EXAMEN EN COMMISSION
La commission s'est réunie le mardi 4 novembre 2014 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par le rapporteur Mme Colette Mélot, le débat suivant s'est engagé :
M. Jean Bizet, président. - Je remercie le rapporteur pour sa présentation, concernant un sujet qui est au coeur des conclusions de la mission commune d'information menée au premier semestre 2014 par le Sénat. Nous aurons l'occasion de travailler prochainement sur les autres dimensions de l'enjeu numérique, comme le volet industriel, sur lequel j'ai noté l'intérêt de notre collègue André Gattolin, ou le volet protection des données, que suit notre collègue Simon Sutour. Le sujet que nous abordons aujourd'hui est absolument central, et j'ai moi-même pris l'initiative d'adresser le mois dernier un courrier, avec nos collègues Catherine Morin-Desailly et Gaëtan Gorce, à Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique auprès du Ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique, afin de dénoncer les pratiques de l'ICANN concernant la délégation des noms de domaine en « .vin » et « .wine ».
M. Simon Sutour . - Il n'est pas facile de s'y retrouver dans cette multitude de sigles autour de la gouvernance de l'Internet, mais je fais confiance à mes collègues, d'autant qu'il s'agit de la prolongation d'un travail transpartisan. Je suivrai avec attention les développements relatifs à la protection des données, et particulièrement la négociation sur la proposition de règlement initiée par Mme Viviane Reding, commissaire européenne à la justice devenue depuis députée européenne. Nous avons exprimé notre inquiétude à l'égard du risque que le niveau de protection des données de nos concitoyens, aujourd'hui assurée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), se dégrade avec la règle proposée qui voudrait que les citoyens s'adressent non plus à l'autorité de protection des données de leur pays de résidence mais à celle du pays où l'entreprise en cause est installée, soit l'autorité irlandaise pour ce qui concerne Google ou Facebook. Or cette autorité irlandaise est calibrée pour un pays d'à peine plus de 4 millions d'habitants et n'est pas en mesure de relever seule ce défi.
Pour en revenir à la proposition de résolution européenne qui nous est soumise aujourd'hui, j'indique que mon groupe l'approuve.
M. Michel Billout . - Cette proposition de résolution européenne se situe dans le droit fil du travail déjà réalisé collectivement. Donc elle ne soulève de mon point de vue aucune difficulté. Je souscris également aux propositions d'enrichissement de la rapporteure. Je n'aurais qu'un regret : que le texte n'insiste pas sur la problématique de l'évasion fiscale, qui représente en matière numérique un manque à gagner considérable, notamment pour notre pays.
M. Richard Yung . - Le texte dans son ensemble me convient. Mais je voudrais faire part de mes interrogations concernant le fait que la proposition de résolution appuie la transformation de l'ICANN en un organe qui prendrait le Comité international de la Croix-Rouge comme modèle. En effet, l'opacité de la Croix-Rouge n'en fait pas, selon moi, le meilleur modèle à suivre.
Mme Colette Mélot . - La référence à la Croix-Rouge ne signifie pas que cet organisme soit exemplaire à tous points de vue. Elle me paraît toutefois utile dans le contexte actuel, où les États-Unis tendent à refuser de refonder l'ICANN sur un traité de droit international public : en effet, bien que relevant du droit privé suisse, le CICR se voit reconnaître une personnalité juridique internationale au même titre que les organisations intergouvernementales, en vertu d'un statut souvent qualifié de sui generis . Même si son existence ne découle pas en soi d'un mandat conféré par des gouvernements, ses activités - fournir protection et assistance aux victimes de conflits armés - sont prescrites par la communauté internationale des États et fondées sur le droit international, en particulier sur les Conventions de Genève. Ce statut hybride pourrait donc inspirer la réforme de l'ICANN.
M. Jean Bizet, président. - Je mets aux voix la proposition de résolution européenne dans la rédaction proposée par le rapporteur.
La proposition de résolution européenne ainsi modifiée est adoptée à l'unanimité.
M. Jean Bizet, président. - Je précise que les questions de protection des données seront traitées à la fois par la commissaire européenne à la justice, Vera Jourova, par la commissaire au commerce, Cecilia Malmström, notamment concernant la renégociation de l'accord euro-américain dit Safe Harbor , voire par Günther Oettinger, commissaire chargé de l'économie et de la société numériques, sous la supervision de Andrus Ansip, vice-président de la Commission chargé du marché unique numérique. Nous pouvons en tout cas nous féliciter que le numérique soit l'une des priorités affirmées par le président Juncker car il est au coeur de l'achèvement du marché intérieur.
M. Simon Sutour . - Mme Malmström, suédoise, est très libérale... Nous devrons être vigilants.