LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à minorer de 159 981 euros (AE = CP) les crédits de la mission. Cette minoration correspond au solde d'une réduction des crédits à titre reconductible et d'une majoration à titre non reconductible.

I. MODIFICATIONS DES CRÉDITS À TITRE RECONDUCTIBLE

L'amendement adopté par l'Assemblée nationale prévoit une réduction, à titre reconductible, de 180 006 euros (AE = CP) des crédits du programme « Immigration et asile » , au titre des mesures d'économies supplémentaires annoncées par le Premier ministre le 7 novembre 2011 dans le cadre du plan de retour à l'équilibre des finances publiques.

Cette diminution résulte :

- d'une contraction de 44 289 euros des crédits de titre 2 du programme, résultant de la suspension du versement aux agents publics de leur rémunération durant le premier jour de leurs congés de maladie ;

- et d'une minoration de 135 717 euros correspondant à des économies sur les dépenses de communication et frais de représentation.

II. MODIFICATIONS DES CRÉDITS À TITRE NON RECONDUCTIBLE

L'amendement propose par ailleurs une majoration de crédits, à titre non reconductible, de 20 025 euros (AE = CP) , imputés comme suit :

- 12 700 euros sur le programme « Immigration et asile » ;

- 7 325 euros sur le programme « Intégration et accès à la nationalité française ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 27 octobre 2011, sous la présidence de Mme Marie-France Beaufils, vice-présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, sur la mission « Immigration, asile et intégration ».

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial . - La mission « Immigration, asile et intégration » est probablement moins consensuelle que la mission « Régimes sociaux et de retraite » ! Toutefois, elle ne représente que 15,3 % des crédits globalement consacrés par l'Etat à la politique transversale d'immigration et d'intégration. En effet, cette politique implique d'autres ministères : affaires étrangères, affaires sociales, éducation nationale, etc. Globalement, cette politique transversale représente 4,3 milliards d'euros en crédits de paiement. Ce chiffre doit toutefois être pris avec précaution étant donné le mode de calcul de la contribution de chaque mission à la politique transversale. En effet, la contribution de la mission « Recherche et enseignement supérieur », par exemple, est calculée en rapportant le budget des universités à la proportion d'étudiants étrangers faisant leurs études en France.

Ma présentation de la mission s'articulera en trois parties :

- tout d'abord, des observations sur la disparition d'un ministère dédié à l'immigration. Je rappelle que celui-ci, créé en 2007, a été supprimé en 2010 et est aujourd'hui intégré au ministère de l'intérieur ;

- puis, les principaux éléments chiffrés du projet de loi de finances pour 2012 ;

- enfin, l'évolution de la situation financière de l'Office français pour l'immigration et l'intégration (Ofii).

A titre liminaire, je tiens à souligner qu'à la date du 10 octobre 2011, l'intérieur avait répondu à 100 % des cinquante questions adressées par votre commission des finances, ce qu'il convient de saluer.

En novembre 2010, suite au remaniement du Gouvernement, le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire a été supprimé, trois ans après sa création. Son architecture est toutefois préservée sous la forme d'un secrétariat général à l'immigration et à l'intégration (SGII), au sein du ministère de l'intérieur.

Au regard de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), il est satisfaisant pour notre commission de constater que la maquette budgétaire n'est pas altérée par ces modifications administratives et que la mission « Immigration, asile et intégration », telle que présentée les années précédentes, est préservée. C'est la première remarque que je souhaitais formuler.

S'agissant des crédits prévus pour la mission en 2012, je relève qu'ils connaissent une forte hausse par rapport à la loi de finances initiale pour 2011 : + 12,1 % en autorisations d'engagement - ce qui porte les crédits à 561 millions d'euros - et + 12,6 % en crédits de paiement - qui atteignent donc 632 millions d'euros en 2012. Du fait de cette hausse, la mission dépasse significativement - d'environ 15 % - les plafonds fixés par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

Je relève par ailleurs que 65 % des crédits de paiement de la mission sont consacrés à l'accueil des demandeurs d'asile, 11 % à l'intégration des étrangers et 13,5 % à la lutte contre l'immigration irrégulière, c'est-à-dire, en pratique, au financement des centres de rétention administrative (CRA). Les 10 % restants correspondent au fonctionnement du SGII. Ces crédits n'englobent donc pas ceux consacrés à la police et à la gendarmerie, qui figurent dans la mission « Sécurité ».

L'augmentation des dotations de la mission vise à répondre aux critiques récurrentes de notre commission sur la sous-budgétisation des moyens destinés à financer l'hébergement des demandeurs d'asile et le versement, à leur profit, de l'allocation temporaire d'attente (ATA). Ces crédits augmentent de 87 millions d'euros, soit une hausse de près de 25 % sur le premier des deux programmes de la mission. Dans le détail, 51 millions d'euros supplémentaires viennent abonder l'hébergement d'urgence et 36 millions d'euros l'ATA.

On peut toutefois craindre qu'en raison de la hausse constante de la demande d'asile - encore + 9,5 % sur les six premiers mois de l'année 2011 - et du coût marginal croissant de l'hébergement des demandeurs, la majoration des crédits correspondant à la demande d'asile ne suffise pas à couvrir les besoins en 2012.

S'agissant de l'origine des demandeurs d'asile, on constate, sur les six premiers mois de l'année 2011, que le premier pays est le Rwanda, avec 3 165 demandes, suivi du Bangladesh, ce qui est plus étonnant - 2 311 demandes - du Kosovo, de la Russie, de l'Arménie, même si ce pays est une démocratie, puis de la République démocratique du Congo, du Sri Lanka, de la Guinée et, enfin, de la Mauritanie. Le problème rencontré est de pouvoir identifier les critères à partir desquels un étranger peut légitimement être considéré comme un demandeur d'asile.

Le nombre de places en centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) a beaucoup augmenté depuis 2011, il est aujourd'hui de 21 700. Malheureusement, il ne suffit pas à accueillir l'ensemble des demandeurs, étant donné le rythme d'accroissement des demandes. Les demandeurs d'asile sont donc logés dans des dispositifs d'hébergement d'urgence, dont le coût marginal est croissant, ce qui explique pourquoi la hausse du coût budgétaire de la demande d'asile est plus rapide que la seule augmentation du nombre de demandeurs.

L'évolution des délais moyens de traitement des demandes d'asile par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) est une autre source d'inquiétude. En effet, malgré un renfort de trente officiers de protection supplémentaires depuis le début de l'année 2011, le délai moyen continue d'augmenter. Il est passé de 118 jours en 2009 à 150 jours en 2011. Or, nous avons chiffré à environ 15,7 millions d'euros le coût, pour le budget de l'Etat, d'un mois supplémentaire de procédure relative à la demande d'asile. Si le délai repassait sous la barre des 100 jours, la procédure devant l'Ofpra en serait à la fois plus acceptable humainement et budgétairement plus efficace.

S'agissant du second programme de la mission, « Intégration et accès à la nationalité française », qui ne représente que 71,6 millions d'euros en crédits de paiement en 2012, ma principale remarque porte sur l'Office français pour l'immigration et l'intégration, qui met en oeuvre les actions d'intégration au profit des étrangers. Celui-ci connaît une baisse de 7,6 % de la subvention pour charge de service public versée par l'Etat. Toutefois, cette diminution est largement compensée par la hausse des recettes fiscales propres de l'office, dont la réforme se poursuit dans le présent projet de loi de finances. Les recettes fiscales qui lui sont affectées sont ainsi passées de 108 millions d'euros en 2009 à 155 millions d'euros en 2012. Il faudra que nous veillions à ce que cette ressource soit adaptée aux besoins de l'Ofii.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

M. Philippe Dallier . - Nous avons effectué, avec notre collègues Pierre Bernard-Reymond, un travail de contrôle cette année qui portait notamment sur les conséquences, pour la mission « Ville et logement », de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile et pointait la sous-budgétisation récurrente des crédits nécessaires à cet hébergement. Quel serait le montant des crédits supplémentaires pour éviter une sous-budgétisation en 2012 ?

