CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES À LA DISCIPLINE
Le présent chapitre regroupe des mesures tendant à réformer la discipline applicable aux magistrats de l'ordre judiciaire.
Dans sa rédaction initiale, il ne comportait que deux articles -5 et 6- respectivement relatifs à l'élargissement de la liste des sanctions disciplinaires à l'interdiction d'exercer des fonctions à juge unique pendant cinq ans et au renforcement de la portée de certaines sanctions.
L'Assemblée nationale a étoffé ce volet en le compétant par 6 articles.
A l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de la commission des lois a été introduite la définition d'une faute passible d'une sanction disciplinaire susceptible d'être commise par un magistrat (article 5 A).
A l'initiative de leur commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, les députés ont proposé d'étendre les missions du CSM en matière déontologique (article 6 ter ), de clarifier l'articulation entre la mise en cause de la responsabilité de l'Etat en cas de dysfonctionnement du service de la justice et l'engagement, le cas échéant, de la responsabilité disciplinaire d'un magistrat fautif (article 6 quater ), d'intégrer au statut de la magistrature le dispositif confiant au Médiateur de la République l'examen des réclamations mettant en cause le comportement des magistrats (article 6 quinquies ) et de prévoir que le Gouvernement adresse chaque année au Parlement un rapport faisant état des condamnations prononcées contre l'État, du fait des dysfonctionnements de la justice (article 6 sexies ).
En marge du volet disciplinaire a été insérée, à l'initiative du Gouvernement avec l'avis favorable de la commission des lois, une mesure statutaire pour réformer l'organisation du parquet général de la Cour de cassation (article 6 bis ).
Article 5 A (nouveau) (art. 43 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Faute disciplinaire
Le présent article, d'origine gouvernementale, a pour objet de compléter la définition de la faute disciplinaire, afin d'en clarifier la portée au regard des actes juridictionnels.
Définie à l'article 43 de l'ordonnance statutaire, la faute disciplinaire est constituée par « tout manquement aux devoirs de son état, à l'honneur, à la délicatesse ou à la dignité ».
Tous les magistrats sont soumis à ce dispositif, à compter de leur prestation de serment jusqu'à leur radiation des cadres, y compris ceux placés en disponibilité 154 ( * ) .
Le CSM , réuni en formation disciplinaire 155 ( * ) , et sous le contrôle du Conseil d'Etat, apprécie la faute disciplinaire à la lumière de plusieurs dispositions du statut de la magistrature , s'appuyant non seulement sur la définition prévue à l'article 43 mais également sur les obligations qui résultent du serment (article 6) ainsi que sur l'obligation de réserve (articles 10 pour les magistrats en exercice et 79 pour les magistrats honoraires).
Quelques exemples récents de manquements
Sur la période fin 2004-début 2006, le CSM a statué sur onze cas de magistrats du siège et prononcé 9 sanctions. Ont été relevés des manquements tels que : - trouble du comportement lié à une dépendance alcoolique => sanctionné par un retrait des fonctions de juge d'instruction assorti d'un déplacement d'office (CSM siège 23 décembre 2004) ; - endettement notoire, usage de la qualité de magistrat dans le but d'impressionner les créanciers, défaut de disponibilité au service de la juridiction => sanctionnés par une mise à la retraite d'office (CSM siège 24 novembre 2005) ;
- attitude équivoque à l'égard des
agents féminins, comportement arrogant et incontrôlé
à l'égard des subordonnés et méthodes de gestion
excessivement brutales
- usage de l'autorité des fonctions judiciaires pour s'isoler avec des mineurs et les contraindre à se dévêtir => sanctionné par une révocation avec suspension des droits à la retraite (CSM siège 7 février 2006) ; Pour la même période, le CSM a rendu deux avis dans deux affaires concernant des magistrats du parquet en raison des fautes suivantes : - manquement aux devoirs de l'état de procureur de la République en raison de l'incapacité d'exercer ces fonctions et par l'abstention des responsabilités administratives et de gestion de la juridiction du fait d'un état éthylique chronique => sanctionné par un retrait des fonctions de procureur de la République (avis CSM 1 er juillet 2005) ; - propos tenus à l'audience du tribunal correctionnel inacceptables et de nature à ternir l'image de la justice traduisant « au pire un fond douteux non exempt de racisme, au mieux un désordre langagier empreint de facilité, de manque de tact et de délicatesse contraire au statut des magistrats » => sanctionné par un déplacement d'office (avis CSM 27 janvier 2006). |
Source : Rapport annuel d'activité du CSM 2004-2005, annexes.
L'absence de responsabilité du juge à raison de ses décisions juridictionnelles est un principe fondamental de notre droit qui trouve ses fondements dans l'indépendance de l'autorité judiciaire . Une simple erreur d'appréciation de droit ou de fait ne peut être constitutive d'une faute disciplinaire. Le CSM, confirmé par le Conseil d'Etat a, sur ce point, maintenu une jurisprudence constante 156 ( * ) .
Ces juridictions ont toutefois posé une limite très étroite à ce principe qui s'efface lorsqu'il résulte de la chose définitivement jugée qu' « un juge a, de façon grossière et systématique, outrepassé sa compétence ou méconnu le cadre de sa saisine de sorte qu'il n'a accompli, malgré les apparences, qu'un acte étranger à toute activité juridictionnelle » 157 ( * ) .
Le Conseil d'Etat a souligné que les faits reprochés au mis en cause avaient été établis dans des décisions définitives rendues sur des recours dirigés contre les décisions litigieuses 158 ( * ) .
On peut également signaler un autre cas dans lequel le CSM a sanctionné par un retrait des fonctions assorti d'un déplacement d'office un juge d'instruction qui « en passant outre une décision très claire de la juridiction d'appel [...] a volontairement méconnu le cadre de sa saisine et de sa compétence et s'est situé hors du champ juridictionnel » 159 ( * ) .
Prenant sa source d'inspiration dans une des recommandations de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, le présent article vise à préciser les contours d'une faute disciplinaire afin de faire apparaître plus clairement l'étendue des devoirs qui découlent de l'état de magistrat à raison des décisions juridictionnelles susceptibles d'être prises .
Le présent article ne prévoit pas d'enrichir la définition de la faute mais se borne à transcrire dans notre droit l'évolution jurisprudentielle du CSM, sous réserve d'adaptations .
Un des manquements possibles aux devoirs de l'état de magistrat serait donc constitué par la « violation par un magistrat des règles de procédure constituant des garanties essentielles des droits des parties ».
Deux conditions cumulatives seraient exigées pour constater la faute disciplinaire :
- l'intentionnalité de la violation pour signifier, comme l'a expliqué le garde des sceaux devant votre commission lors de son audition du 18 janvier dernier, que le magistrat a choisi « en toute conscience » de se soustraire aux règles de procédure ;
- la gravité de la violation , afin d'éviter que le magistrat ayant commis une faute intentionnelle sans conséquence pour la défense et ne faisant pas grief aux parties puisse être mis en cause ; ainsi, serait interdite la possibilité de mettre en cause un magistrat qui, faute de moyens suffisants, n'aurait pas respecté les règles de procédure. Le garde des sceaux a pris en exemple, devant votre commission, le juge des enfants qui -contrairement aux obligations légales- était souvent conduit à statuer en matière civile sans être assisté d'un greffier faute de personnel dans les juridictions.
Dans la continuité de la jurisprudence du CSM, les exigences prévues par le texte visent à cerner des décisions de justice rendues dans des conditions très exceptionnelles et dont les effets sont particulièrement préjudiciables aux justiciables. Ainsi, la référence aux « garanties essentielles des parties » est destinée à tenir compte de la complexité de la procédure tant civile que pénale, la loi prévoyant de nombreuses garanties telle l'obligation de signification par lettre recommandée dont le non-respect n'affecte pas substantiellement les droits des parties.
Le dispositif proposé charge le CSM d'apprécier si la violation des règles de procédure a été « commise ». Sur ce point, la rédaction adoptée par les députés s'écarte de la pratique : le CSM, sous le contrôle du Conseil d'Etat, s'est en effet toujours appuyé sur une décision de justice définitive pour établir que l'acte juridictionnel avait outrepassé gravement les règles de droit. Ainsi serait conféré au CSM un pouvoir d'appréciation entier sur l'acte juridictionnel . Or, comme l'ont fait valoir l'ensemble des magistrats entendus par votre rapporteur, une telle évolution est susceptible d'introduire une réelle confusion entre l'office des juges d'appel et de cassation et celui de l'instance disciplinaire . Le CSM pourrait ainsi s'arroger le droit d'examiner une affaire postérieurement à l'exercice des voies de recours, et le cas échéant, aller à l'encontre de décisions devenues définitives .
Ce dispositif risque de remettre en cause l'autorité des décisions de justice en les fragilisant et, ainsi, de porter atteinte à l'indépendance de la justice . Il peut paraître choquant qu'une décision juridictionnelle n'ayant pas été remise en cause par les parties par les voies de recours légales puisse être critiquée par l'instance disciplinaire érigée en quatrième degré de juridiction. En outre, il est laissé au CSM le soin de rechercher les preuves permettant d'attester la violation grave et intentionnelle sans exiger qu'elles résultent expressément d'une décision juridictionnelle irrévocable, ce qui fragilise encore davantage l'autorité de la chose jugée.
Le rapporteur de l'Assemblée nationale a défendu un point de vue plus souple, jugeant possible de « dissocier les voies de recours de l'action en responsabilité » au motif que leur objet est différent -« les voies de recours permettant de rejuger l'affaire, là ou l'action en responsabilité vise seulement à sanctionner la faute d'un magistrat, notamment dans son activité juridictionnelle » 160 ( * ) .
Le texte précise enfin que le manquement ne peut être poursuivi qu'une fois l' « instance close par une décision de justice devenue définitive ». Lors de son audition devant votre commission, le garde des sceaux a justifié cette précision par le souci d'éviter des saisines disciplinaires dilatoires dont le seul but serait de déstabiliser un magistrat intervenant dans une affaire en cours. Une telle rédaction présente l'inconvénient de restreindre les effets de la sanction qui, dans le cas de procédures d'instruction très longues, ne pourrait intervenir qu'après de nombreuses années alors même que le manquement appelle une réponse rapide pour mettre fin aux agissements du magistrat défaillant.
