EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
L'État républicain se trouve confronté aujourd'hui à un double défi : en premier lieu, celui de garder sa capacité décisionnelle en trouvant une place cohérente et adaptée au sein de la pluralité des centres de décision - publics ou privés - consécutifs à la mondialisation des circuits de décision dans les domaines économiques, financiers et même culturels d'une part, à l'autonomie croissante des autorités territoriales de l'autre. En second lieu, celui de garder sa capacité de rassemblement et de cohésion de la société française en sachant épouser les nouveaux comportements des citoyens et plus généralement des usagers des services publics, plus individualistes, souvent plus cultivés et donc demandeurs de plus de transparence, de participation, de contrôle, au détriment de la tradition verticale de l'administration à la française.
Ces deux défis ne se recoupent pas : le premier est celui de l'environnement libéral dominant qui démantèle les compétences traditionnelles de l'État, le second est celui de l'aspiration à plus de démocratie, qui met en question sa légitimité. Or la nécessité de démocratiser l'État, en particulier dans ses rapports avec ceux qu'il est censé représenter, est la meilleure façon de garantir la pérennité de son rôle dans la tradition républicaine et le projet de loi qui vous est soumis a pour objectif d'y contribuer.
I. UNE ÉTAPE SUPPLÉMENTAIRE D'UN PROCESSUS DE RAPPROCHEMENT DE L'ADMINISTRATION AVEC LE PUBLIC
A. UN PROCESSUS ENGAGÉ DÈS LES ANNÉES 1970 ET AYANT CONNU SON APOGÉE AVEC LA LOI DU 12 AVRIL 2000
Ce projet de loi d'habilitation s'inscrit dans un mouvement législatif qui n'est pas spécifique à la France et qui a débuté dans le courant des années 1970 : ce mouvement tend à mettre le service public au service du public en modifiant radicalement les relations entre les administrations (nationales ou locales, directes ou déléguées) et les usagers. Il concerne aussi bien les États de droit écrit que ceux de Common Law et l'Union européenne a accompagné et favorisé ce processus.
Son acte de naissance en France est la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République. Elle sera suivie par la loi du 17 juillet 1978 relative à l'accès aux documents administratifs, qui crée la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) 1 ( * ) , puis par la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs 2 ( * ) et surtout par celle du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration 3 ( * ) . Ces lois ont traduit des avancées importantes vers la transparence et la simplification des procédures administratives.
Les traits essentiels de cet ensemble de dispositifs sont :
- le contrôle par l'usager du service public des décisions prises à son égard, qu'il s'agisse de l'accès aux documents administratifs, de la motivation de ces actes, de leur opposabilité ;
- la possibilité de contester ces actes administratifs par des procédures contentieuses ou non contentieuses ;
- la compréhension de ces actes, qui doivent être à la portée du public le plus vaste et le moins formé aux subtilités du droit administratif ;
- la possibilité d'utiliser les procédures les plus modernes et les moins contraignantes pour dialoguer avec les administrations ;
- l'accès à tous les niveaux et types d'administration.
Ce processus est encore loin d'être arrivé à son terme et d'être cohérent, ou même d'avoir surmonté tous les barrages, qu'ils soient juridiques ou routiniers, faute d'une volonté politique constante.
* 1 Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal
* 2 Loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public
* 3 Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations