Article 11 bis
(nouveau) (art. L. 364-8 du code du travail)
Aggravation des
peines applicables aux employeurs d'étrangers sans titre de travail
Cet article a été introduit par un amendement de M. Jérôme Rivière adopté par l'Assemblée nationale. Il a pour objet d'aggraver encore les sanctions pénales à l'encontre des employeurs de main d'oeuvre irrégulière.
L'article L. 364-8 du code du travail définit les peines complémentaires encourues par les personnes physiques coupables des infractions prévues aux articles L. 364-3 (employer un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France) et L. 364-5 (se faire remettre ou tenter de se faire remettre des fonds, des valeurs ou des biens mobiliers en vue ou à l'occasion de l'introduction en France d'un travailleur étranger ou de son embauchage) du code du travail.
Ces peines complémentaires très diverses sont définies du 1° au 5° de l'article L. 364-8 du code du travail :
- l'interdiction, pour cinq ans maximum, d'exercer directement ou par personne interposée l'activité professionnelle dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;
- l'exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans au plus ;
- l'interdiction des droits civiques, civils et de famille ;
- l'affichage ou la diffusion du jugement prononcé ;
- l'interdiction de séjour pour une durée de cinq ans au plus ;
- la confiscation des objets ayant servi à commettre l'infraction ainsi que les objets qui en sont le produit.
Le projet de loi tend à étendre le champ d'application de l'article L. 364-8 à deux nouvelles infractions :
- la commission en récidive de l'infraction d'interdiction pour une entreprise de travail temporaire de mettre à la disposition de quelque personne que ce soit des travailleurs étrangers si la prestation de service doit s'effectuer hors du territoire français. L'article L. 364-1 du code du travail dispose que cette infraction commise en récidive est punie de six mois d'emprisonnement et de 7.500 euros d'amende;
- le fait de se rendre coupable de fraude ou de fausses déclarations pour obtenir, faire obtenir ou tenter de faire obtenir à un étranger un titre l'autorisant à exercer une profession salariée. L'article L. 364-2 du code du travail punit d'un an d'emprisonnement et de 3.750 euros d'amende cette infraction.
Sous réserve d'un amendement rédactionnel, votre commission vous propose d'adopter l'article 11 bis ainsi modifié .
Article 12
(art. L. 315-1, art. L. 315-2 à L. 315-6
[nouveaux] et art. L. 317-1 [nouveau] du code de l'entrée et
du séjour des étrangers et du droit d'asile)
Création
de la carte de séjour « compétences et
talents »
Cet article tend à créer un nouveau titre de séjour, assimilable ni à la carte de séjour temporaire, ni à la carte de résident 63 ( * ) .
1. Le texte soumis au Sénat
Le paragraphe I du présent article tend à déplacer les dispositions en vigueur du chapitre V du titre I du livre III du CESEDA dans un nouveau chapitre VII du même titre. L'article L. 315-1, unique article du chapitre V, deviendrait l'article L. 317-1.
Rappelons que le chapitre V en vigueur est relatif à la carte de séjour portant la mention « retraité ». Aucune disposition ne serait modifiée.
Le paragraphe II du présent article tend à insérer, dans le chapitre V précité et vidé de ses dispositions actuelles, huit articles définissant le régime et les conditions de délivrance de la carte de séjour « compétences et talents » (articles L. 315-1 à L.315-6 nouveaux). Le chapitre V serait intitulé : « La carte de séjour portant la mention « compétences et talents »
Cette carte est une des principales innovations du projet de loi. Les articles 1, 2 et 3 de celui-ci précisent également certaines des caractéristiques de ce titre de séjour original.
La carte de séjour « compétences et talents » a été conçue pour attirer en France des personnalités remarquables, à haut potentiel, et pour faciliter leur séjour. Le public visé est assez restreint en nombre mais extrêmement large du point de vue des secteurs d'excellence intéressés.
• Les critères pour sa délivrance
L'article L. 315-1 prévoit que la carte de séjour « compétences et talents » « peut être 64 ( * ) accordée à l'étranger susceptible de participer, du fait de ses compétences et de ses talents, de façon significative et durable au développement économique et au rayonnement, notamment intellectuel, culturel ou sportif de la France ou du pays dont il a la nationalité ».
