EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 42
Garantie de l'Etat à l'Agence française de développement au titre de la facilité financière internationale pour la vaccination

Commentaire : le présent article a pour objet d'accorder à l'Agence française de développement la garantie de l'Etat, pour un montant maximal de 372,8 millions d'euros, au titre du remboursement en principal et en intérêts de la première émission obligataire de la nouvelle facilité de financement internationale pour la vaccination (IFFIm).

I. LA FACILITÉ FINANCIÈRE INTERNATIONALE POUR LA VACCINATION (IFFIM)

A. UN INSTRUMENT FINANCIER INNOVANT ET PÉRENNE

1. La nécessité de renouveler le financement de l'aide au développement pour atteindre des objectifs ambitieux

Dans la continuité des huit Objectifs du développement pour le millénaire (ODM) que s'est assignée la communauté internationale en 2000, les principaux bailleurs de fonds ont approfondi, à partir de 2003, leurs débats et réflexions sur des mécanismes de financement innovants , susceptibles de satisfaire plusieurs conditions auxquelles ne répondent pas les canaux traditionnels et budgétaires de l'aide internationale : un volume important de crédits mobilisables rapidement et sur le long terme, la prévisibilité (absence d'aléa), la pluriannualité et la souplesse. La nature même des ODM, qui se révèlent particulièrement ambitieux à l'échéance de 2015, impliquait de diversifier les sources de financement du développement.

Proposée fin 2003 par le Royaume-Uni et soutenue par la France, la Facilité internationale de financement (IFF) répondait à ces impératifs. Il s'agissait de se procurer sur les marchés financiers internationaux des volumes élevés de capitaux adossés sur les engagements d'aide à long terme des principaux donateurs de l'aide publique au développement (APD). Pour être efficace, un tel instrument de financement devait correspondre à des besoins d'investissement non récurrents des pays pauvres et financer des domaines où leur capacité d'absorption se révélait suffisante. La vaccination répond à ces deux critères, et correspond au quatrième des ODM 82 ( * ) .

La vaccination dans les pays pauvres avait déjà fait l'objet d'une mobilisation internationale : l'Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination ( GAVI - Global alliance for vaccines and immunisation ) a ainsi été créée début 2000 en vue d'améliorer l'accès à la vaccination pour les enfants des pays pauvres. Partenariat mondial public-privé rassemblant onze Etats 83 ( * ) , l'Union européenne, des institutions internationales 84 ( * ) , des fondations privées 85 ( * ) , des organisations non gouvernementales, des institutions de santé publique et des fabricants de vaccins, le GAVI a mobilisé 3,3 milliards de dollars , dont 1,6 milliard de dollars ont été engagés pour renforcer la sécurité vaccinale dans 70 pays.

2. Le lancement de l'IFFIm

Sous l'impulsion du Chancelier de l'échiquier britannique et du ministre français de l'économie, les partenaires de GAVI ont donc élaboré, le 8 avril 2004, un mécanisme s'inspirant de l'IFF et dédié à la vaccination, dénommé IFFIm ( International finance facility for immunisation ).

Fondation caritative de droit britannique (« charity »), l'IFFIm devrait lever plus de 4 milliards de dollars (sans compter les intérêts et frais financiers) via neuf émissions obligataires sur les marchés financiers, sur une durée de 10 ans à compter de l'émission de la première tranche, qui a eu lieu le 14 novembre 2006 . Un mécanisme de titrisation permet de convertir en fonds les promesses de dons des bailleurs. L'emprunt est ensuite remboursé sur 20 ans par les pays qui participent à l'initiative.

Six Etats européens contribuent ainsi à l'IFFIm : outre la France et le Royaume-Uni, qui en sont les initiateurs, l'Espagne, l'Italie, la Norvège et la Suède. D'autres donateurs sont néanmoins approchés afin de compléter le tour de table.

Selon l'Organisation mondiale de la santé, cet investissement supplémentaire de 4 milliards de dollars permettrait d'éviter le décès de plus de 5 millions d'enfants d'ici 2015 , et de contribuer à la réalisation de plus de la moitié du quatrième ODM. Les besoins en vaccination concernent aussi bien des affections « traditionnelles » (diphtérie, tétanos, tuberculose, rougeole, poliomyélite...) que des maladies tropicales (hépatite B, fièvre jaune) ou la mise au point de nouveaux vaccins à des coûts abordables (rotavirus, pneumocoques, méningites A et C).

Les fonds levés par l'IFFIm seront acheminés dans les pays récipiendaires par les structures d'allocation et de gouvernance établies par GAVI et le GAVI Fund , créé par les partenaires de GAVI. La Banque mondiale est le trésorier de l'IFFIm.

