EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 4 novembre 2010, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial, sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », le compte de concours financier « Avances aux collectivités territoriales » et les articles 79 à 86.
M. Pierre Jarlier , rapporteur spécial . - Je vais d'abord vous présenter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales », avant d'aborder la partie la plus importante de cet exposé, la présentation des huit articles rattachés à la mission.
La mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui est exécutée sous la responsabilité du directeur général des collectivités locales, regroupe les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales qui sont inscrits en dotations budgétaires, et les moyens de la direction générale des collectivités locales (DGCL). Elle représente 2,5 milliards d'euros sur un effort financier de l'État en direction des collectivités territoriales de 59,431 milliards, hors fiscalité transférée, dégrèvements, subventions pour travaux d'intérêt local, subventions des ministères et crédits consacrés à la direction générale des collectivités territoriales.
Elle est constituée de quatre programmes : le programme 119 « Concours financiers aux communes et groupements de communes » doté de 775 millions d'euros ; le programme 120 « Concours financiers aux départements » regroupant 491 millions d'euros répartis entre la dotation générale de décentralisation et la nouvelle dotation globale d'équipement aux territoires ruraux créée par l'article 82 du projet de loi de finances ; le programme 121 « Concours financiers aux régions » dont les crédits s'élèvent à 891 millions en crédits de paiement pour la dotation générale de décentralisation ; le programme 122 « Concours spécifiques et administration » doté de 354 millions de crédits de paiement qui regroupe les aides exceptionnelles aux collectivités territoriales, les moyens servant à l'administration des programmes de la mission, et les crédits au titre de compétences transférées concomitamment à plusieurs niveaux de collectivités.
Le principe du gel en valeur, sur la totalité de la période du budget triennal 2011-2013, des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales caractérise ce budget. Ce gel concerne toutes les dotations comprises dans « l'enveloppe normée », à l'exception du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) et des amendes de police, qui sortent du périmètre de l'enveloppe.
La plupart des dotations retracées par cette mission sont donc gelées. Ainsi en est-il de la dotation forfaitaire « titres sécurisés », de la dotation de développement urbain (DDU), de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de la dotation régisseurs de police municipale et de la dotation globale d'équipement des départements.
S'agissant des dotations générales de décentralisation (DGD), qui sont calculées en fonction des charges transférées, quelques ajustements mineurs sont prévus.
Les dotations outre-mer, qui obéissent à des règles d'indexation spécifiques, échappent, de fait, à la règle du gel en valeur. C'est le cas notamment de la dotation globale de compensation versée à la Nouvelle-Calédonie au titre des services et établissements publics transférés, qui augmente de 2,2 %, et de la dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires versée à Mayotte.
Pour ce qui est des crédits de fonctionnement de la direction générale des collectivités locales, les moyens en autorisations d'engagement augmentent fortement, ce qui correspond à une progression des dépenses d'informatique, liée au développement d'un module expert de contrôle budgétaire, au sein du projet ACTES (aide au contrôle de légalité dématérialisé), et surtout au projet « Colbert départemental » qui assurera une plus grande fiabilité des échanges de données entre les préfectures et la DGCL, pour la répartition de la DGF.
J'en viens au compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » dont les crédits s'élèvent à 86,695 milliards d'euros pour 2011.
Ce compte comporte deux sections. La première retrace les avances de l'État à des collectivités territoriales et à des établissements publics connaissant des difficultés de trésorerie ou ayant besoin d'emprunter, et la seconde retrace les avances sur les recettes fiscales des collectivités territoriales et représente 99,99 % des crédits.
La première section, dotée de 6,8 millions d'euros, est très peu active. Une seule collectivité territoriale est encore à ce jour concernée et le remboursement de son avance devrait intervenir d'ici la fin de l'année 2010. L'action 2 de ce programme est dotée de 800 000 euros et elle permet au ministre de l'économie d'accorder des avances aux collectivités qui décident de contracter un emprunt à moyen ou à long terme. Elle n'a pas servi depuis 1996. Il est donc, à mon sens, devenu inutile de provisionner cette action et je vous propose de supprimer ces crédits. C'est mon amendement n° 1.
L'augmentation de 50 % de la seconde section du compte est due au fait qu'en 2010 il n'y avait plus de taxe professionnelle alors qu'en 2011, le compte de concours financiers retracera les reversements de recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de cotisation foncière des entreprises (CFE), d'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) et de taxe sur les surfaces commerciales.
