B. LES SCÉNARIOS DU GOUVERNEMENT POUR L'ETAT, LA SÉCURITÉ SOCIALE ET LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Un objectif réaliste dans le cas de l'Etat (article 5 du projet de loi)

Dans le cas de l'Etat, l'objectif apparaît réaliste. Celui-ci a ainsi tenu sa norme de dépense pour chaque exercice de la précédente législature. La programmation pluriannuelle des finances publiques sur le volet « Etat » est rendue encore plus crédible par la définition d'un plafond triennal des dépenses par mission.

Si, en 2008, le respect du plafond de dépense est plus incertain en raison d'un choc d'inflation sur la charge de la dette de l'Etat , les trois années suivantes doivent bénéficier de l'impact favorables des décisions prises dans le cadre de la revue générale des politiques publiques.

La croissance des dépenses de l'Etat (en volume) : prévision et exécution*

(en %)

* Selon les notions de la comptabilité nationale.

(cf. tableau page suivante)

(cf. graphique page précédente)

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Croissance observée

-1,1

-1,1

2,2

3,1

-1,4

4,5

-0,9

1,5

4,2

-0,3

4,2

1,3

-3,9

-2,0

programme de stabilité 2003-2005

0,7

0,7

0,7

programme de stabilité 2004-2006

0,8

0,8

0,8

programme de stabilité 2005-2007

0,3

0,3

0,3

programme de stabilité 2006-2008

0,2

0,2

0,2

programme de stabilité 2007-2009

0

0

0

programme de stabilité 2008-2010

-0,5

-0,5

-0,5

programme de stabilité 2009-2012

0,3

0,3

0,3

0,3

Présent projet de loi de programmation des finances publiques

0 (1)

0 (1)

0 (1)

0 (1)

(1) Ensemble des ODAC.

NB : les taux de croissance indiqués pour les différentes programmations sont les taux de croissance moyens prévus pour les trois années concernées.

Sources : Insee, programmes de stabilité, présent projet de loi de programmation des finances publiques

a) 2008 : un choc d'inflation sur la charge de la dette de l'Etat, constaté dans le collectif du 16 octobre 2008

Au 9 octobre 2008, les dépenses nettes du budget général (hors remboursements et dégrèvements) représentaient près de 208 milliards d'euros, contre 201 milliards d'euros à la même période en 2007 soit une progression de l'ordre de 7 milliards d'euros . Si cette tendance se confirmait, comme le prévoit la loi de finances rectificative n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 pour le financement de l'économie, qui a déjà accru la dépense nette du budget général de l'Etat de 4 milliards d'euros pour ce qui concerne les crédits évaluatifs afférents à la charge de la dette, ce serait la première fois depuis cinq ans que l'Etat ne tiendrait pas sa norme de dépense.

La principale raison de ce surcroît de dépense est liée à l'impact de l'inflation sur la charge de la dette . L'impact de l'inflation sur le budget de l'Etat se constate sur la charge de la dette indexée, compte tenu du mécanisme de comptabilisation annuel de la charge d'indexation pour les titres indexés.

La caractéristique principale du titre indexé est la garantie offerte au détenteur d'un remboursement au pair. Le principal du titre est, en effet, indexé sur l'indice de prix à la consommation. L'indexation est payée par l'émetteur à l'occasion du remboursement de l'obligation. En outre, l'investisseur reçoit chaque année un coupon composé du coupon réel (taux facial du titre) multiplié par le coefficient d'indexation. L'indexation du principal ne fait l'objet d'un décaissement qu'à l'échéance du titre. Toutefois, la connaissance de ce « risque » conduit par prudence à le provisionner par une charge budgétaire d'indexation annuelle.