B. LES ENGAGEMENTS JURIDIQUES ET FINANCIERS DE LA FRANCE

1. Le remboursement de 373 millions d'euros au titre de la première émission

La France s'est engagée politiquement à verser 1,3 milliard d'euros sur 20 ans à l'IFFIm, ce qui en fait le deuxième contributeur derrière le Royaume-Uni. Cet engagement n'a cependant été juridiquement confirmé que pour la première tranche du programme d'émission . La France, à ce stade, ne s'est donc engagée qu'à hauteur de 373 millions d'euros , les annuités devant être échelonnés entre 2007 et 2021.

A l'inverse, les autres bailleurs de l'initiative ont d'ores et déjà souscrit leurs engagements sur la totalité de l'initiative . C'est pourquoi la France ne figure qu'au troisième rang dans le tableau ci-après.

Engagements des six bailleurs de l'IFFIm

Annuités

Espagne

France

(1 ère tranche uniquement)

Italie

Norvège

Royaume-Uni

Suède

(en millions d'euros)

(en millions de dollars)

(en millions de livres sterling)

(en millions de couronnes)

2006

9,5

3

5,4

18,4

2007

9,5

20

6

5,4

9,4

18,4

2008

9,5

20,6

25,9

5,4

17,5

18,4

2009

9,5

21,3

25,8

5,4

25,8

18,4

2010

9,5

21,9

25,8

5,4

33,9

18,4

2011

9,5

22,6

25,8

42,1

18,4

2012

9,5

23,2

25,8

50,4

18,4

2013

9,5

23,9

25,8

58,8

18,4

2014

9,5

24,7

25,8

67,5

18,4

2015

9,5

25,4

25,8

76,6

18,4

2016

9,5

26,2

25,8

84,2

18,4

2017

9,5

26,9

25,8

90,8

18,4

2018

9,5

27,8

25,8

97,9

18,4

2019

9,5

28,6

25,8

105,6

18,4

2020

9,5

29,4

25,8

113,8

18,4

2021

9,5

30,3

25,8

122,6

2022

9,5

25,8

107,9

2023

9,5

25,8

90,4

2024

9,5

25,8

74,8

2025

9,5

25,8

61,3

2026

48,6

Total

190

373

473

27

1.380

276

Total en millions de dollars

242

477

606

27

2.612

38

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

2. Les engagements juridiques de l'Agence française de développement pour le compte de l'Etat

Les annuités de remboursement de l'emprunt IFFIm (couvrant le principal et les intérêts) seront financées par les recettes de la contribution de solidarité sur les billets d'avion (CIS). Elles seront versées par l'Agence française de développement (AFD), qui est le gestionnaire du fonds de solidarité pour le développement (FSD), lequel recueille les recettes de cette contribution.

L'engagement de la France envers l'IFFIm a donc été formellement pris par l'AFD pour le compte et au risque de l'Etat , en application de l'article R. 516-7 du code monétaire et financier 86 ( * ) , introduit par l'article 4 du décret n° 2006-530 du 9 mai 2006. Plusieurs conventions ont ainsi été signées entre les parties prenantes pour formaliser l'engagement juridique de l'AFD envers la communauté internationale et les liens avec ses deux ministères de tutelle :

- une convention tripartite liant l'AFD, le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a été signée le 28 septembre 2006 et précise les termes de l'engagement de l'Agence pour le compte de l'Etat, le montant des annuités qu'elle devra verser à l'IFFIm et les modalités de gestion du FSD ;

- l'AFD a signé le même jour les conventions multilatérales instituant l'IFFIm, ainsi qu'un accord bilatéral de don couvrant la première tranche obligataire, par lequel l'Agence s'engage à verser les quinze annuités.

3. Les modalités financières de remboursement des emprunts

L'AFD est chargée de gérer le FSD précité, créé par l'article 22 de la loi de finances rectificative pour 2005, qui a également instauré la contribution internationale de solidarité sur les billets d'avion (CIS).

Rappelons que cette contribution, qui consiste en une taxe additionnelle à la taxe d'aviation civile et est prévue par l'article 302 bis K du code général des impôts, a été proposée par le Président de la République au forum de Davos en janvier 2005. Inspirée des conclusions du rapport du groupe de travail sur les nouvelles contributions financières internationales pour le financement du développement, présidé par M. Jean-Pierre Landau, cette contribution est effective depuis le 1 er juillet 2006 et prévoit une taxe de 1 à 40 euros, selon la nature du vol et la classe concernée 87 ( * ) .

L'article premier du décret n° 2006-1139 du 12 septembre 2006 88 ( * ) précise que « les recettes de la majoration de la taxe d'aviation civile fixées par le décret du 6 juin 2006 et affectées au fonds de solidarité pour le développement sont utilisées à hauteur d'au moins 90 % pour le financement de la facilité internationale d'achat de médicaments (UnitAid) et, dans la limite de 10 %, pour le remboursement de la première émission d'emprunt de la facilité de financement internationale pour la vaccination (IFFim) ».