Sous réserve de ces observations, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».
Venons-en aux huit articles rattachés à la mission. L'article 79 proroge la dotation spéciale de construction et d'équipement des établissements scolaires (DSCEES) de Mayotte jusqu'en 2013 et majore son montant de 5 millions d'euros. Cette prolongation est nécessaire compte tenu du retard pris dans la mise en oeuvre d'une fiscalité de droit commun dans cette collectivité. Il faut donc prévoir un financement de la construction des établissements par une subvention de l'État. On peut s'étonner toutefois du doublement de son montant. Il faut probablement en conclure que, depuis 2003, les montants alloués à Mayotte étaient sous-évalués au regard des besoins de la collectivité et que cette forte augmentation est due à la départementalisation du territoire.
Je vous propose d'adopter cet article sans modification.
L'article 80 fixe, pour 2011, les évolutions de diverses composantes de la DGF afin de préserver des marges de manoeuvre pour les dotations de péréquation, dans un contexte de gel des concours de l'État. Il s'inscrit dans le prolongement des mesures adoptées dans les précédentes lois de finances pour 2009 et 2010, qui avaient prévu l'écrêtement du complément de garantie des communes et le gel de la croissance des dotations d'investissement, et dans le contexte général du gel des concours de l'État aux collectivités territoriales.
Cet article limite la progression des parts forfaitaires de la DGF de chacun des niveaux de collectivités territoriales.
Les modalités retenues sont les suivantes : pour le bloc communal, gel en valeur des dotations de base par habitant, écrêtement du complément de garantie des communes en fonction du potentiel fiscal - soit pour toutes les communes dont le potentiel fiscal est supérieur à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen - et écrêtement de la dotation de compensation des communes et EPCI. Pour les départements, nous constatons le gel en valeur de la dotation de base par habitant. Autrement dit, la péréquation sera financée avec le produit de l'écrêtement des dotations de base. Nous évoluons donc vers une forme de péréquation horizontale, là aussi. Pour les régions, enfin, diminution de la dotation forfaitaire de 0,12 %.
M. Jean Arthuis , président . - Il n'y aura donc aucune réforme de fond pour la péréquation. L'écart, en termes de dotation par habitant, restera de un à quatre.
M. Pierre Jarlier , rapporteur spécial . - Tout est gelé. Mais la péréquation est traitée par ailleurs.
Les règles ainsi définies appellent plusieurs observations. Dans le contexte actuel, le gel des dotations forfaitaires est inévitable à double titre : il permet de prendre en compte les contraintes liées à l'augmentation de la population et au développement de l'intercommunalité et il assure simultanément une progression satisfaisante des dotations de péréquation.
Le dispositif de ciblage de l'écrêtement du complément de garantie mériterait d'être précisément évalué et sans doute moins concentré sur un petit nombre de collectivités. Je ne dispose pas cependant des éléments suffisants pour vous proposer de modifier la limite de 0,75 fois le potentiel fiscal moyen par habitant constaté au niveau national, limite au-delà de laquelle s'applique l'écrêtement.
Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, l'Assemblée nationale a adopté un amendement à l'article 23, relatif à l'évolution des compensations d'exonérations, qui vise à instituer en 2011 un prélèvement sur recettes de l'État d'un montant de 115 millions d'euros qui serait versé globalement à la DGF 2011. Le vote des articles de seconde partie à l'Assemblée pourrait donc modifier assez sensiblement les règles d'évolution fixées par cet article.
Dans ce contexte, se pose aussi la question de l'avenir du Comité des finances locales (CFL). Cette instance s'est en effet imposée ces dernières années comme un partenaire reconnu et efficace de l'État, du Parlement et des élus locaux. En proposant l'inscription directe dans la loi des divers montants des composantes de la DGF des collectivités territoriales, ce projet de loi de finances prive le CFL d'une grande part de ses compétences, ce qui est regrettable. Il convient donc, pour préserver ses prérogatives, de restaurer à son profit des marges de manoeuvre dans un contexte de gel durable des dotations, moins favorable que la période passée durant laquelle le CFL était amené à répartir la progression des concours de l'État.
Je vous propose de réserver la position de la commission sur cet article jusqu'à son examen par l'Assemblée nationale.