Une clarification des contours de la faute disciplinaire en lien avec la décision juridictionnelle ne paraît pas illégitime dès lors que l'instance disciplinaire a accepté de les faire entrer dans son champ d'examen. Les voies de recours constituent un premier désaveu pour le juge et une garantie essentielle pour les parties. Toutefois, ce couperet n'a de valeur que pour la procédure en cours et il n'est pas certain que les magistrats en tirent toutes les conséquences dans leurs pratiques professionnelles. Afin de les responsabiliser davantage, il paraît donc nécessaire d'affirmer que les magistrats qui prennent des décisions juridictionnelles trop éloignées des règles de procédure sont passibles d'une sanction.
De nombreux magistrats et notamment les représentants des organisations représentatives entendus par votre rapporteur ont souligné le risque que la mention dans l'ordonnance statutaire de cette définition d'une faute disciplinaire ne conduise à faire peser une pression susceptible de limiter l'indépendance et la liberté des magistrats dans l'acte de juger, lesquels seront enclins à privilégier des solutions limitant la prise de risque pour préserver leur situation personnelle.
La démarche du Gouvernement, approuvée par les députés, mérite d'être encouragée. Les magistrats ont fait remarquer le champ d'application restreint de cette mesure limitée aux actes individuels des magistrats 161 ( * ) . Il ne fait aucun doute que l'instance disciplinaire, comme précédemment, fera un usage prudent de ce dispositif et sanctionnera les violations les plus grossières conformément à l'intention du législateur et non les simples manifestations de non-conformisme judiciaire.
Afin de garantir la constitutionnalité de la réforme proposée par le présent article et d'en assurer l'effectivité, votre commission vous soumet un amendement de réécriture du présent article pour :
- exiger que la violation des règles de procédure ait été constatée par une décision de justice définitive ; cette précision paraît essentielle pour éviter que le CSM apparaisse comme une instance concurrente des voies de recours de droit commun et pour éviter une inconstitutionnalité ; elle présente néanmoins l'inconvénient de réduire le champ des sanctions susceptibles d'être prononcées, les actes juridictionnels n'ayant fait l'objet d'aucun recours étant par définition exclus ;
- remplacer l'adjectif « intentionnel » qui emprunte davantage aux règles de droit pénal qu'au droit disciplinaire par l'adjectif « délibéré » plus précis ;
- supprimer toute référence au délai dans lequel la poursuite disciplinaire peut intervenir pour permettre au CSM de se prononcer éventuellement avant que l'instance en cours soit close ; il paraît en effet opportun, dans un souci d'exemplarité de la sanction et de remédier au plus vite aux insuffisances professionnelles constatées d'éviter que la sanction disciplinaire soit prononcée trop longtemps après que les dysfonctionnements ont été constatés ; dès lors qu'une décision de justice doit préalablement avoir démontré les défaillances de l'acte juridictionnel, les risques de pression sur les juges paraissent réduits, les conditions de leur mise en cause demeurant enserrées dans d'étroites limites.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 5A ainsi modifié .
Article 5 (art. 45 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Élargissement de la liste des sanctions disciplinaires applicables aux magistrats
Cet article propose de compléter la liste des sanctions disciplinaires applicables aux magistrats judiciaires pour introduire l'interdiction d'exercer des fonctions de juge unique pendant cinq ans.
Le CSM peut prononcer l'une des huit sanctions définies à l'article 45 de l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 :
- la réprimande avec inscription au dossier (1°) ;
- le déplacement d'office (2°) ;
- le retrait de certaines fonctions (3°) ;
- l'abaissement d'échelon (4°) ;
- l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximum d'un an, avec privation totale ou partielle de traitement (4° bis ) 162 ( * ) ;
- la rétrogradation (5°) ;
- la mise à la retraite d'office ou l'admission à cesser ses fonctions lorsque le magistrat n'a pas droit à une pension de retraite (6°) ;
- la révocation avec ou sans suspension des droits à pension (7°).
A ces sanctions s'ajoute le retrait de l'honorariat susceptible d'être prononcé à l'encontre d'un magistrat retraité comme le permet l'article 79 de l'ordonnance statutaire.
Sanctions prononcées depuis 1959 par le CSM
Sanction |
Nombre |
Réprimande avec inscription au dossier |
9 |
Déplacement d'office |
38 |
Retrait des fonctions |
19 |
Abaissement d'échelon |
4 |
Rétrogradation |
1 |
Mise à la retraite d'office ou admission à
cesser ses fonctions
|
11 |
Révocation |
10 |
Source : rapport n° 3125 précité de la commission d'enquête parlementaire, page 490.
Le présent article propose d'intercaler entre le retrait de certaines fonctions (3°) et l'abaissement d'échelon (4°) l'interdiction d'exercer des fonctions de juge unique (inséré dans un 3° bis ).
Le dispositif couvre deux hypothèses :
- les nominations aux fonctions judiciaires exercées à juge unique : juge d'instruction, juge de l'application des peines, juge des enfants, juge chargé du service d'un tribunal d'instance et, dans certaines matières, président d'un tribunal de grande instance et premier président d'une cour d'appel ;
- les désignations par les présidents de tribunaux de grande instance dans des fonctions judiciaires de juge unique pour l'exercice de fonctions à compétence spécialisée (juge aux affaires familiales, juge de la mise en état, juge de l'exécution ou encore juge des libertés et de la détention) ainsi que l'exercice dans une formation de jugement à juge unique (lorsqu'un juge statue dans certaines matières échappant à la collégialité 163 ( * ) ou encore lorsque, en matière civile sous réserve de certaines affaires familiales, le président du tribunal de grande instance décide de ne pas soumettre une affaire simple à la formation collégiale) 164 ( * ) .
L'application de cette réforme exigera des chefs de juridictions et de cours d'appel d'être vigilants dans l'organisation des audiences et de modifier, le cas échéant, l'ordonnance de roulement qui répartit les magistrats du siège dans les différents services de la juridiction.
La durée maximale de cette sanction serait fixée à cinq ans . Il appartiendrait donc au CSM de décider au cas par cas la durée d'application de cette sanction dans la limite légale.
Ce dispositif affine la palette des peines mises à la disposition du CSM . Il apporte une réponse intermédiaire entre le retrait des fonctions, moins restrictive pour le déroulement de carrière des magistrats et aux effets immédiats et l'interdiction temporaire d'exercer des fonctions pendant un an au maximum, plus pénalisante.
L'organisation judiciaire connaît depuis fort longtemps des formes d'exercice solitaire des fonctions juridictionnelles, comme en témoigne l'institution du juge d'instruction 165 ( * ) .
Le déclin de la collégialité, principe qui a longtemps dominé l'institution judiciaire en raison des évidents avantages pour le justiciable en termes d'impartialité, de contradiction et d'indépendance, est un phénomène plus récent (1970) qui s'est accéléré à la faveur de récentes réformes de procédure pénale (notamment la loi du 8 février 1995 166 ( * ) ou encore la loi du 9 mars 2004 167 ( * ) ), compte tenu du manque de moyens chroniques des juridictions judiciaires et de la nécessité de juger les affaires dans un délai raisonnable pour respecter le droit à un procès équitable au sens de l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Il n'est pas possible de mesurer le temps consacré à l'exercice des fonctions judiciaires à juge unique au sein des formations de jugement par les magistrats non-spécialisés. En revanche, le nombre d'emplois de magistrats nommés dans des fonctions de juge unique atteint un peu moins de 30 % des effectifs localisés dans les juridictions, ce qui est loin d'être négligeable.
Répartition des magistrats nommés
dans des fonctions de juge
unique
-au 30 mars
2006-
Fonctions |
Effectifs |
Juge d'instruction |
609 |
Juge des enfants |
443 |
Juge de l'application des peines |
352 |
Juge d'instance et juge de police |
864 |
Total |
2268 |
Source : Ministère de la justice
Le renoncement à la collégialité, désormais incontournable, n'est acceptable pour les justiciables qu'à la condition que le juge unique présente toutes les garanties de compétence, d'indépendance et de maturité et soit irréprochable pour juger les affaires en toute sérénité . Or, comme l'a souligné le rapporteur de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'affaire d'Outreau, les auditions « ont clairement démontré que, au titre des dysfonctionnements observés dans l'affaire d'Outreau, la solitude du juge avait compté pour une part substantielle, ce constat s'adressant tout autant au juge d'instruction qu'au juge des libertés et de la détention » 168 ( * ) .
Il est donc souhaitable de mettre en place les sécurités nécessaires pour éviter que des magistrats faisant preuve d'insuffisances professionnelles puissent temporairement exercer des fonctions aussi sensibles.
Une telle précaution se justifie d'autant plus que de nombreux magistrats occupant des fonctions de juge unique ont peu d'expérience comme en témoigne la forte proportion de premiers postes au sein de ces emplois. En effet, le nombre d'auditeurs de justice nommés dans une fonction à juge unique est loin chaque année d'être négligeable - 35 % en 2006. Dans le souci de prévenir toute difficulté préjudiciable au bon fonctionnement de la justice, le ministère de la justice a d'ailleurs, cette année, décidé d'exclure de la liste des postes offerts à la sortie de l'ENM ceux de juges d'instruction dans des juridictions ne comportant qu'un magistrat instructeur.
Répartition des postes offerts à la sortie de l'ENM par fonction
-promotion 2004-
Fonction |
Nombre |
Pourcentage |
Juge chargé du service du tribunal d'instance |
21 |
8 % |
Juge d'instruction |
13 |
5 % |
Juge des enfants |
24 |
9 % |
Juge de l'application des peines |
35 |
13 % |
Juge placé auprès du premier président |
29 |
10 % |
Substitut placé auprès du procureur général |
32 |
12 % |
Juge |
32 |
11 % |
Substitut |
89 |
32 % |
Total |
275 |
100 % |
Les fonctions exercées à juge unique figurent en gras.
