CHAPITRE III - DISPOSITIONS RELATIVES AUX POUVOIRS DU DÉFENSEUR DES DROITS
Article 20 - Appréciation souveraine du Défenseur des droits sur le traitement des réclamations
Cet article donne au Défenseur des droits un large pouvoir d'appréciation sur l'opportunité d'une intervention de sa part pour répondre aux réclamations qui lui sont adressées.
En effet, le Défenseur apprécierait « souverainement » si les faits qui lui sont signalés, ou qui font l'objet d'une réclamation, « méritent une intervention de sa part ». Son appréciation souveraine devrait prendre en compte la nature ou l'ancienneté des faits.
Par ailleurs, aux termes du deuxième alinéa, le Défenseur ne serait pas tenu d'indiquer les motifs pour lesquels il décide de ne pas donner suite à une saisine.
L'ouverture de la saisine directe du Défenseur des droits pose la question de la recevabilité des réclamations. La saisine du Médiateur de la République et de la CNDS par l'intermédiaire des parlementaires faisait davantage peser sur ces derniers un contrôle minimal de la recevabilité des réclamations. Il est cependant avéré depuis plusieurs années que le Médiateur est de plus en plus souvent saisi directement et qu'il ne rejette « plus aucune demande pour défaut de saisine parlementaire », se limitant simplement à « demander aux réclamants de régulariser leur démarche » 45 ( * ) .
Si le Médiateur n'est pas tenu d'indiquer aux personnes qui le saisisse les motifs pour lesquels leur réclamation est irrecevable, l'étude d'impact relève qu'il « s'attache, pour ces demandes non recevables, à fournir à l'intéressé une réponse claire, complète et utile, en expliquant le motif de l'irrecevabilité, les démarches qui auraient pu (ou peuvent encore) être entreprises et les coordonnées des organismes ou des personnes à contacter, le cas échéant » 46 ( * ) .
L'expression retenue par le Gouvernement, selon laquelle le Défenseur des droits « apprécie souverainement » si les faits qui font l'objet d'une réclamation méritent une intervention de sa part, vise à souligner que l'appréciation du Défenseur sur la recevabilité des réclamations qui lui sont adressées ne fait pas grief. Elle ne sera donc susceptible d'aucun recours. Tel est aujourd'hui le régime des réponses du Médiateur de la République et de la HALDE quant à la recevabilité des saisines.
Dans sa décision du 23 juillet 1999, le Conseil constitutionnel, se référant à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, a rappelé qu'il ne devait « pas être porté d'atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d'exercer un recours effectif devant une juridiction » et « que le respect des droits de la défense constitue un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » 47 ( * ) .
Il est ainsi établi que les décisions de sanction qui peuvent être rendues par des autorités administratives indépendantes doivent pouvoir faire l'objet d'un recours juridictionnel. En revanche, celles de leurs décisions qui ne font pas grief, en particulier les réponses relatives à la recevabilité des réclamations, ne peuvent faire l'objet d'un recours contentieux .
Le Conseil d'Etat a ainsi jugé que « les réponses adressées par le Médiateur aux parlementaires qui le saisissent de réclamation en vertu de l'article 6 de la loi du 3 janvier 1973 n'ont pas le caractère de décisions administratives susceptibles de faire l'objet de recours par la voie contentieuse » 48 ( * ) . Le juge administratif a confirmé cette jurisprudence à plusieurs reprises, jugeant même qu'une lettre par laquelle le Médiateur motivait le rejet d'une réclamation, en indiquant qu'elle portait sur des rapports de droit privé et n'entrait donc pas dans son champ de compétence, « n'avait pas le caractère d'une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir » 49 ( * ) .
Le fait que l'autorité indique les motifs pour lesquels une réclamation est irrecevable ne modifie donc en rien la nature de l'acte qui, ne faisant pas grief, n'est pas susceptible de recours contentieux.
Le Conseil d'Etat a d'ailleurs appliqué une solution identique au refus de la HALDE de donner suite à une réclamation, estimant qu'une telle réponse n'est pas susceptible de recours pour excès de pouvoir 50 ( * ) . La lecture des conclusions du commissaire du Gouvernement sur cette requête fait d'ailleurs apparaître que la HALDE avait, en l'espèce, indiqué les motifs pour lesquels elle ne donnait pas suite à la réclamation 51 ( * ) .
Le juge administratif a cependant considéré que si « le cas échéant, les réponses faites par la haute autorité, dès lors qu'elles s'avéreraient infondées, sont de nature à engager la responsabilité de l'Etat, à l'égard de ceux à qui elles auraient directement causé un préjudice », les conclusions indemnitaires présentées par les requérants ne sont recevables que si elles ont été précédées « d'une demande à l'administration ayant donné lieu à une décision ».
Votre rapporteur considère que les réponses que pourra adresser le Défenseur des droits aux personnes qui le saisiront n'auront pas davantage que les réponses du Médiateur ou de la HALDE, le caractère de décisions faisant grief et ne seront donc pas susceptibles de recours pour excès de pouvoir.
Cependant, il paraît souhaitable que le Défenseur des droits, autorité constitutionnelle intervenant dans la protection des droits et libertés, indique, même de façon sommaire, aux personnes qui le saisissent, les motifs pour lesquels il ne donne pas suite à leur réclamation.
Cette motivation serait sans effet sur le sort réservé par le juge à un recours porté contre la réponse, comme le montre la jurisprudence, constante en la matière, du Conseil d'Etat.