L'article 81 précise les règles d'évolution applicables en 2011 aux principales dotations de péréquation communale. Il prévoit une augmentation de la masse mise en répartition, au titre de la DSU-CS, de 77 millions d'euros, soit une progression de 6,23 %, et un accroissement de la DSR de 50 millions. Il propose également la prorogation en 2011 des modalités de répartition de la DSU en vigueur, c'est-à-dire la reconduction du mécanisme dit de « DSU cible » qui doit permettre, à titre transitoire, de concentrer pour une année supplémentaire l'essentiel de la progression de la dotation sur les communes les plus défavorisées. Enfin, il propose de maintenir à 50 millions le montant de la DDU pour 2011.
Cet article appelle deux observations : la réforme de la DSR qui a fait l'objet d'un groupe de travail au Comité des finances locales, pourrait être présentée sous la forme d'un amendement du Gouvernement au cours de l'examen du projet de loi de finances. En outre, comme pour l'article 80, cet article aboutit à restreindre fortement le rôle du CFL dans la mesure où les règles d'évolution des dotations de péréquation figurent dans la loi.
Il convient donc de redonner des marges de manoeuvre au CFL. Le projet de loi prévoit en effet que la croissance de la DSR doit aller à la fraction « péréquation ». Il serait préférable de s'en remettre au CFL qui a toujours fait preuve de sagesse dans la répartition de la croissance de la DSR entre fraction « péréquation » et fraction « bourgs-centres ». C'est l'objet de mon amendement n° 2. Je vous propose donc d'adopter cet article sous réserve de cette modification.
L'article 82 crée une nouvelle dotation à destination des communes rurales par la fusion de la DGE et de la DDR. Cette dotation unique, intitulée dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), s'élèverait pour 2011, à 615,7 millions, soit les montants cumulés 2010 de la DGE et de la DDR. La DETR subventionnera les dépenses d'équipement des communes et groupements de communes à fiscalité propre, situés essentiellement en milieu rural. Les critères retenus sont fondés sur la population et la richesse fiscale des communes et EPCI à fiscalité propre, déjà en vigueur dans l'un ou l'autre des deux dispositifs fusionnés.
En ce qui concerne les modalités de calcul des enveloppes départementales, les critères retenus sont, pour 70 % du montant total de la dotation, la population et le potentiel fiscal moyen par habitant des EPCI éligibles, et pour les 30 % restants, la densité de population du département et le potentiel financier moyen des communes éligibles. Les charges territoriales sont donc prises en compte dans cette répartition, ce dont je me félicite. Ces modalités de calcul favorisent l'intercommunalité en réservant la plus grande part de l'enveloppe aux critères relatifs aux EPCI.
Un système de garantie est prévu afin que l'enveloppe départementale soit au moins égale à 90 % et au plus égale à 110 % du montant de l'enveloppe versée au département l'année précédente au titre de la DGE et de la DDR.
Une commission d'élus, sur le modèle de la commission d'élus de la DGE des communes, est créée. Cette mesure de simplification renforcera l'efficacité des subventions versées par l'État et réduira les délais d'instruction et de décision. Mais la nouvelle commission ne disposera pas de compétences aussi étendues que la commission d'élus actuellement en charge de la DDR, celle-ci étant consultée sur chacune des opérations subventionnables. Le texte définissant les attributions de la nouvelle commission d'élus DETR s'inspire, en effet, du modèle de la commission DGE qui n'est saisie pour avis que de la définition des catégories d'opérations prioritaires et, dans des limites fixées par décret en Conseil d'État, des taux minima et maxima de subvention applicables à chacune d'elles. Ce choix aboutit à priver les élus de compétences qu'ils exercent actuellement. Je vous présente donc un amendement n° 3 visant à rétablir ces compétences en prévoyant que la liste des opérations à subventionner et les montants des subventions sont soumis pour avis à la commission d'élus. En outre, afin de ne pas retarder les procédures de répartition des subventions en 2011, du fait des élections des nouvelles commissions, un autre amendement n° 4 prévoit qu'exceptionnellement en 2011 la commission d'élus de la DETR sera composée des deux commissions d'élus DGE et DDR fusionnées.
Je vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
L'article 83 fixe à 10 millions d'euros le montant du fonds destiné aux communes perdant des ressources du fait de la restructuration des armées. Je vous suggère d'adopter cet article sans modification.