A l'initiative de l'Assemblée nationale, il a été ajouté que le rayonnement de la France ou du pays d'origine pouvait s'entendre aussi au sens du rayonnement scientifique et humanitaire.
Le nouvel article L. 315-2 tend à préciser les conditions d'attribution de cette carte lorsque les conditions précédentes sont réunies. Seraient pris en compte, outre les aptitudes de l'étranger, le contenu de son projet et la nature de l'activité qu'il entend exercer. Serait aussi examiné l'intérêt de ce projet et de cette activité pour la France et le pays dont l'étranger a la nationalité.
Le projet de loi initial faisait également référence à la personnalité de l'étranger. A la suite d'un amendement déposé par le groupe Communistes et Républicains, l'Assemblée nationale a préféré supprimer cette notion trop subjective.
Pour mieux encadrer les critères d'attribution de cette carte, les députés ont adopté un amendement de M. Claude Goasguen insérant un nouvel article L. 315-2 et tendant à créer une Commission nationale des compétences et des talents. Elle serait chargée de fixer chaque année des critères afin d'aider le ministre de l'intérieur, autorité décisionnelle, à apprécier l'opportunité d'accorder ou non la carte « compétences et talents ».
• L'examen de la demande
L'article 2 du projet de loi dispose que l'octroi de la carte « compétences et talents » est subordonnée à la production d'un visa de long séjour.
Pour simplifier la procédure de délivrance de cette carte et épargner des formalités administratives à son titulaire, un amendement du rapporteur de l'Assemblée nationale prévoit que l'étranger peut déposer en même temps sa demande de carte auprès de l'autorité consulaire française territorialement compétente dans le pays où il a sa résidence habituelle.
Cet amendement dispose par ailleurs que l'autorité administrative compétente pour délivrer cette carte est le ministre de l'intérieur. Les consulats auraient une fonction de pré-sélection.
Lorsque la carte est accordée, elle est retirée si son titulaire cesse de remplir l'une des conditions exigées pour sa délivrance en application de l'article L. 311-8 du CESEDA inséré par l'article 3 du projet de loi. Il reviendra à la Commission nationale des compétences et des talents d'interpréter cette faculté de retrait.
Par ailleurs, l'article L. 315-5 créé par le présent article prévoit qu'elle peut être retirée pour les motifs et dans les conditions mentionnés à l'article L. 315-5 du CESEDA. Rappelons que cet article permet de retirer la carte de séjour temporaire à un étranger passible de poursuites pénales pour une série d'infractions. 65 ( * ) Il permet également le retrait de cette carte à un employeur employant des étrangers sans titre de travail ainsi qu'à l'étranger qui exerce une activité professionnelle sans y être autorisé.
• Les droits offerts par cette carte
Accordée pour une durée de trois ans renouvelable, cette carte permettrait à son titulaire d'exercer toute activité professionnelle de son choix (article L. 315-3 nouveau).
Toutefois, cette liberté de choix est tempérée par les articles L. 315-2 et L. 315-3-1 nouveaux. Tout d'abord, l'article L. 315-2 prévoit expressément que la carte « compétences et talents » est attribuée au vu du contenu du projet de l'étranger et de la nature de l'activité qu'il se propose d'exercer. L'intérêt de ce projet pour la France et pour le pays d'origine serait aussi pris en considération.
Par conséquent, si un titulaire de cette carte décidait d'exercer une activité professionnelle n'ayant aucun lien avec le projet ou l'activité évoqué lors de la demande de délivrance, la carte devrait être retirée au motif que les conditions exigées pour sa délivrance ne seraient plus réunies.
Par ailleurs, l'article L. 315-3-1 nouveau, issu d'un amendement de Mme Christine Boutin sous-amendé par le rapporteur de l'Assemblée nationale, tend à faire peser sur les titulaires de cette carte ressortissant d'un pays de la zone de solidarité prioritaire l'obligation, pendant la durée de validité de la carte, d'apporter leur concours à une action de coopération ou d'investissement économique. Cette action de co-développement serait définie par la France avec le pays dont l'étranger a la nationalité.
