TITRE II - DISPOSITIONS DIVERSES DE SIMPLIFICATION RELATIVES À DES PROFESSIONS RÉGLEMENTÉES
CHAPITRE 1er - MARCHÉS D'INTÉRÊT NATIONAL
Article 11 - (articles L. 761-1, L. 761-4 à L. 761-8 et L. 761-11 du code de commerce) - Règles relatives au périmètre de référence pouvant être institué autour d'un marché d'intérêt national
Commentaire : cet article réforme la législation sur les marchés d'intérêt national pour la rendre compatible avec la directive sur les services.
I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a substantiellement modifié le texte de l'article 11 du projet de loi en supprimant le périmètre de protection des MIN alors que le texte du Gouvernement prévoyait initialement de le conserver en lui donnant une nouvelle justification.
LE PÉRIMÈTRE DE PROTECTION DES MIN Les règles relatives aux MIN figurent au titre VI du livre VII du code de commerce. Les marchés d'intérêt national y sont définis comme « des services publics de gestion de marchés, dont l'accès est réservé aux producteurs et aux commerçants, qui contribuent à l'organisation et à la productivité des circuits de distribution des produits agricoles et alimentaires, à l'animation de la concurrence dans ces secteurs économiques et à la sécurité alimentaire des populations » (article L. 761-1). Les usagers de ce service public, notamment les titulaires d'autorisation d'occupation, acquittent une redevance (article L. 761-3). Un périmètre de référence peut être institué par décret en Conseil d'État autour du marché d'intérêt national (L. 761-4). Dans ce périmètre, sont interdits le déplacement ou la création d'un établissement pratiquant la vente en gros de produits dont la liste est fixée par arrêté interministériel (L. 761-5). Le préfet peut accorder des dérogations à cette interdiction (L. 761-7). Ces dérogations sont accordées selon des critères règlementairement définis à l'article L. 761-11, critères qui consistent en un test économique : le demandeur doit en effet démontrer que les besoins de sa clientèle ne sont pas satisfaits par le circuit de distribution existant contrairement à l'offre que lui-même propose. Sa demande est accompagnée notamment d'une étude de marché approfondie illustrée, le cas échéant, de cartes et d'éléments statistiques. |
Estimant que la seule disposition de la législation sur les MIN qui contrevient de manière flagrante à la directive « services » est celle qui fonde la procédure de dérogation sur un test économique, le Gouvernement a souhaité transposer la directive sans remettre en question, en tant que tel, le périmètre de protection des MIN. S'inspirant de la réforme de l'urbanisme commercial réalisée en 2008 dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie, il a ainsi proposé un texte qui maintient une autorisation administrative préalable à toute installation d'un grossiste dans ce périmètre, mais en fondant cette autorisation non pas sur un test économique, mais sur d'autres considérations, telles que des critères écologiques ou des objectifs d'aménagement du territoire. L'idée est qu'un MIN participe d'une une gestion maîtrisée des trafics de marchandise et des déchets spécifiques aux produits concernés. Il facilite aussi l'accès du commerce de détail et des restaurateurs à une offre diversifiée et aisément contrôlable sur le plan sanitaire. Ces objectifs d'intérêt général ouvrent donc la possibilité, du point de vue du Gouvernement, de mettre en place un dispositif d'autorisation préalable dans le cadre de la directive.
Cette tentative pour maintenir les périmètres de protection et une autorisation d'installation n'a cependant pas convaincu les députés, qui ont décidé de supprimer les périmètres de protection. Dans le texte tel qu'adopté par l'Assemblée nationale, les MIN sont définis comme des services publics de gestion de marchés qui offrent, à des grossistes et à des producteurs, des services de gestion collective adaptés aux caractéristiques de certains produits agricoles et alimentaires répondant à des objectifs d'aménagement du territoire et d'amélioration de la qualité environnementale et de sécurité alimentaire. Néanmoins, les grossistes n'ont plus l'obligation de recourir aux services des MIN et peuvent librement s'installer sur l'ensemble du territoire .