Source : Ministère de la justice
Le représentant du parquet général comme les représentantes du SM se sont interrogés sur l'opportunité de cette mesure qui risquait d'accentuer le mouvement de dévalorisation de la collégialité en affaiblissant son crédit.
Certains magistrats entendus en audition ont cependant reconnu qu'en pratique, les magistrats les plus fragiles, souvent cantonnés aux formations collégiales de jugement, n'exerçaient pas de fonctions à juge unique. Ainsi, le présent article se borne à officialiser une réalité.
Les représentants de l'USM au cours de leur audition ont souligné « le caractère ingérable » d'une telle mesure pour les petites juridictions dans l'hypothèse où celle-ci ne serait pas assortie d'un déplacement d'office.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 5 sans modification .
Article 6 (art. 46 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Extension de la dérogation au principe du non cumul des peines - Renforcement de la portée de la mise à la retraite d'office
Cet article vise à étendre la liste des peines susceptibles d'être infligées cumulativement à un même magistrat et à renforcer la portée de la sanction de mise à la retraite d'office.
Le second alinéa de l'article 46 de l'ordonnance statutaire affirme la règle du non cumul des sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre d'un même magistrat . Cependant, le droit en vigueur autorise que trois d'entre elles -le retrait de certaines fonctions, l'abaissement d'échelon et la rétrogradation- puissent être assorties du déplacement d'office.
Le CSM use de cette faculté. En effet, le retrait des fonctions est le plus souvent assorti du déplacement d'office. Prononcée 26 fois depuis 1959, cette sanction a concerné, pour le siège, 8 juges d'instruction, 2 juges d'instance, 3 juges des enfants, 1 juge de l'application des peines, 6 chefs de juridiction, 2 vice-présidents et pour le parquet, 3 procureurs de la République et 1 procureur de la République adjoint.
Entre 2000 et 2006, 9 déplacements d'office ont été prononcés à titre de sanction unique, tandis que cette mesure a été conjuguée à une autre sanction 9 fois (à l'occasion d'un abaissement d'échelon et 8 retraits de certaines fonctions). Cette corrélation s'explique par la perte de crédibilité et d'autorité que subit inévitablement un magistrat sanctionné par un retrait de certaines fonctions.
Le présent article prévoit d'étendre le champ de la dérogation au non-cumul des peines à :
- l'interdiction d'exercer des fonctions de juge unique pendant une durée maximale de cinq ans introduite par l'article 5 du présent projet de loi organique au 3° bis de l'article 45 de l'ordonnance statutaire ;
- l'exclusion temporaire de fonctions d'un an maximum mentionnée au 4° bis de la même ordonnance.
Ainsi, le CSM pourrait prononcer le déplacement d'office comme peine complémentaire à ces sanctions .
En outre, le présent article propose de compléter le second alinéa de l'article 46 de l'ordonnance statutaire pour renforcer la portée de la sanction de mise à la retraite d'office . Il est proposé d'assortir cette peine d'une sanction complémentaire automatique d'interdiction de se prévaloir de l'honorariat.
Actuellement, l'honorariat est régi par l'article 77 de l'ordonnance statutaire : tout magistrat est autorisé à se prévaloir de l'honorariat de ses fonctions. Ce titre honorifique est destiné à récompenser le dévouement et les mérites des magistrats. Deux réserves à ce principe sont néanmoins prévues :
- l'honorariat peut être refusé au moment du départ du magistrat par une décision motivée de l'autorité qui prononce la mise à la retraite, après avis du CSM (premier alinéa de l'article 77) ;
- si, lors du départ à la retraite, des poursuites disciplinaires sont engagées à l'encontre du magistrat, l'honorariat lui est refusé jusqu'au terme de la procédure disciplinaire ; ce refus doit intervenir au plus tard dans les deux mois après la fin de cette procédure, dans les conditions précédemment évoquées (second alinéa de l'article 77).
Dans ces hypothèses, le CSM est amené à rendre un simple avis à la demande du garde des sceaux et ne statue pas en qualité d'autorité disciplinaire.
Le droit en vigueur ne distingue donc pas le cas des magistrats mis à la retraite d'office soumis aux mêmes règles en matière d'honorariat que les magistrats admis à faire valoir leurs droits à la retraite. Contrairement au retrait de l'honorariat visé à l'article 79 de l'ordonnance statutaire 169 ( * ) , le refus de l'honorariat ne revêt pas un caractère disciplinaire comme l'a affirmé le Conseil d'Etat dans un arrêt du 22 novembre 1989 Giresse. Ainsi, au cours de l'année 2003-2004, le CSM réuni dans sa formation non disciplinaire a rendu deux avis sur le retrait de l'honorariat consécutif à une mise à la retraite d'office qu'il avait par ailleurs prononcée dans le cadre de la formation disciplinaire. Le CSM s'est donc prononcé deux fois, dans deux formations différentes, pour statuer sur un même magistrat.
Le nombre de mises à la retraite d'office prononcées par le CSM entre 2000 et 2006 (9) n'est pas négligeable et depuis 2004, les magistrats sanctionnés ont, compte tenu de la gravité de leur comportement, systématiquement fait l'objet d'une procédure de retrait de l'honorariat de leurs fonctions.
Le présent article propose un dispositif adapté au cas particulier des magistrats mis à la retraite pour un motif disciplinaire et plus simple qu'actuellement. Il prévoit de conférer un caractère automatique à l'interdiction de se prévaloir de l'honorariat des fonctions dans une telle hypothèse. Cette systématisation supprimerait ainsi la double intervention du garde des sceaux et du CSM et allègerait la procédure applicable.
L'interdiction automatique de se prévaloir de l'honorariat des fonctions est le prolongement nécessaire d'une mise à la retraite d'office et revêt en ce sens un caractère disciplinaire, à l'instar de la peine principale à laquelle elle est associée. Le CSM avait d'ailleurs dans son rapport d'activité annuel en 1999 préconisé cette évolution 170 ( * ) . Il serait en effet choquant qu'un magistrat puisse se prévaloir des honneurs et des mérites de sa profession alors qu'il en a été exclu, en raison de la gravité des fautes qu'il a commises.
Les députés ont modifié ces dispositions pour leur apporter des améliorations purement rédactionnelles.
Par coordination, l'article 9 du présent projet de loi organique propose de modifier le régime applicable au refus de l'honorariat, pour faire référence à la nouvelle dérogation introduite par le présent article au second alinéa de l'article 46 de l'ordonnance statutaire, auquel il est renvoyé.
Votre commission vous soumet un amendement de clarification pour préciser que la dérogation introduite par le présent article s'applique au principe consacré au premier alinéa de l'article 77 de l'ordonnance statutaire et non à l'article 77 dans son ensemble, de plus large portée.
Elle vous propose d'adopter l'article 6 ainsi modifié .
Article 6 bis (nouveau) (art. 3, 28, 28-1, 39, 80-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Réforme de l'organisation du parquet général de la Cour de cassation - Assouplissement des règles d'accès aux emplois hors hiérarchie à la Cour de cassation au bénéfice des anciens conseillers ou avocats généraux référendaires
Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale, renforce le parquet général de la Cour de cassation en créant un nouveau statut d'emploi d'avocat général référendaire. Il assouplit les conditions permettant aux anciens conseillers ou avocats généraux référendaires d'accéder aux emplois hors hiérarchie à la Cour de cassation.
Commissaire de la loi, le parquet général de la Cour de cassation remplit une mission originale qui le singularise du ministère public . Il n'exerce pas l'action publique mais a pour mission de porter la parole aux audiences et de donner, en toute indépendance, un avis sur le mérite des pourvois dans les différentes chambres. Son rôle est proche de celui du commissaire du Gouvernement.
Selon les articles 602 du code de procédure pénale et 1019 du nouveau code de procédure civile, le parquet général présente ses réquisitions dans toute affaire soumise à la Cour de cassation.
Un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme Reinhardt et Slimane Kaïd contre France du 31 mars 1998, confirmé par des arrêts ultérieurs 171 ( * ) , a remis en cause les méthodes de travail bicentenaires du parquet général tendant à associer étroitement les avocats généraux aux travaux des chambres des magistrats du siège : avant de prendre leurs conclusions, ceux-ci étaient en effet destinataires des documents préparatoires établis par le conseiller-rapporteur (synthèse des faits de la procédure et des moyens soulevés, note d'analyse juridique des moyens et des précédents et projet d'arrêt). De même, les avocats généraux participaient à la « conférence » dans le cadre de laquelle une dizaine de jours avant l'audience, le président et le doyen de la chambre examinent les projets d'arrêts.
La Cour européenne des droits de l'homme a jugé cette méthode d'examen des pourvois non conforme aux exigences qui découlent du droit à un procès équitable en application de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, estimant que la communication des travaux du rapporteur au parquet général était constitutive d'une rupture d'égalité des armes, préjudiciable à la défense.
Par une décision du bureau du 18 juillet 2001, la Cour de cassation a décidé, qu'à compter du 1 er janvier 2002, les avocats généraux ne seraient plus destinataires des documents préparatoires élaborés par le conseiller-rapporteur. Il a également été mis fin à leur participation aux « conférences » entre le président et le doyen de la chambre.
Le fonctionnement du parquet général a été sensiblement affecté par cette réforme compte tenu du nombre réduit d'avocats généraux cinq à sept fois moins nombreux, selon les chambres, que leurs collègues du siège. En effet, les membres du parquet général représentent moins de 20 % de l'effectif de la Cour de cassation (45 sur 237).
Effectifs réels de la Cour de cassation au 1er septembre 2006
Siège |
Effectifs |
Parquet général |
Effectifs |
Premier président
|
1
8
|
Procureur général
|
1
|
Total |
192 |
45 |
Source : Ministère de la justice
Une nouvelle organisation s'est donc mise en place. Comme l'explique M. Jean-François Weber, président de chambre à la Cour de cassation, « les conseillers-rapporteurs placent désormais dans un rapport dit « objectif » toute la problématique du pourvoi ainsi que les principales références de doctrine et de jurisprudence utiles, rapport désormais mis à la disposition des parties et de l'avocat. Après la conférence, le président de la chambre ou le doyen a un contact avec l'avocat général d'audience pour déterminer les affaires qui posent problème et dans lesquelles sont intervention serait particulièrement bienvenue ». 172 ( * )
Ces nouvelles méthodes de travail imposent donc aux avocats généraux d'examiner les pourvois sans pouvoir s'appuyer, comme par le passé sur l'examen approfondi des conseillers rapporteurs.
