B. UN MODE DE SCRUTIN ORIGINAL QUI NE FAVORISE PAS LA CONSTITUTION DE MAJORITÉS STABLES
1. Un mode de scrutin proche de celui des élections régionales mais original
Cela a été rappelé, l'Assemblée de Corse a été instituée en 1982 . Elle était alors composée de 61 membres élus pour six ans à la représentation proportionnelle à un tour suivant la règle de la plus forte moyenne, sans adjonction ni suppression de nom et sans modification de l'ordre de présentation, la Corse formant circonscription électorale unique.
Etaient seules admises à la répartition des sièges les listes ayant obtenu un nombre de suffrages au moins égal au total des suffrages exprimés divisé par le nombre de sièges à pourvoir. En dépit de l'instauration ultérieure d'un seuil de 5% des suffrages exprimés pour permettre à une liste de participer à la répartition des sièges, l'Assemblée de Corse, paralysée par l'instabilité politique, fut dissoute le 29 juin 1984.
La loi du 10 juillet 1985 relative à l'élection des conseillers régionaux aligna le mode de scrutin de l'Assemblée de Corse sur celui des conseillers régionaux en maintenant la représentation proportionnelle et le seuil de 5% des suffrages exprimés pour la répartition des sièges mais en instituant le département comme circonscription de l'élection.
Tout en dotant la Corse d'une nouvelle organisation institutionnelle, la loi du 13 mai 1991 (« statut Joxe »), modifiée par les lois du 19 janvier 1999, du 6 juin 2000 et du 11 avril 2003, a instauré un nouveau mode de scrutin destiné à mieux assurer la légitimité de l'Assemblée de Corse tout en garantissant l'expression du pluralisme politique de l'île .
Afin de marquer l'identité et l'unité de la collectivité, le législateur a prévu que la Corse formait à nouveau une circonscription électorale unique pour l'élection de l'Assemblée de Corse.
En vue d'alléger le fonctionnement interne de l'Assemblée, la réforme a diminué le nombre de conseillers de 61 à 51 membres .
Le mode de scrutin alors choisi s'inspire de celui en vigueur aux élections municipales dans les communes de 3.500 habitants et plus :
-les conseillers à l'Assemblée de Corse sont élus au scrutin de liste à deux tours avec dépôt de listes complètes comportant autant de noms qu'il y a de sièges à pourvoir, sans adjonction ni suppression de noms ;
-il est attribué une prime majoritaire de 3 sièges à la liste ayant obtenu la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour de scrutin ou arrivée en tête au second. Puis, les autres sièges sont répartis à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne (la prime majoritaire représente donc un peu moins de 6 % des sièges contre 25% des sièges aux élections régionales) ;
- un seuil de 5% des suffrages exprimés est exigé pour l'accès des listes de candidats au second tour (contre 10% des suffrages exprimés aux élections régionales depuis l'adoption de la loi du 11 avril 2003) ;
-les listes de candidats concourant au second tour peuvent avoir intégré, entre les deux tours, des candidats issus d'autres listes présentes au premier tour et ne se présentant pas au second. A la différence du droit en vigueur pour les élections régionales, qui exige des listes « intégrées » qu'elles aient obtenu au moins 5% des suffrages exprimés au premier tour, aucun seuil ne limite les fusions de listes lors de l'élection de l'Assemblée de Corse .
Les évolutions du mode de scrutin de l'Assemblée de Corse ont souvent anticipé celles du mode de scrutin régional 13 ( * ) .
Assemblée de Corse et conseils régionaux sont renouvelés intégralement le même jour et élus pour la même durée de six ans 14 ( * ) .
De plus, de nombreuses dispositions du code électoral relatives à l'élection des conseillers régionaux sont applicables par renvoi à l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse. Il en va ainsi en matière d'éligibilité et d'inéligibilités (articles L. 339 à L. 341-1) 15 ( * ) , d'incompatibilités (articles L. 342 à L. 344) 16 ( * ) , de déclarations de candidature (articles L. 339, L. 340, L. 347, L. 348, L. 349, L. 351 et L. 352, L. 367 et L. 370) 17 ( * ) , de propagande (articles L. 355 et L. 356) 18 ( * ) , d'opérations de vote (article L. 358) 19 ( * ) et de contentieux électoral (premier alinéa de l'article L. 360 et dernier alinéa de l'article L. 361) 20 ( * ) .
En résumé, le mode de scrutin de l'Assemblée de Corse est proche de celui des élections régionales mais est dépourvu des caractéristiques de ce dernier garantissant l'émergence d'une majorité stable de gestion .
La loi du 11 avril 2003 a cependant relevé, pour les seules élections régionales, les seuils applicables pour la fusion des listes en vue du second tour, pour l'accès au second tour et pour la répartition des sièges, et institué des sections départementales pour la répartition des sièges obtenus par chaque liste.
Enfin, en matière d'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives :
-l'alternance stricte entre candidats de chaque sexe sur les listes de candidats à l'Assemblée de Corse a été prévue par la loi n° 2003-1201 du 18 décembre 2003 (l'Assemblée de Corse compte aujourd'hui 51% d'élues) ;
-la loi n° 2007-128 a en outre prévu l'élection des commissions permanentes et des vice-présidents à la représentation proportionnelle en suivant la règle de la plus forte moyenne, avec alternance stricte entre candidats de chaque sexe sur les listes.
Les candidats à l'élection du conseil exécutif de Corse devraient désormais présenter des listes au sein desquelles l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un.
* 13 A titre d'exemple, la loi du 19 janvier 1999, qui n'a toutefois pas été appliquée, avait étendu aux conseils régionaux certaines caractéristiques du régime électoral de l'Assemblée de Corse (circonscription électorale majoritaire ; scrutin de liste à deux tours avec prime majoritaire...).
* 14 Article L. 364 du code électoral.
* 15 Article L. 367 du code électoral.
* 16 Article L. 368 du code électoral.
* 17 Article L. 372 du code électoral.
* 18 Article L. 377 du code électoral.
* 19 Article L. 379 du code électoral.
* 20 Article L. 381 du code électoral.