L'article 84 tire les conséquences, pour les règles de répartition de la dotation de péréquation urbaine, de la généralisation du RSA au 1 er juin 2009 en supprimant la référence au RMI. Il convient d'adopter cet article de coordination sans modification.
L'article 85 relève les seuils d'éligibilité à la garantie de dotation d'intercommunalité des établissements publics de coopération intercommunale, attribuée au titre du coefficient d'intégration fiscale (CIF). Le seuil passerait de 0,5 à 0,6 pour les communautés de communes à fiscalité additionnelle et de 0,4 à 0,5 pour les communautés d'agglomération et les communautés de communes à fiscalité unifiée. Le Gouvernement souhaite ainsi limiter le poids des garanties s'appliquant aux dotations d'intercommunalité des EPCI, qui rigidifient sa répartition. Ainsi, en 2010, 914 EPCI ont bénéficié de garanties pour un montant total de 275 millions, soit plus de 10 % du montant total réparti.
Cette mesure devrait dégager, sur la totalité des catégories d'EPCI, une économie de 10,7 millions en 2011, nécessaire pour financer la dotation d'intercommunalité. Toutefois, on observe que seuls 30% des EPCI bénéficient en 2010 de cette garantie malgré une forte progression ces dernières années. En outre, des EPCI qui se sont mis en situation d'augmenter leur CIF en 2010 ne bénéficieront pas de cette garantie en 2011 du fait du relèvement des plafonds. Je vous propose donc de réserver la position de la commission sur cet article jusqu'à son examen par l'Assemblée nationale.
L'article 86 actualise les dispositions relatives aux modalités de calcul des potentiels fiscaux et financiers des différents niveaux de collectivités territoriales. Le potentiel fiscal et le potentiel financier permettent d'établir une comparaison des richesses fiscale et financière potentielles, et non réelles, des collectivités les unes par rapport aux autres. Ils sont pris en compte dans le calcul des dotations de péréquation : pour le niveau communal, DSU-CS, DSR, DNP, dotation d'intercommunalité, ainsi que le fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF) ; dotation de fonctionnement minimale et dotation de péréquation urbaine pour les départements ; dotation de péréquation régionale pour les régions.
La suppression de la taxe professionnelle et la mise en place pour 2010 d'un régime transitoire avec la compensation relais ont rendu largement obsolètes les dispositions relatives aux modalités de calcul des potentiels fiscaux et financiers des différents niveaux de collectivités territoriales.
Cet article propose un dispositif en deux temps. Afin de préserver l'objectivité du calcul du potentiel fiscal, une distinction est faite entre l'année 2011 et les années suivantes pour éviter l'effet de la compensation-relais. Le potentiel fiscal pour 2011 prendrait donc en considération les taux moyens nationaux des trois impôts sur les ménages de l'année 2010 et les bases et taux moyens nationaux de taxe professionnelle utilisés pour le calcul du potentiel fiscal 2010. Cette disposition permettrait de faire de 2011 une année de transition dans la répartition des dotations de l'État aux collectivités territoriales. A compter de 2012, serait mis en place un potentiel fiscal recalculé tirant les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle et des recompositions de fiscalité locale entre niveaux de collectivités.
Le II de cet article accorde un sursis d'une année au FSRIF, puisqu'il prévoit qu'en 2011 les bases et les taux de taxe professionnelle retenus sont ceux utilisés pour l'application du second prélèvement en 2010.
Je suis convaincu du bien-fondé de la position du Gouvernement pour 2011. Il est en effet judicieux d'écarter la compensation-relais dont la logique est très différente de celle retenue pour le calcul de la richesse potentielle. Pour ce qui concerne les définitions des potentiels fiscal et financier prévues à partir de 2012, je suis en revanche très réservé. Cet article a certes le mérite d'exister et constitue une base de réflexion. Il est également appréciable qu'il élargisse la définition actuelle du potentiel fiscal en l'ouvrant à l'ensemble des impositions économiques. Toutefois, il n'existe pas de simulations détaillées pour 2012 autres que celles réalisées par la mission confiée à l'Inspection générale de l'administration et l'Inspection générale des finances et que l'on trouve dans le rapport Durieux. En outre, le projet de loi de finances propose plusieurs ajustements de la fiscalité économique locale qui auront des effets importants sur le potentiel fiscal des collectivités territoriales.