Telle est la raison pour laquelle un renforcement des effectifs du parquet général est apparu nécessaire afin de lui permettre d'exercer ses missions dans de bonnes conditions et également d'approfondir la concertation avec les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.
La loi de finances pour 2007 173 ( * ) a permis un premier pas en ce sens en créant au sein de chaque chambre un emploi de premier avocat général.
La création d'emplois d'avocats généraux référendaires , dont le statut serait calqué sur celui des conseillers référendaires affectés au siège, proposée par le présent article, concrétise le second volet de la réforme attendue de l'organisation du parquet général .
Le présent article propose à cet effet :
- d'ajouter à la liste des emplois à la Cour de cassation qui ne sont pas placés hors hiérarchie -actuellement limitée aux conseillers référendaires- les avocats généraux référendaires 174 ( * ) dans le 1° de l'article 3 de l'ordonnance statutaire (I de cet article) ;
- de compléter le dernier alinéa de l'article 28 de l'ordonnance statutaire pour étendre aux avocats généraux référendaires l'obligation de mobilité après dix ans d'exercice en vigueur pour les conseillers référendaires (II de cet article) ;
- de compléter l'article 28-1 de l'ordonnance statutaire pour appliquer aux avocats généraux référendaires le mécanisme de sortie de la Cour de cassation prévu pour les conseillers référendaires (III de cet article) 175 ( * ) ;
- d'étendre aux avocats généraux référendaires le régime dérogatoire applicable aux conseillers référendaires défini au premier alinéa de l'article 39 de l'ordonnance statutaire pour l'accès aux fonctions placées hors hiérarchie 176 ( * ) (1° et 2° du IV du présent article) ;
- de compléter l'article 80-1 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 pour renvoyer à un décret en conseil d'État, le soin de fixer les conditions complémentaires d'accès aux fonctions d'avocat général référendaire, à l'instar de ce qui prévaut pour les conseillers référendaires (V du présent article).
La présente réforme permettra au parquet général de mieux faire face à sa tâche grâce au recrutement de magistrats présentant les connaissances juridiques requises sans avoir l'ancienneté exigée pour accéder aux fonctions d'avocat général. Ces avocats généraux référendaires seront conduits à prendre la parole aux audiences des chambres auxquelles ils seront affectés. Le dispositif favorisera le recrutement de magistrats plus jeunes, susceptibles d'acquérir plus tôt la technique de la cassation et de revenir à la Cour de cassation pour occuper des fonctions hors hiérarchie.
Le coût de cette réforme d'organisation du parquet général a été évalué pour 2007 à plus de 900.000 euros . A cette fin, le ministère de la justice a indiqué que des transformations de postes étaient prévus (5 postes d'avocats généraux transformés en 5 postes de premiers avocats généraux, postes de magistrats du premier grade transformés en postes d'avocats généraux référendaires et recrutement de magistrats du premier grade, en remplacement des promus aux emplois d'avocats généraux).
Parallèlement à la création de ce nouveau statut d'avocat général référendaire, le 3° du IV du présent article propose d'améliorer le déroulement de carrière des conseillers référendaires . Il complète ainsi l'article 39 de l'ordonnance statutaire par deux nouveaux alinéas insérés avant le dernier alinéa :
- pour réserver un emploi vacant de conseiller à la Cour de cassation sur quatre à des magistrats du premier grade ayant précédemment exercé les fonctions de conseiller référendaire durant au moins huit ans ; ce dispositif est plus ambitieux que le droit actuel qui dispense les anciens conseillers référendaires d'avoir occupé un emploi hors hiérarchie pour accéder aux emplois hors hiérarchie à la Cour de cassation, par dérogation au principe selon lequel nul ne peut accéder à de tels emplois s'il n'est ou n'a été magistrat hors hiérarchie ;
- à défaut de candidats issus du « référendariat », le dispositif envisage la possibilité de reporter les postes non pourvus par ce biais sur le quota de postes offerts aux magistrats placés hors hiérarchie.
En outre, ce dispositif, étend logiquement ces règles aux avocats généraux référendaires. Le texte de l'Assemblée nationale précise que l'accès aux postes hors hiérarchie de la Cour de cassation au siège et au parquet général est respectivement ouvert aux anciens conseillers référendaires et aux anciens avocats généraux référendaires. Cette rédaction est de nature à introduire une rigidité qui, comme l'a mis en avant lors de son audition M. Didier Boccon-Gibod, avocat général à la Cour de cassation, n'existe pour aucune fonction judiciaire, la possibilité de passer du siège au parquet étant la règle tout au long de la carrière.
Le régime dérogatoire en faveur des anciens conseillers référendaires pour l'accès aux fonctions hors hiérarchie de la Cour de cassation institué par la loi organique du 25 juin 2001 précitée n'a pas été appliqué à ce jour.
Les retours d'anciens référendaires, qui par leur expérience diversifiée, tant de la Cour de cassation que des juridictions du fond, contribuent de manière décisive à la cohérence de la jurisprudence et à la qualité formelle des arrêts de cassation, sont de plus en plus rares. Cette proportion s'élève actuellement à 11 %, comme l'a indiqué le premier président de la cour de Cassation, M. Guy Canivet, à votre rapporteur : la quasi-totalité des conseillers référendaires accèdent à la Cour de cassation après quarante ans et achèvent leur période de dix ans d'activité après cinquante ans en prenant un poste à grade égal, ce qui ne leur laisse pas un temps suffisant pour être promus à un emploi hors hiérarchie tel celui de président de chambre de cour d'appel leur donnant droit à l'accès aux fonctions hors hiérarchie à la Cour de cassation ; de plus, le Conseil supérieur de la magistrature semble privilégier les présidents de chambre de cour d'appel plutôt que les conseillers de cour d'appel anciens référendaires pour l'accès à ces hauts postes de la magistrature.
La réforme proposée par le présent article tend à remédier à cette situation en permettant de renforcer la présence d'anciens référendaires dans les formations de jugement.
Votre commission souscrit aux innovations prévues par le présent article.
Elle vous soumet un amendement pour permettre aux anciens conseillers référendaires ou avocats généraux référendaires d'accéder indistinctement à un emploi hors hiérarchie du siège ou du parquet général de la Cour de cassation . Outre une meilleure cohérence avec les règles statutaires, cette proposition présente l'avantage de permettre un enrichissement des fonctions par le passage au siège d'un ancien avocat général référendaire et inversement.
En conséquence, elle vous propose d'adopter l'article 6 bis ainsi modifié .
Article 6 ter (nouveau) (art. 20 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature) - Élaboration par le CSM d'un recueil des obligations déontologiques des magistrats
Le présent article, introduit par les députés, a pour objet de compléter la liste des missions du CSM pour lui confier le soin d'élaborer un recueil des obligations déontologiques des magistrats.
L'article 20 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature énonce les attributions du CSM autres que celles relatives à la nomination 177 ( * ) et à la discipline des magistrats 178 ( * ) . Sont mentionnées :
- la possibilité, pour un ou plusieurs membres de conduire, à la demande de l'une de ses formations, des missions d'information auprès de toutes les juridictions (Cour de cassation, cours d'appel, tribunaux) et de l'ENM ;
- la publication d'un rapport d'activité de chacune de ses formations.
Concrétisant une proposition de la commission de réflexion sur l'éthique dans la magistrature 179 ( * ) , les députés ont proposé de donner un prolongement législatif à la récente démarche du CSM tendant à publier un recueil des décisions et avis disciplinaires rendus depuis 1958.
A cette fin, l'article 20 de la loi du 5 février 1994 serait complété par un nouvel alinéa, afin de confier au CSM le soin d'élaborer et de publier un recueil des obligations déontologiques des magistrats .
Il paraît logique de confier cette prérogative au CSM lequel est au coeur du fonctionnement du régime disciplinaire des magistrats. Le caractère pédagogique des avis et des décisions rendus par cette instance garantit une élaboration rigoureuse d'un tel recueil. En outre, comme l'a mis en avant le CSM dans sa contribution à la réflexion sur la déontologie des magistrats, la création d'un organe spécifiquement compétent en la matière n'apporterait pas de valeur ajoutée, une telle instance ayant vocation au mieux à être l'exégète des décisions disciplinaires du CSM, au pire à s'écarter de la ligne du CSM au risque de créer « une réelle confusion préjudiciable à la définition claire des principes de comportement applicables » 180 ( * ) .
Ce recueil s'inspirera largement, sous une forme plus synthétique et plus pédagogique, du recueil disciplinaire récemment publié par le CSM. Sa mise à jour qui n'est pas expressément prévue, sera nécessaire en cas d'évolution de la jurisprudence disciplinaire et au vu des questions d'actualité qui intéressent les magistrats.
Le texte précise qu'il s'agit d'un « recueil des obligations déontologiques » et non d'un code de déontologie. Cette expression traduit le choix de ne pas figer le contenu des règles par essence évolutives, ni de les détailler dans un catalogue exhaustif mais inévitablement incomplets . Elle marque ainsi la volonté de conserver la conception ancrée depuis 1958 d'un énoncé de principes généraux liés à quelques grandes valeurs fondamentales (indépendance et impartialité) et va dans le sens de l'avis rendu par le Conseil consultatif des juges européens selon lequel une « déclaration de principes de conduite professionnelle » apparaît préférable à un code de déontologie trop simplificateur et trop rigide.
L'expérience de l'Italie qui s'est dotée d'un code de déontologie en 1994 181 ( * ) , ainsi que l'a souligné le premier président de la Cour de cassation, M. Guy Canivet, s'est révélé plus de dix ans après sa création assez décevante : peu connu des avocats, des citoyens, mais également des magistrats eux-mêmes, ce code n'a pas rencontré le succès escompté 182 ( * ) .