Les recettes de la CIS sont estimées à 70 millions d'euros en 2006 et à 200 millions d'euros en année pleine. Le remboursement de la première annuité d'emprunt ne pourra donc être intégralement assuré par la CIS que pour autant que ces prévisions se révèlent fiables. Pour les annuités ultérieures, l'affectation de la seule quote-part de 10 % de la CIS, sans recourir au budget général, dépendra du dynamisme de la CIS. Le profil de remboursement de la première tranche a été calculé en fonction des prévisions de recettes de la CIS.

La gestion du FSD est assurée par un comité de pilotage , coprésidé par le ministre des affaires étrangères et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Le directeur général de l'AFD ou un de ses représentants participe également à ce comité, sans voix délibérative. L'article 3 du décret du 12 septembre 2006 dispose que ce comité veille à la bonne gestion du fonds et notifie les ordres d'affectation de ses ressources à l'AFD. Il se réunit en tant que de besoin et au moins une fois par an sur convocation de ses présidents.

Le reste de la contribution française à l'IFFIm, au titre des huit autres émissions obligataires, sera financé sur le budget de l'Etat. Un montant de 920 millions d'euros d'autorisations d'engagement est à cet égard inscrit, dans le projet de loi de finances pour 2007, à l'action n° 1 « Aide économique et financière multilatérale » du programme 110 « Aide économique et financière au développement » de la mission interministérielle « Aide publique au développement ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose d'accorder la garantie de l'Etat à l'AFD, à hauteur du montant global des échéances françaises, en principal et en intérêts, de la première tranche de l'emprunt obligataire de l'IFFIm, soit 372,8 millions d'euros. L'octroi de cette garantie constitue une procédure habituelle , s'agissant des opérations financées par l'AFD pour le compte de l'Etat, et doit être prévu en application de l'article 34 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

Cette garantie est appelée à jouer en cas d'insuffisance du FSD géré par l'Agence, et partant, dans l'éventualité d'une baisse non prévue des recettes ou d'une remise en question de la CIS que la garantie de l'Etat est nécessaire pour l'AFD. A défaut, cette dernière devrait provisionner dans son bilan le montant des engagements pris envers l'IFFIm , soit un montant égal à plusieurs années de résultat net de l'Agence.

Le présent article précise ainsi que « cette garantie s'exerce dans le cas où le montant de l'annuité due par l'agence au titre de cette contribution est supérieur à la part des recettes annuelles du fonds de solidarité pour le développement attribuée, dans des conditions fixées par voie réglementaire, au financement de la contribution française à l'IFFIm ».

Une précision s'impose toutefois sur la rédaction de la fin du présent article et sur la nature du versement « dont le montant est constaté par le comité de pilotage du fonds ». Ce montant n'est a priori pas celui de la contribution française à l'IFFIm, qui est conventionnellement fixé à l'avance, mais celui des recettes annuelles du FSD , ce qui permettrait au comité, le cas échéant, de lisser les recettes de la CIS d'une année sur l'autre pour mieux les faire correspondre au montant des annuités dues.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre rapporteur spécial est favorable à l'octroi de la garantie de l'Etat que prévoit ce dispositif , et de manière générale, à l'innovation financière que constitue l'IFFIm, qui aurait sans doute vocation à s'étendre à d'autres domaines du développement.

En recourant aux marchés financiers et à la titrisation, elle permet de faire appel à d'importants financements privés, habituellement jugés insuffisants pour le développement, via la garantie implicite que constituent les remboursements des Etats donateurs. L'ampleur des besoins implique effectivement de mobiliser rapidement des montants élevés et pérennes sur le long terme, que les marchés obligataires sont susceptibles de fournir, tout en neutralisant l'aléa du remboursement.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

* 82 Réduire de deux tiers, entre 1990 et 2015, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans.

* 83 Australie, Canada, Danemark, Etats-Unis, France, Irlande, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède.

* 84 Telles que l'UNICEF, la Banque mondiale et l'Organisation mondiale de la santé.

* 85 En particulier la Fondation Bill et Melinda Gates.

* 86 Qui prévoit que « l'Agence gère pour le compte de l'Etat et aux risques de celui-ci des opérations financées sur le budget de l'Etat. Les termes de ces opérations font l'objet de conventions spécifiques signées au nom de l'Etat par le ou les ministres compétents ».

* 87 Un euro en classe économique pour les vols intérieurs et les vols intra-européens, 4 euros en classe économique pour les vols internationaux, 10 euros en classes affaires et première pour les vols intérieurs et intra-européens, et 40 euros pour les vols internationaux en classe affaires ou en première classe.

* 88 Décret n° 2006-1139 du 12 septembre 2006 sur le fonds de solidarité pour le développement pris en application de l'article 22 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005 instaurant une contribution de solidarité sur les billets d'avion.

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