Aussi votre commission a-t-elle adopté un amendement de son rapporteur prévoyant que le Défenseur des droits indique les motifs pour lesquels il décide de ne pas donner suite à une saisine.
Il paraît en effet indispensable que la future autorité de référence en matière de protection des droits et libertés, consacrée par la Constitution, réponde à des exigences de transparence et informe de façon pertinente les personnes qui la saisissent sur le sort réservé à leurs demandes.
Votre commission a adopté l'article 20 ainsi modifié .
Article 21 - Pouvoirs de recommandation et d'injonction
Cet article définit les modes d'intervention du Défenseur des droits pour assurer le règlement des litiges qui lui sont soumis.
Le pouvoir de recommandation
Le Défenseur des droits pourrait formuler des recommandations afin de garantir le respect des droits et libertés de la personne lésée et de régler ou prévenir le renouvellement des difficultés évoquées par l'auteur de la saisine (premier alinéa).
Il pourrait en outre recommander à la personne mise en cause de régler en équité la situation de la personne lésée (deuxième alinéa). Ces dispositions sont très proches de celles qui définissent les pouvoirs d'intervention du Médiateur de la République (article 9 de la loi du 3 janvier 1973).
Les prérogatives du Médiateur apparaissent toutefois plus complètes, puisque la loi lui permet également, lorsqu'un organisme chargé d'une mission de service public lui semble ne pas avoir fonctionné conformément à sa mission, de proposer à l'autorité compétente toutes les mesures qu'il estime de nature à remédier à cette situation.
Le pouvoir d'injonction
Le Défenseur des droits devrait être informé des suites données à ses recommandations (troisième alinéa).
S'il n'était pas informé de ces suites dans le délai qu'il a fixé, ou s'il estimait, au vu des informations reçues, que sa recommandation n'a pas été suivie d'effet, le Défenseur pourrait enjoindre à la personne mise en cause de prendre, dans un délai déterminé, les mesures nécessaires (quatrième alinéa).
Le texte proposé sous-entend par conséquent que le Défenseur pourrait définir le délai dans lequel la personne mise en cause devrait l'informer des suites données à ses recommandations.
Le Médiateur de la République ne dispose pas, pour sa part, d'un pouvoir d'injonction général, mais seulement d'un pouvoir d'injonction visant à assurer l'exécution des décisions de justice passées en force de chose jugée (article 11 de la loi du 3 janvier 1973). Aussi les prérogatives attribuées au Défenseur des droits paraissent-elles plus adaptées et de nature à garantir une certaine effectivité à ses recommandations.
Les pouvoirs du Défenseur en cas de non respect de son injonction resteraient cependant aussi limités que ceux du Médiateur de la République aujourd'hui.
En effet, s'il n'était pas donné suite à son injonction, le Défenseur des droits pourrait seulement établir un rapport spécial, communiqué à la personne mise en cause.
Il pourrait ensuite rendre public ce rapport, et la réponse de la personne mise en cause, selon des modalités qu'il lui appartiendrait de déterminer.
Ce dispositif reprend ainsi les moyens d'action traditionnels des autorités chargées de la protection des droits. L'article 7 de la loi du 6 juin 2000 portant création de la CNDS permet en effet à cette commission de publier un rapport spécial si la personne à l'égard de laquelle elle a émis un avis ou une recommandation ne donne aucune suite ou n'y apporte pas de réponse satisfaisante.
Le Défenseur des enfants peut également, aux termes de l'article 3 de la loi du 6 mars 209, rendre publiques ses recommandations en l'absence de réponse satisfaisante d'une personne morale ou physique à laquelle il a adressé des recommandations.
La HALDE dispose d'une faculté analogue, lui permettant de publier un rapport spécial lorsque sa recommandation n'a pas été suivie d'effet (article 11 de la loi du 30 décembre 2004).
Votre commission a souhaité préciser les modalités d'exercice du pouvoir de recommandation du Défenseur des droits.
A cette fin, elle a adopté un amendement de son rapporteur qui apporte une précision rédactionnelle et qui prévoit que le rapport spécial que peut publier le Défenseur, lorsqu'il n'a pas été donné suite à son injonction, est accompagné « le cas échéant », de la réponse de la personne mise en cause.
Cette notification vise à éviter que le Défenseur n'ait pas la possibilité de publier son rapport spécial si la personne mise en cause ne lui a pas adressé de réponse.
Votre commission a adopté l'article 21 ainsi modifié .
Article 21 bis (nouveau) - Pouvoir de médiation
Cet article additionnel, issu d'un amendement du rapporteur, vise à confier expressément au Défenseur des droits un pouvoir de médiation.
En effet, le Défenseur, héritant des compétences du Médiateur de la République, du Défenseur des enfants, de la CNDS et de la HALDE, sera d'abord une autorité exerçant un rôle de persuasion. La médiation deviendrait donc un de ces modes privilégiés d'intervention.
Or, comme l'a relevé M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, lors de son audition, le projet de loi organique ne comporte aucune mention de la médiation.
Votre commission a donc jugé nécessaire de compléter la panoplie des moyens d'intervention du Défenseur, en lui confiant explicitement un pouvoir de médiation.
La rédaction retenue précise que les constatations et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être ni produites ni invoquées ultérieurement dans les instances civiles ou administratives, sans l'accord des personnes intéressées.