Au cours des débats à l'Assemblée nationale, le garde des sceaux ainsi que le rapporteur de la commission des lois ont néanmoins laissé ouverte la réflexion, estimant qu'il serait toujours loisible au législateur d'intervenir après quelques années de mise en oeuvre du dispositif pour décider de l'opportunité d'établir un véritable code de déontologie 183 ( * ) .
La réforme proposée constitue une utile avancée .
Votre commission vous propose en conséquence d'adopter l'article 6 ter sans modification.
Article additionnel après l'article 6 ter (art. 20-1 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 et art. 72 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Saisine du CSM préalable au départ d'un magistrat dans le secteur privé et dans le secteur public concurrentiel
L'article 67 de l'ordonnance statutaire définit les trois positions permettant à un magistrat de quitter temporairement l'institution judiciaire pour y exercer une autre activité : détachement, disponibilité et accomplissement du service militaire.
L'article 72 de l'ordonnance précitée prévoit actuellement une saisine du CSM avant le départ d'un magistrat en détachement, disponibilité ou « sous les drapeaux ». L'avis prononcé à cette occasion ne porte que sur des motifs de légalité externe, le CSM se bornant à vérifier, d'une part que le magistrat a accompli quatre années de services effectifs dans le corps judiciaire depuis son entrée dans la magistrature (article 12, troisième alinéa, de l'ordonnance statutaire), d'autre part, s'agissant d'un magistrat du siège, qu'il a effectivement donné son consentement en application de l'article 4 de l'ordonnance statutaire, selon lequel « un magistrat du siège ne peut recevoir, sans consentement, une affectation nouvelle, même en avancement ».
Or, eu égard aux objectifs d'ouverture du corps sur l'extérieur, mis en oeuvre notamment par les nouvelles obligations résultant de l'article 8 bis du présent projet de loi organique 184 ( * ) , il convient de préciser les attributions du CSM afin de mieux garantir le respect des règles déontologiques applicables aux magistrats. En effet, comme l'ont déclaré les membres du CSM entendus par votre rapporteur, il ne serait pas souhaitable, par exemple, qu'un magistrat soit placé en détachement ou disponibilité auprès d'une entreprise vis-à-vis de laquelle il a été en situation, à raison même de ses fonctions antérieures, soit de la surveiller ou de la contrôler, soit de passer ou donner son avis sur des marchés ou contrats passés avec cette entreprise.
Dès lors, votre commission estime nécessaire que le Conseil puisse contrôler le départ des magistrats demandant à être placés en disponibilité ou en détachement, aux fins d'exercer une activité dans le secteur privé ou le secteur public concurrentiel. Aussi vous soumet-elle un amendement tendant à prévoir que le CSM examine désormais, sur le modèle de la commission de déontologie instituée par l'article 87 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 185 ( * ) , si les activités que les magistrats envisagent d'exercer sont compatibles avec leurs précédentes fonctions. Cet amendement rejoint une des recommandations du rapport de la Commission de réflexion sur l'éthique dans la magistrature 186 ( * ) .
Afin de renforcer l'efficacité du dispositif, il est en outre proposé que la demande du magistrat soit inscrite à l'ordre du jour de la première séance utile.
Votre rapporteur estime par ailleurs qu'un bilan des attributions déontologiques confiées au CSM dans le cadre du présent article aurait vocation à figurer dans son rapport annuel d'activité rendu public chaque année en vertu de l'article 20 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994.
Enfin, interrogé par votre rapporteur, le ministère de la justice a soutenu que les magistrats étaient passibles des sanctions punissant la prise illégale d'intérêts, dès lors qu'ils pouvaient être assimilés à des fonctionnaires « exprimant, à raison même de leur fonction, un avis sur les opérations effectuées par une entreprise privée » (article 432-13 du code pénal).
L'amendement proposé tend à inscrire la nouvelle mission du Conseil ainsi définie au sein d'un article 20-1 inséré dans la loi organique du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature. Il vise également, par coordination, à modifier l'article 72 de l'ordonnance statutaire.
Il a enfin pour objet de supprimer, dans un souci de simplification, le contreseing du ministre des finances apposé au décret portant détachement du magistrat, tel que prévu au deuxième alinéa de l'article 72.
Tel est l'objet du présent article additionnel que votre commission vous propose d' adopter .
Article 6 quater (nouveau) (art. 48-1 nouveau de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Passerelle entre la responsabilité civile de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice et la responsabilité disciplinaire des magistrats
Le présent article, introduit par les députés, insère un article 48-1 dans l'ordonnance statutaire du 22 décembre 1958 afin d'instituer une passerelle entre la responsabilité civile de l'Etat en raison du fonctionnement défectueux du service public de la justice et la responsabilité disciplinaire des magistrats.
? Le régime actuel de responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice
Dans un arrêt de principe Giry (23 novembre 1956), la Cour de cassation a fait droit à une demande d'un justiciable visant à mettre en jeu la responsabilité de l'Etat relativement au service public de la justice.
Actuellement, plusieurs régimes spéciaux de responsabilité de l'Etat du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice existent. L'Etat est en effet tenu de réparer les dommages causés :
- à l'égard du pupille en raison d'une « faute quelconque » commise dans le fonctionnement de la tutelle soit par le juge des tutelles, son greffier ou l'administrateur public chargé d'une tutelle vacante, l'action étant portée devant le tribunal de grande instance (article 473 du code civil) ;
- à l'égard d'un justiciable en cas de faute (simple) s'agissant de la tenue du livre foncier (article 46 de la loi du 1 er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière) ;
Plus généralement, l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire 187 ( * ) définit le régime de droit commun applicable en la matière : l'Etat doit indemniser les justiciables ayant subi un dommage causé par un dysfonctionnement de l'institution judiciaire, à condition qu' une faute lourde ou un déni de justice en soit à l'origine :
- l'exigence d'une faute lourde est liée traditionnellement aux difficultés particulières d'exécution d'un service public, toutefois, à la faveur de la jurisprudence de la Cour de cassation, la portée de la faute lourde, à l'origine très restrictive, a notablement évolué, rendant plus effective la responsabilité de l'Etat à ce titre ;
En effet, la faute lourde -en pratique constituée par une faute simple- est désormais établie en cas de « déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi » 188 ( * ) .
La faute lourde est parfois constatée en cas de faute grave du magistrat, celle-ci pouvant survenir « en cas de méconnaissance grave et inexcusables des devoirs essentiels du juge dans l'exercice de ses fonctions » 189 ( * ) , en cas de « comportement anormalement déficient du juge » 190 ( * ) ou lorsqu'un délibéré a été rendu dans un délai anormalement long (un an) devant une cour d'appel 191 ( * ) ;
- le déni de justice au sens de la jurisprudence actuelle est constitué par le refus de répondre aux requêtes, le fait de négliger de juger les affaires en l'état de l'être, mais aussi plus largement tout manquement de l'Etat à son devoir de protection juridictionnelle de l'individu qui comprend le droit pour tout justiciable de voir statuer sur ses prétentions dans un délai raisonnable 192 ( * ) .
Dans une récente décision 193 ( * ) , la cour d'appel de Paris a relevé qu'était constitutif d'un déni de justice l'inaction injustifiée des juges pendant près de trois ans qui a entraîné un retard dans l'instruction de l'affaire et qui a eu pour conséquence de retarder l'examen de l'affaire par le tribunal six ans après le dépôt de la plainte avec constitution de partie civile et qu'en outre s'ajoutait une faute lourde liée à un manquement de l'autorité judiciaire à l'obligation de veiller à l'information et la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale.
Ce dispositif ne s'applique pas aux juridictions administratives, néanmoins régies par un système analogue défini par la jurisprudence 194 ( * ) .
La Cour européenne des droits de l'Homme, depuis deux décisions du 7 novembre 2000 (Van Der Kar et Van West), considère l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire comme une voie de recours interne effective, ce qui implique que les requêtes faisant état d'un délai excessif au regard du délai de jugement raisonnable au sens de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme qui lui sont adressées doivent préalablement avoir épuisé cette voie de recours.
Depuis 1997, le nombre d'affaires mettant en cause un fonctionnement défectueux du service public de la justice a quadruplé, passant de 56 à 214 en 2005. Interrogé par votre rapporteur sur les causes de ce phénomène, le ministère de la justice a imputé cette croissance exponentielle à une meilleure connaissance de leurs droits par les usagers et la volonté plus affirmée de les faire valoir devant les tribunaux plus qu'à « une détérioration du fonctionnement de la justice », indiquant également qu'elle constitue une conséquence attendue de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.
Entre juin 2004 et juin 2005, sur 51 décisions rendues au titre du fonctionnement défectueux de l'Etat, 28 décisions ont conclu à l'absence de faute lourde ou de déni de justice et 23 condamnations de l'Etat ont été prononcées. Ce nombre est stable (23 condamnations sur 71 jugements rendus en 2000 et 25 condamnations sur 83 jugements en 2001).
Parmi ces 23 condamnations : 12 se rapportaient au fonctionnement d'un tribunal de grande instance, 10 au déroulement d'une procédure prud'homale et 1 au dommage subi par un tiers lors d'une opération de police judiciaire.
La charge pour l'Etat des condamnations pour fonctionnement défectueux du service public de la justice n'a cessé de croître depuis 2000.
Montant des indemnités versées au titre
de la responsabilité de l'État
du fait du fonctionnement
défectueux de la justice
(en euros)
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
|
faute lourde des services judiciaires |
276.517 |
1.517.308 |
591.923 |
584.380 |
1.553.539 |
7.074.568 |
contentieux européen |
436.669 |
855.741 |
466.532 |
547.808 |
291.269 |
1.093.653 |
faute lourde de la police judiciaire |
449.352 |
1.095.080 |
64.101 |
277.539 |
155.870 |
366.960 |
tutelles |
- |
155.935 |
39.374 |
1.314.103 |
398.221 |
232.687 |
responsabilité sans faute |
52.871 |
63.645 |
277.591 |
496.350 |
279.718 |
416.212 |
TOTAL |
1.415.209 |
3.688.009 |
1.439.521 |
3.220.180 |
2.678.617 |
9.184.080 |
Ces crédits s'imputent sur les crédits de réparations civiles.