Du fait de cette grande incertitude, il serait plus raisonnable de laisser du temps à la réflexion, à la concertation et aux simulations et de reporter à plus tard la définition du potentiel fiscal 2012. Je vous présente un amendement, n° 5, en ce sens.
Je vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
M. Jean Arthuis , président . - Merci pour ce rapport. Sur plusieurs points, notre commission ne pourra pas statuer définitivement tant que l'Assemblée nationale ne s'est pas prononcée. Nous sommes dans une période transitoire durant laquelle il n'est possible de prendre que des mesures conservatoires.
M. Philippe Dallier . - L'année prochaine, le complément de garantie au titre de la DGF pour les communes sera raboté de 150 millions et, contrairement à 2010 où l'on avait écrêté uniformément tout les communes, on devrait être plus sélectif en 2011. Mais j'ai du mal à comprendre puisqu'il s'agit d'écrêter des communes où le potentiel fiscal par habitant est supérieur ou égal à 0,75 fois le potentiel fiscal moyen. Cette disposition va donc toucher des communes qui sont déjà sous le potentiel fiscal moyen ! On nous présente cela comme une mesure sélective afin de ne pas pénaliser tout le monde, et la mesure frappe à un niveau fort bas. Ne faudrait-il pas relever ce seuil ?
Je m'interroge aussi sur l'utilité de la DDU. Lorsqu'on est arrivé au terme du processus du doublement de la DSU, après l'avoir fait passer de 600 millions d'euros à 1,2 milliard, certains se sont émus et ont demandé à ce qu'elle continue à progresser de 120 millions tous les ans. Le Gouvernement a coupé la poire en deux : il ne l'a augmentée que de 70 millions mais il a créé la DDU, dotée de 50 millions, pour encourager les investissements. Ne faudrait-il pas remettre ces 50 millions dans la progression de la DSU ? Les communes les plus en difficulté ont plutôt besoin d'équilibrer leur section de fonctionnement que leur section d'investissement. Or, avec la DDU, on sélectionne sur dossier et on se demande toujours comment les choix ont été opérés. Les communes doivent, en outre, présenter des projets d'investissements alors que celles qui sont en difficulté ne peuvent en présenter tous les ans. Cette mécanique est complexe et elle rate son but. Par souci d'efficacité, je préfèrerais que l'on remette ces 50 millions dans la DSU.
M. Pierre Jarlier , rapporteur spécial . - On appliquait une baisse générale de 2 % sur le complément de garantie, de manière linéaire ; le choix, cette année, se veut péréquateur. Mais il ne touche pas que les communes les plus riches. Nous n'avons pas obtenu les simulations détaillées que nous demandions, mais 6 500 communes seraient concernées. Il est préférable d'attendre le vote de l'Assemblée nationale avant de faire bouger le curseur de l'écrêtement. Voilà pourquoi nous proposons de réserver notre décision. Cela dit, le potentiel fiscal visé est une moyenne nationale et non par strate.
M. Jean Arthuis , président . - Quelles communes l'écrêtement affecterait-il ?
M. Pierre Jarlier , rapporteur spécial . - Toutes celles au-dessus de ce seuil.
M. Philippe Dallier . - Y compris celles qui bénéficient du complément de garantie !
M. Pierre Jarlier , rapporteur spécial . - Je ne suis pas loin de penser comme vous sur la DDU. Pour autant c'est une subvention d'investissement, avec des programmes en cours, alors que la DSU aide au fonctionnement. Il paraît difficile de décider leur fusion par un amendement.
M. Philippe Dallier . - J'essaierai...
M. Edmond Hervé . - Je suis, comme toujours, admiratif devant l'expertise et la sagesse de M. Jarlier. Quel lien y a-t-il entre gel des dotations, péréquation et clause de revoyure ? Je souhaiterais plus de clarté.
M. Pierre Jarlier , rapporteur spécial . - La mission « Relations avec les collectivités territoriales » n'est pas directement concernée par la clause de revoyure, laquelle concerne les ressources fiscales mises en place à partir de la réforme de la taxe professionnelle. Je vous renvoie à l'article 63 du projet de loi de finances qui crée un fonds de péréquation directement lié à cette réforme.
M. Jean Arthuis , président . - Il faudra un jour mettre en cohérence la péréquation fiscale et les dotations afin d'éviter des injustices insupportables.