En outre, elle tient compte des exigences de l'article 7 de la directive 2008/52/CE sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, qui doit être transposée avant le 21 mai 2011. Cet article consacre en effet le principe de la confidentialité de la médiation, tout en l'assortissant de deux tempéraments. Ainsi, la confidentialité de l'accord pourrait être levée lorsque sa divulgation est nécessaire pour sa mise en oeuvre ou son exécution, ou lorsque des raisons d'ordre public l'imposent.
Votre commission a adopté l'article additionnel ainsi rédigé .
Article 21 ter (nouveau) - Aide aux victimes de discrimination
Issu d'un amendement de votre rapporteur, cet article additionnel tend à adapter les pouvoirs du Défenseur des droits à sa mission de lutte contre les discriminations, en lui confiant un rôle d'appui aux victimes de discrimination.
Votre commission a en effet veillé à garantir un niveau de protection des droits élevé pour l'ensemble des domaines de compétences de la nouvelle autorité constitutionnelle. Aussi a-t-elle repris une disposition de l'article 7 de la loi du 30 décembre 2004 portant création de la HALDE, afin d'attribuer au Défenseur des droits une mission spécifique d'assistance aux personnes s'estimant victimes de discrimination. Le Défenseur serait donc chargé d'assister ces personnes dans la constitution de leur dossier de les aider à identifier les procédures adaptées à leur cas.
En effet, l'une des plus grandes difficultés auxquelles se heurtent les victimes de discrimination réside dans le rassemblement d'éléments de preuve de cette discrimination.
Le législateur avait ainsi pris soin de donner en la matière une mission précise à la HALDE. Le Défenseur des droits devra poursuivre cette mission au service des victimes de discrimination. Il assumera ainsi un rôle d'assistance pré-juridictionnel, puisque les discriminations restent avant tout un délit, sanctionné notamment par le code pénal (articles 225-1 à 225-4).
Il appartiendra en outre au Défenseur d'aider la personne s'estimant victime d'une discrimination à choisir, entre les différents modes d'action possible -action judiciaire, médiation, transaction, le plus adapté à son cas.
Votre commission a adopté l'article additionnel ainsi rédigé .
Article 22 - Pouvoir de transaction
Cet article donne au Défenseur des droits la possibilité de proposer une transaction à l'auteur de la réclamation et à la personne mise en cause.
Le projet de loi organique laisse en ce domaine une grande liberté d'appréciation au Défenseur. La rédaction proposée se distingue en effet par son caractère très imprécis et général. Elle énonce simplement que le Défenseur pourrait proposer la conclusion d'une « transaction dont il peut recommander les termes ».
Le dispositif retenu s'inspire de celui qui figure à l'article 7 de la loi du 30 décembre 2004 portant création de la HALDE. Il permet ainsi au Défenseur de procéder ou de faire procéder à la résolution amiable des différends portés à sa connaissance, par voie de médiation.
Les constatations et déclarations recueillies dans le cadre d'une telle médiation ne pourraient être ni produites, ni invoquées ultérieurement dans les instances civiles ou administratives, sans l'accord des personnes intéressées. Cette disposition vise à garantir la neutralité de la médiation . Elle ne s'appliquerait pas dans le domaine pénal, l'article 40 du code de procédure pénale faisant obligation au Défenseur des droits, comme à toute autorité constituée, d'informer sans délai le procureur de la République s'il a connaissance d'un crime ou d'un délit, et de lui transmettre tous les renseignements, procès-verbaux et actes quoi y sont relatifs.
Le Défenseur pourrait conduire la médiation lui-même. Plus vraisemblablement, le médiateur sera un membre de ses services, qui devrait offrir des garanties de moralité et d'indépendance. Il pourra proposer un projet de solution, sans que cette solution puisse être imposée comme obligatoire, à la différence d'une décision juridictionnelle. La médiation ne pourra donc aboutir que si la solution proposée fait l'accord des deux parties.
Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur complétant cet article afin de donner au Défenseur des droits un pouvoir de transaction pénale en matière de discrimination.
Ce pouvoir serait identique à celui détenu par la HALDE et défini aux articles 11-1 à 11-3 de la loi du 30 décembre 2004.
Ainsi, le Défenseur pourrait, lorsqu'il constate des faits constitutifs d'une discrimination sanctionnée par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal, et L. 122-45 ou L. 123-1 du code du travail, proposer à l'auteur des faits, si ceux-ci n'ont pas déjà donné lieu à la mise en mouvement de l'action publique, une transaction consistant dans le versement d'une amende dont le montant ne pourrait dépasser 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. La transaction pourrait également prévoir l'indemnisation de la victime. Le montant de l'amende devrait être fixé en fonction de la gravité des faits, ainsi que des ressources et des charges de la personne mise en cause.
La transaction proposée par le Défenseur devrait être acceptée par l'auteur des faits et par la victime, avant d'être homologuée par le procureur de la République.
Le Défenseur devrait informer l'auteur des faits qu'il peut se faire assister par un avocat avant de donner son accord à la proposition.
Par ailleurs, la transaction pourrait consister dans :
- l'affichage d'un communiqué dans des lieux qu'elle préciserait et pour une durée maximale de deux mois ;
- la transmission, pour information, d'un communiqué au comité d'entreprise ou au délégué du personnel ;
- la diffusion d'un communiqué, par son insertion au Journal officiel, dans des publications de presse ou sur des sites Internet ;
- l'obligation de publier la décision au sein de l'entreprise. Dans toutes ces hypothèses, les frais d'affichage ou de diffusion seraient à la charge de l'intéressé, mais ne pourraient excéder le montant de l'amende transactionnelle.