Source : Ministère de la justice
? La difficile articulation de la mise en cause du fonctionnement défectueux du service public de justice avec la mise en jeu de la responsabilité civile des magistrats
Comme il l'a été indiqué dans l'exposé général 195 ( * ) , la mise en jeu de la responsabilité civile des magistrats est peu effective. La condamnation de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice n'a jamais donné lieu à une action récursoire de l'Etat à l'égard d'un magistrat judiciaire ; de nombreuses raisons l'expliquent :
- le champ de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire est plus large que les actes des magistrats et les principes de l'organisation judiciaire (collégialité et secret du délibéré) limitent en pratique la possibilité de rechercher une faute individualisée du magistrat ;
- une réforme du régime de responsabilité civile des magistrats se heurte à de nombreux arguments (risque de stigmatisation d'une catégorie d'agents publics pourtant protégés par un principe constitutionnel d'indépendance, délicate distinction entre la faute personnelle et la faute de service...).
La France n'est pas un cas isolé, un constat similaire pouvant être dressé pour d'autres Etats de l'Union européenne.
La responsabilité civile des magistrats dans les
autres pays d'Europe,
La Belgique ne connaît pas l'action récursoire contre le magistrat, ce qui explique peut-être une jurisprudence plus favorable au justiciable qui retient, sous certaines conditions, la faute lourde dans l'activité juridictionnelle. La procédure de la prise à partie existe, mais est rarement mise en oeuvre. La doctrine réclame d'ailleurs sa suppression au profit de la reconnaissance d'une action récursoire de l'Etat contre le juge. Le Luxembourg connaît encore le système de la prise à partie (articles 505 et suivants du code de procédure civile). Du fait de la complexité de la procédure, les affaires de prise à partie sont particulièrement exceptionnelles. L'Etat condamné pour fonctionnement défectueux de ses services judiciaires ne dispose pas d'une action récursoire contre ses magistrats fautifs. Aux Pays-Bas , il n'existe pas de responsabilité personnelle des magistrats. L'action doit être dirigée contre l'Etat et il n'existe pas non plus d'action récursoire. L' Espagne possède un mécanisme d'action récursoire à la disposition de l'Etat en cas de faute lourde d'un magistrat. Ce dispositif a conduit les magistrats à souscrire une assurance professionnelle pour se garantir contre les condamnations civiles (d'un coût de 200 euros par an). En pratique, les cas de mise en jeu de la responsabilité des magistrats espagnols sont extrêmement rares. En Allemagne , si la faute résulte d'une négligence grossière ou revêt un caractère intentionnel, l'Etat peut exercer une action récursoire dont les contours sont peu précis et qui est peu fréquente. En Italie , la responsabilité de l'Etat se substitue à celle du magistrat, mais une action récursoire peut être exercée en cas de faute personnelle se rattachant au service. La collégialité ne constitue pas un obstacle à l'introduction d'une action en responsabilité contre un juge : les magistrats, membres d'une formation collégiale ayant la faculté de faire part de leur opinion dissidente consignée dans une enveloppe scellée conservée par le greffe. Ceux-ci peuvent donc invoquer leur position dans l'hypothèse où leur responsabilité viendrait à être recherchée. |
Source : informations communiquées par le ministère de la justice ; rapport de la commission d'enquête parlementaire, pages 483 à 486.
? Le projet de loi organique : un lien explicite entre responsabilité de l'Etat et responsabilité disciplinaire des magistrats
Actuellement, le droit en vigueur ne prévoit pas d'articulation entre la mise en jeu de la responsabilité civile de l'Etat en cas de dysfonctionnements du service public de la justice et l'engagement de la responsabilité disciplinaire des magistrats, même si rien n'interdit aux autorités de poursuite (garde des sceaux, chefs d'une cour d'appel) de saisir le CSM du comportement fautif d'un magistrat révélé dans une condamnation de l'Etat.
La responsabilisation accrue de l'autorité judiciaire impose d'examiner de manière rigoureuse les erreurs commises afin d'en tirer les conséquences quant au déclenchement d'éventuelles poursuites disciplinaires. Le président du tribunal de grande instance de Paris, lors de l'audience solennelle de rentrée le 15 janvier 2003, a indiqué que cette pratique avait été institutionnalisée dans son tribunal 196 ( * ) : « une démarche a été entreprise dans cette juridiction consistant à recenser les différents problèmes qui entraînent la condamnation de l'Etat. Elle devrait permettre d'évaluer les risques, de les prévenir en luttant contre la répétition des erreurs, voire des errements qui auraient pu être clairement identifiés. »
Le présent article qui concrétise une proposition du CSM formulée en 1999 propose d'insérer dans l'ordonnance statutaire un article 48-1 pour créer un dispositif nouveau, afin de coordonner explicitement la mise en cause de la responsabilité civile de l'Etat avec le régime disciplinaire.
Le premier alinéa du texte proposé pour l'article 48-1 de l'ordonnance statutaire prévoit que toute décision définitive portant condamnation de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service de la justice est systématiquement communiquée , par le garde des sceaux, aux chefs de la cour d'appel concernés à « toutes fins qu'il appartiendra ».
L'expression « toute décision définitive condamnant l'Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice » visée par le texte recouvre les condamnations prononcées au titre de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire ainsi qu'en matière de tutelle ou de livre foncier (régime de responsabilité engagé pour faute simple ou lourde).
Votre commission dans le souci de permettre l'information la plus large possible des chefs des cours d'appel vous propose, par amendement , de compléter cette rédaction pour mentionner également les condamnations définitives de l'Etat pour violations d'une obligation prévue par une convention internationale . En effet, il paraît important de tirer toutes les conséquences d'une décision de la Cour européenne des droits de l'homme ayant révélé des comportements particulièrement graves au sein de l'institution judiciaire française.
La rédaction très générale relative aux « chefs de cour concernés » est destinée à couvrir deux hypothèses, en fonction de la nature du dysfonctionnement. En cas de fonctionnement défectueux lié à l'organisation d'une juridiction, il est logique que la décision soit communiquée aux chefs de la cour d'appel dans le ressort de laquelle la décision à l'origine de la condamnation de l'Etat a été rendue. En cas de dysfonctionnement causé par le comportement défaillant d'un magistrat, il semble plus judicieux que la décision soit communiquée aux chefs de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le magistrat impliqué est en fonction au moment de la transmission de la décision de condamnation de l'Etat. Le ministère de la justice a indiqué à votre rapporteur que dans de nombreuses hypothèses, la transmission serait effectuée simultanément à tous les chefs de cours d'appel susceptibles d'être intéressés.
Dans un souci de clarté, votre commission vous propose également par amendement de supprimer la mention inutile et sans portée juridique « à toutes fins qu'il appartiendra » -les chefs des cours d'appel disposant au titre de l'ordonnance statutaire déjà de nombreuses prérogatives (évaluation, avertissement, poursuite disciplinaire) pour tirer les conséquences du comportement défaillant d'un magistrat sans qu'il soit nécessaire de le rappeler- et de faire référence « aux chefs de cours d'appel intéressés ».
Il convient de souligner que les dysfonctionnements portés à la connaissance des chefs des cours d'appel sont susceptibles de concerner les magistrats, les fonctionnaires des juridictions ou les auxiliaires de justice. Il appartiendra donc aux chefs des cours d'appel de prendre les décisions qui s'imposent quel que soit le professionnel à l'origine de la condamnation de l'Etat.
Le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article 48-1 de l'ordonnance statutaire mentionne que le ou les magistrats « en cause » sont avisés dans les mêmes conditions (par le garde des sceaux). Cette disposition se justifie par le souci d'éviter que des magistrats dont l'activité a pu donner lieu à une action en responsabilité ignorent son existence.
La référence aux magistrats « mis en cause » visée par le texte adopté par les députés pourrait utilement être élargie aux magistrats « intéressés » par la décision de condamnation. En effet, dans le souci de responsabiliser davantage les magistrats et d'éviter des situations préjudiciables au crédit de la justice, il paraît souhaitable de sensibiliser plus largement ces derniers aux dysfonctionnements les ayant concernés plus ou moins directement, y compris en dehors de toute mise en cause. Tel est le sens d'un amendement que vous soumet votre commission.
Le dernier alinéa de ce texte prévoit explicitement la possibilité pour le garde des sceaux et les chefs de la cour d'appel concernés d'engager des poursuites disciplinaires devant le CSM au vu des éléments mis en évidence par la décision ayant condamné l'Etat. Cette réforme se borne à transcrire une règle déjà applicable, afin de faire évoluer les pratiques et de sanctionner plus efficacement des insuffisances professionnelles coûteuses pour l'Etat.
Les chefs de cours d'appel et le garde des sceaux seraient ainsi chargés d'exploiter systématiquement les décisions ayant condamné l'Etat, de détecter les éventuelles défaillances des magistrats et d'en saisir, au besoin, le CSM . Un tel système ne signifie pas pour autant que les magistrats seraient plus souvent sanctionnés, compte tenu du faible nombre de condamnations de l'Etat les mettant en cause. Néanmoins, les comportements fautifs passibles de sanction disciplinaire pourraient être plus certainement identifiés et réprimés.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 6 quater ainsi modifié .
Article 6 quinquies (nouveau) (art. 48-2 nouveau de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Examen par le Médiateur de la République des réclamations portant sur le comportement d'un magistrat
Cet article insère au sein du chapitre VII de l'ordonnance du 22 décembre 1958, consacré à la discipline, un nouvel article 48-2, définissant la procédure d'examen des réclamations relative aux comportements des magistrats susceptibles de constituer des fautes disciplinaires.