Le projet de loi de finances pour 2008 a été construit en septembre 2007 sur la base des prévisions à cette date, soit une inflation annuelle en 2008 de 1,6 % pour la France et 1,8 % pour la zone euro. La provision budgétaire réellement passée dans les comptes de l'Etat est calculée à partir des inflations d'avril et mai. L'inflation du coefficient d'indexation s'est in fine établie à 3,20 % pour la France et 3,58 % pour la zone euro. En conséquence, la provision budgétaire s'établit à 4.614,9 millions d'euros pour 2008.

Votre rapporteur général note que, à ce stade, rien n'empêche a priori le gouvernement de tenir sa norme de dépense dès lors qu'il annulerait les crédits encore mis en réserve en application de l'article 51 de la LOLF. Au 20 octobre 2008, la réserve de précaution représentait encore 4,9 milliards d'euros auxquels s'ajoutaient 575 millions d'euros sur le titre 2 (dépenses de personnel) . Le gouvernement dispose donc de marges de manoeuvre substantielles pour, s'il le souhaite, tenir la dépense.

b) 2009-2011 : une évolution de la dépense rendue crédible par le budget triennal

Selon le rapport annexé au présent projet de loi de programmation des finances publiques , l'évolution des dépenses de l'Etat à champ constant serait limitée à l'inflation sur la période 2009-2012 , soit une évolution en valeur de 2 % en 2009, puis de 1,75 % en 2010, 2011 et 2012. Comme prévu, il s'applique à un périmètre élargi qui comprend non seulement les crédits du budget général, mais aussi les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l'Union européenne, ainsi que les affectations de recettes. En revanche, contrairement au voeu de votre rapporteur général, la norme de dépense n'intègre pas la dépense fiscale, qui fait l'objet d'un dispositif spécifique aux articles 9 et 10 du présent projet de loi de programmation.

L'effort est réel, et sans doute de plus grande ampleur que par le passé, dès lors que la progression de dépenses inéluctables « héritées du passé », serait plus dynamique sur la période 2008-2011 que sur la période 2003-2007. Pensions et charges de la dette, qui représentaient moins de 30 % de l'augmentation des dépenses de l'Etat entre 2003 et 2007 absorberaient 70 % des marges de manoeuvre sur la période 2008-2011 .

Comparaison des marges de manoeuvre de la période 2003-2007 et de la période 2008-2011

Source : rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques

Les dépenses de pension progresseraient ainsi de près de 2,5 milliards d'euros par an en moyenne sur la période 2009-2011.

L'hypothèse du gouvernement en ce qui concerne la charge de la dette est celle d'une augmentation d'un peu plus de 2 milliards d'euros par an en moyenne d'ici 2011 , afin de tenir compte d'un « choc d'inflation » et de la remontée des taux d'intérêt : il n'est pas sûr que cette hypothèse reste d'actualité au cours des prochains mois, dès lors que l'inflexion à la baisse de l'inflation se confirme, et que la Banque centrale européenne inverse sa pratique récente, en réduisant progressivement ses taux . Ces éléments confirment les difficultés de prévisions auxquelles est confronté le gouvernement. Il s'agit ici en l'occurrence d'aléas dont l'impact budgétaire pourrait être favorable.

En sens contraire, figurera l'accroissement du volume de la dette, en raison des déficits à financer, et le risque pour l'Etat d'être appelé en garantie d'organismes qui empruntent pour son compte.

S'agissant des autres dépenses, celles-ci ont fait l'objet d'une négociation triennale entre le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique et les ministères gestionnaires. Les plafonds de crédits présentent un caractère suffisamment impératif pour pouvoir crédibiliser fortement la norme de dépense de l'Etat. L'annonce récente du financement de contrats aidés supplémentaires paraît, à ce stade, compatible avec les arbitrages budgétaires qui ont été rendus.

