B. REDÉFINIR LE SERVICE PUBLIC HOSPITALIER

Depuis dix ans, l'hôpital a subi réforme sur réforme, sans qu'un sens ait pu en être dégagé. En juillet 2012, au nom de la Mecss, après six mois de travaux, Jacky Le Menn et Alain Milon ont présenté un rapport sur le financement des établissements de santé qui a été adopté à l'unanimité par la commission des affaires sociales. Ce rapport estime que la tarification à l'activité (T2A) est un meilleur système de financement que ses prédécesseurs (prix de journée et dotation globale), mais qu'elle nécessite d'être adaptée, notamment pour tenir compte des missions de service public, des spécificités de certaines activités médicales et de la situation géographique de certains établissements.

Votre rapporteur se félicite que plusieurs propositions du rapport de la Mecss se retrouvent dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 proposé par le Gouvernement.

1. Abroger la convergence tarifaire et reporter la T2A dans les hôpitaux locaux

Depuis la loi HPST, le service public hospitalier a été éclaté en quatorze missions énumérées à l'article L. 6112-1 du code de la santé publique et les établissements de santé « peuvent être appelés à assurer, en tout ou partie, une ou plusieurs » d'entre elles. Cette approche fragmente la prise en charge des patients.

Il est aujourd'hui nécessaire de redéfinir le service public hospitalier. Cet objectif est inscrit à l' article 47 du projet de loi qui permet en pratique d' abroger le processus de convergence tarifaire .

Cette mesure a largement clivé les débats de ces dernières années sur l'hôpital, et ce, de manière inutile. Il est vrai que la mise en place d'une tarification liée à l'acte thérapeutique induit, instinctivement, l'idée que le financement doit être égal quels que soient le lieu ou les modalités d'exercice, l'acte étant censé être le même et le patient soigné de manière identique. Mais cette définition même montre les limites atteintes en pratique par cette logique, limites qui démontrent, s'il en était besoin, que les bases conceptuelles de la convergence sont elles-mêmes biaisées : les champs des tarifs sont différents entre les catégories d'établissements ; les retraitements statistiques nécessaires dégradent la qualité du résultat ; les tarifs reposent sur des coûts moyens nationaux dans un processus aujourd'hui encore insatisfaisant ; les situations des établissements sont très variées, par exemple selon les territoires d'exercice...

En cohérence avec le rapport de la Mecss, votre rapporteur se félicite de l'abrogation de la convergence tarifaire , qui doit permettre de dépasser des clivages devenus quasiment idéologiques, sans raison.

Par ailleurs, également en accord avec le rapport de la Mecss, l' article 49 du projet de loi reporte l'application de la T2A pour les hôpitaux locaux. Etablissements de proximité, ils auraient été particulièrement frappés par les effets de la T2A, notamment du fait que leur activité est principalement gériatrique avec peu d'actes techniques, ce qui est peu valorisé aujourd'hui. Le Gouvernement a engagé un travail bienvenu de réflexion sur la place de ces hôpitaux dans le système de santé.

Votre rapporteur salue aussi la décision du Gouvernement de reporter l'application de la T2A pour les activités de soins de suite et de réadaptation qui devait entrer en vigueur dès 2013. Le rapport de la Mecss soulignait à cet égard qu'un tel report devait être mis à profit pour mettre en place de véritables parcours de santé ; les établissements de SSR sont naturellement insérés dans une telle logique puisqu'ils prennent en charge un patient après son hospitalisation. Le report de la T2A ne doit toutefois pas empêcher le Gouvernement de prendre des mesures en ce qui concerne les médicaments onéreux : financés à part à l'hôpital grâce à la liste « en sus », ils doivent l'être sur le prix de journée dans les établissements de SSR, ce qui peut constituer une charge difficilement soutenable et amener certains établissements à refuser des patients, phénomène qui ne peut être accepté.

Le même article 49 poursuit deux autres objectifs relatifs à la facturation des prestations par les établissements publics et privés à but non lucratif.

D'une part, le tarif journalier de prestations (TJP), qui est utilisé par les établissements pour établir le ticket modérateur à la charge des patients, est prolongé du 31 décembre 2012 au 31 décembre 2015 . S'il peut paraître surprenant que la dualité de la base de calcul (groupe homogène de séjour vis-à-vis de l'assurance maladie et TJP pour le patient, donc son organisme complémentaire) ait perduré depuis 2004 alors qu'elle ne devait être que transitoire, les conséquences financières d'un éventuel basculement seraient trop importantes pour que les établissements supportent cet effort : beaucoup d'entre eux ont utilisé le TJP comme ressource complémentaire, si bien que l'écart de recettes entre GHS et TJP peut parfois être sensible. En outre, les TJP varient sensiblement entre les établissements. Globalement, la suppression du TJP diminuerait, toutes choses égales par ailleurs, les ressources des établissements d'environ 1 milliard d'euros.

