EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Objet : Cet article précise les modalités de mise en oeuvre du déblocage exceptionnel des sommes attribuées aux salariés au titre de la participation et de l'intéressement
I - Le dispositif proposé
a) Le principe du déblocage
L'article 1 er de la proposition de loi pose le principe du déblocage anticipé des droits attribués aux salariés au titre de la participation ainsi que des sommes perçues au titre de l'intéressement placés sur un compte d'épargne salariale ou sur un compte bloqué.
D'une part, il précise que les droits attribués au titre de la participation sont négociables ou exigibles avant l'expiration des délais de blocage fixés par le code du travail à savoir :
- cinq ans si l'entreprise a conclu un accord de participation ;
- huit ans si l'entreprise employant habituellement plus de 50 salariés n'a pas conclu d'accord de participation et se voit appliquer le régime d'autorité prévu à l'article L. 3323-5 du code du travail.
D'autre part, il indique que les sommes perçues au titre de l'intéressement sont négociables ou exigibles avant l'expiration du délai minimum de cinq ans prévu à l'article L. 3332-25 du même code.
b) Les sommes concernées par le dispositif de déblocage
L'article 1 er définit ensuite les sommes attribuées au titre de la participation et de l'intéressement entrant dans le champ du dispositif de déblocage exceptionnel.
S'agissant de la participation , le champ du déblocage concerne les sommes issues de la réserve spéciale ou du supplément de réserve spéciale 13 ( * ) affectées :
- à des comptes ouverts au nom des intéressés en application d'un plan d'épargne entreprise (PEE) ou d'un plan d'épargne interentreprises (PEI) ;
- à un compte courant bloqué que l'entreprise consacre à des investissements ;
- à un compte courant bloqué issu du régime d'autorité.
S'agissant de l'intéressement , le déblocage ne concerne que les sommes affectées à un plan d'épargne entreprise.
Le texte ne fait aucune distinction fondée sur l'origine des sommes versées au titre de la participation et de l'intéressement. L'abondement réalisé par l'entreprise, accessoire au versement du salarié, se voit appliquer le même régime que les droits et les sommes affectées en application des articles L. 3323-2 et L. 3315-2 du code du travail.
L'article précise également que les sommes concernées sont celles affectées avant le 1 er janvier 2013. Contrairement aux mesures comparables adoptées par le passé, le déblocage proposé concerne par conséquent l'ensemble des sommes issues de la participation et de l'intéressement quel que soit leur année de versement et l'exercice au titre duquel elles sont été attribuées.
c) Les sommes exclues du champ du dispositif
Le présent article détermine ensuite les sommes attribuées au titre de la participation et de l'intéressement exclues du dispositif de déblocage exceptionnel proposé par la proposition de loi.
Il s'agit d'une part des sommes affectées à des fonds solidaires dont 5 à 10 des investissements sont consacrés au financement d'entreprises solidaires agréées par l'autorité administrative.
Aux termes de l'article L. 3332-17-1, ces entreprises sont définies comme celles dont les titres de capital, lorsqu'ils existent, ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé et qui :
- emploient des salariés dans le cadre de contrats aidés ou en situation d'insertion professionnelle ;
- ou remplissent certaines règles en matière de rémunération de leurs dirigeants et salariés lorsqu'elles sont constituées sous forme d'associations, de coopératives, de mutuelles, d'institutions de prévoyance ou de sociétés dont les dirigeants sont élus par les salariés, les adhérents ou les sociétaires.
Il s'agit d'autre part des sommes perçues au titre de la participation et de l'intéressement affectées à un plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO).
d) Les procédures de déblocage
L'article 1 er du texte de la proposition de loi distingue cependant des procédures de déblocage différentes en fonction de l'affectation des sommes issues de la participation et de l'intéressement.
La première procédure envisagée par le texte - que l'on qualifiera de droit commun - prévoit un déblocage sur simple demande du salarié . Cette procédure est réservée aux sommes investies sur des supports dont l'évolution n'est pas susceptible de fragiliser les fonds propres des entreprises.