Ce dispositif faisait initialement l'objet de l'article unique du projet de loi modifiant la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur. Lors de la discussion du présent projet de loi organique en première lecture, l'Assemblée nationale a, sur la proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, inséré la procédure d'examen des plaintes des justiciables par le Médiateur de la République au sein du statut de la magistrature, afin de préciser les conditions d'instruction de ces réclamations.
Elle a en conséquence supprimé l'article unique du projet de loi modifiant la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 et rejeté ce projet de loi.
1) Le dispositif initial : une transmission des réclamations par le Médiateur
Examinant les modalités de développement des contrôles externes de la justice afin de renforcer la responsabilité des magistrats, la commission d'enquête de l'Assemblée nationale chargée d'examiner les dysfonctionnements de la justice dans l'affaire d'Outreau proposait de confier au Médiateur de la République le filtrage des réclamations des justiciables s'estimant lésés par un dysfonctionnement du service de la justice, ou par le comportement d'un magistrat susceptible de recevoir une qualification disciplinaire.
Le rapport de la commission d'enquête envisageait ainsi que la saisine du Médiateur s'effectue « sans filtrage par les parlementaires, les requêtes devant être déposées devant ses délégués départementaux » 197 ( * ) . Le Médiateur aurait eu pour rôle « d'aiguiller les justiciables vers les autorités compétentes et de saisir le CSM, afin qu'il se prononce éventuellement sur le terrain disciplinaire ».
Sans suivre exactement ces recommandations, l'article unique du projet de loi modifiant la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur insérait dans celle-ci un article 11-1, organisant une nouvelle procédure d'examen des réclamations relatives au fonctionnement de la justice. Selon cette procédure, le Médiateur de la République devait transmettre au garde des sceaux les réclamations relatives au fonctionnement de la justice mettant en cause le comportement d'un magistrat de l'ordre judiciaire, s'il les estimait sérieuses.
Il appartenait ensuite au garde des sceaux de faire connaître au Médiateur les suites réservées à cette réclamation.
Afin de respecter les garanties d'indépendance de l'autorité judiciaire, il était prévu que le Médiateur de la République ne puisse mettre en oeuvre, dans le cadre de ce dispositif, ses pouvoirs de recommandation, d'engagement d'une procédure disciplinaire et d'enquête (art. 9, 10, 12 et 13 de la loi du 3 janvier 1973).
A cet égard, il convient de rappeler qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 3 janvier 1973, « le Médiateur de la République ne peut intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction, ni remettre en cause le bien-fondé d'une décision juridictionnelle, mais a la faculté de faire des recommandations à l'organisme mis en cause ».
2) Le texte issu de l'Assemblée nationale : un dispositif inscrit dans le statut de la magistrature
Sur la proposition du rapporteur de sa commission des lois, M. Philippe Houillon, l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel insérant le dispositif d'examen des plaintes des justiciables au sein de l'ordonnance du 22 décembre 1958.
Cette intégration du dispositif dans le statut de la magistrature vise à préciser les modalités d'instruction des réclamations.
Ainsi, le nouvel article 48-2 de l'ordonnance prévoit que toute personne estimant que le comportement observé par un magistrat à l'occasion d'une « affaire la concernant » est susceptible de constituer une faute disciplinaire, peut adresser une réclamation à un membre du Parlement.
Conformément aux modalités générales de saisine du Médiateur, il reviendrait ensuite au parlementaire de transmettre à ce dernier la réclamation, si elle lui paraît relever de sa compétence et mériter son intervention. A cet égard, le dispositif adopté par l'Assemblée nationale ne comporte aucun changement par rapport au dispositif initial, qui n'exonérait pas les réclamations des justiciables du filtre parlementaire défini à l'article 6 de la loi du 3 janvier 1973.
Le nouvel article 48-2 est en revanche plus précis que ne l'était le projet de loi modifiant la loi instituant un médiateur, puisqu'il vise les réclamations portant sur le comportement d'un magistrat « susceptible de constituer une faute disciplinaire » 198 ( * ) .
Il permet en outre au Médiateur de recueillir auprès des chefs de juridiction tous éléments d'information utiles . Lorsqu'elles lui paraissent susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire, le Médiateur de la République doit ensuite transmettre les réclamations au garde des sceaux. Il lui appartient également d'informer l'auteur de la réclamation, ainsi que le magistrat visé, de la suite réservée à celle-ci.
Par ailleurs, tout magistrat visé par une réclamation sera destinataire des pièces transmises par le Médiateur au ministre de la justice.
Conformément au principe de séparation des pouvoirs, le Médiateur de la République, autorité administrative, ne pourra porter aucune appréciation sur les actes juridictionnels des magistrats à l'occasion de l'examen des réclamations des justiciables.
Selon la procédure définie par l'article 6 quinquies , il incombe au Médiateur de vérifier si la réclamation peut recevoir une qualification disciplinaire et, dans une telle hypothèse, de la transmettre au garde des sceaux. Le texte adopté par l'Assemblée nationale organise à partir de cette transmission un dispositif plus coercitif que ne l'était le projet initial. En effet, dès lors qu'il est saisi par le Médiateur d'une réclamation mettant en cause le comportement d'un magistrat, le garde des sceaux a l'obligation de demander aux « services compétents » de procéder à une enquête.
Il appartient ensuite au ministre de la justice, s'il l'estime nécessaire, d'engager des poursuites disciplinaires à l'égard du magistrat mis en cause, en saisissant à cette fin, et dans les conditions définies par l'ordonnance du 22 décembre 1958 199 ( * ) , le CSM.
En tout état de cause, le ministre de la justice est tenu d'informer le Médiateur des résultats de l'enquête et des suites qu'il lui a réservées, toute décision de ne pas engager des poursuites disciplinaires devant nécessairement être motivée . Dans ce dernier cas de figure, le Médiateur a la possibilité d'établir un rapport spécial, publié au Journal officiel.
Les garanties offertes au justiciable ont donc été sensiblement renforcées par l'Assemblée nationale. Le dispositif ainsi défini assure en effet que toute réclamation transmise par le Médiateur au ministre de la justice sera suivie d'une enquête et, le cas échéant, d'une procédure disciplinaire.
S'agissant des « services compétents » auxquels le garde des sceaux devra demander une enquête, les services du ministère de la justice ont indiqué à votre rapporteur qu'ils visaient l'inspection des services judiciaires, les premiers présidents et les procureurs généraux des cours d'appel, les directeurs et les chefs de service de l'administration centrale pouvant également diligenter auprès des juridictions des enquêtes sur les comportements des magistrats susceptibles de constituer des fautes disciplinaires.
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale apparaît cependant fort complexe. Alors qu'il s'agissait de créer une voie de recours directe et efficace pour les justiciables s'estimant lésés par le comportement d'un magistrat, le nouvel article 48-2 aboutit à une procédure peu lisible .
Il soumet en effet la saisine finale du CSM, autorité disciplinaire, à trois filtres : un parlementaire, le Médiateur de la république et le ministre de la justice ou, le cas échéant, les chefs de juridiction. Or, les justiciables peuvent -et pourront encore demain- s'adresser directement au garde des sceaux ou aux chefs des cours d'appel. Les membres du bureau de la Conférence nationale des premiers présidents ont d'ailleurs indiqué à votre rapporteur que la Chancellerie leur transmettait un grand nombre des réclamations qui lui étaient adressées.
Ainsi, l'instauration d'un triple filtre là où existait auparavant un accès direct ne semble pas représenter un véritable renforcement des garanties offertes aux justiciables.
La procédure définie au nouvel article 48-2 présente cependant l'intérêt de permettre l'identification d'un interlocuteur pour les justiciables souhaitant présenter une réclamation relative à un fait susceptible de constituer une faute disciplinaire.
Néanmoins, si l'on peut regretter que la saisine de cet interlocuteur soit elle-même soumise à un filtre, on peut s'interroger sur l'attribution de cette mission au Médiateur de la République .
En effet, aux termes de l'article 1 er de la loi du 3 janvier 1973 instituant un médiateur, ce dernier reçoit « les réclamations concernant, dans leurs relations avec les administrés, le fonctionnement des administrations de l'Etat, des collectivités publiques territoriales, des établissements publics et de tout autre organisme investi d'une mission de service public ». Entrent par conséquent dans son champ de compétence les demandes relatives aux dysfonctionnements du service de la justice.
Le rapport annuel du Médiateur pour l'année 2005 indique à cet égard que « le secteur de justice examine les réclamations portant sur des litiges opposant une personne physique ou morale au service public de la justice. Cependant, il n'intervient pas dans les procédures judiciaires en cours, mais traite les dysfonctionnements de l'administration judiciaire ainsi que ceux concernant l'activité des auxiliaires de justice (avocats, avoués, notaires, experts auprès des tribunaux...). Le secteur est également compétent pour les affaires liées à l'état civil des personnes et au droit des étrangers ».
En revanche, le Médiateur n'a aucune compétence pour connaître des comportements des magistrats susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire . Les garanties constitutionnelles attachées à l'indépendance de la magistrature rendent indispensable l'intervention, en ce domaine, d'une autorité spécifique.
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale retient pour l'examen des réclamations des justiciables une autorité indépendante traitant essentiellement les dysfonctionnements administratifs. Cette autorité devrait donc constituer un service dédié à l'instruction de ces réclamations, sans qu'aucune garantie n'ait été apportée quant à la désignation et à la qualification des personnes qui en auront la charge.
Aucune indication précise concernant l'organisation, au sein des services du Médiateur, de l'instruction des réclamations relatives au comportement des magistrats n'a d'ailleurs été fournie à votre rapporteur.
Actuellement, deux magistrats sont mis à la disposition du Médiateur de la République, l'un exerçant les fonctions de conseiller du secteur justice, l'autre celles de directeur du service des études.
Pourtant, l 'objet des réclamations mettant en cause le comportement des magistrats paraît suffisamment spécifique pour que leur examen soit confié à un organe collégial, rassemblant des personnalités ayant l'expérience du milieu judiciaire .
Enfin, l'organisation de l'enquête sur les comportements des magistrats mis en cause mériterait d'être unifiée , alors que le nouvel article 48-2 organise une procédure en deux temps. Les chefs de juridiction pourront ainsi être appelés à répondre successivement, sur le même point, au Médiateur, puis au garde des sceaux.
