C. UNE PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE POUR ALERTER LE GOUVERNEMENT
Réaffirmant en préambule l'attachement du Sénat à la diversité linguistique et à la prohibition de toute discrimination fondée sur la langue, principes consacrés dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, la proposition de résolution européenne n° 204 adoptée le 3 février 2009 par la commission des affaires européennes fait le constat d'une régression significative du multilinguisme dans le fonctionnement des institutions communautaires et appelle, en conséquence, le Gouvernement à déployer tous ses efforts pour y remédier.
La proposition de résolution se fonde, dans ses visas, sur certaines des entorses au multilinguisme institutionnel évoquées précédemment par votre rapporteur.
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a élargi considérablement le champ des résolutions européennes des assemblées parlementaires puisque, aux termes du deuxième alinéa de l'article 88-4 de la Constitution, celles-ci peuvent désormais adopter des résolutions non seulement sur les projets ou propositions d'actes européens transmis par le Gouvernement, mais aussi « sur tout document émanant d'une institution de l'Union européenne ».
C'est ainsi que la commission des affaires européennes de notre assemblée a déposé la présente proposition de résolution européenne en se référant à des documents de travail émanant de la Commission européenne , notamment les rapports de progrès de novembre 2008 disponibles exclusivement en langue anglaise sur les pays officiellement ou potentiellement candidats à l'entrée dans l'Union, ainsi que certains documents budgétaires uniquement disponibles en anglais.
À l'instar de la motion adoptée à l'unanimité par le Bundestag allemand le 16 octobre 2008 sur la politique de traduction de l'Union européenne, elle constate que la Commission européenne persiste à mener les négociations d'adhésion presque exclusivement en anglais . L'absence de traduction systématique des rapports de suivi relatifs aux pays officiellement ou potentiellement candidats pénalise considérablement les parlements nationaux dans le contrôle qu'ils sont supposés exercer sur l'action de l'Union européenne. Ce défaut de transparence est d'autant plus préjudiciable à la volonté des parlements allemand et français de débattre des perspectives d'élargissement de l'Union que nos pays participent activement aux missions de la Communauté dans certains des pays concernés par l'envoi de soldats et de policiers.
La critique porte également sur l'absence de traduction de certains documents budgétaires, comme ce fut le cas pour le document de travail « Bodies set up by the Communities and having legal personality » consacré aux agences communautaires, publié avec l'avant-projet de budget 2009 et uniquement disponible en langue anglaise. La nature du document précité illustre dans quelle mesure un tel défaut de transparence entrave l'exercice effectif par les parlements nationaux de leur rôle de gardiens de la subsidiarité dans l'Union européenne . Les informations concernant les agences communautaires sont en effet capitales pour les parlements nationaux, afin notamment d'apprécier la compatibilité et l'articulation de leurs activités avec le principe de subsidiarité.
Votre rapporteur s'est vu confirmer, à l'occasion des auditions qu'il a conduites, un problème de retard quasi -systématique dans la transmission par la Commission de la traduction française de certains documents relatifs à l'avant-projet budgétaire. L'ensemble des documents budgétaires n'est généralement disponible en français qu'à la mi-juin, ce qui a pour effet de retarder l'examen par les assemblées de l'avant-projet budgétaire. Or, la levée de la réserve devant impérativement intervenir avant la première lecture du projet de budget du Conseil de mi-juillet, les documents ont parfois été traduits en français aux frais du secrétariat général aux affaires européennes (ce qui n'est toutefois pas arrivé depuis 2006).
S'agissant des virements de crédits communautaires, ceux-ci entrent désormais dans le champ d'application du nouvel article 88-4 de la Constitution et font l'objet d'une procédure d'examen accélérée dans un délai très court de 72 heures. En l'absence de réaction de la part des assemblées parlementaires, ces virements ne sont pas examinés.
Le défaut de traduction de certains documents de travail de la Commission empêche donc clairement les parlements nationaux de faire entendre convenablement leur voix dans le processus décisionnel européen, sur des sujets d'une importance aussi aiguë que l'élargissement ou le budget communautaire.
Dans ce contexte, la présente proposition de résolution européenne invite le Gouvernement à mettre en oeuvre auprès des institutions communautaires toute initiative susceptible d'y garantir le multilinguisme et de prévenir toute discrimination fondée sur la langue. Elle l'exhorte également à « se rapprocher du gouvernement allemand pour en agir en commun en ce sens ».