 ETPT sont affectés à la DGME . Les moyens de la direction sont appelés à être ventilés ultérieurement entre l'action 4 et l'action 2.
Action 5 « Systèmes d'information financière de l'Etat » (SIFE)
L'action 5 correspond aux moyens alloués à l'Agence pour l'informatique financière de l'Etat (AIFE) pour financer les systèmes d'information budgétaire, financière et comptable de l'Etat, conformément aux attentes de la LOLF.
Ce service à compétence nationale (SCN SIFE), créé en février 2005, reprend à son compte les attributions de l'ex-SCN ACCORD et a vu ses compétences élargies à l'ensemble des nouveaux systèmes d'information budgétaire, financière et comptable. Dans le cadre d'un besoin renforcé de pilotage et de coordination ministériels, il est rattaché au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Près de la moitié des autorisations d'engagement du programme, soit 225 millions d'euros, sont affectées aux services de l'AIFE.
Les dépenses d'investissement, 210 millions d'euros en autorisations d'engagement et 103 millions d'euros en crédits de paiement , sont destinées à financer les acquisitions et la maintenance des outils informatiques existants pour la mise en oeuvre de la LOLF avec les systèmes ACCORD LOLF et Chorus.
Pour 2006, 200 ETP sont affectés aux services de l'AIFE , une augmentation de 30 ETP et 1,7 million d'euros inscrits en AE et CP en dépenses de fonctionnement, correspond aux besoins de la montée en charge des équipes pour faire face à « Palier 2006 ».
Votre rapporteur spécial sera particulièrement attentif à l'AIFE, la bonne évolution de ces systèmes constituant une condition indispensable de réussite pour la LOLF.
5. La performance du programme
Compte tenu de l'enjeu de la mission, le programme 221 est un programme d'état major où les objectifs du gestionnaire de programme se confondent avec ceux du politique. En cas de non réussite de l'objectif, la responsabilité paraît dans ce cas partagée entre administratif et politique.
La stratégie du programme a été aménagée pour s'articuler autour des deux axes essentiels de ses missions en matière de conduite de la politique économique au nom du gouvernement et de pilotage des actions de modernisation de la gestion publique.
De même, les objectifs de l'avant-PAP 2005 ont été adaptés pour répondre à l'extension du périmètre au secteur de la réforme de l'Etat, et prendre en compte les principales observations formulées tant par la Cour des comptes que par le Parlement. Ainsi, des objectifs jugés peu pertinents par la commission des finances du Sénat ont disparu, tels l'objectif consistant à « assurer un bon niveau de réponse aux demandes formulées par les parlementaires », ou l'objectif « assurer la qualité du contrôle de la dépense publique », qui avait pour objet d'assurer le succès de la réforme du contrôle fiscal et a été considéré trop vague pour pouvoir faire l'objet d'une expertise.
L'objectif 4, qui avait fait l'objet d'observations de la part du Sénat qui avait estimé que les objectifs proposés pour l'action diplomatique de l'Etat étaient très consensuels et ne permettaient pas d'appréhender avec précision les buts de la diplomatie française, a été supprimé.
En revanche, les indicateurs relatifs à la réforme budgétaire paraissent susceptibles d'être approfondis, l'appropriation de la LOLF peut par exemple être mieux mesurée.
Premier objectif : « Assurer la qualité de l'analyse et des prévisions présentées dans le projet de loi de finances, dans le domaine des évolutions économiques et dans celui des recettes fiscales »
L'indicateur 1 « fiabilité comparée, au vu des réalisations, des prévisions du gouvernement présentées dans le rapport économique, social et financier (RESF) et de celles des instituts de conjoncture » permet de mesurer la qualité des prévisions macroéconomiques du gouvernement. Le mode de calcul, qui consiste à comparer, en termes de croissance et d'inflation, les prévisions des économistes et du gouvernement par rapport aux réalisations, est un très bon indicateur dès lors qu'il permet bien de comparer, de façon lisible, l'écart prévision/réalisation respectif du consensus des économistes et du gouvernement, c'est-à-dire plus ou moins de la DGTPE. Il permettra donc d'indiquer quelle est la valeur ajoutée d'un service de prévision macroéconomique interne par rapport à une simple référence aux prévisions disponibles auprès d'instituts externes.
