7. Les questions européennes
* Les organes parlementaires chargés des affaires européennes
En première lecture, le Sénat a souhaité distinguer les résolutions visées à l'article 88-4 de la Constitution des autres résolutions que pourrait adopter le Parlement en application de l'article 12 du projet, en les qualifiant d'européennes (article 32 du projet de loi constitutionnelle - article 88-4 de la Constitution). Il a d'autre part rétabli la dénomination de « comité », que le projet de loi initial donnait à l'organisme chargé, au sein de chaque assemblée, du suivi des affaires européennes, alors que les députés avaient retenu en première lecture le nom de « commission ».
L'Assemblée nationale a rétabli la dénomination de « commission » en deuxième lecture.
Votre rapporteur souligne qu'au-delà des considérations lexicales, cette dénomination ne retire rien aux compétences des commissions permanentes visées à l'article 43 de la Constitution. Ces commissions continueront en effet à exercer la compétence législative, y compris pour la mise en oeuvre des textes européens. Elles conserveront un rôle fondamental en matière de contrôle des affaires européennes, en s'appuyant sur les fonctions de veille et d'alerte de la commission chargée des affaires européennes.
Ce sont en effet les commissions permanentes, dotées de compétences législatives, qui procèdent à l'examen des projets de loi de transposition des directives et des propositions de résolution européennes. Plusieurs d'entre elles, telle votre commission des lois, ont en outre développé leur contrôle des affaires européennes en désignant des co-rapporteurs européens, issus de la majorité et de l'opposition et bénéficiant pour la plupart d'entre eux de la double appartenance à la délégation pour l'Union européenne.
La commission chargée des affaires européennes se substituera à la délégation pour l'Union européenne de chaque assemblée, sans que son organisation et son fonctionnement soient modifiés. Aussi les commissions chargées des affaires européennes de l'Assemblée nationale et du Sénat resteront-elles composées de députés et de sénateurs issus des commissions permanentes.
* Les modalités de ratification des traités d'adhésion à l'Union européenne
Le Sénat a rétabli en première lecture le texte initial de l'article 33 du projet de loi constitutionnelle, tendant à réécrire le dispositif relatif à la ratification des traités d'adhésion à l'Union européenne (article 88-5 de la Constitution). Ce dispositif soumettrait l'autorisation de la ratification de ces traités à une procédure analogue à celle définie par l'article 89 de la Constitution pour les révisions constitutionnelles, laissant au Président de la République la possibilité de choisir entre les voies parlementaire (Congrès) et référendaire.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a adopté un amendement reprenant le texte de l'article 88-5 actuellement en vigueur, qui prévoit que l'autorisation de la ratification de tout traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne fait l'objet d'un référendum, et le complétant par un alinéa permettant aux assemblées de donner au Président de la République la possibilité d'opter pour une ratification par le Parlement réuni en Congrès.
Ainsi, par exception à la règle du référendum automatique posée au premier alinéa, le Parlement pourrait autoriser l'adoption du projet de loi de ratification selon la procédure définie au troisième alinéa de l'article 89 de la Constitution, applicable aux projets de révision.
A cette fin, il appartiendrait à chaque assemblée d'adopter une motion en termes identiques et à la majorité des trois cinquièmes. Le Président de la République pourrait alors décider de soumettre le projet de loi au Parlement réuni en Congrès, où le texte devrait réunir la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés pour être approuvé. L'adoption de la motion ne contraindrait aucunement le Président de la République à soumettre le projet de loi au Congrès, mais constituerait une incitation forte, puisque la représentation nationale aurait exprimé à une très nette majorité le souhait de ne pas appliquer la procédure référendaire systématique.
Les délais de négociation, de signature, puis de ratification des traités d'adhésion permettraient aux assemblées de se prononcer, le cas échéant, en temps utile sur de telles motions.
Ce dispositif évitera qu'un pays ami soit stigmatisé dans notre Constitution et permettra que les nouvelles adhésions à l'Union européenne ne soient pas systématiquement soumises à referendum, notamment lorsqu'elles ne remettent pas en cause les équilibres institutionnels de l'Union.
* L'exercice par le Parlement des nouveaux droits prévus par le traité de Lisbonne
En première lecture, le Sénat avait supprimé le dispositif adopté par l'Assemblée nationale afin d'accorder à soixante députés ou soixante sénateurs la possibilité de demander que leur assemblée forme devant la Cour de justice de l'Union européenne un recours contre un acte législatif européen, pour violation du principe de subsidiarité.
En effet, ce dispositif limitait le droit d'initiative des propositions de résolution tendant à former un tel recours, sur lesquelles chaque assemblée aurait dû se prononcer. Le Sénat avait préféré laisser au règlement de chaque assemblée la définition des modalités d'initiative, selon la formule actuellement prévue à l'article 88-6, dernier alinéa, de la Constitution, dont l'entrée en vigueur est liée à celle du traité de Lisbonne.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a adopté un dispositif plus abouti que le précédent, rappelant tout d'abord la possibilité pour chaque assemblée de former un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Conformément au protocole annexé au traité de Lisbonne, ce recours devrait être transmis à la Cour par le Gouvernement.
Le dispositif adopté par les députés précise ensuite que les recours pourront être formés par l'adoption de résolutions, le cas échéant en dehors des sessions, selon des modalités d'initiative et de discussion qui seront fixées par le règlement de chaque assemblée (article 88-6, dernier alinéa). Ce droit d'initiative pourra donc être largement ouvert.
Par ailleurs, le recours devant la Cour de justice sera formé de droit s'il est demandé par soixante députés ou soixante sénateurs. Reprenant les modalités de saisine du Conseil constitutionnel par les parlementaires, issues de la révision constitutionnelle du 29 octobre 1974, ce dispositif renforce les droits de l'opposition.
Votre commission approuve l'équilibre ainsi défini.
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L'examen du projet de révision, à l'Assemblée nationale en deuxième lecture, a permis d'aboutir à un texte équilibré, qui reprend une part importante des dispositions votées par le Sénat ou ne les modifie que de manière formelle. Par ailleurs, lorsque des désaccords sont apparus à l'issue de la première lecture dans chaque assemblée, les députés se sont efforcés de trouver des formules de compromis qui répondent aux préoccupations des sénateurs. Aussi les points de convergence l'emportent-ils aujourd'hui de beaucoup sur les divergences.
Si la réforme ne va peut-être pas aussi loin que certains l'auraient souhaité, elle comporte cependant des avancées très substantielles, en particulier pour le Parlement : affirmation des fonctions de contrôle et d'évaluation, avis sur les nominations effectuées par le chef de l'État, examen en séance publique sur la base du texte de la commission, reconnaissance de droits spécifiques pour les groupes d'opposition ou minoritaires (avec, notamment, la garantie d'une séance mensuelle réservée à leurs seules initiatives). Il appartiendra au législateur organique ainsi qu'à chaque assemblée de mettre en oeuvre de manière cohérente et équilibrée les nouveaux principes ou procédures introduits dans la Constitution.
L'exception d'inconstitutionnalité, l'ouverture de la saisine du Conseil supérieur de la magistrature aux justiciables et l'institution du Défenseur des droits confortent par ailleurs notre démocratie.
Au bénéfice de ces observations, la commission propose d'adopter le projet de loi constitutionnelle sans modification.