Le projet de loi de programmation pluriannuelle définit un « principe de responsabilisation des ministères sur les plafonds pluriannuels par mission, corollaire de la visibilité donnée sur les enveloppes triennales allouées à chaque mission. Il implique que les aléas ou les priorités nouvelles affectant les dépenses d'une mission soient gérés dans la limite du plafond de ses crédits, soit par redéploiement de dépenses discrétionnaires, soit par la réalisation d'économies. Il suppose, d'une part, de ne pas procéder, sauf situation exceptionnelle, à la révision annuelle des plafonds par mission dans le cadre des projets de lois de finances successifs, d'autre part, de limiter l'ensemble des mouvements susceptibles d'affecter en cours d'année les plafonds définis par mission. Il n'interdit toutefois pas des ajustements ponctuels, mais ceux-ci doivent rester limités et présenter un caractère subsidiaire par rapport aux mécanismes de responsabilisation ».

S'il existe une réserve de budgétisation, celle-ci, qui figure au sein de la mission « Provisions », s'établit à 700 millions d'euros en 2010 et 1,2 milliard d'euros en 2011, pour l'ensemble du budget de l'Etat . Elle est destinée à financer en priorité les charges d'intérêt de la dette, les contributions de l'Etat au compte d'affectation spéciale « Pensions » et au prélèvement sur recettes au profit des communautés européennes, ainsi qu'aux dépenses présentant un caractère imprévisible.

Il faut noter enfin que certaines dépenses des missions devraient désormais être financées hors budget général. Il en est ainsi des dépenses d'investissement immobilier, désormais financées par le biais d'un compte d'affectation spéciale sur la base des recettes issues des cessions immobilières. Certains investissements de la mission « Défense » devraient également être financées grâce à des recettes constatées sur le nouveau compte d'affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien ».

Plafond des crédits des missions du budget général de l'Etat 2009-2011

(en milliards d'euros)