Ce dispositif avait été adopté par le Sénat, à l'initiative de votre commission lors de la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances 52 ( * ) . Il préserve les prérogatives du parquet qui, saisi aux fins d'homologation de la proposition de transaction, peut décider d'engager des poursuites.
Le IV de l'article 22 du projet de loi modifié par votre commission prévoit que les actes tendant à la mise en oeuvre ou à l'exécution de la transaction sont interruptifs de la prescription de l'action publique. En effet, la transaction pénale constitue une alternative aux poursuites. Ainsi, aux termes de l'article 6 du code de procédure pénale, l'action publique peut « s'éteindre par transaction lorsque la loi en dispose expressément ».
Le IV du texte modifié par votre commission établit par conséquent que :
- l'inexécution de la transaction constitue une cause d'extinction de l'action publique, sans pour autant faire échec au droit de la partie civile de délivrer citation directe devant le tribunal correctionnel, qui statuerait alors sur les seuls intérêts civils ;
- en cas de refus de la proposition de transaction ou d'inexécution d'une transaction acceptée et homologuée par le parquet, le Défenseur pourrait mettre en mouvement l'action publique, par voie de citation directe.
Votre commission a adopté l'article 22 ainsi modifié .
Article 23 - Poursuites disciplinaires
Cet article prévoit que le Défenseur des droits peut saisir l'autorité disciplinaire compétente pour des faits constatés dans l'exercice de ses fonctions et lui paraissant justifier une sanction.
Cette faculté ne concerne pas les magistrats , qui relèvent en matière disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Rappelons sur ce point que depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, l'article 65 de la Constitution a facilité la mise en jeu de la responsabilité disciplinaire des magistrats en prévoyant la possibilité pour les justiciables de saisir directement le CSM s'ils estiment que le comportement d'un magistrat dans l'exercice de ses fonctions peut constituer une faute disciplinaire 53 ( * ) . Auparavant seuls le ministre de la justice, garde des sceaux, ainsi que les chefs de cour pouvaient saisir ce Conseil.
Notons que le Gouvernement a fait le choix de ne pas reprendre les compétences disciplinaires dévolues au Médiateur de la République par l'article 10 de la loi précitée de 1973. Ce dernier précise qu' « à défaut de l'autorité compétente, le Médiateur de la République peut, au lieu et place de celle-ci, engager contre tout agent responsable une procédure disciplinaire ». Cette faculté très étendue - elle donne au Médiateur un pouvoir de substitution en cas de carence de l'autorité disciplinaire - paraît exorbitante et n'a d'ailleurs jamais été exercée depuis la création de l'Institution.
A cet égard, M. Roger Beauvois, président de la CNDS, a reconnu lors de son audition par votre rapporteur que « l'exercice du pouvoir disciplinaire est une prérogative de l'administration qu'une autorité indépendante ne peut se voir attribuer qu'à titre exceptionnel. L'existence d'un tel pouvoir contribuerait à accroître la confusion autour du rôle de la CNDS, souvent perçue comme un doublon de la justice ou des autorités hiérarchiques. Ce serait en outre redondant, des sanctions disciplinaires et pénales existant déjà, et très mal accepté par les agents des forces de sécurité, qui ont déjà le sentiment d'être très contrôlés et sanctionnés. Enfin les témoignages risqueraient d'être encore moins spontanés et des recours abusifs seraient à craindre. »
Le projet de loi organique accorde au Défenseur des droits la simple faculté de saisir l'autorité disciplinaire aux fins de poursuites éventuelles, qu'il ait ou non reçu une réclamation. Il suffit, précise le premier alinéa de l'article 23, que le Défenseur ait eu « connaissance » de faits qui lui paraissent de nature à justifier une sanction.
Ce pouvoir de saisine de l'autorité disciplinaire figure dans les textes régissant la HALDE et la CNDS.
Le présent article prévoit deux dispositions, qui ne figurent pas dans la loi précitée de 1973, afin de renforcer l'efficacité de cette faculté de transmission :
- l'autorité disciplinaire saisie doit informer le Défenseur des droits de la suite réservée aux transmissions effectuées et, si elle n'a pas engagé de procédure disciplinaire, des motifs de sa décision ;
- à défaut d'information dans le délai qu'il a fixé ou s'il estime, au vu des informations reçues, que sa saisine n'a pas été suivie des mesures nécessaires, le Défenseur des droits peut, de la même façon qu'après une injonction restée sans effet (cf supra commentaire de l'article 21), établir un rapport spécial qui est communiqué à l'autorité disciplinaire. Il peut, selon des modalités qu'il détermine, rendre public ce rapport avec la réponse de cette autorité, afin de respecter le principe du contradictoire. Lors de leur audition, les représentants du ministère de la justice ont indiqué que le décret d'application prévoirait la possibilité pour le Défenseur des droits de publier ce rapport spécial au Journal Officiel , comme la loi de 1973 sur le Médiateur le prévoit. Ce rapport ne pourra toutefois permettre l'identification des personnes physiques mises en cause, comme le précise le dernier alinéa de l'article 29.
