III. PRÉSENTATION DES PROGRAMMES

A. LE PROGRAMME 177 « PRÉVENTION DE L'EXCLUSION ET INSERTION DES PERSONNES VULNÉRABLES »

Le programme 177 est placé sous la responsabilité du directeur général de la cohésion sociale du ministère de la santé mais exécuté sous l'autorité du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.

1. Une maquette refondue à la marge
a) Des actions remodelées

A la suite de l'examen du programme par le comité interministériel d'audit des programmes (CIAP), ainsi que des observations formulées par la Cour des comptes et la commission des finances, la maquette du projet annuel de performances a fait l'objet de plusieurs modifications pour le budget 2011.

L' aide alimentaire, dont l'organisation et la mise en oeuvre ont été refondues par la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche, était intégrée dans l'action 2 « Action en faveur des plus vulnérable ». Elle devient une nouvelle action à part entière.

L' allocation de logement temporaire destinée au financement des aires d'accueil des gens du voyage (ALT2) est intégrée à l'action 1 « Prévention de l'exclusion » alors qu'elle était inscrite à la même action 2.

Cette action 2 est désormais intitulée « Hébergement et logement adapté ».

Les actions de soutien à la lutte contre la prostitution , antérieurement portées par l'action 1, et inscrites au projet de loi de finances pour 2010 pour un montant de 2,1 millions d'euros, figurent désormais au programme 137 « Egalité entre les hommes et les femmes » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

La nomenclature d'exécution du programme 177 a également été modifiée dans le sens d'une plus grande lisibilité de la dépense.

Ces changements ont pour objectif de mettre en adéquation la maquette budgétaire de ce programme avec les axes stratégiques qui le sous-tendent et plus particulièrement la modernisation du dispositif d'hébergement-accès au logement des publics sans domicile ainsi que la refonte de l'organisation et de la mise en oeuvre de l'aide alimentaire.

Votre rapporteur spécial prend acte des modifications apportées à la maquette budgétaire du programme qui vont dans le sens d'une meilleure lisibilité du projet annuel de performances.

b) Des particularités persistantes

Le programme 177 comporte cependant toujours certaines particularités qui méritent d'être relevées .

Ainsi, le programme finance à hauteur de 839 810 euros 11 ( * ) un Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales (IFCASS), situé à Dieppe, dont le lien avec le programme 177, et plus généralement la mission « Ville et logement » n'est pas établi. Les justifications présentées par les documents budgétaires, s'agissant d'un opérateur de la mission, se limitent à indiquer qu'il « a pour mission de dispenser une formation en vue de préparer aux différents concours des trois fonctions publiques et aux carrières du domaine sanitaire et social. Cette formation est destinée en priorité aux jeunes originaires d'outre-mer. Elle peut également développer des activités de formation à destination des jeunes de l'agglomération dieppoise . »

Considérant ces explications insuffisantes, votre rapporteur spécial vous propose, en conséquence, de supprimer les crédits inscrits à ce titre dans le projet de budget 2011 .

Le programme 177 regroupe également, au sein de son action « Rapatriés » , plusieurs dispositifs mis en place au profit des rapatriés réinstallés, des harkis, anciens supplétifs et leurs familles. Les systèmes d'aides exceptionnels arrivant à échéance, le montant des crédits inscrits est en forte diminution.

Évolution des crédits de l'action « Rapatriés »

(en milliers d'euros)

Dispositif d'aide

Exécution 2009

PLF 2010

PLF 2011

Désendettement des rapatriés réinstallés

16 830

1 900

150

Plan Harkis

4 420

1 900

1 000

Allocation de reconnaissance et aux orphelins

39 020

16 200

13 150

Total

60 270

20 000

14 300

Source : Commission des finances

Le rattachement de ces dépenses à la mission « Ville et logement » n'ayant que peu de justification, votre rapporteur spécial souhaite qu'une réflexion soit engagée pour proposer, en 2012, de nouveaux ajustements de la maquette budgétaire.

2. Une apparente stabilisation à moyen terme des crédits

La présentation de la programmation triennale 2011-2013 de la mission « Ville et logement » qui figure dans le projet annuel de performances fait état, pour le programme 177, d'une augmentation de 90 millions d'euros des crédits de paiement et des autorisations d'engagement.

Cette présentation est très contestable puisqu'elle s'applique uniquement à l'évolution enregistrée entre 2010 et 2011, du fait du rebasage de plusieurs lignes de crédits qui étaient manifestement sous-évaluées.

La réalité de la trajectoire retenue pour les trois prochaines années est celle d'une réduction progressive des crédits budgétaires qui passeraient d'un montant total de 1 184 880 297 euros en 2011 à 1 097 880 297 euros en 2012, soit une diminution de 7,34 %.

Cette orientation va à l'encontre de l'évolution des dernières années, caractérisée par une augmentation rapide et continue des dépenses effectuées au titre du programme. Vertueuse au regard de la situation des finances publiques, elle doit être appréciée sur le critère de sa faisabilité.

Or s'il est incontestable que des économies peuvent être réalisées sur le programme 177, notamment par une recherche de performance accrue, les résultats de l'exécution budgétaire, marquée par des abondements de crédits via des décrets d'avance ou en provenance de la mission « plan de relance », laissent à penser que les inscriptions budgétaires pour 2011 sont encore une fois marquées par un optimisme exagéré.

3. Les attentes placées dans la réforme du dispositif d'accueil, d'hébergement et d'insertion

La maîtrise des dépenses du programme 177 nécessite la mise en place de mesures qui permettront de mieux maîtriser leur évolution , sans pour autant réduire les prestations offertes.