Missions

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

2009

2010

2011

2009

2010

2011

Action extérieure de l'Etat

2,50

2,58

2,50

2,52

2,55

2,52

Administration générale et territoriale de l'Etat

2,61

2,63

2,56

2,60

2,63

2,56

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

3,24

2,93

2,92

3,49

3,16

3,03

Aide publique au développement

3,38

2,85

4,43

3,17

3,24

3,24

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

3,55

3,44

3,34

3,53

3,45

3,34

Conseil et contrôle de l'Etat

0,55

0,57

0,59

0,55

0,57

0,59

Culture

2,84

2,72

2,72

2,78

2,80

2,82

Défense

47,79

37,00

37,76

37,39

38,06

38,72

Direction de l'action du Gouvernement

0,49

0,52

0,53

0,54

0,51

0,51

Ecologie, développement et aménagement durables

10,25

10,25

9,39

10,07

10,2

9,34

Economie

1,91

1,93

1,94

1,90

1,92

1,93

Enseignement scolaire

60,01

61,67

62,95

59,99

61,65

62,93

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

11,63

11,39

11,41

11,37

11,54

11,53

Immigration, asile et intégration

0,51

0,51

0,51

0,51

0,51

0,51

Justice

8,32

7,14

7,10

6,65

6,94

7,04

Médias

1,02

1,01

0,99

1,01

1,00

0,99

Outre-mer

1,97

2,00

2,00

1,88

1,93

1,93

Politique des territoires*

0,39

0,35

0,32

0,37

0,38

0,38

Recherche et enseignement supérieur

24,56

25,45

26,27

24,16

24,96

25,87

Régimes sociaux et de retraite

5,18

5,45

5,75

5,18

5,45

5,75

Relations avec les collectivités territoriales

2,41

2,46

2,51

2,34

2,40

2,44

Santé

1,13

1,15

1,17

1,16

1,17

1,10

Sécurité civile

0,45

0,41

0,45

0,42

0,42

0,43

Solidarité, insertion et égalité des chances

11,20

11,58

12,13

11,18

11,6

12,15

Sport, jeunesse et vie associative

0,80

0,75

0,73

0,79

0,77

0,75

Travail et emploi

11,73

10,74

10,60

11,82

10,74

10,51

Ville et logement

7,60

7,30

7,28

7,64

7,53

7,37

Engagements financiers de l'Etat

46,00

47,44

49,40

46,00

47,44

49,4

Provisions

0,23

0,66

1,15

0,23

0,66

1,15

Pour mémoire : Pouvoirs publics

1,05

1,06

1,07

1,05

1,06

1,07

Source : article 5 du projet de loi de programmation des finances publiques

2. Un objectif qui peut être atteint dans le cas des administrations de sécurité sociale (article 7 du projet de loi)

Bien que volontariste, et soumis à un plus fort aléa, l'objectif d'infléchir fortement les dépenses de la sécurité sociale paraît lui aussi atteignable. Par ailleurs, s'il ne l'était pas tout à fait, l'écart pourrait être compensé par des mesures sur les recettes. Il faut néanmoins regretter que l'article 7 du présent projet de loi de programmation des finances publiques ne prévoie un objectif normé que pour le seul objectif national de dépense de l'assurance maladie . Aucune disposition de cet article ne vise les dépenses des autres branches de la Sécurité sociale, ce qui en limite la portée normative. L'objectif relatif aux dépenses sociales est en outre frappé d'un certain nombre d'aléas. L'impact des mesures envisagées en matière de prise en charge de la dépendance sur les comptes publics n'est pas évalué. Et le cadre global d'évolution des dépenses sociales repose en partie sur une hypothèse de décrue du chômage.

Dans son annexe, le présent projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une nette inflexion des dépenses de sécurité sociale. Ainsi, alors que celles-ci ont augmenté de 2,5 % en volume en moyenne depuis le milieu des années 1990, leur taux de croissance en volume serait ramené à 1,75 %, comme l'indique le graphique ci-après.

La croissance des dépenses des administrations de sécurité sociale (en volume) :
prévision et exécution

(en %)

(cf. tableau page suivante)

(cf. graphique page précédente)

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Croissance observée

1,4

2,6

0,9

1,5

2,2

2,4

2,1

3,4

4,2

3,2

3,1

3,0

1,4

3,9

programme de stabilité 2000-2002

1,5

1,5

1,5

programme de stabilité 2001-2003

1,4

1,4

1,4

programme de stabilité 2002-2004

1,6

1,6

1,6

programme de stabilité 2003-2005

1,5

1,5

1,5

programme de stabilité 2004-2006

1,7

1,7

1,7

programme de stabilité 2005-2007

1,7

1,7

1,7

programme de stabilité 2006-2008

1,7

1,7

1,7

programme de stabilité 2007-2009

0,9

0,9

0,9

programme de stabilité 2008-2010

1,1

1,1

1,1

programme de stabilité 2009-2012

1,9

1,9

1,9

1,9

Présent projet de loi de programmation des finances publiques

1,75

1,75

1,75

1,75

NB : les taux de croissance indiqués pour les différentes programmations sont les taux de croissance moyens prévus pour les trois années concernées.

Sources : Insee, programmes de stabilité, présent projet de loi de programmation des finances publiques

a) Les dépenses des administrations de sécurité sociale correspondent essentiellement à celles de l'assurance maladie et de l'assurance vieillesse

Schématiquement, depuis le début des années 2000 la situation est la suivante :

- les dépenses d'assurance maladie augmentent d'environ 3,5 % en volume ;

- les dépenses de retraite augmentent d'environ 2,5 % en volume ;

- il en découle 34 ( * ) une augmentation des dépenses des administrations de sécurité sociale de l'ordre de 3 % en volume.

La croissance des dépenses des principales administrations de sécurité sociale (en volume)

(en %)

Sources : Insee, rapports de la commission des comptes de la sécurité sociale

La croissance des dépenses de retraite est à peu près stable, ce qui s'explique par le fait qu'elle dépend presque exclusivement de la démographie. La croissance des dépenses des administrations de sécurité sociale varie donc essentiellement en fonction des dépenses d'assurance maladie.