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial . - En 2011, un abondement supplémentaire de 50 millions d'euros a été nécessaire. Il y aura probablement de nouveaux ajustements avant la fin de l'année. Si, en 2012, l'augmentation de la demande d'asile continue au même rythme, on peut penser que 50 à 70 millions d'euros supplémentaires seront nécessaires par rapport au présent projet de loi de finances. Le ministère de l'intérieur est bien conscient de l'effort qu'il faudra faire dans ce cas. Mais tout dépendra de l'évolution de la demande d'asile, par essence imprévisible.

M. François Marc . - Cette mission suscite pour notre groupe plusieurs insatisfactions. D'une part, nous nous inquiétons de la volonté du Gouvernement de limiter l'immigration professionnelle, alors même que Laurence Parisot, présidente du MEDEF, juge cette évolution « dangereuse ». D'autre part, nous relevons un déséquilibre entre les 85 millions d'euros destinés à la lutte contre l'immigration clandestine et les 41 millions d'euros consacrés aux actions d'intégration des étrangers en situation régulière. Enfin, nous pointons le risque d'une remise en cause du droit d'asile. Les capacités d'hébergement sont insuffisantes et le montant de l'ATA - 10 euros par jour - trop faible pour subvenir aux besoins des populations concernées.

C'est pourquoi notre groupe souhaite que la commission propose de rejeter le budget de la mission pour 2012.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial . - Les sujets qu'évoque François Marc font débat depuis plusieurs années. La question de l'immigration professionnelle fait partie intégrante de la politique d'immigration française mais n'a pas de traduction budgétaire directe dans la mission « Immigration, asile et intégration ».

Le déséquilibre entre les crédits consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière et ceux visant l'intégration des étrangers en situation régulière s'explique en partie par la nécessité d'inscrire des crédits d'investissement pour financer les CRA sur la ligne consacrée à la lutte contre l'immigration irrégulière. Il faut veiller à ne pas trop déséquilibrer les deux dotations et à ne pas abandonner la politique de lutte contre l'immigration irrégulière, au risque de créer un « appel d'air ».

Enfin, la hausse de 9,5 % de la demande d'asile sur les premiers mois de l'année 2011 prouve que la France ne remet pas en cause le droit d'asile. Si l'on pouvait augmenter le montant de l'ATA, cela bénéficierait aux demandeurs, mais je rappelle que la hausse des crédits qui lui sont consacrés est de 36 millions d'euros en 2012, ce qui est loin d'être négligeable.

M. Jean-Claude Frécon . - J'ai effectué l'année dernière avec Pierre Bernard-Reymond une mission sur la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), dont les crédits font partie de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat ». Nous avons pu noter l'impact des délais de la procédure devant cette juridiction sur le budget consacré à l'hébergement d'urgence. Je constate que le renforcement des effectifs de la CNDA en 2011 a permis de réduire les délais d'examen.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial . - S'agissant de la CNDA, les délais d'examen sont incroyablement longs : un an et vingt-sept jours en 2010 ! Grâce aux renforcements de personnel, ils diminuent mais il faudrait parvenir à un délai plus raisonnable, compris entre six et neuf mois.

Mme Marie-France Beaufils, présidente . - Nous revenons en réalité au niveau de la demande d'asile de 2005 ?

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial . - En effet. On constate que, depuis 2007, l'augmentation du nombre de demandes est très forte et qu'en 2011, nous risquons de retrouver un niveau proche de celui de l'année 2005 où 59 200 demandes avaient été formulées.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx . - Cette mission est très importante et reflète bien l'ambition de notre pays en matière d'immigration. 560 millions d'euros consacrés à l'immigration et à l'asile, ça n'est pas négligeable ! Il faut comparer les 85 millions d'euros liés à la lutte contre l'immigration clandestine avec les 409 millions d'euros en faveur des demandeurs d'asile.

