II. L'INSTITUTION DES PARTENARIATS DE DÉFENSE AVEC LE GABON ET LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
Dans leurs grandes lignes, le traité franco-gabonais et l'accord franco-centrafricain comportent des stipulations très voisines de celles des accords avec le Cameroun et le Togo, déjà approuvés par la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
La mise en oeuvre du partenariat de défense s'effectue dans des conditions spécifiques à chacun des deux pays, la France déployant un dispositif permanent au Gabon alors que ses forces sont présentes en République centrafricaine dans le cadre de l'opération Boali.
A. LES LIGNES GÉNÉRALES DES DEUX INSTRUMENTS BILATÉRAUX
A la différence des deux premiers pays avec lesquels ont été signés un accord de partenariat de défense, le Togo et le Cameroun, le Gabon et la République centrafricaine accueillent sur leur sol des troupes françaises, de manière permanente pour le Gabon, dans le cadre d'une opération extérieure pour la République centrafricaine. Les deux instruments comportent donc une annexe relative à ces forces stationnées.
Hormis cette annexe, le dispositif retenu est extrêmement proche de celui adopté pour le Togo et le Cameroun, puisqu'il a été établi sur la base d'un modèle d'accord établi par la mission interministérielle en charge de piloter la renégociation des accords de défense.
Les deux instruments sont conclus pour une durée de 5 ans, renouvelable par tacite reconduction .
Ils vont régir, dans un cadre juridique actualisé, l'ensemble des relations de défense entre la France et le Gabon d'une part, la République centrafricaine d'autre part. Ils abrogent et remplacent tous les accords antérieurs , y compris ceux qui n'auraient pas été publiés.
La France et le Gabon sont jusqu'à présent liés par l'accord de défense du 17 août 1960, dont l'approbation a été autorisée par la loi n°60-1226 du 22 novembre 1960 et qui a été publié par le décret n° 60-1231 du 23 novembre 1960.
Quant à la France et la République centrafricaine, elles sont encore liées par les accords dits « quadripartites », qui associaient également à l'origine la République du Congo et le Tchad, et furent signés les 11, 13 et 15 août 1960. Ces accords prévoyaient un système de défense commun entre la France et ces trois pays africains. L'approbation de ces accords a été autorisée par la loi n°60-1225 du 22 novembre 1960 et qui a été publié par le décret n° 60-1230 du 23 novembre 1960. Le Congo s'est retiré en 1972 de cet accord qui ne lie plus le Tchad depuis 1976, date à laquelle d'autres accords ont été signés avec la France.
Par ailleurs, un accord concernant la coopération militaire technique a été signé avec la République centrafricaine à Bangui le 8 octobre 1966.
La deuxième caractéristique des instruments conclus avec le Gabon et la République centrafricaine est qu'ils ne comportent pas de clause d'assistance . De telles clauses n'avaient plus de réelle portée pratique. De longue date, la France estimait que leur mise en oeuvre ne pouvait avoir de caractère automatique et restait dans tous les cas soumise à son appréciation. M. Hervé Morin, ministre de la défense, avait indiqué devant notre commission le 10 février 2010 que la République centrafricaine avait initialement émis une demande tendant à maintenir ce type de clause, ce qui a été écarté la partie française.
Troisièmement, les accords précisent les principes généraux du partenariat de défense et de sécurité , qui vise à concourir à une paix et une sécurité durables sur le territoire des parties ainsi que dans leur environnement régional respectif. L'accord avec la République centrafricaine prévoit la possibilité d'associer d'autres Etats africains ou des Etats de l'Union européenne aux activités développées dans le cadre du partenariat. Le traité avec le Gabon mentionne simplement la possibilité d'organiser des exercices ou activités relatifs à la mise en oeuvre de la stratégie conjointe Union européenne-Afrique.
Les deux instruments énumèrent les domaines de la coopération bilatérale : échanges d'informations ; organisation, équipement et entraînement des forces ; missions de conseil ; formation dans des écoles françaises ou des écoles soutenues par la France.
Les accords comportent des dispositions détaillées sur le statut des personnels engagés dans la coopération. Par extension, ces dispositions s'appliquent aussi aux forces françaises stationnées au Gabon et en Centrafrique. A la différence de ces forces, les coopérants français de longue durée portent l'uniforme gabonais ou centrafricain. Pour les uns comme pour les autres, le pouvoir disciplinaire restera exercé par l'Etat d'origine. Le régime fiscal sera uniformisé, tous les personnels français étant imposés en France.
Les deux instruments présentent une particularité relative aux règles sur l'usage des armes . Le modèle d'accord, repris sur ce point par le Togo et le Cameroun, prévoit que lorsque les personnels utilisent leur arme de dotation pour les besoins du service, ils se conforment à la législation de l'Etat d'accueil, sauf si celui-ci accepte l'application de la législation de l'Etat d'origine.
L'accord avec la République centrafricaine prévoit uniquement l'application de la législation de l'Etat d'accueil, alors que le traité avec le Gabon prévoit uniquement l'application de la législation de l'Etat d'origine. Ces variations de règles n'ont pas d'incidence pratique pour les forces françaises dans ces deux pays, car, en tout état de cause, la législation française sur l'usage des armes en service semble plus restrictive que celle des deux pays concernés. Il n'y aurait donc pas de restriction par rapport aux règles d'engagement habituelles de nos forces.
Le Conseil d'Etat a fait observer que le traité avec le Gabon aboutissait, par réciprocité, à maintenir les personnels gabonais présents sur le sol français sous l'application de la législation gabonaise. Il s'agit d'une hypothèse toute théorique. En effet, les cas dans lesquels des personnels gabonais présents en France seraient armés et dotés de munitions réelles sont extrêmement réduits. Il peut s'agir de stages ou de formations. Dans ce cas, ces personnels sont placés sous encadrement et commandement français. Le Conseil d'Etat n'a donc pas jugé que cette disposition puisse être contraire à nos principes constitutionnels.
Les deux instruments fixent les règles de compétence juridictionnelle en cas d'infraction commises par un personnel étranger. Le principe retenu est que lorsque la personne commet l'infraction dans le cadre de ses fonctions officielles, elle relève des juridictions de son Etat d'origine, c'est à dire, pour les personnels français, de la justice française. Le traité franco-gabonais comme l'accord avec la République centrafricaine offrent un certain nombre de garanties lorsque les poursuites sont exercées devant les juridictions de l'Etat d'accueil, c'est-à-dire lorsque les infractions sont commises en dehors de toute fonction officielle. Il est également explicitement mentionné que dans le cas où elle serait prévue par la loi, la peine de mort ne serait ni requise, ni prononcée. En effet, la peine de mort a été abolie au Gabon, mais pas en République centrafricaine.