Objectif 2 : « Contribuer à l'accessibilité et à la clarté de la norme fiscale et accélérer la production des textes d'application de la législation fiscale »
A l'indicateur « délais de codification et de production des textes d'application », deux sous-indicateurs correspondent à deux délais : la date d'achèvement du code applicable au 1 er janvier et le pourcentage de textes d'application publiés dans le délai de six mois après la date de promulgation du texte.
L'objectif de 55 % de textes d'application publiés dans le délai de six mois après l'entrée en vigueur du texte appliqué paraît peu ambitieux, on pourrait imaginer que ce délai serait amené à s'améliorer en cas de recrutements d'agents supplémentaires à la DLF. Mieux vaudrait donc un indicateur rapporté aux nombres d'agents ou tenant compte des moyens mis à disposition de l'objectif.
Objectif 3 : « Assurer la transposition des directives européennes dans les délais »
Cet objectif est très intéressant, le taux de transposition de la France étant régulièrement bas.
La remarque de la commission des finances a été retenue et l'indicateur exprimé en pourcentage, plutôt qu'en valeur absolue.
Objectif 4 : « Fournir aux administrations un appui efficace dans la mise en oeuvre de la modernisation »
A l'indicateur « pourcentage des personnels d'encadrement de l'Etat estimant que la DRB apporte un appui efficace dans la mise en oeuvre de la réforme budgétaire, à travers ses actions », le calcul est fait à partir des résultats d'une enquête IPSOS auprès de 6.000 cadres d'administration. Si l'idée d'une enquête est bonne et l'indicateur pertinent, des questions plus fines sur le degré d'appropriation réel de la LOLF auraient été mieux adaptées : connaissance des principaux mécanismes, participation aux diverses expérimentations, prise en compte de la LOLF dans les systèmes d'information, etc...
Objectif 5 : « Accroître le recours à l'administration électronique dans les relations entre l'administration et les usagers
Si l'indicateur 2 « taux de dématérialisation des échanges avec les usagers mesuré par un ratio entre l'ensemble des échanges entre l'administration et les usagers et les échanges effectués sous forme dématérialisée » est pertinent, on peut noter cependant qu'aucun indicateur ne mesure la satisfaction de l'usager.
Votre rapporteur spécial sera particulièrement attentif aux efforts de redéploiement consécutifs à la dématérialisation des échanges avec les usagers.
Objectif 6 : « Améliorer la qualité de service aux administrations dans le domaine des systèmes d'information financière de l'Etat »,
L'« indice de satisfaction des bénéficiaires des prestations de l'AIFE » est mesuré par une note en pourcentage sur la base d'une enquête semestrielle de satisfaction par une instance indépendante de l'AIFE qui sera mise en oeuvre en 2006.
On peut toutefois s'interroger sur l'expression d'une réelle satisfaction des utilisateurs de ces systèmes.
6. Les principales observations de votre rapporteur spécial sur ce programme
Le programme 221 « Stratégie économique et financière et réforme de l'Etat » est un exemple de programme d'état major où les objectifs du gestionnaire de programme se confondent avec ceux du politique. En cas de non réussite de l'objectif, la responsabilité paraît dans ce cas partagée entre le niveau administratif et l'échelon politique .
La lecture des documents budgétaires n'est pas facilitée par l'émiettement et l'interaction des directions, la polyvalence des moyens et emplois du programme rendent peu claire la structure finale et impossible l'analyse des coûts.
Près de la moitié (43,5 %) des autorisations d'engagements du programme, soit 210 millions d'euros, sont affectées à l'Agence pour l'informatique financière de l'Etat (AIFE) pour sa mission de modernisation de l'Etat.