La Zone de solidarité prioritaire (ZSP) a été définie par le Gouvernement français en février 1998 comme celle où l'aide publique, engagée de manière sélective et concentrée peut produire un effet significatif et contribuer à un développement harmonieux des institutions, de la société et de l'économie. Elle se compose de pays parmi les moins développés en termes de revenus, n'ayant pas accès au marché des capitaux. La Zone de solidarité prioritaire (ZSP) dont les contours peuvent évoluer sur décision du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) a été déterminée lors de la demière réunion de cette instance le 14 février 2002. Elle regroupe désormais les pays suivants : Liban, Territoires autonomes palestiniens, Yemen, Algérie, Maroc, Tunisie, Afrique du Sud, Angola, Bénin, Burkina-Faso, Burundi, Cameroun, Cap-Vert, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Gabon, Ghana, Gambie, Guinée, Guinée-Bissao, Guinée-Equatoriale, Kénya, Libéria, Madagascar, Mali, Mauritanie, Mozambique, Namibie, Niger, Nigéria, Ouganda, R.D.du Congo, Rwanda, Sao-Tomé et Principe, Sénégal, Sierra Léone, Soudan, Tanzanie, Tchad, Togo, Zimbabwe, Cambodge, Laos, Vietnam, Cuba, Haïti, République Dominicaine, Surinam et Vanuatu. |
La carte « compétences et talents » ouvrirait le bénéfice de plein droit de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » pour le conjoint et les enfants de son titulaire. Le renouvellement de la carte de séjour temporaire serait aussi de plein droit durant toute la période de validité de la carte « compétences et talents ».
Enfin, rappelons que l'article premier du projet de loi dispose que cette carte permet de solliciter la délivrance d'une carte de résident dans les conditions de droit commun.
2. La position de votre commission des lois
La carte « compétences et talents » est un dispositif innovant dont la réussite dépendra autant de sa définition que de sa mise en oeuvre. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, une petite structure ad hoc devrait être constituée au sein du ministère de l'intérieur pour gérer ce dispositif.
La procédure administrative de délivrance de cette carte devra s'affranchir autant que possible des lourdeurs administratives habituelles. A cet égard, comme l'a souligné M. François Barry Delongchamps, directeur des Français à l'étranger et des étrangers en France au ministère des affaires étrangères, il est à ce jour difficile de savoir comment les populations de certains pays vont percevoir cette nouvelle voie d'entrée en France.
Votre commission approuve néanmoins la carte « compétences et talents » qui doit préserver les intérêts réciproques de la France et du pays d'origine. Afin de renforcer cette réciprocité, votre commission vous soumet un amendement prévoyant que lors de l'examen de la demande de renouvellement de la carte « compétences et talents », il est tenu compte du respect effectif de l'obligation de participer à une action de développement pendant la durée de validité de cette carte, lorsque le titulaire de la carte est un ressortissant d'un pays de la zone de solidarité prioritaire.
Par ailleurs, l'article 30 du projet de loi prévoyant que le regroupement familial ne serait plus possible pour les conjoints mineurs, votre commission vous soumet, par cohérence , un amendement en disposant de même pour le conjoint d'un titulaire de la carte « compétences et talents ».
Sous réserve de trois autres amendements rédactionnels, votre commission des lois vous propose d'adopter l'article 12 ainsi modifié .
* 63 Voir l'article premier du projet de loi.
* 64 Le projet de loi initial prévoyait que cette carte était accordée à l'étranger. Toutefois, à l'initiative du rapporteur de l'Assemblée nationale, la délivrance de la carte est laissée à l'appréciation de l'autorité administrative, celle-ci pouvant seulement être accordée. La portée de cette modification n'est pas évidente, les critères justifiant la délivrance de ce titre de séjour étant suffisamment larges pour préserver la liberté d'appréciation de l'autorité administrative.
* 65 Traite d'êtres humains, proxénétisme, racolage, exploitation de la mendicité, vol dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs, cession ou offre illicite de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle.