2. La surveillance de sûreté
Conditions
La surveillance de sûreté peut être décidée dans deux hypothèses :
- au terme d'une rétention de sûreté qui n'a pas été prolongée ou à laquelle la juridiction régionale de la rétention de sûreté a mis fin et si la personne présente un risque de commettre une des infractions visées à l'article 706-53-13 (article 706-53-19) ;
- ou à la suite d'un suivi socio-judiciaire ou d'une surveillance judiciaire, si la persistance de la dangerosité de l'individu est constatée par expertise médicale, si l'inscription au FIJAIS se révèle insuffisante et si la surveillance de sûreté est l'unique moyen de prévenir un risque très élevé de récidive des infractions précitées (articles 723-37 et 763-8).
Procédure
Si la surveillance de sûreté intervient à la suite d'une rétention de sûreté, la juridiction régionale de la rétention de sûreté peut prononcer dans la même décision la fin de la rétention de sûreté et la mesure de surveillance de sûreté.
Si la surveillance de sûreté intervient à la suite d'une surveillance judiciaire ou d'un suivi socio-judiciaire, la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté rend son avis après examen du dossier individuel de l'individu et de l'expertise médicale. Si son avis est favorable au placement sous surveillance de sûreté, le juge de l'application des peines, ou à défaut, le procureur de la République, saisit la juridiction régionale de la rétention de sûreté six mois avant la fin de la mesure afin qu'elle décide ou non le placement sous surveillance de sûreté.
Dans les deux cas, la décision est prise après débat contradictoire. La décision de placement sous surveillance de sûreté peut faire l'objet d'un recours en appel devant la juridiction nationale de la rétention de sûreté.
Les parquets et les parquets généraux doivent procéder à l'examen systématique de la situation des personnes faisant l'objet d'une surveillance judiciaire ou d'un suivi socio-judiciaire dès lors qu'elles ont été condamnées à une peine égale ou supérieure à 15 ans de réclusion criminelle pour une des infractions visées à l'article 706-53-13 afin que soit éventuellement requise une prolongation de la mesure sous la forme d'une surveillance de sûreté avant son expiration.
Effets
La surveillance de sûreté soumet pendant un an la personne à des obligations identiques à celles imposées dans le cadre de la surveillance judiciaire ou du suivi socio-judiciaire .
Aux obligations habituelles, la loi du 25 février 2008 a ajouté, à l'initiative du Sénat, l' obligation d'assignation à résidence applicable dans le cadre d'une surveillance judiciaire ou d'un suivi socio-judiciaire ou d'une surveillance de sûreté. Cette mesure vise une personne qui exécute, à la date du 1 er septembre 2008, une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à 15 ans à la suite, soit de plusieurs condamnations, dont la dernière à une telle peine pour les crimes mentionnés à l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, soit d'une condamnation unique à une telle peine pour plusieurs de ces crimes commis sur des victimes différentes (articles 723-30 et 763-3).
Par ordonnance motivée, le président de la juridiction régionale de la rétention de sûreté peut adapter à tout moment les obligations de la personne pour tenir compte de son évolution. Cette ordonnance est susceptible de recours (article R. 53-8-48).
La mesure de surveillance de sûreté peut être renouvelée, sans limite, selon la même procédure et pour une même durée.
