2. La nécessité de mieux calibrer la mesure pour la pérenniser

Votre rapporteur spécial partage l'esprit d'une telle mesure qui doit permettre aux familles résidant à l'étranger de bénéficier de droits semblables à ceux des familles résidant en France. En moyenne, en ne tenant pas compte de l'enseignement professionnel très peu présent à l'étranger, la dépense par élève en France s'établit à 6.150 euros par an . Par enfant français à l'étranger, la dépense publique consentie par notre pays représente en 2007 5.800 euros par an . La différence est réelle, quoique faible, mais la gratuité totale conduirait à une dépense consacrée à l'enseignement scolaire par enfant français de 9.110 euros par an , au-delà de ce que la France consacre par élève sur son territoire.

Coût par élève français dans l'enseignement à l'étranger 6 ( * )

(en euros)

Source : ministère de l'éducation nationale

Coût par élève dans l'enseignement en France

(en euros)

Source : ministère de l'éducation nationale/commission des finances

Aussi votre rapporteur spécial a-t-il proposé lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2008 de plafonner la prise en charge des frais de scolarité , selon des modalités qui pourraient varier selon les régions du monde. Tous nos collègues qui sont intervenus dans l'examen de la mission « Action extérieure de l'État » pour 2008, en séance publique le 1 er décembre 2007 7 ( * ) , ont partagé la proposition de votre rapporteur spécial. Elle pourrait conduire, après une nécessaire concertation avec tous les partenaires, à étudier un amendement dans la perspective du projet de loi de finances initiale pour 2009, qui serait l'application du principe du cercle vertueux entre l'examen de l'exécution des comptes de l'année n-1 et l'approbation des crédits de l'année n+1.

A San Francisco, où coexistent deux lycées français, votre rapporteur spécial a constaté que le lycée homologué, plus coûteux, et donc, selon les normes américaines, de meilleure qualité, attire les élèves du lycée français conventionné, moins onéreux, depuis la mise en oeuvre de la gratuité, au risque de faire disparaître les classes de seconde, première et terminale du dernier établissement. Le plafonnement pourrait éviter cette tendance dommageable.

Le tableau suivant souligne enfin que les frais de scolarité à l'étranger peuvent être très élevés 8 ( * ) , et s'établir bien au-delà de l'effort national par enfant consenti par le ministère de l'éducation nationale. Le plafonnement de la prise en charge devrait en tenir compte, tout comme du principe selon lequel l'enseignement privé, a fortiori l'enseignement homologué, conduit à laisser à la charge des familles des frais de scolarité.

Les 15 lycées français dont les frais de scolarité pris en charge sont les plus élevés

Nom du lycée

Statut

Ville

Frais de scolarité annuels

Lycée international franco-américain

Homologué

San Francisco

16.801

Ecole internationale des Nations unies (UNIS)

Homologué

New-York

16.497

Ecole franco-américaine de New York

Homologué

Mamaroneck

15.635

Lycée français

Homologué

New-York

15.327

Ecole bilingue (Toronto French School)

Homologué

Toronto

14.915

Lyceum Kennedy

Homologué

New-York

14.799

Ecole bilingue Arlington-Cambridge

Homologué

Cambridge

14.337

Lycée français La Pérouse

Conventionné

San Francisco

12.941

Section française d'Awty International School

Homologué

Houston

11.911

Le lycée français

Homologué

Los Angeles

11.468

Pensionnat Valmont

Homologué

Lausanne

11.094

Ecole internationale

Homologué

Dallas

10.594

Lycée français

Homologué

Chicago

10.262

Lycée Rochambeau

Homologué

Washington

10.082

Lycée français

Conventionné

Toronto

9.511

Source : agence de l'enseignement français à l'étranger

Ainsi calibrée, la mesure pourrait être plus soutenable sur le plan budgétaire . Elle permettrait de prendre en considération les besoins des classes moyennes françaises à l'étranger, qui bénéficient de moins en moins d'un statut « privilégié » d'expatrié, alors que les frais de scolarité ont pu croître de manière significative.