II. La position de votre commission
En premier lieu, votre rapporteur n'est pas entièrement convaincu de la compatibilité du texte initialement proposé par le Gouvernement avec les exigences de la directive « services ». Les critères écologiques et les critères de développement des territoires mis en avant pour le maintien d'un contrôle administratif sur l'installation des grossistes dans les zones situées dans le périmètre des MIN paraissent en effet discutables. Le doute est grand s'agissant particulièrement du périmètre de Rungis, qui couvre une grande partie du territoire de la région d'Île-de-France. Est-il écologique qu'un restaurateur de la Porte de la Chapelle doive se déplacer jusqu'à Rungis pour s'y approvisionner ? On note par ailleurs que ce système de monopole est unique en Europe et qu'il sera donc délicat de convaincre la Commission européenne que ce dispositif est nécessaire ou proportionné aux objectifs d'intérêt général affichés.
En second lieu, la transposition de la directive sur les services doit être l'occasion de remettre à plat la législation sur les MI N et d'interroger les fondements même d'une législation restrictive, qui a eu sans doute sa raison d'être lors de sa mise en place, mais dont on peut se demander si elle a encore une véritable justification un demi-siècle plus tard. Comme son collègue de l'Assemblée nationale, votre rapporteur estime à cet égard que le maintien d'un périmètre de référence autour des MIN est une mesure obsolète, qui comporte de nombreux inconvénients.
Aujourd'hui en effet, l'un des principaux enjeux pour l'avenir du commerce en France, enjeu auquel les représentants nationaux et les élus locaux sont très attentifs, est le maintien, et même le développement, du commerce de proximité. Or, les petits commerces de proximité et les restaurateurs sont soumis à des contraintes d'approvisionnement fortes. Passant beaucoup de temps dans leur commerce, ils peuvent difficilement s'approvisionner auprès de grossistes situés en des lieux éloignés, à des horaires stricts. Par ailleurs, la gestion des stocks se fait en flux tendus dans les commerces de proximité, ce qui suppose un réapprovisionnement fréquent en petites quantités. Ce modèle économique est donc difficilement compatible avec la centralisation du commerce de gros au sein des MIN. Si l'on souhaite un petit commerce de proximité, il faut favoriser l'installation de grossistes de proximité , ce qui implique la remise en question des périmètres de protection des MIN. Votre rapporteur a été saisi de plusieurs demandes en ce sens, notamment par la Fédération nationale de l'épicerie, forte de 37 000 adhérents, qui a indiqué qu'elle était favorable au développement de réseaux d'approvisionnement alternatifs en dehors des MIN.
Une concurrence plus vive entre les différentes formes de grossistes est également souhaitable à l'autre bout de la filière, pour les agriculteurs qui aliment les MIN. Votre rapporteur remarque en effet qu'à Rungis seul le prix après vente fait foi. Ce système, selon lequel le grossiste donne le prix d'achat au producteur une fois la marchandise vendue, prive donc l'agriculteur de la maîtrise du prix. À l'inverse, les grossistes de type « cash and carry », dont le développement est bloqué par le maintien du périmètre des MIN, fonctionnent avec des prix affichés, résultat d'une négociation comme dans les centrales d'achats.
Votre rapporteur souligne enfin qu' il ne faut pas confondre suppression du périmètre des MIN et suppression des MIN . En France même, l'exemple de Lyon montre qu'un MIN fonctionne bien sans périmètre. Au reste, la Semmaris, la société gestionnaire de Rungis, exporte son savoir-faire dans les autres pays où il n'existe pas de périmètre. Votre rapporteur ne pense donc pas que la suppression des périmètres de protection existants menace les MIN. Il observe d'ailleurs que ces derniers ont des atouts économiques forts à faire valoir. Leur offre, par sa qualité et sa diversité, répond aux besoins de certains types de commerces. Par exemple, l'Union Nationale des Détaillants en Fruits et Légumes (UNFD) a fait savoir à votre rapporteur que les MIN sont un outil fondamental dans la différenciation de l'offre commerciale de ses 14 000 adhérents. Même en l'absence de périmètre de protection, rien n'empêchera ces commerçants, qui trouvent un vrai service auprès de MIN, de continuer à s'y approvisionner.
Pour ces différentes raisons, votre rapporteur est favorable au maintien de la suppression du périmètre de référence des MIN votée par l'Assemblée nationale.
Votre commission a adopté cet article sans modification. |