Disposez-vous d'informations sur la mise en oeuvre du programme « visabio », le traitement informatisé des données personnelles biométriques des demandeurs de visas, et sur les procédures en visioconférence devant l'Ofpra ?

Par ailleurs, où en est la situation des salles d'audiences aménagées à l'aéroport de Roissy, qui ne sont pas utilisées parce que les magistrats du tribunal de Bobigny refusent de s'y rendre ? Il me semble que des travaux ont été faits et, pourtant, les étrangers continuent à être jugés au tribunal de Bobigny, avec un système de transferts en bus, parfois à quatre heures du matin, qui n'est absolument pas acceptable !

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial . - La situation n'a pas évolué sur ce dernier point. Les étrangers transférés à quatre heures du matin ne sont d'ailleurs évidemment pas jugés dans l'heure et doivent ensuite attendre sur place.

S'agissant du programme « visabio » et de la visioconférence devant l'Ofpra, je vais me renseigner. Ces sujets pourront faire l'objet de contrôles sur pièces et sur place dans le courant de l'année prochaine.

M. Roland du Luart . - On connaît la souffrance des populations à travers le monde mais on ne peut malheureusement pas accueillir en France toute la misère du monde. Il me semble qu'il y a une frontière ténue entre la demande d'asile et les filières d'immigration clandestine. Par exemple, dans la Sarthe, 1 600 Tchétchènes sont aujourd'hui installés et posent des problèmes importants d'intégration et de sécurité. Il faudrait assurer une meilleure insertion de ces populations, notamment par l'apprentissage de notre langue.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial . - J'ignorais l'existence de cette filière. Les efforts à faire pour faciliter l'insertion des populations ne concernent pas que les Tchétchènes.

Mme Michèle André . - Je salue la tentative du ministère pour remédier à la sous-budgétisation de la mission. Je ne peux que me joindre au rapporteur spécial pour regretter qu'elle ne soit pas suffisante. On constate aujourd'hui que les départements ne peuvent plus assurer l'accueil des demandeurs d'asile, ce qui entraîne beaucoup de problèmes sociaux. Il faut éviter d'amalgamer demandeurs d'asile et immigration clandestine. J'ai pu constater, en tant que présidente de la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, la détresse des femmes violées en République démocratique du Congo qui viennent demander l'asile en France.

Je ne voterai pas les crédits de la mission parce qu'il faut dès maintenant les remettre à un niveau suffisant et cesser les sous-budgétisations.

S'agissant de l'Arménie, je rappelle que de nombreux demandeurs d'asile ont pour origine le conflit du Haut-Karabagh, que l'on a tendance à oublier.

Enfin, les Tchétchènes ont des passeports russes et la brutalité des autorités de cette région doit expliquer une grande part de la demande d'asile en provenance de Russie.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial . - Je suis très sensible à ce que vous dites. La vraie difficulté est d'éviter que la demande d'asile soit un choix pour éviter l'immigration régulière, cette question ne se posant évidemment pas pour les femmes de République démocratique du Congo ou pour les ressortissants du Haut-Karabagh.

Mme Marie-France Beaufils, présidente . - Je voudrais insister sur la nécessité de déployer des moyens supplémentaires au profit de l'Ofpra. Les délais d'examen sont aujourd'hui trop longs.

M. Philippe Dallier . - Si je peux le suggérer à notre rapporteur spécial, il serait intéressant d'examiner les conséquences de l'accueil des mineurs étrangers pour les départements, notamment pour la Seine-Saint-Denis, en raison de la présence de l'aéroport de Roissy. Il manque une ligne, dans ce budget, pour aider les conseils généraux à faire face à cette charge.

Mme Marie-France Beaufils, présidente . - L'insuffisance des moyens consacrés à l'Ofpra et à l'hébergement des demandeurs d'asile conduira mon groupe à ne pas voter les crédits de la mission, que je mets aux voix. Huit voix pour, sept voix contre : ils sont adoptés.

À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

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Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2011, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission.

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