EXAMEN DES ARTICLES
ARTICLE UNIQUE
(Tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010)
Création d'un avis public des commissions parlementaires sur la nomination du président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne
Commentaire : le présent article a pour objet de prévoir un avis public des commissions parlementaires sur la nomination du président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne, conformément à la procédure définie au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
Le présent article prévoit un avis public préalable des commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat sur la nomination du président de l'ARJEL.
A cette fin, il propose d'insérer une ligne au sein du tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, citant la présidence de l'ARJEL parmi les emplois ou fonctions faisant l'objet de la procédure de nomination décrite par cet alinéa.
Comme cela a été expliqué dans l'exposé général du présent rapport, il serait approprié que les commissions compétentes du Parlement soient associées à la nomination du président de l'ARJEL.
C'est pourquoi votre commission a adopté cet article.
Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours d'une réunion tenue le mercredi 2 octobre 2013, sous la présidence de Michèle André, vice-présidente, puis de Philippe Marini, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de François Marc, rapporteur, sur la proposition de loi organique n° 812 (2012-2013) relative à la nomination du président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne.
Mme Michèle André , vice-présidente . - Nous examinons aujourd'hui la proposition de loi organique relative à la nomination du président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne que j'ai co-signée avec le rapporteur général François Marc, à qui il revient également de rapporter ce texte.
M. François Marc , rapporteur . - Je ne vais pas prolonger trop longtemps le suspense : je vous propose d'adopter sans modification cette proposition de loi organique, dont Michèle André et moi sommes les auteurs, comme elle vient de le rappeler.
Naturellement, il convient d'étayer cette position, même si Michèle André l'a déjà fait en grande partie quand elle a défendu, en juillet dernier, un amendement « miroir » dans le cadre du projet de loi relatif à la consommation - d'ailleurs adopté par le Sénat et devenu l'article 72 quinquies A de ce projet de loi.
En France, l'Etat considère que les jeux sont son affaire. Cela vient de loin puisque ce sont deux lois du XIX e siècle qui ont établi les grands principes sur lesquels reposent encore aujourd'hui notre droit en la matière :
- pour les loteries, une loi de la Monarchie de juillet (loi du 21 mai 1836), complétée en 1983 et abrogée seulement l'année dernière afin d'être codifiée au sein du code de la sécurité intérieure ;
- pour les courses hippiques, une loi de la III e République (loi du 2 juin 1891), la distinction entre pari mutuel sur les hippodromes (PMH) et pari mutuel urbain (PMU) ayant été établie ultérieurement par la loi du 16 avril 1930.
Les jeux et paris ont été organisés et exploités par deux monopoles, sur les paris hippiques d'une part, et sur les loteries, jeux de grattage et paris sportifs d'autre part. Le groupement d'intérêt économique PMU a ainsi été constitué en 1983 par les sociétés de courses, et la Française des jeux (FdJ) a succédé à France Loto en 1990, sous la forme d'une société anonyme publique détenue à 72 % par l'Etat.
C'est dire si la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne (loi n° 2010-476) a bousculé des principes plus que séculaires pour ce qui concerne les jeux d'argent et de hasard en posant le principe de l'ouverture à la concurrence des jeux en ligne.
Pour autant, chacun le sait, les jeux se trouvent au carrefour de préoccupations multiples de grande importance pour l'Etat, en particulier la lutte contre le blanchiment d'argent, la prévention de l'addiction, la préservation de l'intégrité des compétitions, mais aussi la préservation des recettes publiques et du financement de certaines filières. Le montant total de ces prélèvements était de l'ordre de 5,6 milliards d'euros en 2012. Avec François Trucy, nous nous étions d'ailleurs interrogés, en 2010, sur la possible érosion de ces recettes publiques. Fort heureusement, pour l'instant, elles font mieux que se maintenir.
Les jeux en ligne ne sont pas épargnés a priori par les risques associés aux jeux, bien au contraire. Le fait de pouvoir jouer chez soi sur des supports dématérialisés peut, au contraire, accentuer certains de ces risques. Le législateur de 2010 a donc dû pallier l'absence de contrôle direct des opérateurs par l'Etat par l'établissement de règles strictes.
Un régulateur sectoriel a donc été chargé de veiller à la bonne application de ces règles par chacun : l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL).
Le rôle de l'ARJEL est évidemment d'une grande importance. Elle doit définir les catégories de compétition et les phases de jeu pouvant faire l'objet de paris sportifs en ligne. Elle octroie les agréments aux opérateurs qui les sollicitent. Elle contrôle le respect de leurs obligations par les opérateurs agréés et, le cas échéant, enclenche le processus de sanction. Elle évalue les résultats des actions menées par les opérateurs agréés en matière de prévention du jeu excessif ou pathologique. Elle effectue les contrôles nécessaires en matière de lutte contre les conflits d'intérêts. Elle lutte contre les sites illégaux. Elle propose également aux pouvoirs publics les évolutions législatives et réglementaires qui lui semblent nécessaires.