Elle concerne essentiellement :
- les sommes investies dans des fonds commun de placement (FCPE) dits « diversifiés » qui respectent le principe de répartition des risques et dont le tiers des ressources peut être investi en titres de l'entreprise ;
- les sommes versées à des comptes courant en l'absence d'accord de participation dans le cadre du régime d'autorité défini à l'article L. 3323-5 du code du travail.
Cette procédure peut également concerner, à titre marginal, des sommes investies en société d'investissement à capital variable (SICAV) ou en actions gérées directement par le salarié.
La seconde procédure - que l'on qualifiera de dérogatoire - subordonne quant à elle le déblocage des sommes issues de la participation et de l'intéressement à la conclusion d'un accord collectif . Il s'agit par ce biais d'éviter de déstabiliser les fonds propres de l'entreprise ou les investissements qu'elle réalise en encadrant le déblocage des sommes :
- affectées à l'acquisition de titres de l'entreprise ou d'une entreprise qui lui est liée dans le cadre de la mise en place d'une participation ou d'un intéressement au sein d'un groupe d'entreprise ;
- affectées à l'acquisition de parts de FCPE d'actionnariat salarié d'une part, ou d'actions de société d'investissement à capital variable d'actionnariat salarié (SICAVAS) 14 ( * ) d'autre part ;
- placées dans un fonds que l'entreprise consacre à des investissements.
e) Les modalités de déblocage
L'article définit par ailleurs les modalités concrètes du déblocage des sommes issues de la participation et de l'intéressement. Ces modalités correspondent à chacune des procédures évoquées ci-dessus.
En principe, le salarié est libre de décider du déblocage de tout ou partie des titres, parts, actions ou sommes inscrites à son nom. Il doit simplement le faire en une seule fois, dans la limite de 20 000 euros nets de prélèvements sociaux.
Le salarié perd en revanche cette liberté lorsque ce déblocage nécessite un accord collectif préalable. Si les sommes ou droits issus de la participation ou de l'intéressement ont été affectés à l'acquisition de titres de l'entreprise, de parts de FCPE d'actionnariat salarié, d'actions de SICAVAS ou placés dans un fonds que l'entreprise consacre à des investissements, l'accord peut en effet limiter le versement ou la délivrance de certaines catégories de droits à une partie seulement des avoirs en cause afin de ne pas fragiliser les fonds propres et les investissements de l'entreprise.
f) Le régime fiscal applicable aux droits et sommes débloqués dans le cadre de la mesure
Le IV du présent article maintient, pour le salarié et pour l'ensemble des sommes débloquées dans le cadre du dispositif proposé, le régime fiscal et social incitatif normalement applicable à l'issue de la période de blocage 15 ( * ) .
Il s'agit plus précisément :
- de l'exonération de cotisation sociale, CSG et CRDS exceptées, prévue par le second alinéa de l'article L. 3325-1 pour la participation et par l'article L. 3312-4 pour l'intéressement ;
- de l'exonération d'impôt sur le revenu prévue par l'article L. 3325-2 pour la participation et L. 3315-2 pour l'intéressement.
g) Les délais applicables à la mesure
Le présent article fixe deux délais visant à encadrer la mesure de déblocage.
Le II précise, d'une part, que le salarié devra faire sa demande de déblocage dans un délai de six mois à compter de la date de la promulgation de la loi.
Le VI indique, d'autre part, que l'employeur sera tenu d'informer ses salariés des droits dérogatoires aux droits de l'épargne salariale créés par le dispositif proposé dans les deux mois à compter de la promulgation du texte.
h) Les obligations déclaratives
A toutes fins utiles, le VII du texte contraint l'employeur ou l'organisme gestionnaire de déclarer à l'administration fiscale le montant des sommes débloquées dans le cadre de cette mesure exceptionnelle.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté trois modifications majeures au texte de la proposition de loi.
a) Le fléchage des sommes débloquées vers l'achat de biens et services
Sur proposition de M. Richard Ferrand, rapporteur de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a complété le dispositif de la proposition de loi afin de diriger les sommes débloquées vers des dépenses de consommation et d'éviter leur éventuel transfert vers d'autres formes d'épargne.