3) La position de votre commission : confier l'examen des réclamations des justiciables à une commission de transparence de la justice
Votre commission souhaite que les personnes désirant présenter une réclamation sur le comportement d'un magistrat puissent s'adresser directement à une instance identifiée, spécifique et collégiale , dont la saisine pourra aboutir à l'intervention effective de l'autorité disciplinaire.
Elle vous soumet par conséquent un amendement visant à insérer au sein de l'ordonnance du 22 décembre 1958 un article 50-3, permettant à toute personne physique ou morale qui s'estimerait lésée par un fait susceptible de recevoir une qualification disciplinaire commis par un magistrat dans l'exercice de ses fonctions de saisir la commission de transparence de la justice .
Cette commission serait placée auprès du ministre de la justice , dans un objectif de cohérence avec le pouvoir de saisine du CSM dont il est investi.
Sur le modèle de la commission des requêtes près la Cour de justice de la République (article 68-2, troisième alinéa, de la Constitution), cette commission serait chargée d'examiner ces réclamations afin d'ordonner soit leur classement, en l'absence d'éléments tendant à établir une faute disciplinaire de la part du magistrat, soit, à l'inverse, leur transmission au ministre de la justice, aux fins de saisine du CSM.
La composition de la commission lui donnerait la légitimité requise pour exercer sa mission de filtrage des requêtes. Elle comprendrait en effet exclusivement des personnalités qualifiées ayant une bonne connaissance du fonctionnement de la justice, à savoir :
- quatre anciens membres du CSM, dont deux personnalités n'appartenant pas à l'ordre judiciaire, désignés par le ministre de la justice ;
- une personnalité qualifiée n'appartenant pas à l'ordre judiciaire, désignée conjointement par le premier président de la Cour de cassation et par le procureur général près cette cour, respectivement présidents des formations disciplinaires du siège et du parquet au CSM.
Ces membres, nommés pour une durée de cinq ans non renouvelable, éliraient en leur sein un président.
L'équilibre ainsi défini au sein de la commission entre magistrats et non magistrats garantirait le traitement impartial des réclamations.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 6 quinquies ainsi modifié.
Article 6 sexies (nouveau) - Rapport annuel sur les actions en responsabilité engagées contre l'Etat du fait des dysfonctionnements du service de la justice
Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, prévoit que, chaque année, le Gouvernement rend compte au Parlement des condamnations de l'Etat pour fonctionnement défectueux de la justice.
Le Gouvernement sera tenu de remettre au Parlement, avant le 30 juin de chaque année, un rapport présentant les actions en responsabilité engagées contre l'Etat :
- du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice ;
- des décisions définitives condamnant l'Etat à ce titre ;
- du versement par l'Etat des indemnités découlant de ces condamnations.
Chaque rapport portera sur l'année civile écoulée et devra préciser les suites données aux condamnations de l'Etat. Il permettra ainsi au Parlement d'observer si la responsabilité civile et disciplinaire des magistrats mis en cause dans les dysfonctionnements, pour lesquels l'Etat aura été condamné, a été engagée.
En effet, il apparaît que l'action récursoire n'est jamais exercée vis-à-vis des magistrats, ni d'ailleurs à l'encontre des autres agents publics. Les informations fournies à cet égard par le rapport annuel pourront, le cas échéant, nourrir la réflexion du Parlement sur les faiblesses de ce dispositif.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 6 sexies sans modification .
* 154 Journal Officiel du 15 novembre 2005, Questions écrites, Assemblée nationale- Réponse à une question écrite de M. Thierry Mariani, page 10626.
* 155 Voir exposé général II - A - 1.
* 156 CSM, 27 juin 1991, 2 juillet 1992, 9 juillet 1993, 20 juillet 1994.
* 157 CSM siège, 8 février 1981.
* 158 Arrêt du Conseil d'Etat Bidalou du 5 mai 1982 : « plusieurs arrêts successifs de la cour d'appel de Metz pris sur appel d'ordonnances rendues par le juge ont annulé celles-ci au motif que ce magistrat rendait des ordonnances dans une affaire dont il avait été dessaisi par des décisions antérieures de cette même cour. »
* 159 CSM siège 14 décembre 1994.
* 160 Rapport n° 3499 de M. Philippe Houillon (Douzième législature), page 28.
* 161 Contrairement à l'Italie, les opinions dissidentes au sein d'une formation collégiale de jugement ne sont pas publiées.
* 162 Ajoutée à l'initiative de votre commission des Lois dans la loi organique du 25 juin 2001, rapport n° 75 de M. Pierre Fauchon, session 2000-2001, page 47. Cette sanction n'a encore jamais été prononcée.
* 163 En matière d'accidents de la circulation terrestre ou encore pour le jugement de certains délits (ancien article L. 311-10-1 du code de l'organisation judiciaire), liés au contentieux de masse (vols de chèques, violences volontaires...). Pour Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte, les articles L. 889 et L. 924 du code de l'organisation judiciaire prévoient que l'ensemble des délits sont jugés à juge unique.
* 164 Ancien article L. 311-10 du code de l'organisation judiciaire.
* 165 Juge unique depuis sa création en 1856.
* 166 Loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.
* 167 Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
* 168 Rapport de la commission d'enquête parlementaire précité, page 337.
* 169 Qui prévoit que ce retrait peut être prononcé pour des motifs tirés du comportement du magistrat honoraire depuis son admission à la retraite ou pour des motifs constitutifs d'une faute disciplinaire au sens de l'article 43 du statut commis dans la période d'activité du magistrat mais connus par le ministère de la justice après l'admission à la retraite.
* 170 Page 127 de ce rapport.
* 171 Arrêt Quesne contre France du 1 er avril 2004.
* 172 La Cour de cassation - Etudes de la documentation française - août 2006, page 144.
* 173 Article 117 de la loi n° 2006-1666 de finances pour 2007 du 21 décembre 2006.
* 174 Placés au premier grade de la hiérarchie judiciaire depuis la réforme des carrières des magistrats de 2001.
* 175 Les conseillers référendaires, à l'issue de leur dixième année d'exercice, sont nommés dans l'une des fonctions -placées à un niveau hiérarchique égal- demandées au garde des sceaux dans des conditions précisément définies aux deux premiers alinéas de l'article 28 ; si aucune demande d'affectation n'a été exprimée, le garde des sceaux leur propose une affectation à égalité de niveau hiérarchique, à des fonctions du siège dans trois juridictions. Ces magistrats ne peuvent revenir à la Cour de cassation pour occuper un emploi placé hors hiérarchie avant trois années de services effectifs dans un service détaché ou dans la juridiction dans laquelle ils ont été nommés après avoir exercé les fonctions de conseiller référendaire à la Cour de cassation.
* 176 Exemptés de l'obligation d'avoir exercé deux fonctions au premier grade dans deux juridictions différentes pour l'accès à un poste hors hiérarchie et pour lesquels l'accès à un emploi hors hiérarchie à la Cour de cassation (conseiller ou avocat général) est possible si après avoir exercé les fonctions de conseiller référendaire, ils occupent un autre emploi du premier grade (par dérogation au principe selon lequel les nominations à un poste hors hiérarchie sont réservées à des magistrats hors hiérarchie.
* 177 Visées à l'article 15 à 17 de cette loi organique.
* 178 Définies à l'article 18 de cette loi organique.
* 179 Voir II - A - 1.
* 180 Pages 170 et 171 du rapport annuel d'activité 2002-2003.
* 181 Ce code comprend 14 articles, déclinés en simples conseils facultatifs.
* 182 La déontologie des magistrats - Guy Canivet et Julie Joly-Hurard, Dalloz, Connaissance du droit, page 54.
* 183 Compte rendu intégral - 3 ème séance du 14 décembre 2006, page 9110.
* 184 Mobilité statutaire obligatoire pour l'accès aux emplois placés hors hiérarchie.
* 185 Loi relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.
* 186 Rapport de la commission de réflexion sur l'éthique dans la magistrature précité (novembre 2003), proposition n°5, page 41.
* 187 Ancien article L. 781-1 du code de l'organisation judiciaire introduit par l'article 11 de la loi du 5 juillet 1972 relative à la procédure civile.
* 188 Arrêt du 23 février 2001, Consorts Bolle-Laroche (à propos de l'affaire Grégory). Auparavant, la faute lourde était « celle qui a été commise sous l'influence d'une erreur tellement grossière qu'un magistrat, normalement soucieux de ses devoirs n'y eût pas été entraîné. » Cour de cassation, 20 février 1973.
* 189 Cour de cassation, 10 mars 1995.
* 190 Cour d'appel de Paris, 6 septembre 1996, Mme Lebrun contre Agent judiciaire du Trésor.
* 191 Tribunal de grande instance de Paris, 9 juin 1999, Quilichini.
* 192 Tribunal de grande instance de Paris, 6 juillet 1994.
* 193 A propos des décès de la princesse Diana et de M. D. Fayed, arrêt du 28 avril 2003.
* 194 Arrêt Darmont, 29 décembre 1978 : une faute lourde est exigée pour mettre en jeu la responsabilité de l'Etat en cas de dysfonctionnement de la justice administrative.
* 195 II - B - 1.
* 196 Discours prononcé lors de l'audience solennelle de rentrée le 15 janvier 2003, publié dans la Gazette du Palais 19-21 janvier 2003, pages 29 à 35.
* 197 Rapport n° 3125 précité, pages 472 à 479.
* 198 Cette formulation a été substituée par un sous-amendement du Gouvernement à celle proposée par l'amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui visait le comportement d'un magistrat qui « n'a pas été conforme aux devoirs nés de son serment ».
* 199 Il revient au garde des sceaux de saisir le CSM aux fins de poursuite disciplinaire des magistrats du siège (art. 50-1 de l'ordonnance) et, pour les magistrats du parquet, de saisir le procureur général près la Cour de cassation, président de la formation du CSM compétente pour rendre un avis en cette matière (art. 63 de l'ordonnance).