Le profil de la croissance des dépenses des administrations de sécurité sociale est donc proche de celui de la croissance des dépenses d'assurance maladie. L'exception de l'année 2007 vient du fait que les dépenses de retraite ont alors fortement augmenté, pour des raisons qui semblent conjoncturelles (cf. infra ).

b) Les dépenses d'assurance maladie ont augmenté de seulement 2 % par an en volume de 2005 à 2007

Bien qu'il convienne de ne pas relâcher l'effort, les dépenses d'assurance maladie semblent désormais plus maîtrisées, même si, en 2008 encore, l'ONDAM ne sera pas respecté.

La croissance des dépenses d'assurance maladie a régulièrement diminué depuis 2002, et est désormais de l'ordre de 2 % par an en volume, comme l'indique le graphique ci-après.

La croissance des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) (en volume) : prévision et exécution

(en %)

(cf. tableau page suivante)

(cf. graphique page précédente)

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Croissance observée

3,4

2,1

4

4

5,4

4,5

3,2

2,3

1,4

2,7

programme de stabilité 2000-2002

1,2

1,2

1,2

programme de stabilité 2001-2003

1,5

1,5

1,5

programme de stabilité 2002-2004

1,8

1,8

1,8

programme de stabilité 2003-2005

1,8

1,8

1,8

programme de stabilité 2004-2006

2,5

2,5

2,5

programme de stabilité 2005-2007

2,25

2,25

2,25

programme de stabilité 2006-2008

2,1

2,1

2,1

programme de stabilité 2007-2009

0,45

0,45

0,45

programme de stabilité 2008-2010

0,45

0,45

0,45

programme de stabilité 2009-2012

2

2

2

2

Présent projet de loi de programmation des finances publiques

1,55

1,55

1,55

NB : les taux de croissance indiqués pour les différentes programmations sont les taux de croissance moyens prévus pour les trois années concernées.

Sources : Insee, programmes de stabilité, présent projet de loi de programmation des finances publiques

L'objectif fixé par le présent projet de loi de programmation des finances publiques, de 1,55 % en volume (3,3 % en valeur) ne paraît donc pas hors de portée. En tout état de cause, un taux de croissance de l'ONDAM de 2 % par an en volume correspondrait à la moyenne des trois dernières années. L'instauration d'un comité d'alerte depuis 2004 permet la mise en place en cours d'année de mécanismes de stabilisation des dépenses dans la loi de financement de la sécurité sociale.

Il faut, par ailleurs, être conscient du fait que, les dépenses d'assurance maladie étant de l'ordre de 200 milliards d'euros, si une année donnée les dépenses augmentaient en volume de 2 % au lieu 1,55 %, cela correspondrait à un supplément de dépenses de l'ordre du milliard d'euros. Cet écart pourrait être compensé par des mesures nouvelles sur les recettes. On peut préciser à cet égard que les mesures nouvelles sur les recettes de la sécurité sociale devraient être de l'ordre de 1 milliard d'euros en 2008 et 1,7 milliard d'euros en 2009 35 ( * ) .

c) Les retraites devraient continuer d'augmenter d'environ 2,5 % par an en volume

Les dépenses de retraites semblent également devoir évoluer à peu près comme le prévoit la programmation.

Leur rythme de croissance moyen depuis le début des années 2000 a été de l'ordre de 2,5 % en volume, ce qui correspond au taux prévu pour la période 2008-2012 par le présent projet de loi de programmation, comme l'indique le graphique ci-après.

La croissance des dépenses de retraites des régimes de base (en volume) :
prévision et exécution

(en %)

Sources : rapports de la commission des comptes de la sécurité sociale, présent projet de loi de programmation des finances publiques

Selon la commission des comptes de la sécurité sociale, le « pic » de l'année 2007 s'explique par le fait que la mesure de retraite anticipée pour carrières longues a eu plus de succès que prévu. Il ne s'agit donc pas d'un effet du « papy boom », et ce phénomène ne devrait donc pas se reproduire les années suivantes.