M. Edmond Hervé . - Méfions-nous du « syndrome de Washington » : ici aussi, nous connaissons la contestation du pouvoir central. Or la complexité atteinte par la fiscalité locale peut susciter les critiques véhémentes de certains élus territoriaux.
M. Jean Arthuis , président . - Il vient un moment où nous ne pouvons plus expliquer ce que nous faisons. Retraites, fiscalité, tout cela est compliqué et inégalitaire.
M. Pierre Bernard-Reymond . - Les technocrates sont au pouvoir ...
M. Edmond Hervé . - Cela alimente la division entre la base et les élus.
M. Pierre Jarlier , rapporteur spécial . - Il y a un vrai problème de lisibilité. La DGF permettait une péréquation verticale mais l'on en est venu à écrêter des dotations pour financer la péréquation. Il faudrait que celle-ci intègre tous les éléments et soit traçable.
M. Philippe Marini , rapporteur général . - Si nos systèmes sont aussi complexes, c'est que nous ne savons pas très bien ce que nous voulons. Nous affirmons une règle pour en limiter aussitôt les effets, nous énonçons un principe en prévoyant des exceptions. Comment cela serait-il compréhensible ? Lorsqu'une réforme globale des dotations est intervenue en 2005, j'avais eu l'illusion de comprendre un peu, mais la complexité s'est installée, malgré les meilleures intentions du monde. Si c'était techniquement possible, il faudrait tout mettre à plat tous les trois ans, simplifier, éliminer les contradictions et les doublons. Mais les administrations n'ont rien à gagner à ce travail considérable et les parlementaires, qui ont mille choses à faire, n'ont pas la base de données ni les moyens de procéder à des simulations. On le voit bien avec la question sur la DSU et la DDU : comment faire sans la liste des communes concernées ? Alors on est prudent et l'on n'agit que quand un élu crie trop fort.
M. Jean Arthuis , président . - Nous ne sommes jamais parvenus à créer un système de simulation propre au Sénat. Il n'y a que quelques spécialistes, qui travaillent à la DGCL, et répondent à une demande politique. Certains amendements sont inspirés par des spécialistes, souvent formés à l'université de Rennes. Il y aurait 800 critères pour la DGF. Tant qu'il y avait du grain dans la mangeoire, on pouvait agir, mais l'on ne peut réformer que quand il y a des gagnants ou qu'il n'y a pas de perdants. Or ici, on va écrêter des communes qui ne sont pas même à la moyenne du potentiel fiscal. On pourrait relever jusqu'à la moyenne.
M. Charles Guené . - Cela ne suffit pas.
M. Pierre Jarlier , rapporteur spécial . - Seules très peu de grandes villes seraient touchées.
M. Edmond Hervé . - Vous avez mentionné Rennes où, voilà une quarantaine d'années, a été créé un Institut des finances locales, à l'initiative d'Yves Fréville. Nous sommes un certain nombre à en être sortis. Un bureau d'études s'est créé, nous travaillons ensemble. Je suggère que pendant un mois, nous arrêtions de discuter des amendements pour prendre le temps d'élaborer des textes fondamentaux et nous constituer une culture commune. Je mesure les pressions, je vois aussi que l'on ne vote que des amendements : la suppression de la taxe professionnelle n'est pas un grand texte fondamental.
M. Philippe Dallier . - Il ne s'agit pas de rêver du grand soir fiscal mais de savoir quand interviendra la grande réforme de la péréquation et de la DGF. Jean-Jacques Jégou vous dirait que dans le Val-de-Marne, les écarts dont de 1 à 2 entre communes comparables ; la différence atteint 35 % en Seine-Saint-Denis. Commençons par traiter de la DGF.
M. Edmond Hervé . - Quand une réforme ne fait que des perdants, elle est vouée à l'échec. C'est pourquoi la réforme est difficile...
M. Jean Arthuis , président . - Elle n'a pourtant jamais été aussi nécessaire.
M. Philippe Marini , rapporteur général . - Seule la révolution est possible...
M. Jean Arthuis , président . - Ou la faillite ! Le Fonds monétaire international nous donnera alors ses instructions...
Mme Nicole Bricq . - Le FMI n'a pas les experts pour cela...