D'autre part, le passage d'une facturation mensuelle globale à un système au fil de l'eau et individualisé par patient est confirmé mais son application est décalée au plus tard au 1 er mars 2016 . Pour autant, l'article 49 prévoit une entrée en vigueur progressive, d'abord sur les actes et consultations externes puis sur les GHS. Ce projet a longtemps souffert d'une grande immobilité et d'une absence de pilotage ; il constitue, il est vrai, un chantier technique complexe pour les établissements mais aussi une base nécessaire à la création de véritables parcours de santé. Dans le système global actuel, il n'est en effet pas possible d'identifier les prestations reçues par un patient à l'hôpital et de « chaîner » l'ensemble de sa prise en charge entre les soins de ville, le secteur sanitaire et les soins de suite et de réadaptation.

2. Investir pour l'avenir

L' article 57 du projet de loi fixe la dotation de l'assurance maladie au fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (Fmespp) à hauteur de 370,27 millions d'euros.

Cette somme correspond à un doublement de la dotation à périmètre constant (hors fonds d'intervention régional créé courant 2012) et consacre la priorité annoncée par le Gouvernement au titre de l'investissement hospitalier . Sur les 189 millions d'euros de crédits complémentaires par rapport à 2012, une enveloppe de 150 millions sera utilisée pour les années 2014 à 2017. Un effort particulier sera réalisé sur les systèmes d'information hospitaliers , pour un montant de 64,6 millions .

3. Améliorer les conditions de la mise en réserve de crédits

L' article 47 bis introduit de nouvelles modalités de mise en réserve des crédits en début d'exercice. A la suite du rapport Briet sur le pilotage de l'Ondam en 2010, le précédent gouvernement avait décidé un gel d'environ 0,3 % de l'Ondam chaque année, mais il avait estimé que ce gel ne pouvait techniquement porter que sur les « dotations », c'est-à-dire les crédits s'apparentant à des lignes budgétaires classiques. De 2010 à 2012, l'effort portait donc, en pratique, presque uniquement sur les Migac, pourtant destinées à financer des missions d'intérêt général et des aides à des établissements en difficulté.

Aujourd'hui, le Gouvernement propose d'élargir l'assiette de la mise en réserve, ce qui la rend plus indolore, en faisant porter le gel sur la « masse tarifaire » de l'ensemble des établissements de santé. Un coefficient de minoration, qui devrait être inférieur à 1 %, s'appliquera en début d'année sur les tarifs de prestations. A la suite d'un avis du comité d'alerte de l'Ondam rendu avant le 15 octobre et portant spécifiquement sur le respect de l'objectif pour l'année en cours, le Gouvernement décidera, le cas échéant, de verser aux établissements tout ou partie des montants réservés.

Cette solution permet de maintenir le principe de la mise en réserve qui est nécessaire pour éviter les dépassements de l'Ondam, tels que celui constaté en 2007, mais met en place des modalités de mise en oeuvre nettement plus pertinentes qu'auparavant.

4. La commission souhaite améliorer les conditions des contrôles de la tarification à l'activité

Lors de la préparation du rapport de Jacky Le Menn et Alain Milon, il est clairement apparu que les contrôles opérés par les agences régionales de santé et l'assurance maladie sur le codage des prestations dans le cadre de la tarification à l'activité se déroulaient en pratique assez difficilement dans nombre d'établissements. Or, ces contrôles sont importants dans un système de financement tel que la T2A et ils doivent être « partagés » par l'ensemble des acteurs.

C'est pourquoi, à l'initiative de votre rapporteur, la commission a adopté deux amendements reprenant des propositions du rapport de la Mecss :

- le fait que la commission placé auprès du directeur général de l'ARS et chargé de lui donner un avis sur les sanctions soit composée à parité, d'une part, de l'ARS et de l'assurance maladie, d'autre part, des fédérations hospitalières ;

- la possibilité de recourir à des praticiens en exercice pour participer aux équipes de contrôle, ce qui permet un fructueux échange d'informations entre l'assurance maladie et les praticiens et une meilleure diffusion des expériences lorsque le médecin retourne dans son établissement.

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