Le « papy boom » est un facteur d'augmentation des dépenses. Par ailleurs, les prévisions pour les années 2003 à 2007 ont légèrement sous-estimé ces dernières. S'il n'est donc pas exclu que les dépenses augmentent légèrement plus rapidement que ce qu'indique le gouvernement, elles ne devraient pas nettement s'écarter de ses prévisions.

3. Un objectif irréaliste dans le cas des administrations publiques locales (article 6 du projet de loi)

Si le présent projet de loi de programmation des finances publiques paraît, dans son ensemble, réaliste, bien qu'ambitieux, votre rapporteur général considère comme irréalistes les hypothèses retenues en ce qui concerne les collectivités territoriales .

a) Certes, le gouvernement ne prévoit plus d'excédent du solde des administrations publiques locales depuis le programme de stabilité 2008-2010

Certes, depuis le programme de stabilité 2008-2010 le gouvernement ne prévoit plus d'excédent des administrations publiques locales, ce qui constitue un progrès vers davantage de réalisme.

C'est notamment à la suite d'un rapport d'information de votre rapporteur général sur le programme de stabilité 2007-2009 36 ( * ) , qui dénonçait l'irréalisme de cette hypothèse, que le gouvernement a adopté des hypothèses d'équilibre ou de quasi-équilibre du solde des administrations publiques locales.

En conséquence, le gouvernement a dû à nouveau prévoir, pour « boucler » sa programmation, que c'étaient les administrations de sécurité sociale qui présenteraient un tel excédent, implicitement permis par la diminution du taux de chômage (sans que l'hypothèse d'un « basculement » de cotisations d'assurance chômage vers l'assurance vieillesse ne soit alors explicitée, comme le déplorait votre rapporteur général dans son rapport général sur le projet de loi de finances pour 2007).

Le tableau ci-après retrace l'historique de la répartition de l'effort affichée par les programmes de stabilité entre administrations publiques locales et administrations de sécurité sociale.

Les prévisions de solde en fin de période des différentes catégories d'administrations publiques, retenues par les programmations successives

(en points de PIB)

Solde en fin de période

Année de fin de période

APU

Etat

ODAC

APUL

ASSO

APUL+ASSO

programme de stabilité 2002-2004

2004

-0,5

-1,4

0,2

0,4

0,3

0,7

programme de stabilité 2003-2005

2005

0,0

-1,2

0,3

0,3

0,6

0,9

programme de stabilité 2004-2006

2006

-1,0

-1,9

0,7

0,3

0,0

0,3

programme de stabilité 2005-2007

2007

-1,5

-2,2

0,5

0,2

0,0

0,2

programme de stabilité 2006-2008

2008

-0,9

-1,5

0,3

0,2

0,1

0,3

programme de stabilité 2007-2009

2009

-1,0

-1,5

0,4

0,1

0,5

programme de stabilité 2008-2010

2010

0,0

-0,9

0,3

-0,1

0,6

0,5

programme de stabilité 2009-2012

2012

0,0

-0,8

0,3

0,0

0,5

0,5

Présent projet de loi de programmation des finances publiques

2012

-0,5

-1,2

0,3

0,0

0,3

0,3

MOYENNE

-

-0,6

-1,4

0,4

0,2

0,3

0,5

APU : ensemble des administrations publiques. ODAC : organismes divers d'administration centrale. APUL : administrations publiques locales. ASSO : administrations de sécurité sociale.

Source : programmes de stabilité, présent projet de loi de programmation des finances publiques

b) L'inflexion des dépenses des collectivités territoriales prévue par le présent projet de loi de programmation paraît cependant irréaliste

Si l'invraisemblance la plus manifeste en matière de solde des administrations publiques locales est donc évitée, le présent projet de loi de programmation des finances publiques se situe en revanche dans le seul domaine des bonnes intentions en ce qui concerne l'évolution de la dépense locale.