Votre rapporteur considère que la visibilité et l'autorité constitutionnelle du Défenseur des droits devraient conduire à améliorer sensiblement la prise en considération des saisines disciplinaires des AAI qu'il remplace. Force est en effet de reconnaître que la principale autorité administrative indépendante qui fait aujourd'hui un usage actif de sa compétence de transmission à l'autorité disciplinaire, à savoir la CNDS 54 ( * ) , déplore régulièrement la médiocre prise en compte de ses demandes de poursuite disciplinaire 55 ( * ) .
A l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement précisant que le rapport spécial évoqué plus haut peut être public même dans l'hypothèse où l'autorité disciplinaire n'aurait adressé aucune réponse au Défenseur.
Votre commission a adopté l'article 23 ainsi modifié .
Article 23 bis (nouveau) - Sanctions à l'encontre de personnes soumises à agrément ou autorisation publics
Votre commission a adopté un amendement tendant à donner au Défenseur des droits la possibilité de recommander à une autorité publique disposant d'un pouvoir d'agrément ou de sanction, à l'égard d'une personne physique ou morale, de faire usage de ses pouvoirs de suspension ou de sanction lorsque la personne intéressée a commis des actes discriminatoires.
Cette prérogative reprend celle qui figure à l'article 14, deuxième alinéa, de la loi précitée de 2004 portant création de la HALDE.
Votre commission a adopté l'article 23 bis ainsi rédigé
Article 24 - Saisine du Conseil d'Etat
Cet article prévoit que lorsque le Défenseur des droits est saisi d'une ou plusieurs réclamations soulevant une question relative à l'interprétation ou à la portée d'une disposition législative ou réglementaire, il peut saisir pour avis le Conseil d'État .
Ce pouvoir s'ajoute à celui prévu à l'article 16, qui, comme indiqué précédemment, permet au Défenseur des droits de demander au Conseil d'Etat à la Cour des comptes de procéder à toutes études .
L'étude d'impact précise que cette faculté ne va pas, en toute rigueur, jusqu'à lui offrir la faculté de formuler une demande d'avis au Conseil d'Etat pour lever une difficulté d'interprétation des textes en vigueur, ce qui justifie la disposition spécifique de l'article 24.
Cette même étude d'impact précise que la possibilité de saisir le Conseil d'Etat d'une demande d'avis permettra de mettre fin à certaines difficultés juridiques récurrentes dans le domaine de la protection des libertés fondamentales, de conduire ainsi progressivement à limiter le nombre de demandes les plus répétitives tant auprès du Défenseur des droits qu'auprès des juridictions compétentes et cite le cas « d'une circulaire donnant une interprétation exagérément restrictive de la loi fiscale ».
Ces objectifs ne pourront toutefois être atteints que par la possibilité donnée au Défenseur des droits de rendre publics , s'il le souhaite, ces avis. Aussi la commission a-t-elle adopté un amendement en ce sens à l'initiative de son rapporteur.
Votre commission a adopté l'article 24 ainsi modifié .
Article 25 - Propositions de réformes
Cet article prévoit que le Défenseur des droits peut recommander de procéder aux modifications législatives ou réglementaires qui lui apparaissent utiles.
En effet, les réclamations dont est saisi le Médiateur de la République conduisent fréquemment à faire apparaître des malfaçons, des incohérences ou des inadaptations des normes.
Aussi le législateur a-t-il donné à de nombreuses autorités administratives indépendantes, telles que le Médiateur de la République, la CNDS, le Défenseur des enfants ou encore la HALDE, la capacité de proposer des réformes législatives et réglementaires , afin d'améliorer le fonctionnement de l'administration ou d'empêcher la réitération d'une situation révélant une réelle iniquité.
On notera que l'exposé des motifs précise que les recommandations du Défenseur des droits seront adressées au seul Gouvernement , ce qui n'apparaît guère légitime lorsqu'elles portent sur des matières législatives. Rappelons en effet qu'aux termes de l'article 39 de la Constitution, l'initiative législative appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement.
Il importe donc le Défenseur des droits appelle l'attention tant du Gouvernement que du Parlement sur les réformes législatives qu'il juge utile. C'est d'ailleurs une des raisons pour laquelle l'article 27 du présent projet de loi organique prévoit que le Défenseur des droits présente son rapport annuel d'activité devant chacune des deux assemblées parlementaires et que les autorités administratives indépendantes qu'il remplace, au premier rang desquelles le Médiateur de la République, sont régulièrement entendues par les commissions ou les rapporteurs à l'occasion de l'examen des textes de loi sur lesquels ces autorités disposent, en raison de leurs fonctions, d'une expertise particulière : à ce titre, leurs recommandations fournissent fréquemment la matière d'amendements parlementaires.
Notons que la rédaction retenue par le projet de loi organique n'interdit pas la publicité de la proposition de réforme, en particulier dans le cas où le Défenseur n'aurait pas reçu, dans un délai raisonnable, de réponse satisfaisante du législateur ou du pouvoir réglementaire. Votre commission a d'ailleurs adopté un amendement à l'article 27 tendant à déconnecter cette publicité de celle du rapport annuel d'activité (cf infra ).
