2. Une stratégie réorientée vers la politique industrielle
a) Une nouvelle stratégie qui doit encore prendre ses marques

La stratégie mise en oeuvre par l'Etat actionnaire a fait l'objet d'une redéfinition au lendemain des Etats généraux de l'industrie tenus d'octobre 2009 à mars 2010. Selon le jaune budgétaire, « la démarche retenue conduit l'Etat à mettre désormais au premier plan la vision industrielle du pilotage de ses participations et à affirmer ainsi, pour les entreprises concernées, une stratégie de développement industriel et économique claire de long terme, dans le respect de ses intérêts patrimoniaux et de l'objet social de chacune de ses participations ».

Deux mesures principales incarnent, à ce stade, la réorientation de la stratégie de l'Etat actionnaire. La première consiste à faire siéger un représentant du ministère de l'industrie ou du ministère technique compétent aux côtés du représentant de l'Agence des participations de l'Etat (APE) dans les conseils d'administrations des entreprises industrielles. La seconde réside dans la formalisation des réunions régulières entre les présidents des entreprises et les ministres concernés au sujet de la stratégie, des investissements et des résultats, à l'instar de tous les actionnaires significatifs d'entreprises privées. On observe donc que ces innovations sont essentiellement procédurales et leur caractère véritablement opérationnel (ou, au contraire, cosmétique), dépendra ultimement des personnalités qui seront chargées de les mettre en oeuvre. Plus encore, ce sont les décisions d'investissement qui attesteront, dans les mois à venir, de la consistance de notre stratégie industrielle.

Comme l'année dernière, l'Etat a engagé une enquête 26 ( * ) sur les politiques industrielles menées par les entreprises dont il est actionnaire. Cette enquête a porté sur la localisation et l'évolution entre les exercices 2009 et 2010 des investissements, de l'emploi ou de la valeur ajoutée. Elle vise à « évaluer la contribution de chaque entreprise au développement industriel de la France ».

Ses résultats, retracés dans le tableau ci-dessous, enseignent tout d'abord que les investissements progressent de 7,3 % en France , ce qui est certes moins que « toutes zones géographiques confondues » mais constituent plus qu'un doublement par rapport au taux 2008-2009. Toutefois, comme le relève le jaune budgétaire, « cette tendance à la hausse est à nuancer par la disparité des résultats selon les secteurs » (+ 10,27 % pour l'énergie ; - 14,05 % pour la défense).

L'indicateur relatif à l'emploi est toujours négatif (- 0,31 %) pour la France même si l'on observe un léger mieux par rapport à l'année précédente (- 1,21 %). Néanmoins, les entreprises interrogées ont, semble-t-il, choisi de créer des emplois à l'étranger (+ 0,44 %), ce qui pourrait traduire une stratégie de diversification internationale.

De même, si l'évolution de la valeur ajoutée est orientée favorablement puisqu'elle augmente de 2,32 %, sa progression est plus lente par rapport à l'année dernière et, surtout, moitié moins rapide en France que « toutes zones géographiques confondues » (+ 5,75 %).

Résultats de l'enquête de l'APE sur les investissements, l'emploi et la valeur ajoutée auprès de 25 entreprises entrant dans son périmètre d'intervention

Évolution des investissements

France

Toutes zones géographiques confondues

Taux 2008-2009

Taux 2009-2010

Taux 2010-2011 (prévision)

Taux 2008-2009

Taux 2009-2010

Taux moyen global

+ 3,57 %

+ 7,30 %

+ 56,78 %

- 0,19 %

+ 8,56 %

Évolution de l'emploi

France

Toutes zones géographiques confondues

Taux 2008-2009

Taux 2009-2010

Taux 2010-2011 (prévision)

Taux 2008-2009

Taux 2009-2010

Taux moyen global

- 1,21 %

- 0,31 %

2,71 %

- 0,52 %

+ 0,44 %

Évolution de la valeur ajoutée

France

Toutes zones géographiques confondues

Taux 2008-2009

Taux 2009-2010

Taux 2008-2009

Taux 2009-2010

Taux moyen global

+ 3,78 %

+ 2,32 %

+ 3,32 %

+ 5,75 %

Source : rapport relatif à l'Etat actionnaire annexé au projet de loi de finances pour 2012

L'Etat actionnaire entend ainsi « jouer davantage son rôle d'actionnaire industriel pour amener [les] entreprises à converger vers trois priorités qui sont les siennes : contribuer à la compétitivité de long terme de notre industrie et de l'économie, créer de la valeur et fournir aux 1,7 million de salariés concernés des perspectives d'emploi et de développement de leur projet professionnel ».

Début 2011, l'APE s'est réorganisée en conséquence (nomination d'un commissaire aux participations de l'Etat rattaché directement au ministre de l'économie ; mise à jour des textes juridiques la concernant ; signature d'une convention de gestion avec la direction générale du Trésor).

Votre rapporteur spécial note cependant que le jaune budgétaire lui donne bien peu d'éléments concrets pour juger de la mise en oeuvre opérationnelle de ces nouvelles orientations . En tout état de cause, il s'agit d'une politique de longue haleine qui n'est susceptible de produire ses effets qu'à moyen terme et sous la réserve que l'Etat actionnaire se fixe des axes cohérents et relativement stables dans le temps.

Il convient en effet de souligner que l'Etat n'est, bien souvent, qu'un actionnaire minoritaire qui ne dispose pas toujours du pouvoir nécessaire pour imposer ses vues au conseil d'administration. Dès lors, seule la déclinaison précise, entreprise par entreprise, de la vision stratégique exposée plus haut sera à même d'emporter la conviction de nos partenaires. A ce titre, la présence active et assidue des représentants de l'Etat aux réunions des conseils est une condition sine qua non de réussite.


* 26 Elle a concerné les 25 entreprises industrielles suivantes : ADP, Air France-KLM, Areva, DCI, DCNS, EADS, EDF, la Française des jeux, France Télécom, GDF Suez, Giat Industries-Nexter, Imprimerie Nationale, La Monnaie de Paris, La Poste, LFB, RATP, Renault, RFF, RTE, Safran, Semmaris, SNCF, SNCM, STX France et Thales.

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