Le présent projet de loi de programmation prévoit en effet que le taux de croissance en volume des dépenses des collectivités territoriales passerait de 3,25 % hors décentralisation (4,25 % y compris décentralisation) de 1998 à 2007 à 1,25 % en moyenne de 2009 à 2012.

Les explications données sont assez succinctes. Il s'agirait des conséquences de la progression limitée du point fonction publique, de l'instauration de la commission consultative d'évaluation des normes au sein du comité des finances locales, d'une « organisation plus efficiente des strates de collectivités, notamment des rapports entre les structures intercommunales et leurs communes membres », et d'une « transposition de la RGPP au niveau local ».

Le graphique ci-après met en évidence ce que cette performance aurait de remarquable.

La croissance des dépenses des administrations publiques locales (en volume) : prévision et exécution

(en %)

(cf. tableau page suivante)

(cf. graphique page précédente)

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Croissance observée

3,9

2,0

2,8

-1,7

2,5

3,7

5,7

1,3

5,3

4,2

7,0

3,8

3,8

5,5

programme de stabilité 2000-2002

1,7

1,7

1,7

programme de stabilité 2001-2003

1,9

1,9

1,9

programme de stabilité 2002-2004

1,7

1,7

1,7

programme de stabilité 2003-2005

2,2

2,2

2,2

programme de stabilité 2004-2006

1,9

1,9

1,9

programme de stabilité 2005-2007

2

2

2

programme de stabilité 2006-2008

1,8

1,8

1,8

programme de stabilité 2007-2009

0,5

0,5

0,5

programme de stabilité 2008-2010

2

2

2

programme de stabilité 2009-2012

1,4

1,4

1,4

1,4

Présent projet de loi de programmation des finances publiques

1,25

1,25

1,25

1,25

NB : les taux de croissance indiqués pour les différentes programmations sont les taux de croissance moyens prévus pour les trois années concernées.

Sources : Insee, programmes de stabilité, présent projet de loi de programmation des finances publiques

c) Il paraît peu vraisemblable que le solde des administrations publiques locales soit équilibré en 2012

Plutôt que de partir d'une hypothèse d'évolution des dépenses publiques locales fixée ex ante pour « boucler » la programmation, il paraît plus approprié de s'interroger sur les facteurs poussant les collectivités territoriales à avoir un solde public équilibré ou non, et de déterminer quel serait le taux de croissance vraisemblable de leurs dépenses, compte tenu de l'objectif de solde retenu. C'est en effet la contrainte du recours à l'endettement qui amène les collectivités territoriales à fixer une limite aux tendances « inflationnistes » de la dépense.

Un constat s'impose : malgré l'obligation d'équilibre de la section de fonctionnement des collectivités territoriales, les administrations publiques locales ont presque toujours été en déficit, comme l'indique le graphique ci-après.

Le solde des administrations publiques locales

(en points de PIB)

Source : Insee

Certes, les collectivités territoriales doivent équilibrer leur section de fonctionnement . Cependant, l'investissement des administrations publiques locales étant de l'ordre de 50 milliards d'euros, soit 2,5 points de PIB, leur « potentiel de déficit » est important.

L'objectif d'un solde équilibré en 2012, affiché par le présent projet de loi de programmation des finances publiques, est donc très volontariste.

Les trois périodes du graphique ci-avant (réduction progressive du déficit jusqu'en 1995, excédent de 1996 à 2003, déficit croissant depuis 2004) s'expliquent de la façon suivante :

- jusqu'en 1995, les dépenses et les recettes ont augmenté plus rapidement que le PIB, mais les recettes ont été encore plus dynamiques que les dépenses ;

- l'excédent constaté de 1996 à 2003 vient du fait que si, en points de PIB, les recettes ont alors stagné, les dépenses ont reculé en 1997 et 1998 ;

- la reprise de l'augmentation des dépenses en points de PIB à compter de 2002 a suscité le retour au déficit.