S'inspirant des dispositions figurant à l'article 15 de la loi de 2004 précitée relative à la HALDE, votre commission a adopté un amendement de son rapporteur afin de compléter cet article 25 pour donner au Défenseur des droits des pouvoirs consultatifs étendus. Le Défenseur serait ainsi :
- obligatoirement consulté par le Premier ministre sur tout projet de loi comportant des dispositions relatives à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité. L'amendement précise que les avis rendus par le Défenseur des droits dans ce cadre sont, par principe, publics dans un souci de transparence, comme le sont les rapports de deux autres autorités constitutionnelles : la Cour des comptes et le Conseil économique, social et environnemental ;
- consulté de manière facultative par le Premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale ou le Président du Sénat sur toute question relative à ces domaines ; il appartiendra alors aux destinataires de l'avis de le rendre public ou non ;
- associé , si le Premier ministre le souhaite, à la préparation et à la définition de la position française dans les négociations internationales dans les domaines des relations des citoyens avec l'administration, de la défense et la promotion des droits de l'enfant, de la déontologie de la sécurité ou de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l'égalité. Le Défenseur des droits pourrait également participer, à la demande du Premier ministre, à la représentation française dans les organisations internationales et communautaires compétentes dans ces domaines.
Votre commission a adopté l'article 25 ainsi modifié .
Article 26 - Compétences en matière juridictionnelle
Cet article prévoit diverses compétences du Défenseur des droits en matière juridictionnelle.
Il indique tout d'abord que, eu égard à la séparation des pouvoirs, le Défenseur des droits « ne peut remettre en cause une décision juridictionnelle ». Cette rédaction paraît plus claire que celle qui avait été retenue par le législateur dans les textes régissant de nombreuses autorités administratives indépendantes : à titre d'exemple, les lois en vigueur prévoient que le Médiateur de la République et la CNDS ne peuvent remettre en cause le « bien fondé » d'une décision juridictionnelle.
Le présent article ouvre ensuite au Défenseur la possibilité d'intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction . Il prévoit ainsi que « les juridictions civiles, administratives et pénales peuvent, d'office ou à la demande des parties, inviter le Défenseur des droits à présenter des observations. Le Défenseur peut lui-même demander à être entendu par ces juridictions ; dans ce cas, son audition est de droit. »
Cette rédaction est assez inhabituelle dans les textes instituant les autorités administratives indépendantes en charge de la protection des droits : il est au contraire souvent prévu qu'elles ne peuvent « intervenir dans une procédure engagée devant une juridiction » (article 11 de la loi précitée sur le Médiateur, article 10 de la loi sur le Défenseur des enfants et article 8 de la loi sur la CNDS).
L'exception la plus couramment citée est la HALDE qui dispose d'une compétence quasiment identique à celle qui est envisagée pour le Défenseur des droits (article 13 de la loi précitée sur la HALDE).
Le dernier rapport d'activité de la Haute autorité précise que 212 observations ont été ainsi présentées devant les juridictions (en forte augmentation par rapport aux années précédentes) et que l'institution intervient de plus en plus souvent devant des cours d'appel, le Conseil d'État et la Cour de cassation.
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
|
Observations devant les juridictions |
48 |
115 |
64 |
212 |
Source : rapport annuel de la HALDE
Notons que notre assemblée a récemment souhaité conférer des compétences similaires à la CNIL, à l'occasion de l'examen de la proposition de loi présentée par nos collègues Mme Anne-Marie Escoffier et M. Yves Détraigne sur le respect de la vie privée à l'heure du numérique 56 ( * ) . Le Gouvernement s'est opposé à cette extension, considérant que les pouvoirs de la HALDE n'étaient justifiés que par le fait que cette institution n'intervenait pas « en tant qu'expert dans un domaine marqué par une technicité particulière ». Ce qui explique que le Gouvernement ait, a contrario , souhaité conférer au Défenseur des droits, institution à vocation généraliste, les mêmes compétences juridictionnelles que la HALDE.
Plusieurs précisions méritent d'être apportées pour prendre la mesure de cette compétence d'intervention devant les juridictions :
- en premier lieu, la rédaction retenue par le projet de loi organique permet aux juridictions de s'opposer à une demande d'intervention du Défenseur présentée par les parties, par exemple si elles estiment que l'éclairage de cette autorité ne leur est pas nécessaire pour trancher le litige. En effet, le juge dispose toujours d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire pour ordonner ou non toute mesure d'instruction. Toutefois, le Défenseur des droits pourra alors intervenir d'office ;
- en second lieu, le Défenseur des droits pourra, s'il le souhaite, se faire représenter, non seulement par toute personne placée sous son autorité (adjoint, agents ou délégués) mais également par un avocat, selon les règles du droit commun ;
- enfin, il appartiendra au Défenseur de fixer, dans son règlement intérieur public (cf amendement présenté à l'article 27), dans quel délai il répondra à une sollicitation des juridictions ou des parties, étant précisé qu'il ne sera jamais tenu d'y répondre conformément au droit commun de la procédure. Ce point est important : plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont, en effet, mis en avant le risque d'instrumentalisation du Défenseur des droits , dans l'hypothèse où les associations défendant une cause particulière demanderaient systématiquement son intervention dans une instance en cours.
Par ailleurs, le présent article fait obligation au Défenseur des droits de transmettre au procureur de la République territorialement compétent les faits qu'il constate au cours de ses travaux et qui laissent présumer l'existence d'un crime ou d'un délit. Notons tout d'abord que cette disposition, que le législateur prévoit souvent dans les textes régissant les autorités administratives indépendantes, n'est pas indispensable puisque l'article 40 du code de procédure pénale dispose, de manière générale, que « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».
Votre rapporteur relève que cette transmission n'apporte naturellement aucune restriction à l'appréciation de l'opportunité des poursuites par le procureur de la République. Ce dernier décide, en vertu de l'article 40-1 du code de procédure pénale, s'il est opportun :
- soit d'engager des poursuites ;
- soit de mettre en oeuvre une procédure alternative aux poursuites ;
- soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient.
