E. LA PROPOSITION DE LOI : UN DISPOSITIF BUREAUCRATIQUE QUI N'APPORTE PAS DE RÉELLE PLUS-VALUE

Compte tenu de l'abondance des contrôles déjà en place et exposés supra , est-il vraiment nécessaire « d'en rajouter » et de raviver un système de contrôle administré ? Votre rapporteur estime que l'exhumation d'un dispositif qui n'a pas vraiment fait la preuve de son utilité lors de ses deux années d'activité, en 2001 et 2002, relève de l'illusion étatique si ce n'est de l'aveuglement, et empiète sur les prérogatives du Parlement.

Il contribue également à induire le soupçon sur le bien-fondé des aides apportées aux entreprises et participe d'une défiance idéologique à l'encontre de la vie des affaires, encourageant en cela une tendance déjà trop présente dans la société française.

L'augmentation des licenciements et des défaillances d'entreprises qui caractérise la situation actuelle reste, dans la grande majorité des cas, le fait d'une brutale dégradation des commandes et de l'environnement de marché, qui a pu accentuer certaines situations déjà fragiles. A cet égard, les aides publiques ne constituent en rien une « assurance anti-licenciements » pour l'avenir.

Il est évidemment hors de propos de remettre en cause la légitimité du contrôle et du jugement sur les aides publiques apportées aux entreprises et aux établissements financiers. Ceux-ci ne sauraient néanmoins procéder uniquement d'une perception émotionnelle , propice à l'instrumentalisation politique et amplifiée en temps de crise par la remontée du chômage et d'indéniables drames humains. Seule une analyse économique et juridique rationnelle et objective peut conduire à caractériser des situations d'abus manifeste ou de non-respect d'engagements formels de la part des entreprises.

Le Parlement, avec l'assistance de la Cour des comptes, a la légitimité démocratique et constitutionnelle pour procéder à une telle analyse. C'est aussi cette même rationalité économique qui doit inspirer, sans naïveté ni vision stérilisante, toute initiative tendant à « moraliser » davantage les pratiques des dirigeants d'entreprises, le cas échéant par la voie législative.

Votre rapporteur rappelle également que quelle que soit la situation de l'entreprise, des rémunérations manifestement excessives des dirigeants peuvent faire l'objet de sanctions pénales 24 ( * ) et fiscales , sur le fondement de l'abus de biens sociaux ou de l'acte anormal de gestion.

Au surplus, la création d'une énième commission nationale et de ses 22 antennes régionales induirait des lourdeurs bureaucratiques , de nouvelles obligations pour leurs membres, qui apparaissent de surcroît en nombre pléthorique (parlementaires, représentants de l'Etat, représentants des syndicats, personnalités qualifiées) et des charges de gestion supplémentaires pour les services ministériels et préfectoraux qui devraient en assurer le secrétariat.

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La commission n'a pas établi de texte. En conséquence, en application de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique portera sur le texte de la proposition de loi .

* 24 On peut à cet égard mentionner la décision du tribunal de commerce de Nanterre du 3 décembre 2008 (qui faisait suite à une action ut singuli exercée par une société actionnaire), prise à l'encontre de la société Rhodia, qui a :

- solidairement condamné ses dirigeants à des dommages et intérêts sur le fondement de la faute de gestion et à rembourser le montant de l'indemnité de rupture versée à l'ancien président-directeur général de Rhodia, soit 2,11 millions d'euros ;

- et condamné la société Rhodia à reprendre la provision de 5,3 millions d'euros constituée pour l'attribution d'une retraite complémentaire à son ancien président-directeur général.

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