Les recettes, les dépenses et l'endettement des administrations publiques locales

(en points de PIB)

Source : Insee

La période 1996-2003 , marquée par un solde excédentaire, est une anomalie, qui s'explique par la politique de désendettement alors menée par les collectivités territoriales, dont la part de la dette dans le PIB était montée à plus de 9 % (contre environ 7 % à la fin des années 1970 comme aujourd'hui). Les collectivités territoriales ne semblent pas avoir de raison particulière de mener une politique analogue d'ici à 2012. En effet, même si leur déficit se maintenait à son niveau actuel, leur dette, exprimée en points de PIB, ne s'élèverait guère au-dessus de son niveau actuel.

Il est vrai que le déficit de 2007, de 0,4 point de PIB (contre 0,2 point de PIB en 2005 et 2006) a été majoré par le fait que 2008 était une année d'élections municipales. Cependant, ce phénomène est modeste. Sur la base des « cycles électoraux » précédents, on peut supposer que l'investissement des collectivités territoriales a été supérieur d'environ 5 points à son niveau « normal » 37 ( * ) , ce qui correspond à un supplément de dépenses de l'ordre de 2,5 milliards d'euros, soit un peu plus de 0,1 point de PIB. Par ailleurs, le même phénomène devrait jouer en 2012.

L'objectif de dépenses des administrations territoriales retenu par le présent projet de loi de programmation des finances publiques est d'autant plus étonnant que, contrairement à ceux relatifs à l'Etat ou aux administrations de sécurité sociale, les objectifs des programmations précédentes, pourtant moins ambitieux, n'ont quasiment jamais été approchés. Si l'on excepte le programme de stabilité 2007-2009 - qui prévoyait une croissance des dépenses des administrations publiques locales de 0,5 % en volume - et le présent projet de loi de programmation des finances publiques - qui prévoit un taux de 1,25 % -, le gouvernement a toujours supposé dans ses programmations que les dépenses des administrations publiques locales augmenteraient d'environ 2 % en volume. Cet objectif n'a été atteint qu'en 2001, avec une croissance des dépenses de 1,3 % en volume.

Une stabilisation du solde structurel des administrations publiques locales, et donc de la part de leurs dépenses dans le PIB, qui impliquerait que ces dépenses augmentent à la même vitesse que le PIB, soit environ 2 % par an en volume, constituerait déjà une performance remarquable.

Surtout, les finances locales devront assumer une bonne part des conséquences de la crise. L'investissement local joue un rôle important pour le soutien de l'activité économique, en particulier dans la branche du bâtiment des travaux publics, atteinte par la chute des commandes privées. D'autre part, les communes et les départements devront faire face aux besoins sociaux, et leur action sera indispensable pour maintenir la cohésion sociale. C'est au plus près du terrain que les difficultés issues des défaillances d'entreprises devront être affrontées. Il ne faut donc pas être grand clerc pour prédire, sur la période 2009-2010, un rythme soutenu de la dépense locale en même temps qu'une hausse des impositions locales. La rigueur affichée par l'Etat dans le calcul des dotations comporte, de ce point de vue, une grande part d'hypocrisie.

* 34 L'assurance maladie et l'assurance vieillesse correspondent chacune à environ 200 milliards d'euros, pour des dépenses totales des administrations de sécurité sociale de plus de 500 milliards d'euros.

* 35 Source : rapport du gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.

* 36 Rapport d'information n° 314 (2005-2006).

* 37 D'après l'estimation du « cycle électoral » faite par l'Insee (Danielle Besson, « L'investissement des administrations publiques locales. Influence de la décentralisation et du cycle des élections municipales », Insee Première, n° 867, octobre 2002).

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