ANNEXE 2 - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
- Mercredi 3 février : Madame Sylvie Bermann , Ambassadeur de France auprès du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord.
- Lundi 8 février : son excellence Sir Julian King , Ambassadeur du Royaume-Uni en France et M. Olaf Henricson-Bell , conseiller aux affaires européennes.
ANNEXE 3 - AUDITION DE MME SYLVIE BERMANN, AMBASSADEUR DE FRANCE AU ROYAUME-UNI
Réunie le 3 février 2016 sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'audition de Mme Sylvie Bermann, Ambassadeur de France auprès du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord, sur le référendum britannique sur l'appartenance à l'Union européenne et la revue de défense et de sécurité britannique.
M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Mes chers collègues, nous sommes heureux d'accueillir Mme Bermann, notre ambassadrice au Royaume-Uni, ainsi que nos amis de la commission des affaires européennes et leur président, Jean Bizet. Je précise que la commission a désigné Joëlle Garriaud-Maylam comme rapporteur de la proposition de résolution européenne sur les relations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.
Nous sommes, madame, très heureux et très honorés de vous recevoir. Nous apprécions votre action, celle d'aujourd'hui comme celle d'hier. Vous avez marqué de votre empreinte et de manière extrêmement positive les relations franco-chinoises, dont on voit aujourd'hui qu'elles connaissent des succès, grâce notamment au travail que vous avez conduit.
Nous voudrions vous saluer pour cela, ainsi que pour l'action qui est aujourd'hui celle de la France au Royaume-Uni, et étudier avec vous un sujet qui nous préoccupe plus particulièrement - je le cite parce que c'est un point sur lequel un certain nombre de collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées pourraient vous interroger - celui de la revue de défense britannique, qui est en fait l'équivalent de notre « Livre blanc », qui prévoit une montée en puissance des moyens militaires, avec une perspective de budget de défense représentant 2 % du PIB, norme fixée par l'OTAN. C'est sans doute aussi pour nous une exigence si l'on veut tenir les engagements militaires qui sont les nôtres.
La revue de défense britannique choisit un format des armées qui inclut une dissuasion nucléaire renouvelée, avec 40 milliards de livres d'investissements pour le renouvellement des sous-marins nucléaires, les SNLE. C'est donc un sujet qui nous intéresse beaucoup. Pouvez-vous nous dire comment vous voyez la démarche britannique ? Quelles sont notamment les capacités que le Royaume-Uni a aujourd'hui de pouvoir réaliser les objectifs qu'il affiche dans la revue de défense ?
Nous voudrions naturellement ensuite vous entendre - vous choisirez l'ordre des sujets - sur le Brexit . Notre commission vient d'en parler à l'instant. Nous voudrions connaître votre point de vue...
Il est clair que, vu de Paris, on est pris entre deux préoccupations majeures, d'une part éviter des processus de déconstruction de l'Union, qui seraient des signaux assez catastrophiques envoyés au monde et qui constitueraient un processus dont on ne sait pas où il pourrait s'arrêter et, d'autre part, éviter d'agir sous la pression d'un rapport de force.
Ce « paquet Tusk », on le voit bien, nous met devant un dilemme, dont il faudra peser les termes lors de notre débat qui précédera le Conseil européen, les 18 et 19 février.
Voilà, Madame l'ambassadeur, les sujets qui nous préoccupent - mais mes collègues vous poseront leurs propres questions, aussi bien en matière d'affaires étrangères, d'Europe, que de défense.
Je laisse maintenant la parole à mon collègue et ami Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Merci, monsieur le président. Nous sommes particulièrement heureux de vous recevoir, madame l'ambassadeur. M. le président Raffarin a déjà tout dit mais, au travers de cet échange, nous prolongerons en quelque sorte ceux que nous avons déjà eus il y a une quinzaine de jours avec vous et Fabienne Keller, qui est l'auteure d'un rapport que la commission des affaires européennes a récemment examiné. Il est à votre disposition dès ce matin.