En outre, on relèvera qu'il n'est plus utile de prévoir, comme le législateur l'avait fait en 2000 pour la CNDS, que le Défenseur des droits sera informé des suites données aux transmissions au parquet : en effet, depuis la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, l'article 40-2 du code de procédure pénale prévoit que « Le procureur de la République avise (...) les autorités mentionnées au deuxième alinéa de l'article 40, des poursuites ou des mesures alternatives aux poursuites qui ont été décidées à la suite de leur plainte ou de leur signalement. Lorsqu'il décide de classer sans suite la procédure, il les avise également de sa décision en indiquant les raisons juridiques ou d'opportunité qui la justifient. »
Enfin, le présent article prévoit que, de la même façon, le Défenseur des droits « porte à la connaissance de l'autorité judiciaire les affaires concernant un mineur susceptibles de donner lieu à une mesure d'assistance éducative telle que prévue par l'article 375 du code civil 57 ( * ) ou toutes informations qu'il aurait recueillies à l'occasion de sa saisine par un mineur impliqué dans une procédure en cours ». Cette rédaction est l'exacte reprise de celle figurant à l'article 4 de la loi précitée sur le Défenseur des enfants.
A l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement qui complète les possibilités d'intervention du Défenseur devant les juridictions : tel qu'il est rédigé, le dispositif prévoit en effet que le Défenseur ne pourrait pas d'office présenter des observations écrites alors qu'il pourrait le faire, s'il est saisi en ce sens, par une juridiction ou une partie. Or, il importe que le Défenseur puisse intervenir de sa propre initiative, par des observations écrites, lorsque la procédure est écrite, par exemple devant le Tribunal de grande instance ou le Tribunal administratif.
Votre commission a adopté l'article 26 ainsi modifié .
Article 26 bis (nouveau) - Intervention du service en charge de l'aide sociale à l'enfance
Sur proposition de son rapporteur, votre commission a inséré un article 26 bis afin de reprendre la disposition, inscrite à l'article 4 de la loi de 2000 précitée sur le Défenseur des enfants, prévoyant que ce dernier informe « le président du conseil général compétent des affaires susceptibles de justifier une intervention du service de l'aide sociale à l'enfance ».
D'après les informations obtenues par votre rapporteur, le Défenseur des enfants fait un usage actif de cette compétence de transmission au département, qui s'inscrit dans l'un des objectifs de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance, à savoir l'amélioration, par la centralisation dans chaque département, du traitement des informations préoccupantes relatives à un mineur.
Votre commission a donc repris cette disposition, à une réserve près. Elle a souhaité faire référence aux « autorités locales compétentes » plutôt qu'au département. En effet, la compétence du département en matière d'aide sociale à l'enfance n'est pas consacrée par un texte de niveau organique mais ordinaire. En conséquence, viser expressément le département impliquerait une révision de la loi organique en cas de modification ultérieure des compétences du département, ce qui n'est pas opportun.
Votre commission a adopté l'article 26 bis ainsi rédigé.
Article 26 ter (nouveau) - Actions de communication et d'information du Défenseur des droits
A l'initiative de son rapporteur, votre commission a inséré un article 26 ter afin de reprendre certaines dispositions en vigueur, inscrites à l'article 5 de la loi de 2000 précitée sur le Défenseur des enfants et à l'article 15 de la loi de 2004 précitée sur la HALDE.
Comme le Défenseur des enfants et la HALDE, le Défenseur des droits devra mener des actions de communication et d'information propres à assurer la promotion des droits de l'enfant et de l'égalité.
En outre, au même titre que la HALDE, il devra :
- favoriser, au titre de sa mission de lutte contre les discriminations, la mise en oeuvre de programmes de formation ;
- conduire et coordonner des travaux d'études et de recherches relevant de cette mission ;
- susciter et soutenir les initiatives de tous organismes publics ou privés en ce qui concerne l'élaboration et l'adoption d'engagements visant à la promotion de l'égalité ;
- identifier et promouvoir toute bonne pratique en matière d'égalité des chances et de traitement.
Votre commission a adopté l'article 26 ter ainsi rédigé.
Article 27 - Publicité des documents publiés sous l'autorité du Défenseur des droits
Cet article comporte deux alinéas.
Le premier prévoit la remise d'un rapport annuel au Président de la République et au Parlement. Ce rapport, qui est rendu public, fait l'objet d'une communication devant chacune des deux assemblées.
Votre rapporteur note que cette dernière rédaction, reprise de l'article 14 de la loi précitée sur le Médiateur, est suffisamment large pour permettre une présentation du rapport annuel soit en séance plénière soit en commission, dès lors que la réunion est ouverte à tous les membres de l'assemblée considérée.
A cet égard, alors que le Médiateur présentait jusque là son rapport annuel dans l'hémicycle du Sénat, la commission des lois a souhaité cette année, en accord avec le Président du Sénat et le Médiateur, organiser une audition publique de ce dernier, ouverte à l'ensemble des sénateurs 58 ( * ) . Cette configuration paraît en effet plus vivante et interactive .
Le second alinéa du présent article est plus novateur . Il prévoit que le Défenseur peut, après en avoir informé la personne mise en cause, décider de rendre publics ses recommandations, avis ou décisions avec les observations faites par la personne mise en cause.
