3. Le diagnostic d'un foisonnement d'autorités aux compétences voisines
Au total, le législateur a procédé à la création successive de plusieurs autorités, qu'il a dotées d' attributions voisines dans le domaine de la protection des droits.
Cette démarche empirique reflète l'évolution progressive des exigences en matière de libertés publiques. La segmentation qui en découle peut même paraître inscrite dans le code génétique des AAI, créées pour « mobiliser, au sein de structures uniques et réactives, des compétences adaptées à un secteur particulier », comme le relève votre rapporteur dans le bilan qu'il a réalisé pour l'Office parlementaire d'évaluation de la législation.
Cependant, a posteriori , ce foisonnement d'autorités intervenant, avec des moyens et des compétences comparables, sur des aspects connexes d'un seul et même domaine, celui de la protection des droits et libertés, aboutit à un système complexe .
Le Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la V ème République, présidé par M. Edouard Balladur, a ainsi observé que « le Défenseur des enfants, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et bientôt le Contrôleur général des lieux de privation de liberté sont, parmi d'autres et avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés, au nombre de ces autorités administratives indépendantes dont les champs de compétence respectifs paraissent empiéter en tout ou partie sur celui du Médiateur de la République. Il en résulte une dilution des responsabilités qui est par elle-même préjudiciable aux droits des citoyens. Ces derniers, confrontés à des erreurs administratives mettant en cause leurs droits fondamentaux, ne savent pas même à quel organisme s'adresser pour faire valoir leurs droits » 10 ( * ) .
Ce comité a ainsi exprimé un constat établi par le législateur lui-même lors de l'examen des derniers textes créant des autorités administratives indépendantes dans le domaine de la protection des droits. Cette multiplication des autorités permet-elle véritablement d'assurer une protection accessible aux personnes ? Ne complique-t-elle pas à l'excès l'organisation d'un système censé aider les personnes confrontées à des dysfonctionnements et à des atteintes au droit, tandis qu'au même moment il apparaît indispensable de mettre en place des guichets uniques, pour simplifier les démarches administratives ?
Dressant le constat d'une multiplication des autorités administratives, le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation de juin 2006 estime d'ailleurs que « le législateur ne doit pas rejeter a priori toute réorganisation du paysage des AAI qu'il a créées » 11 ( * ) . Il ajoute que « l'examen régulier de l'activité de chaque autorité par les organismes parlementaires compétents peut, le cas échéant, faire émerger des possibilités de fusion ou d'absorption de nature à simplifier notre système d'autorités administratives indépendantes » .
Aussi la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a-t-elle ouvert la voie à une rationalisation du système français d'autorités indépendantes chargées de la protection des droits et libertés, en créant un Défenseur des droits doté, en la matière, d'une compétence générale.
* 10 Voir le rapport du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, p. 92-93.
* 11 Voir le rapport sur les autorités administratives indépendantes fait par votre rapporteur au nom de l'Office parlementaire d'évaluation de la législation : Les autorités administratives indépendantes : évaluation d'un objet juridique non identifié, Office parlementaire d'évaluation de la législation, Sénat, n° 404 (2005-2006), tome I, p. 74-77.