Le volet de la loi du 25 février 2008
consacré
L'article 122-1 du code pénal relatif à la responsabilité pénale des personnes atteintes de troubles mentaux ayant commis une infraction distingue selon qu'un trouble psychique ou neuropsychique a aboli ou seulement altéré le discernement de la personne au moment des faits. Dans le premier cas, aucune peine ne peut être prononcée ; dans le second, la responsabilité pénale de la personne est engagée mais la juridiction peut tenir compte de cette altération lorsqu'elle fixe le quantum et le régime de la peine. La loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental a procédé à une importante réforme introduisant dans le code de procédure pénale une procédure spécifique applicable lorsque les conditions de l'alinéa premier de l'article 122-1 du code pénal sont réunies. Lorsque l'irresponsabilité pénale est constatée au cours de l'instruction, le juge d'instruction ne rend plus une ordonnance de non-lieu mais une ordonnance d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental sauf s'il a saisi la chambre de l'instruction de son propre chef ou sur la demande de droit du parquet ou de la partie civile (article 706-120). Si la personne est placée en détention provisoire, la chambre de l'instruction doit se prononcer dans les six mois de la transmission du dossier en matière criminelle, dans les quatre mois en matière correctionnelle, à peine de remise en liberté (article 706-121). Si son état le lui permet, la personne doit être présente lors de l'audience devant la chambre de l'instruction. A défaut, elle y est représentée par son avocat. Lors d'un débat public et contradictoire, la chambre de l'instruction interroge la personne, entend les experts et éventuellement les témoins (article 706-122). La chambre de l'instruction doit se prononcer sur la matérialité des faits puis sur l'irresponsabilité pénale de la personne : - soit elle constate qu'il n'y a pas de charges suffisantes à l'encontre de la personne et elle prononce un non-lieu (article 706-123) ; - soit elle constate qu'il y a des charges suffisantes mais que les conditions de l'article 122-1 du code pénal ne sont pas réunies, et elle renvoie l'affaire devant la juridiction compétente (article 706-124) ; - soit elle constate qu'il y a des charges suffisantes et que les conditions de l'article 122-1 du code pénal sont réunies. Elle rend alors un arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental qui met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire de la personne (articles 706-125 et 706-126). Elle peut en outre : - renvoyer l'affaire devant le tribunal correctionnel pour qu'il soit statué sur la responsabilité civile de la personne, la partie civile n'ayant désormais plus besoin d'engager un second procès à cette fin ; - ordonner l'hospitalisation d'office de la personne si une expertise psychiatrique du dossier indique que les troubles mentaux de la personne nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public (article 706-135). Le procureur de la République en informe le préfet (article D. 47-27) ; - prononcer, après expertise psychiatrique de la personne, une mesure de sûreté pour une durée maximale de dix ans lorsque la peine encourue est inférieure à 10 ans, 20 ans lorsque la peine encourue est égale ou supérieure à 10 ans (article 706-136). Le juge d'instruction peut également prononcer de telles mesures lorsque la chambre de l'instruction n'a pas été saisie. Le non-respect par la personne de ses obligations est puni d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende (article 706-139). Les conditions de mainlevée de l'hospitalisation d'office ont été renforcées. Désormais, le préfet ne peut lever cette mesure qu'après avoir recueilli l'avis de deux médecins n'appartenant pas à l'établissement dans lequel la personne est hospitalisée. La partie civile peut demander à être informée de cette libération lorsqu'une interdiction d'entrer en contact avec la partie civile a été prononcée. Au stade du jugement , la personne est soumise à une procédure comparable à celle applicable devant la chambre de l'instruction. La cour d'assises ou le tribunal correctionnel se prononce sur la matérialité des faits puis sur l'application de l'article 122-1 du code pénal. Si la juridiction considère que les conditions de cet article sont réunies, elle rend un arrêt ou un jugement d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental qui met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire de la personne. La juridiction statue sur les éventuelles demandes de dommages-intérêts de la partie civile et prononce si nécessaire une ou plusieurs mesures de sûreté (articles 706-129 à 706-134). Selon le rapport sur l'application de la loi du 25 février 2008 présenté par le ministère de la justice, 44 décisions d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ont été rendues entre le 15 septembre 2008 et le 20 juillet 2009 (7 par les juges d'instruction, 23 par les chambres de l'instruction, 13 par les tribunaux correctionnels, 1 par la cour d'assises) -27,3 % de ces décisions concernant des meurtres. 45,5 % des personnes déclarées irresponsables pour cause de trouble mental ont fait l'objet d'une hospitalisation d'office et 27,3 % d'une ou de plusieurs mesures de sûreté. Le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2008-562 du 21 février 2008 a décidé que la décision de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ne pouvait être inscrite au casier judiciaire de la personne sauf lorsque la juridiction a prononcé des mesures de sûreté (article D. 47-31). Après certaines incertitudes, la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 16 décembre 2009 , a décidé l'application rétroactive des mesures de sûreté prévues par l'article 706-136 du code de procédure pénale considérant que le principe de non-rétroactivité de la loi pénale ne s'appliquait qu'aux peines et non aux mesures de sûreté. |