Les « recommandations » sont les actes visés à l'article 21.
Les « avis » visent, pour l'essentiel, les propositions de réforme mentionnés à l'article 25.
Les « décisions » sont des actes très variés : certains sont formalisés, tels que l'injonction, d'autres ne le sont pas : il en est ainsi des décisions de transmettre une réclamation à une autre autorité indépendante (article 9), de publier un rapport spécial (articles 21 et 23), de répondre à une sollicitation d'une partie ou d'une juridiction (article 26)...
L'objectif du dispositif prévu à cet alinéa est d'inviter la personne mise en cause à reconsidérer sa position . A titre d'exemple, si le Défenseur demande à un ministère de faire évoluer une réglementation dans un domaine particulier et que ce ministère juge inopportune cette évolution, le Défenseur des droits pourra informer le ministre de son intention de rendre publique sa proposition de réforme avec la réponse de son ministère. Il va de soi que le Défenseur devra laisser un délai raisonnable à la personne mise en cause afin que, face à cette menace de publicité, elle puisse, si elle le souhaite, prendre en considération la demande du Défenseur.
A l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement de réécriture de l'article 27.
Cet amendement vise, tout d'abord, à clarifier la lecture de l'article. Tel qu'il est rédigé, il pourrait en effet laisser entendre que ses deux alinéas doivent être lus ensemble. Autrement dit, la publicité susmentionnée des recommandations, avis ou décisions ne pourrait intervenir qu'à l'occasion du rapport annuel d'activité. Cela impliquerait que le Défenseur doive parfois attendre onze mois pour rendre publiques ces positions, ce qui serait trop contraignant.
L'amendement apporte, en outre, une deuxième clarification : la seconde phrase du premier alinéa de l'article pourrait laisser accroire que la publication du rapport annuel d'activité intervient après la communication du Défenseur des droits devant les assemblées parlementaires, ce qui, là encore, ne serait pas opportun.
Enfin, l'amendement précise que le Défenseur des droits peut également présenter tout autre rapport au Président de la République, au président de l'Assemblée nationale et au président du Sénat. Certes, votre rapporteur estime que le rapport d'activité de l'institution est nécessairement un document unique , sauf à donner l'impression que sont recréés au sein du Défenseur des droits les AAI fusionnées, ce qui n'est pas le cas. En revanche, il paraît opportun de prévoir la possibilité de publier, indépendamment du rapport d'activité, des rapports thématiques dans les différents domaines de compétence du Défenseur. Ces rapports pourront être rendus publics au moment jugé le plus opportun ; votre rapporteur a ainsi été sensible au souhait, exprimé par la Défenseure des enfants et les représentants de l'UNICEF, que le Défenseur des droits rende public, le 20 novembre de chaque année, une étude sur les droits de l'enfant, à l'occasion de la journée internationale des droits de l'enfant 59 ( * ) .
Votre commission a adopté l'article 27 ainsi modifié .
* 45 Voir le rapport d'activité 2008 du Médiateur de la République, p. 73
* 46 Etude d'impact jointe au projet de loi organique, p. 3.
* 47 Conseil constitutionnel, décision n° 99-416 DC du 23 juillet 1999.
* 48 Conseil d'Etat, arrêt du 10 juillet 1981, Retail.
* 49 Conseil d'Etat, arrêt du 18 octobre 2006, n° 277597.
* 50 Conseil d'Etat, arrêt du 13 juillet 2007, n° 297742.
* 51 Elle « ne disposait pas d'éléments suffisants pour qualifier la situation vécue de harcèlement discriminatoire relevant de sa compétence ». Conclusions de M. Luc Derepas, commissaire du Gouvernement, AJDA 2007, n° 2145.
* 52 Voir le rapport n° 214 fait au nom de la commission des lois par M. Jean-René Lecerf (2005-2006), p. 35-36 (consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/a05-214/a05-214.html )
* 53 Cette faculté sera précisée par une loi organique en cours d'examen par le Parlement.
* 54 Dans son dernier rapport d'activité, la CNDS précise qu'elle a traité, en 2008, 147 saisines et que parmi les 62 dossiers les plus graves, elle en a transmis, afin qu'ils envisagent des poursuites disciplinaires, 25 aux ministres de tutelle et 13 aux procureurs généraux, compétents en matière disciplinaire pour les actes de police judiciaire exercés par les officiers de police judiciaire.
* 55 Voir l'audition, par la commission des lois, de M. Roger Beauvois le 10 juin 2009.
* 56 Proposition de loi n° 93 (2009-2010) de M. Yves Détraigne et Mme Anne-Marie Escoffier, déposé au Sénat le 6 novembre 2009 ; voir le dossier législatif sur ce texte http://www.senat.fr/dossierleg/ppl09-093.html
* 57 Cet article dispose que « si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l'un d'eux, de la personne ou du service à qui l'enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public. Dans les cas où le ministère public a été avisé par le président du conseil général, il s'assure que la situation du mineur entre dans le champ d'application de l'article L. 226-4 du code de l'action sociale et des familles. Le juge peut se saisir d'office à titre exceptionnel. »
* 58 Audition de M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République le 23 février 2010 ; le compte rendu est disponible sur Internet http://www.senat.fr/bulletin/20100222/lois.html#toc2
* 59 La Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), dite aussi "Convention de New York " a été adoptée par l'Organisation des Nations Unies le 20 novembre 1989. Elle est entrée en vigueur, en France, le 2 septembre 1990.