Le revenu pourrait devenir un critère subsidiaire dans le plafonnement de la mesure, pour tenir compte de la sociologie particulière de la communauté française à l'étranger. Selon le rapport annuel 2007 du directeur des Français à l'étranger des étrangers en France : « en France, 13 % des actifs sont classés en cadres supérieurs (et professions intellectuelles). Chez les français de l'étranger, cette proportion s'élève à plus de 34 % en 2005. Cette particularité a tendance à se renforcer : en 1995 la proportion de cadres était de 32 %. (..) En Amérique du Nord, le pourcentage est un peu supérieur à la moyenne (38 %) (...) A l'inverse, la part des ouvriers est très faible : 3 % contre 26,9 % sur le sol français. Là aussi, l'écart se creuse, la proportion d'ouvriers a quasiment baissé de moitié en 13 ans (5,5 % en 1995) ». Un référé de la Cour des comptes sur l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) du 14 décembre 2007 mentionne « les effets d'aubaine que la mise en oeuvre de ce principe ne manquera pas de susciter, notamment pour des familles qui n'acquittent aucun impôt en France ».

Dans le souci d'éviter une fragilisation d'un dispositif utile et nécessaire aux classes moyennes , votre rapporteur spécial s'interroge pour savoir si, à la lumière de la répartition des demandes de prises en charge ci-dessous, une prise en compte subsidiaire du revenu ne devrait pas être envisagée.

Revenus bruts déclarés (étude sur 1.433 familles) pour
la prise en charge des terminales (rentrée 2007/2008, rythme scolaire Nord)

Entre 1.000.0000 et 2.000.000 d'euros

3

Entre 500.000 et 1.000.000 d'euros

6

Entre 200.000 et 500.000 euros

60

Entre 100.000 et 200.000 euros

185

Entre 50.000 et 100.000 euros

342

Entre 10.000 et 50.000 euros

646

Entre 1 et 10.000 euros

153

0

38

Source : agence de l'enseignement français à l'étranger

Revenus bruts déclarés pour la prise en charge des premières et terminales (rentrée 2008, rythme scolaire Sud et 2008/2009 rythme scolaire Nord)

Entre 1.000.0000 et 2.000.000 d'euros

1

Entre 500.000 et 1.000.000 d'euros

17

Entre 200.000 et 500.000 euros

118

Entre 100.000 et 200.000 euros

405

Entre 50.000 et 100.000 euros

631

Entre 10.000 et 50.000 euros

1.202

Entre 1 et 10.000 euros

260

0

73

Source : agence de l'enseignement français à l'étranger

* 6 Pour l'AEFE : prise en compte à la fois de la subvention de la mission « Action extérieure de l'Etat » de 336,3 millions d'euros et des cotisations de pension des personnels de l'éducation nationale détachées, à hauteur de 120 millions d'euros. Seuls les enfants français sont comptabilisés car les lycées français à l'étranger, s'ils participent au rayonnement culturel, ne doivent leur existence et leur pérennité qu'à la présence de ressortissants français. En incluant les enfants étrangers, et sans intégrer les cotisations de pensions des professeurs détachés, le rapport annuel de performances chiffre la dépense par élève à 1.849 euros. Il s'agit là d'une approche partielle.

* 7 http://www.senat.fr/seances/s200712/s20071201/s20071201_mono.html.

* 8 Les établissements dont les frais de scolarité représentent plus de 3.700 euros annuels représentent 38,15 % des élèves scolarisés à l'étranger, mais 66,15 % du montant financier de la prise en charge. La prise en charge des frais de scolarité des dix établissements français les plus coûteux, dont la liste figure ci-dessus, représente 5,8 millions d'euros, pour 480 élèves.

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