Pour ce faire, l'Assemblée nationale a expressément conditionné le déblocage des droits au titre de la participation et des sommes attribuées au titre de l'intéressement à l'achat d'un ou plusieurs biens ou à la fourniture d'une ou plusieurs prestations de services.
Afin de rendre cette condition effective, elle a prévu une procédure de contrôle allégée imposant au salarié de tenir à la disposition de l'administration les pièces justificatives attestant de l'usage des sommes débloquées.
b) Les modalités de déblocage des sommes attribuées au titre de l'intéressement placées sur un plan d'épargne d'entreprise mis en place à l'initiative de l'employeur
Sur proposition du rapporteur de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a également adopté un amendement visant à clarifier les conditions de déblocage des sommes attribuées au titre de l'intéressement placées sur un plan d'épargne d'entreprise mis en place à l'initiative de l'employeur.
Au terme de cet amendement, le déblocage des titres, parts ou actions concernés pourra être réalisé dans les mêmes formes que la mise en place du plan d'épargne salariale, à savoir à l'initiative de l'employeur.
c) La définition d'une période fixe pour le déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement
À l'initiative du rapporteur de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a par ailleurs souhaité préciser la période pendant laquelle les salariés pourront demander le déblocage de leur participation et de leur intéressement.
Au délai de six mois courant à compter de la date de promulgation de la loi, le texte adopté par l'Assemblée nationale substitue une période allant du 1 er juillet au 31 décembre 2013.
III - La position de la commission
Votre rapporteure estime qu'en concrétisant l'engagement pris par le Président de la République le 28 avril dernier et en complétant la stratégie de croissance mise en oeuvre par le gouvernement au cours des douze derniers mois, la mesure de déblocage exceptionnel proposée par le texte devrait contribuer à améliorer sensiblement le pouvoir d'achat des Français et à soutenir efficacement la consommation des ménages.
En outre, en adoptant un dispositif de « fléchage » des sommes débloquées par les salariés vers l'achat de biens et de services, l'Assemblée nationale a réussi à accroître l'efficacité de la mesure sans en dénaturer ni le principe ni les modalités de mise en oeuvre.
La commission n'a pas adopté cet article.
Article 1er bis (nouveau)
Objet : Cet article prévoit la remise d'un rapport au Parlement dressant le bilan de la présente mesure de déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement
I - Le dispositif proposé
Sur proposition du député Arnaud Richard, l'Assemblée nationale a inséré dans le texte de la proposition de loi un nouvel article prévoyant, dans le délai d'un an à compter de la promulgation de la loi, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport esquissant le bilan de la mesure de déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement.
II - La position de la commission
Selon votre rapporteure, l'adoption de cet article par l'Assemblée nationale devrait permettre à la représentation nationale de disposer de données fiables concernant les effets constatés du déblocage exceptionnel proposé.
La commission n'a pas adopté cet article.
Article 2
Objet : Cet article visait à gager le dispositif proposé par la proposition de loi par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Le dispositif de la proposition de loi revient à anticiper la mise en oeuvre de l'exonération d'impôt sur le revenu dont aurait bénéficié le salarié au terme de la période de blocage des sommes constituant son épargne salariale.
Pour se conformer aux dispositions de l'article 40 de la Constitution, l'article 2 de la proposition de loi prévoyait donc de compenser les conséquences financières de ce dispositif pour l'État, au titre de la perte de recettes anticipée, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
À l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé cet article afin de lever le gage portant sur le dispositif proposé par la proposition de loi.
* 13 Ce supplément peut être décidé par le conseil d'administration ou le directoire de l'entreprise dans les conditions fixées à l'article L. 3324-9.
* 14 A ce jour, une seule SICAVAS a été agréée par l'AMF. Il s'agit de la SICAV à Conseil d'Administration Eiffage 2000.
* 15 En dehors des circonstances exceptionnelles énumérées à l'article R. 3324-22.