B. QUEL OBJECTIF D'ÉVOLUTION DES DÉPENSES MILITAIRES D'ICI 2020 ?
1. Un maintien du ratio dépenses de défense/PIB exigerait une croissance de celles-ci de 2 % par an en volume
La situation est d'autant plus préoccupante que pour que la France ne décline pas par rapport aux pays de niveau de développement comparable, il faut que ses dépenses de défense restent stables en points de PIB, ce qui supposerait une augmentation de l'ordre de 2 % par an en volume , correspondant à la croissance structurelle du PIB. Avec une croissance du PIB de 2 % par an en volume, les dépenses de défense passeraient de 1,5 point de PIB (hors pensions) en 2011 à 1,25 point de PIB en 2020 en cas de stabilisation en volume, et 1,1 point de PIB en cas de stabilisation en valeur (avec une inflation de 1,75 %).
Une croissance des dépenses de défense de 2 % par an en volume ne permettrait d'ailleurs pas de maintenir la place de la France dans le monde, alors que les pays dits « émergents » ont un budget de la défense qui tend à augmenter à la même vitesse que leur PIB, soit de 5 % à 10 % par an en volume. Un fait généralement peu connu est qu'en parités de pouvoir d'achat, les dépenses de défense la France sont nettement inférieures à celles de la Chine (qui lui sont désormais environ quatre fois supérieures) depuis 1997 et à celles de la Russie (qui lui sont désormais environ deux fois supérieures) depuis 2000.
Les dépenses de défense des principaux pays
(en milliards de dollars des Etats-Unis,
convertis sur
la base des
parités de pouvoir d'achat)
* Les données 2009 et 2010 pour la France n'incluent plus les gendarmes.
Source : ministère de la défense, d'après le mémorandum statistique de l'OTAN (juin 2010) et la « FMI World economic outlook database »
2. Une croissance des dépenses d'au moins 1 % par an pourrait être nécessaire juste pour maintenir l'armée sous sa forme actuelle
Par ailleurs, compte tenu de leur évolution spontanée, une augmentation de ses dépenses de défense de 1 % par an en volume au cours des dix prochaines années permettrait seulement à la France de préserver une armée proche de ce qu'elle est actuellement.
En effet, schématiquement, la mission « Défense » comprend deux types de dépenses.
Tout d'abord, elle consiste pour les 2/3 en des dépenses d'équipement et de maintien en condition opérationnelle des matériels. Ces dépenses sont plus dynamiques que l'inflation. Tel est tout d'abord le cas à niveau technologique constant. En effet, les contrats d'armement sont généralement indexés sur les salaires et, dans une moindre mesure, les prix des matières premières 31 ( * ) . Il en découle que les prix des équipements militaires tendent à augmenter à la même vitesse que les salaires, dont la masse augmente comme le PIB, soit 2 % par an en volume, pour une augmentation « effective » (corrigée du vieillissement de la population, qui modifie la pyramide des âges) que l'on peut évaluer à environ 1 % par an. Il faut également prendre en compte sur le long terme le fait que le prix des matériels de défense tend à s'accroître alors que leur contenu technologique progresse. On cite souvent à cet égard l'exemple des avions de combat, dont le coût en monnaie courante est à peu près multiplié par 10 à chaque génération. Maintenir le format actuel de l'armée française tout en l'équipant des matériels les plus modernes pourrait donc exiger une croissance des dépenses d'équipement proche de celle du PIB. A l'horizon 2020 cependant, le niveau technologique sera à peu près le même qu'aujourd'hui. On peut donc considérer que d'ici là le prix des matériels militaires tendra spontanément à augmenter d'environ 1 point de plus que l'inflation.
Ensuite, les dépenses de la mission « Défense » correspondent, pour 1/3, au fonctionnement et à l'activité, c'est-à-dire en quasi-totalité à la masse salariale hors pensions. Le glissement vieillesse-technicité (GVT) de la mission « Défense » étant à peu près nul (ce qui est normal, l'armée maintenant par nature sa pyramide des âges à peu près inchangée, contrairement aux autres administrations), à effectifs constants ces dépenses tendent à augmenter à la même vitesse que le point fonction publique. Ces dernières années celui-ci a progressé moins rapidement que les prix à la consommation, et le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 prévoit son gel en 2011 32 ( * ) . Cependant sur le long terme la rémunération des militaires, déjà inférieure à celle de pays comparables (comme le Royaume-Uni), ne peut qu'augmenter à la même vitesse que les salaires du secteur privé. Par analogie avec le raisonnement précédent, on peut donc là encore considérer que la tendance spontanée d'évolution des dépenses de personnel sera de l'ordre d'1 point de plus que l'inflation.
Au total, il est donc raisonnable de penser que d'ici 2020, une croissance des dépenses de la mission « Défense » de 1 % par an permettrait juste de maintenir le niveau actuel de personnels et d'équipement.
Un tel effort serait donc nécessaire pour ne pas entraîner de déclin non seulement relatif, mais aussi absolu, des capacités opérationnelles de l'armée française.
* 31 Tel est ce qui ressort du rapport 2007 du comité des prix de revient des programmes d'armement. Les prix des programmes d'armement sont généralement actualisés de manière infra-annuelle.
* 32 « La hausse du point fonction publique de 0,5% réalisée au 1 er juillet 2010 et ses effets sur 2011 sont naturellement intégrés à la programmation. En revanche, la contribution des fonctionnaires au nécessaire redressement de nos finances publiques passe par une absence de revalorisation du point fonction publique en 2011. Pour 2012 et 2013, le rendez-vous salarial annuel permettra de déterminer l'évolution du point d'indice, compte tenu de la croissance économique ».