M. Charles Guené . - Je remercie M. Jarlier de la clarté de son rapport. L'Assemblée nationale a essayé d'obtenir 115 millions d'euros supplémentaires qui pourront servir à ce que le nombre de communes touchées par l'article 80 passe de 6 000 à 3 000. Je souscris à votre proposition sur la DSR et je suis complètement d'accord avec vous pour la DETR : laissons le pouvoir aux élus, le donner aux préfets constituerait un retour en arrière. Le coefficient d'intégration fiscale des EPCI pourrait toutefois rester au niveau actuel. Un potentiel fiscal temporaire cette année ? Oui, mais on pourrait aussi statuer avec une clause de revoyure car, si l'on reporte la décision, nous n'aurions pas les simulations et serions obligés de réinventer quelque chose l'an prochain.
M. Jean Arthuis , président . - L'idée est de réserver cet article sur le CIF jusqu'au vote de l'Assemblée.
M. Charles Guené . - C'est le réalisme.
M. Jean Arthuis , président . - Nous irons nous former un mois à Rennes. En attendant le grand soir fiscal prévu pour le printemps...
M. Pierre Jarlier , rapporteur spécial . - S'agissant des 0,75 % de potentiel fiscal, nous avons demandé la réserve de l'article afin de ne prendre position qu'après que l'Assemblée aura voté la deuxième partie. Il est important de se rappeler, s'agissant de la DSR, que la fraction de « péréquation » concerne 34 000 communes, de sorte qu'elle n'a pas d'effet péréquateur réel. Il en serait autrement si l'on arrivait à 10 000 communes.
Il ne faut pas pénaliser les communautés qui viennent de prendre de nouvelles compétences. L'on ne peut pas arrêter un dispositif alors que l'on modifie le calcul de la richesse des collectivités. Une fois que les choses sont en place, il est difficile de les modifier. Laissons le temps de la concertation et attendons de disposer des simulations et de connaître les critères. Fixer un dispositif de potentiel fiscal pour 2012 serait prématuré.
M. Jean Arthuis , président . - Nous avons cinq amendements à examiner. L'amendement n° 1 supprime dans le compte spécial « Avances aux collectivités territoriales » 800 000 euros qui ne servent à rien.
M. Pierre Jarlier , rapporteur spécial . - Ils n'ont pas été utilisés depuis 1996.
La commission adopte l'amendement n° 1 à l'article 50 (Etat D annexé) du projet de loi de finances pour 2011.
M. Pierre Jarlier , rapporteur spécial . - Avec l'amendement n° 2 à l'article 81, le comité des finances locales répartira la DSR entre ses deux fractions.
La commission adopte l'amendement n° 2 à l'article 81 du projet de loi de finances pour 2011.
M. Pierre Jarlier , rapporteur spécial . - Par les amendements n° 3 et 4, nous redonnons un pouvoir consultatif à la commission d'élus de la DETR et nous proposons qu'elle soit en 2011 constituée par la fusion des deux commissions existantes DGE et DDR.
La commission adopte les amendements n° 3 et 4 à l'article 82 du projet de loi de finances pour 2011.
M. Pierre Jarlier , rapporteur spécial . - L'amendement n° 5 supprime les dispositions relatives à la définition du potentiel fiscal au-delà de 2011.
La commission adopte l'amendement n° 5 à l'article 86 du projet de loi de finances pour 2011.
A l'issue de ces débats, la commission a décidé de proposer au Sénat :
- l'adoption des crédits du compte de concours financier « Avances aux collectivités territoriales » et des articles 81, 82 et 86 ainsi modifiés ;
- l'adoption sans modification des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ainsi que des articles 79, 83 et 84.
Elle a décidé enfin de réserver sa position sur les articles 80 et 85 jusqu'à leur examen par l'Assemblée nationale.
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Réunie à nouveau le jeudi 18 novembre 2010, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale :
- a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et des articles 79, 83 et 84 ;
- a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 85 ;
- a adopté un amendement à l'article 80, un amendement à l'article 81 et confirmé l'adoption d'un autre amendement à cet article, adopté un amendement à l'article 82, complété le premier amendement adopté sur cet article lors de sa réunion du 4 novembre et confirmé le second amendement adopté sur cet article, et décidé de proposer au Sénat l'adoption de ces trois articles ainsi modifiés ;
- a confirmé l'adoption d'un amendement à l'article 86 et décidé de proposer l'adoption de cet article ainsi modifié ;
- a confirmé sa décision de proposer l'adoption, avec modification, des crédits du compte de concours financier « Avances aux collectivités territoriale ».