Plusieurs mesures ont déjà été adoptées en ce sens :

- la modernisation du dispositif hébergement-accès au logement des publics sans domicile , engagée en 2009 sous l'appellation « refondation », doit aboutir à un nouveau schéma de gouvernance du dispositif d'accueil, d'hébergement et d'insertion. Il s'appuiera notamment sur un référentiel prestations-coûts , en construction, lequel devrait autoriser un niveau de financement en référence à des « fourchettes de financement », et une contractualisation pluriannuelle renforçant le pilotage. Une enquête sur les coûts a été lancée à cet effet dans le cours de l'été 2010 ;

- la multiplication, à partir de l'automne 2010, des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO), nouvelles plateformes uniques mettant en réseau le dispositif d'accueil, d'hébergement, d'insertion et d'accès au logement doit favoriser un plus grande efficacité et une utilisation optimale des moyens disponibles ;

- la mise en place de mécanismes innovants pour l'accès au parc privé, incluant notamment l'intermédiation locative , doit dégager de nouvelles capacités de relogement, soulageant la pression sur le parc d'hébergement, en particulier, celui des chambres d'hôtel, dont le coût est estimé à 62 millions d'euros.

Ces orientations sont positives mais les mesures de rationalisation qui pourront intervenir sur le dispositif hébergement-accès au logement n'auront sans doute que des effets à moyen et long terme sur le montant des dépenses engagées.

4. Une sous-estimation trop systématique des besoins

Votre rapporteur spécial avait souligné, dans son dernier rapport budgétaire, des différences très importantes entre l'exécution 2008 et les crédits inscrits dans le projet de loi de finances 2010, qui mettaient en cause la soutenabilité du programme 177.

Malgré la volonté manifeste du Gouvernement de rattraper, dans le projet de budget 2011, l'écart qui s'est creusé entre l'évaluation budgétaire et la réalité, par l'inscription de 90 millions d'euros supplémentaires permettant certaines remises à niveau, l'analyse des principaux dispositifs fait encore apparaître trop d'incohérences et de sous-estimations .

Coût budgétaire des principaux dispositifs du programme 177

(en euros)

Dispositif

Crédits consommés
2009

Crédits inscrits
PLF 2010

Crédits inscrits
PLF 2011

Allocations et prestations d'aide sociale versées aux personnes âgées et aux personnes handicapées

49 729 424

37 000 000

37 000 000

Aide aux organismes qui logent temporairement des personnes défavorisées (ALT1)

52 037 503

41 000 000

38 800 000

Intermédiation locative

14 652 296

9 000 000

30 400 000

Veille sociale (115, SAIO)

76 262 618

51 000 000

60 000 000

Hébergement d'urgence

260 742 378

214 000 000

248 000 000

CHRS

631 628 711

615 600 000

625 000 000

Aide alimentaire

36 904 272

14 100 000

13 050 000

Maisons-relais

38 025 822

50 000 000

55 000 000

Source : Commission des finances

Les domaines de l' aide alimentaire et de l'hébergement d'urgence sont « traditionnellement » plus particulièrement touchés par l'insincérité des estimations budgétaires.

S'agissant par exemple des nuitées hôtelières , votre rapporteur spécial avait mis en garde lors de l'examen du budget 2010 contre l'irréalisme d'une dotation calculée sur la baisse de plus de 40 % du nombre de places financées. Il constate que le projet de budget 2011 est revenu sur cet objectif et prévoit un doublement des capacités, actant un retour à un nombre de nuitées sensiblement égal à celui qui a été constaté pour 2009.

Répartition de la dotation pour l'hébergement d'urgence

(en millions d'euros)

Exécution 2009

PLF 2010

PLF 2011

Nombre de places

Dotation

Nombre de places

Dotation

Nombre de places

Dotation

hébergement d'urgence

13 295

137,9

12 142

120,4

13 487

136,2

stabilisation hors CHRS

4 048

40,2

4 281

45,3

4 048

35,5

places hivernales

5 321

13,6

4 780

15,7

4 780

14,3

nuits d'hôtel

12 909

69,0

5 431

32,5

13 025

61,9

Source : commission des finances

Le dispositif d' aide alimentaire est, pour sa part, doublement sous-évalué .

Pour la part qui est destinée à la mise en oeuvre locale par les services déconcentrés chargés de la cohésion sociale, les dépenses réellement engagées ne sont connues qu'une fois exécutées et sont depuis plusieurs années très supérieures aux crédits délégués.

Aide alimentaire. Crédits déconcentrés mobilisés depuis 2006

(en euros)

Année

Imputation budgétaire

Crédits déconcentrés délégués

Crédits déconcentrés

Exécution annuelle

2006

Programme 177 « Politique en faveur de l'inclusion sociale »

5 496 824

7 032 283

2007

Programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables »

5 619 806

6 817 896

2008

v 5 119 806

10 545 870

2009

v 5 127 558

7 388 984

2010

v 2 000 000

Source : réponse au questionnaire budgétaire 2011

En ce qui concerne les crédits centraux , leur financement a été assuré exclusivement par loi de finances rectificative en 2006 et en 2007, à hauteur de 10 millions d'euros. En 2008, les crédits initiaux ont été doublés, grâce à un abondement de 10 millions d'euros par décret d'avance et réaffectation de reports. Pour les exercices 2009 et 2010, enfin, le plan de relance a conforté les crédits disponibles, à hauteur respectivement de 20 millions d'euros puis 11,2 millions d'euros.

La dotation inscrite pour 2011, qui se stabilise au niveau des dotations initiales des années précédentes, est donc assurément insuffisante.

De manière générale, le projet de budget pour 2011 ne semble pas être en mesure d'assurer le financement satisfaisant des actions prévues par le programme 177, après la fin du plan de relance.


* 11 Le montant de la subvention versée à cet organisme a été diminué de 50 % par rapport à 2010.

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