Il nous a donc semblé, à Michèle André et moi, que la présidence de l'ARJEL gagnerait à faire partie des emplois et fonctions pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée, conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution. Pour mémoire, un grand nombre de présidents d'autorités de régulation relève déjà de ce régime, comme l'Autorité de la concurrence, l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l'Autorité des marchés financiers, l'Autorité des normes comptables, etc.
C'est pourquoi je vous propose d'adopter cette proposition de loi organique. Son dispositif sera complété par l'article que nous avons inséré dans le projet de loi relatif à la consommation, qui précise que ce sont les commissions des finances des deux assemblées qui seront compétentes pour se prononcer sur la nomination du président de l'ARJEL.
Présidence de M. Philippe Marini, président
M. Philippe Marini , président . - Je remercie le rapporteur général de cette présentation. Cette proposition de loi organique n'est effectivement pas une surprise après nos débats du mois de juillet sur le projet de loi relatif à la consommation.
M. François Trucy . - Je suis très satisfait du dépôt de cette proposition de loi organique. Elle est très opportune et je soutiendrai donc son adoption. Je considère qu'il s'agit de la première évolution significative de la loi du 12 mai 2010 après une « revoyure », prévue par la loi elle-même, un peu décevante.
Vous vous souvenez à quel point nous avons lutté, il y a trois ans, afin d'obtenir la création dans la loi d'un Comité consultatif des jeux (CCJ) qui a pu mettre de l'ordre dans les interventions disparates des différents ministères - pas moins de sept étaient concernés - et d'appréhender le phénomène des jeux dans sa globalité, notamment au travers de l'Observatoire des jeux. Seule la menace d'une navette prolongée, incompatible avec une entrée en vigueur de la loi avant la Coupe du monde de football de 2010, avait pu débloquer le dossier.
Quant à l'ARJEL, créée elle aussi par la loi du 12 mai 2010, elle a su pour l'instant répondre aux défis de la libéralisation.
En conclusion, ce texte me convient très bien et je remercie leurs auteurs de l'avoir déposé.
M. Jean Germain . - Je n'ai pas d'observation particulière à formuler sur la proposition de loi organique, mais je tiens à remercier le rapporteur général pour son rappel historique. Il est vrai que le sujet des jeux a des racines lointaines.
Ainsi, souvenons-nous que le 16 juillet 1789, deux jours après la prise de la Bastille, le peuple se pressait au tirage de la Loterie royale, à l'Hôtel de Ville de Paris. Des débats passionnés ont eu lieu au sein de la Convention afin de savoir s'il fallait supprimer cette loterie. Robespierre souhaitait d'ailleurs plutôt son maintien, à l'inverse de Mirabeau. Finalement, la loterie, supprimée par la Convention, a été rapidement rétablie sous le Directoire puis fortement développée par Napoléon Bonaparte, essentiellement pour des raisons budgétaires, en l'occurrence plus fortes que celles de la morale...
Mme Michèle André . - Comme l'a rappelé François Marc, nous avons déjà examiné le principe de la nomination du président de l'ARJEL après avis public des commissions des finances dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la consommation, porté par Benoît Hamon, dont j'étais rapporteure pour avis. Ce texte comprenait d'ailleurs un véritable volet sur la régulation des jeux. C'est à cette occasion que j'ai constaté que de nombreux acteurs du monde des jeux, aux points de vue divers par ailleurs, se rejoignent pour se féliciter de l'action de l'ARJEL. Et la presse, qui se fait parfois l'écho de scandales liés à des paris truqués, souligne que la France est peut-être moins exposée que d'autres pays du fait de sa réglementation et grâce à son régulateur sectoriel.
M. Philippe Marini , président . - J'ajouterai que la loi du 12 mai 2010 montre bien qu'il est techniquement possible de taxer un secteur économique en ligne sur lequel opèrent des groupes internationaux. Plus de 600 millions d'euros ont été ainsi prélevés sur les mises encaissées par les opérateurs en 2011 et en 2012, les deux premières années pleines de la réforme. Il est vrai que des impératifs d'ordre public justifient, pour le secteur des jeux, une procédure d'agrément nationale qui permet notamment d'assurer l'effectivité des prélèvements.
M. François Trucy . - Restons quand même prudents : le combat n'est jamais gagné. Certes, aujourd'hui, le jeu légal, correctement encadré, capte une très forte part du marché global des jeux en ligne.
Mais les opérateurs souffrent sur le plan économique. Cela ne saurait durer trop longtemps sans avoir des conséquences. Personne n'a intérêt à voir apparaître certaines dérives.
M. François Marc , rapporteur . - Je remercie l'ensemble des intervenants. Je pense que le dispositif proposé par le texte que nous examinons sera utile et que nous pouvons nous retrouver pour l'adopter.
M. Philippe Marini , président . - Je vais donc mettre aux voix la proposition de loi organique relative à la nomination du président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne.
La proposition de loi organique est adoptée sans modification.