Je crois pouvoir résumer brièvement notre position, en disant tout d'abord que, dans un contexte difficile, comme l'a souligné le président Raffarin, où la cohésion européenne doit être préservée, nous souhaitons que le Royaume-Uni reste dans l'Union. C'est un débat qui va nous retenir pendant quelque temps, notamment en plénière, le 17 février prochain, dans le cadre d'un débat préalable au Conseil européen. Toutefois, si nous sommes ouverts au dialogue - et nous avons regardé avec attention les dernières propositions du Conseil, qui semblent satisfaire M. Cameron, qui lui-même a encore demandé quelques avancées pour positionner le curseur - notre compréhension ne peut aller jusqu'à remettre en cause les acquis de la construction européenne auxquels le Sénat, vous le devinez, est particulièrement attaché !
C'est à l'aune de cette ligne directrice que nous souhaitons que le prochain Conseil européen fixe sa position.
Nous voudrions donc connaître les évolutions de l'opinion publique britannique, même si nous connaissons déjà un peu la pensée de ceux qui sont « aux responsabilités ». Voilà pourquoi nous sommes particulièrement attentifs à votre présence aujourd'hui et à vos propos. Merci encore, madame l'ambassadeur, d'être présente aujourd'hui au Sénat.
Mme Sylvie Bermann, ambassadeur de France auprès du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord. - Messieurs les présidents, mesdames et messieurs les sénateurs, merci de me recevoir ce matin. Le sujet est d'actualité, comme vous le voyez. Vous avez bien choisi la date, puisque le président Tusk a fait ses propositions hier.
Le référendum sur l'appartenance du Royaume-Uni à l'Union européenne mobilise toute la classe politique britannique depuis plusieurs mois, plus particulièrement David Cameron qui, depuis les élections, a entamé un périple à travers l'Europe. Il s'est rendu au moins deux ou trois fois dans les différents pays. Il est venu voir le Président de République au mois de mai dernier, dès l'adoption du discours de la Reine, qui annonçait ce référendum. Il l'a reçu à Chequers en septembre pour préciser ses demandes, et également à Paris pour un petit-déjeuner à la suite des attentats du 13 novembre. Je tiens à le dire, les Britanniques nous ont accordé un soutien exceptionnel à la suite des attentats de Paris. David Cameron lui-même a dit : « La France est un allié et un ami, et on doit tout faire pour l'aider ». C'est la raison pour laquelle il a lancé le débat au Parlement sur les frappes en Syrie, qu'il a mis à notre disposition la base d'Akrotiri à Chypre, et que les Britanniques sont prêts à nous aider en Afrique, à la suite de la demande du ministre de la défense.
Pourquoi ce référendum ? Tout d'abord, il existe un euroscepticisme ambiant au Royaume-Uni, qui n'a jamais tellement adhéré à l'Europe telle que nous la concevons, mais l'envisage essentiellement sous l'angle du marché commun. Dans le contexte électoral, face à la poussée du mouvement nationaliste UKIP qui fait un lien entre l'Europe et les problèmes d'immigration, David Cameron s'est engagé dès 2013 à organiser un référendum sur l'Europe.
Il pensait, s'il gagnait les élections - ce qui n'était pas sûr - être en coalition avec le parti des Libéraux démocrates. Mais il a gagné les élections d'une courte majorité et le manifesto , qui est le programme du parti, s'applique donc intégralement, et le référendum aura donc bien lieu.
La situation pour le premier ministre est difficile, parce qu'il a doit faire face au sein de son parti aux backbenchers, des députés qui ne sont pas eurosceptiques mais europhobes, et qui veulent sortir de l'Union européenne quoi qu'il arrive.
Le sujet, pour eux, n'est pas celui de l'immigration, mais de la souveraineté intégrale du Parlement : tout doit se décider à Westminster. Ils ne peuvent accepter, surtout pour un pays qui n'a pas de Constitution écrite, qu'une partie de la loi soit rédigée à Bruxelles, d'où un risque de scission du parti.
Une autre difficulté vient de l'incertitude du nouveau leadership du parti travailliste, le Labour , encore qu'il vienne de se prononcer de manière assez claire. Je parlerai de l'opinion publique après.
Dans ce contexte, David Cameron s'exprime de manière de plus en plus positive sur l'intérêt du maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne, pas seulement en termes de prospérité économique, mais aussi en termes d'influence et de sécurité du pays. Si le Royaume-Uni sort de l'Union européenne, il deviendrait pour Washington un partenaire moins important et la relation spéciale avec les États-Unis n'aurait plus beaucoup de sens. David Cameron sait aussi que, vis-à-vis de la Russie et de la Chine, le Royaume-Uni n'a pas intérêt à paraître isolé.
Les principaux ministres - le ministre des affaires étrangères en particulier - sont également de plus en plus convaincus des mérites de rester dans l'Union européenne.
David Cameron a donc essayé de formuler un certain nombre de propositions. Les choses ont beaucoup évolué en un an, d'abord parce que les partenaires européens ont exprimé leur point de vue, dont Angela Merkel et le Président de la République. Je crois que ce qui a changé la perception de David Cameron vis-à-vis de la France - à un moment où il considérait un accord avec Berlin suffisant - c'est le rôle qu'a joué le Président de République lors de la crise grecque, qui a démontré que la France avait également un poids dans la négociation.
Le premier ministre ne demande plus de révision du traité, mais souhaite un accord juridiquement contraignant, ce qui peut être fait par le biais d'une déclaration des chefs d'Etat et de gouvernement au Conseil européen.
Il ne réclame plus exactement de limites à la circulation - encore que la formule du frein d'urgence soit assortie d'un certain nombre de conditions, du fait de la nécessité d'une proposition de la Commission et d'une décision du Conseil. Il doit toutefois impérativement obtenir quelque chose sur ce sujet-là, qui intéresse les électeurs britanniques.
S'agissant des liens entre zone euro et non-zone euro, il a dit très clairement qu'il ne s'opposait pas à l'intégration de la zone euro, qu'il n'entendait pas y mettre de veto, et que c'était d'ailleurs l'intérêt du Royaume-Uni que la zone euro soit viable économiquement.
D'autres demandes concernent une meilleure réglementation, une moindre bureaucratie, l'achèvement du marché unique dans le domaine des capitaux et de l'économie digitale, ainsi qu'un certain nombre de dispositions allant dans le sens de l'intérêt général. Une sortie du Royaume-Uni risque d'affaiblir l'Union européenne. C'est une des économies les plus dynamiques, avec près de 65 millions d'habitants, le seul pays qui ait une capacité de projection militaire et qui est souvent à nos côtés. Ce serait très mauvais pour la France, pour l'Union européenne, et pour le Royaume-Uni, bien sûr. Si l'on veut peser face à des États continents comme les États-Unis ou la Chine, on a besoin de ce marché commun, de ces 500 millions d'habitants. On est plus forts ensemble.
Mon expérience en tant qu'ambassadeur en Chine me l'a clairement démontré : lorsque la France, l'Allemagne ou d'autres pays ont essayé de résoudre seuls leurs contentieux commerciaux, ils n'ont pas eu gain de cause. C'est la Commission qui a pesé, grâce à ses prérogatives. Le plus grand marché économique du monde, ce n'est pas celui que représentent les États-Unis, c'est l'Union européenne. C'est donc notre intérêt que le Royaume-Uni reste dans l'Union européenne.
On va examiner les propositions qui ont été formulées par le président du Conseil européen. Il va donc y avoir, le 5 et le 11 février, des réunions des sherpas . Il y a eu bien sûr de nombreux contacts préalables avec le Trésor et le sherpa français. David Cameron a appelé plusieurs fois le Président de la République.
Restent les crochets dans le texte, en particulier les questions de rédaction concernant la zone euro, l'Union sans cesse plus étroite. En fait, ceci figure dans le préambule, on ne va donc pas le supprimer du traité, mais les Britanniques vont dire que cela ne s'applique pas à leur cas. Il aurait été évidemment inacceptable de la retirer du traité, mais je pense qu'on approche quand même d'un compromis qui ne franchit pas nos lignes rouges, qu'on a exprimées très clairement, sous réserve, je le répète, d'une rédaction vérifiée par les juristes.
L'échéance pour trouver un accord est fixée au 18 février, lors du Conseil européen.
Après l'accord, il faut quatre mois de procédure législative, et David Cameron a dit qu'il la lançait immédiatement, la limite étant fin juin. On parle donc de la date du 23 juin pour tenir le référendum. Ensuite les Écossais partent en vacances - il vaut mieux qu'ils soient là car ils sont plutôt pro-européen dans l'ensemble, puis c'est au tour des Anglais.
Le rapport de force est actuellement difficile à déterminer, parce que les sondages sont très serrés. Un Britannique m'a dit que cela allait être chaotique, mais qu'à la fin, il était convaincu que le Royaume-Uni resterait dans l'Union européenne. Je partage cette opinion, parce que je pense que la conjonction des intérêts pour le Royaume-Uni, pays dont on fait remarquer qu'il est à la fois pragmatique et conservateur, fera que les Britanniques ne voudront peut-être pas sauter dans l'inconnu. De plus, comme le dit fort justement David Cameron, le Royaume-Uni a le meilleur des deux mondes. C'est ce que vous disiez tout à l'heure : ils sont dedans, et ils sont dehors. C'est vrai qu'ils ne sont pas dans les programmes qui posent des difficultés, comme l'euro et Schengen. Ils en tirent donc des avantages. D'ailleurs, le gouverneur de la Banque d'Angleterre a fait une étude sur ce sujet et, de plus en plus, les hommes d'affaires s'expriment.
Pour le moment, il est difficile de voir le rapport de force, parce que les partisans du non, qui veulent sortir, sont déjà intervenus à voix haute, même s'ils n'ont pas de grand porte-parole pour le moment. Leurs arguments ne sont pas très crédibles. Ils disent par exemple que l'Union européenne peut être remplacée le Commonwealth , ou qu'ils pourraient avoir le statut de la Norvège. Le Premier ministre norvégien leur a dit : « Nous, nous payons à l'Union européenne. Nous sommes obligés d'en respecter les règles, et nous ne sommes pas à la table des négociations pour les élaborer. Nous ne voyons donc pas bien l'intérêt pour vous ! ».
Pour le moment, les partisans du non ont du mal à trouver des arguments ou des alternatives, mais dans ce que l'on peut appeler l'Angleterre profonde, le thème de l'immigration a une résonance. Les Britanniques y ont le sentiment qu'on leur prend leurs emplois, qu'ils ont plus de mal à trouver de la place pour leurs enfants dans les écoles, ou à aller dans les hôpitaux.
Le camp du oui ne s'est pas encore exprimé de manière claire. David Cameron veut précisément jouer sur les succès qu'il aura remportés vis-à-vis de l'Union européenne, mais le monde des affaires, l'équivalent du MEDEF, la Confederation of British Industries (CBI) sont dans les starting-blocks . C'est pour eux une évidence, mis à part les 20 % qui ne sont pas sur cette ligne-là parce qu'ils ont une activité plus concentrée géographiquement sur le Royaume-Uni. Cela étant, ces derniers sont souvent fournisseurs de grands groupes, comme Airbus ou autres, et leur intérêt pourrait donc être également mis en cause.
Je pense que cette campagne va commencer sérieusement après l'adoption du paquet européen. Encore une fois , in fine , si l'on considère l'épée de Damoclès que constitue un nouveau référendum écossais en cas de sortie de l'Union européenne, je suis plutôt optimiste.
Pour finir, quel est l'intérêt pour la France que le Royaume-Uni demeure dans l'Union européenne ? C'est notre meilleur partenaire sur les questions de défense et de sécurité en termes d'échanges de renseignements.
Il existe un sujet difficile, celui de Calais, même si on a développé notre coopération. On pourra y revenir.
En matière de défense, ils sont membres permanents du Conseil de sécurité, comme vous l'avez dit, monsieur le président, et ont confirmé l'objectif de 2 % de dépenses militaires dans le budget. David Cameron a dit, après les élections : « Britain is back ! ». Le premier ministre veut se réinvestir dans les affaires internationales. Je dis souvent que, en matière de défense européenne, les Britanniques sont pratiquants mais non croyants. En réalité, ils n'aiment pas le concept de défense européenne, mais quand on leur demande d'y aller, ils y vont, que ce soit au Mali ou dans le cadre de l'opération Sofia, en Méditerranée. Ils dirigent toujours l'opération Atalante de lutte contre la piraterie. En réalité, ils nous aident.
La coopération bilatérale est étroite. On va avoir un sommet franco-britannique début mars, dont grande partie sera consacrée à la sécurité, à la défense et aux programmes d'armement communs, comme l'avion du futur, le FCAS, les programmes de missiles.
Dans la revue de défense, après les États-Unis, c'est la France qui est leur meilleur partenaire. Beaucoup de chercheurs britanniques remarquent la place qui a été prise par la France en matière de défense.
Ce sujet va être un des sujets prioritaires, à côté du nucléaire, avec la centrale d'Hinkley Point et la coopération dans ce domaine. Je signale ici - je l'ai proposé, j'espère que ce sera retenu - notre intention de développer également les relations transfrontalières avec les provinces limitrophes dans tous les domaines, ainsi que le programme Young Leaders , comme on l'a fait avec les États-Unis et, récemment, avec la Chine.
On a souvent l'illusion, beaucoup de Français passant leur week-end à Londres et beaucoup de Britanniques - 12 millions, en fait - venant en vacances chaque année en France, que l'on se connaît bien, mais je crois que ce n'est pas le cas. On aimerait développer le tissu de nos relations. J'espère que cette suggestion sera retenue. Ce que l'on souhaite, c'est qu'il y ait des échanges. Je pense que c'est important : encore une fois, ce n'est pas parce qu'on est proches que nous nous connaissons aussi bien qu'on l'imagine. Je suis à présent prête à répondre à vos questions.
M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Merci beaucoup. La parole est à Mme Garriaud-Maylam, puis à Mme Keller.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Madame l'ambassadeur, chère Sylvie Bermann, je voudrais d'abord vous remercier de tout ce que vous faites en Grande Bretagne, depuis un an, au service des relations franco-britanniques, dans un contexte qui n'est pas toujours facile. Vous avez toujours fait la preuve de la qualité de votre engagement.
Cette question du Brexit , nous en avons souvent parlé ensemble dans différentes réunions, au Conseil franco-britannique et ailleurs. Là encore, je voudrais vous remercier d'avoir bien positionné ce sujet dans le contexte britannique, avec les différents éléments.
J'aurai quand même un certain nombre de questions plus précises à vous poser...
En ce qui concerne le projet de loi d'organisation du référendum, quels aménagements ont été réalisés et comment cela pourrait-il nous aider à maintenir le Royaume-Uni dans notre ensemble européen ?
Deuxièmement, les acteurs de la campagne électorale me paraissent constituer un sujet fondamental, 6 millions de livres sterling devant être répartis entre les deux camps. Comment les choses vont-elles se passer au niveau de la presse ? C'est vraiment notre « ennemi » le plus important. Cela fait des années et des années que la presse britannique s'oppose à tout ce qui concerne la construction européenne, l'Union européenne, avec des messages extrêmement négatifs en permanence. On l'a vu encore ce matin avec la une des journaux britanniques, qui considère par exemple les positions de Donald Tusk comme « a joke », ce qui est extrêmement fort ! Il faut donc les moyens de contrecarrer ce message, et cela ne peut bien sûr venir que des Britanniques eux-mêmes, parce que nous, Européens, serions immédiatement soupçonnés de défendre nos intérêts.
Un simple exemple : quand on voit les sondages, même parmi les parlementaires, l'ignorance des questions relatives à l'Union européenne est frappante. Quand 61 % des parlementaires disent - c'est un sondage de la semaine dernière - qu'ils ne savent même pas qui exerce la présidence du Conseil européen, c'est extrêmement grave !
Parmi eux, 11 % des Tories veulent sortir de l'Union européenne, 25 % envisagent la sortie, et 69 % se disent très mal à l'aise sur cette question. C'est inquiétant, mais ce qui l'est davantage encore, ce sont les sondages relatifs à la perception qu'a le peuple britannique de l'Union européenne, vous l'avez très bien dit, madame l'ambassadeur.
En un mot, le lien entre l'immigration et l'Union européenne est le handicap le plus important. 16 % seulement des Britanniques pensent que c'est la question la plus importante - ou une des questions les plus importantes. 46 % estiment que l'immigration est la question fondamentale.
Vous avez abordé la question de l'Écosse. J'ai déjà travaillé pour la commission des affaires européennes sur ce sujet : il faut effectivement l'utiliser comme un levier. On sait très bien que des voix, en Écosse, se sont élevées pour un nouveau référendum écossais en cas de décision de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Espérons que cela fera réfléchir les Britanniques. Il existe aussi des questions économiques liées à l'Écosse, mais les enjeux de sécurité et de défense sont essentiels.
Mme Fabienne Keller . - C'est toujours un grand plaisir, madame Bermann, de vous retrouver, à Londres ou à Paris.
Je salue votre implication et votre vision mondiale. Vous avez rappelé votre parcours en Chine, et votre présentation éclaire aussi l'enjeu que constitue la présence du Royaume-Uni en Europe.
Nous sommes au terme d'un processus qui a démarré il y a plus de trois ans, avec la Review of competences , un exercice d'analyses magnifique mené par les Britanniques, très consensuel - 32 chapitres, de mémoire - destiné à savoir ce que l'Union européenne fait bien et ce qu'elle pourrait faire mieux, avec beaucoup de contributions, notamment des forces vives britanniques. Puis, lors du discours de Bloomberg, David Cameron, préparant ces élections, face à l'aile conservatrice du parti, qui n'est pas pro-européenne, a pris l'engagement du référendum... Nous y voilà à présent !
Madame l'ambassadrice, vous avez rappelé les deux étapes - négociation au Conseil européen, puis référendum. Ceci rend notre posture très compliquée. En effet, si la négociation au Conseil européen peut constituer un gain et permettre de rester ferme avec les Britanniques, elle pourrait aussi se révéler un piège dans la relation entre David Cameron, qui sera forcément le leader du camp du oui, et sa population.
Tout en soutenant évidemment la position très prudente de la France, qui vise à ne pas compliquer la campagne référendaire, pourriez nous donner quelques précisions sur les négociations en cours quant au rôle des parlements nationaux ? On a appris dans la presse ce matin que 55 % des parlements pourraient créer un blocage autour d'un texte engagé par la Commission au niveau du Conseil, avec obligation de l'amender. Est-ce la voie vers laquelle la négociation s'oriente ? C'est d'ailleurs un sujet sur lequel il y a plutôt adhésion de notre côté.
La question de la mobilité intra-européenne est le sujet central pour le peuple britannique, avec l'accès au système de complément de revenus, dont on sait qu'il n'a pas de conditions de durée. Pourriez-vous nous en dire un peu plus, cette clause pouvant être utilisée en cas de déstabilisation des services publics britanniques ? Je vous remercie.
M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Merci. La parole est à présent à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier . - Madame l'ambassadeur, merci de votre présentation.
Je voudrais revenir sur le volet défense. Les Britanniques viennent de terminer leur revue stratégique défense et sécurité avec, disons-le, des analyses géopolitiques, géostratégiques et, en même temps, des décisions assez voisines de celles de la France, que ce soit par rapport au Livre blanc ou à l'actualisation, en juillet dernier, de notre loi de programmation militaire (LPM). Toutefois, l'ambition affichée par les Britanniques est beaucoup plus importante que la nôtre : 2 % de PIB, pensions comprises bien entendu, mais deux porte-avions et surtout 41 milliards d'euros sur la durée - soit plus de 2 milliards d'euros par an pour remplacer la force de dissuasion nucléaire. Je le dis pour mes collègues : si la France suit cette voie, c'est au minimum ces sommes que nous devrons payer à notre tour le moment venu. Croyez-vous que les Britanniques aient les moyens, budgétairement, année après année, de faire un tel effort - surtout sans le support d'une programmation pluriannuelle par une LPM ?
Deuxièmement, dans le cadre du suivi parlementaire des accords de Lancaster House, Phil Hamond, qui était, il y a un peu plus de deux ans, ministre de la défense, disait : « Nous sommes usés par les expéditions en Afghanistan et en Irak. Nous avons des problèmes budgétaires. Nous avons le référendum sur l'Écosse et des élections législatives générales. Nous voulons bien intervenir dans le civilo-militaire et dans la logistique à vos côtés, mais ne nous demandez pas d'intervenir réellement sur le terrain ». Pensez-vous que ce point de vue a changé aujourd'hui ?
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - La parole est à M. Pascal Allizard.
M. Pascal Allizard . - Madame l'ambassadeur, merci pour votre exposé.
Une simple question : quand on évoque le Brexit et les eurosceptiques, on parle essentiellement des Britanniques, mais pouvez-vous nous donner une idée des forces extérieures ou des groupes extérieurs, publics ou privés, qui auraient intérêt à ce que la Grande Bretagne sorte de l'Union européenne ? J'imagine que cela doit exister et que les moyens ne doivent pas manquer.
M. Jean-Pierre Raffarin, président . - La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari . - Madame l'ambassadeur, je souscris bien entendu aux remerciements qui vous ont été adressés par mes collègues.
Vous avez évoqué la révision du traité. On partait de loin, mais on est passé à quelque chose de plus raisonnable. Vous évoquez des lignes rouges. Cela va-t-il jusqu'à l'acceptation de la privation de droits sociaux à des ressortissants européens, et n'y a-t-il pas, dans les compromis en cours, un risque de créer de ce point de vue deux catégories de ressortissants européens ?
Puisque nous n'avons aucune certitude sur l'issue du référendum de juin prochain, ne doit-on pas craindre d'ouvrir une boîte de Pandore, de voir d'autres pays revendiquer un certain nombre d'assouplissements et, de ce fait, d'assister au détricotage de l'Union européenne ?
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner . - Merci, madame l'ambassadrice. Existe-t-il une perception du sentiment dans l'opinion au Royaume-Uni - je ne parle pas de la presse - du fait que d'autres Européens sont agacés par la demande britannique ?
Une génération s'est employée à construire un édifice européen aussi harmonieux que possible. Il ne répond naturellement pas totalement à nos souhaits, mais cela a été un exercice très compliqué, auquel les Britanniques ne se sont joints que tardivement - d'aucuns disent, en forçant le trait, que si le général de Gaulle était resté plus longtemps au pouvoir, ils n'y seraient toujours pas !-. Un référendum, en 1973, les a fait rejoindre l'Union européenne, et des craintes se sont alors exprimées que, dès lors qu'ils allaient être à l'intérieur, ils « pourriraient le fruit », en quelque sorte. Les Britanniques perçoivent-ils ce sentiment d'agacement ? Évidemment, ce qui se passe avec la Grande Bretagne peut se passer avec d'autres pays. On n'a aucune garantie que des pays qui viennent d'entrer récemment dans l'Union ne demandent pas exactement la même chose. De détricotage en détricotage, d'acceptation en acceptation, on démontera l'édifice que nous avons construit.
J'ai toujours été un Européen convaincu. C'est le sens que j'ai donné à la construction politique de ma vie. C'est donc la crainte que j'ai actuellement ! Les Britanniques en sont-ils conscients ?
J'ajoute un deuxième point - et cela rejoint ce que disait mon collègue Jacques Gautier - à propos de la défense. Certes, avec la France, on a un partenariat en matière de défense extrêmement profitable. Il faut dire que ce sont les deux pays qui, essentiellement, ont la capacité, en Europe, d'avoir une action de défense efficace, une action militaire. Ils sont d'ailleurs en ce moment en train de mettre en place un corps expéditionnaire que l'on va porter sur les fonts baptismaux officiellement dans deux mois. C'est une excellente coopération depuis plusieurs années, après le traité de Lancaster House, y compris sur le plan nucléaire mais, les Britanniques ne voulant pas de défense européenne, contrairement à nous, rien ne permet de penser qu'une sortie du Royaume-Uni de l'Europe interdirait une coopération bilatérale en la matière.
Je ne crois pas du tout à l'argument qui consiste à dire que s'ils sortent de l'Europe, on perd un partenaire en matière de défense. On ne perd pas un partenaire de défense : les choses ne se feront simplement pas dans le cadre que l'on imagine, et que l'on ne parvient d'ailleurs pas à construire avec eux. Puis-je avoir des précisions sur ces deux points ?
M. Jean-Pierre Raffarin, président . - La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac . - Merci, madame. Vous nous avez apporté des éléments intéressants. Ma question porte sur la relation spéciale entre le Royaume-Uni et les États-Unis : ceux-ci pourraient-ils voir des avantages à un affaiblissement de l'Europe ?
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot . - Madame l'ambassadeur, je souhaite me joindre aux remerciements qui vous ont été adressés et évoquer la Norvège, ainsi que celui de l'espace économique européen, sujets que vous avez abordés. J'ai l'impression qu'il n'y a aucune prise de conscience des Britanniques à ce sujet, pour en avoir parlé avec certains.
Ils ne se rendent pas compte que, s'ils entraient dans l'espace économique européen, il faudrait qu'ils s'acquittent d'un certain nombre de devoirs, financiers en particulier, qu'ils renégocient les traités sans participer aux décisions, ce qui est aussi, vous l'avez dit, un point qu'ils n'envisagent certainement pas.
Y a-t-il une information au Royaume-Uni sur ce point ? La presse en parle-t-elle ? Je ne le crois pas...
Ma collègue Joëlle Garriaud-Maylam a fait part de la position de la presse : je crois cette dernière assez fermée aux aspects positifs de l'Union européenne. Que faudrait-il faire ? C'est un sujet important, car les Britanniques pensent qu'ils seront toujours présents en Europe, même s'ils ne sont pas membres de l'Union européenne.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - La parole est à M. Jeanny Lorgeoux.
M. Jeanny Lorgeoux . - Madame l'ambassadeur, pour tirer profit du cheminement de votre magnifique carrière, je voudrais savoir ce que pensent les Chinois d'un tel avatar dans la construction chaotique de notre Europe ?
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Excellente question ! La parole est à M. Philippe Esnol.
M. Philippe Esnol . - Madame l'ambassadrice, on a le sentiment, à écouter nos collègues, que la Grande Bretagne est un frein dans la construction européenne, et ce depuis des années. La difficulté à construire une Europe de la défense commune a été évoquée, mais on pourrait ajouter aussi toutes les difficultés que l'on rencontre au plan économique et social, les problèmes d'harmonisation de la fiscalité, de défense de la City - sans oublier le « I want my money back ! » de Mme Thatcher. On se demande, quand on entend les éléments évoqués ici, quel va être le résultat de ce référendum. Je crains, connaissant les réponses qu'apportent souvent les électeurs aux référendums, que le Brexit soit possible.
Vous nous dites que ce serait une difficulté pour l'Europe. Pourrait-ce être aussi une chance de pouvoir avancer vers quelque chose d'un peu plus cohérent et d'un peu plus solidaire dans beaucoup de domaines ? Je vous pose la question, parce que je rejoins Daniel Reiner quand il dit qu'en termes de coopération militaire, cela ne changerait sûrement pas grand-chose. Je pense qu'en termes d'avancées économiques, sociales et fiscales, cela permettrait peut-être à l'Europe d'avancer beaucoup plus vite.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre . - Monsieur le président, mes chers collègues, le général de Gaulle disait qu'il voulait l'Angleterre « toute nue » dans l'Europe. Malheureusement, ce n'est pas tout à fait ainsi qu'on l'a eue ! Quelques années plus tard, un gaulliste très anglophile et très européen, Maurice Schumann, a contribué à ce que le Royaume-Uni entre dans l'Europe : on espérait à ce moment-là que les Britanniques joueraient pleinement le jeu.
Les Britanniques font des demandes en fonction de leur sensibilité, de leur volonté de conserver une nation britannique. On peut les comprendre : l'Europe des nations, cela ne nous est pas non plus tout à fait étranger. Sont-ils capables de comprendre qu'ils doivent également tenir compte des réactions des autres, et qu'ils ont provoqué de l'irritation chez beaucoup d'Européens qui tiennent à la construction européenne ?
Vous avez fait allusion, madame, à Calais. Étant de cette région, j'aimerais bien que vous nous expliquiez où on en est, et si on peut, en ce moment, faire bouger les choses car, dans ma région, la montée de l'extrême droite aux dernières élections traduit une irritation à l'égard de nos voisins. Vont-ils changer ?
Je suis tout à fait d'accord avec ce que pensent les habitants de ma région, et ce que dit le nouveau président de la région et j'estime qu'il n'y a guère de raison que nous soyons chargés de faire à Calais ce que les Britanniques ne souhaitent peut être pas faire à Douvres...
Je dois vous dire ma perplexité face à certaines manifestations de ressortissants britanniques à Calais pour exprimer solidarité et compréhension aux réfugiés, alors que leur gouvernement exige de nous que nous édifiions des barbelés partout autour du port de Calais !
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent.
Mme Sylvie Goy-Chavent . - Madame l'ambassadeur, je voudrais vous poser une question concernant la sécurité : suite aux attentats de Paris, les services anglais ont adapté, modifié, transformé leurs modes et leurs dispositifs de surveillance. La question du contrôle des frontières, la lutte contre le trafic d'armes, la surveillance - on le sait tous - sont plus que jamais d'actualité, mais je voudrais aller plus loin concernant le contrôle et la surveillance des réseaux sociaux, ainsi que des communications électroniques. Comment cette question est-elle appréhendée dans ce pays, qui est connu pour son libéralisme et son attachement aux libertés individuelles ?
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - La parole est à M. Cédric Perrin.
M. Cédric Perrin . - Madame l'ambassadeur, merci pour vos propos. Je voulais aborder la question de l'immigration, qui ne l'avait pas été avant que Jacques Legendre ne le fasse. Je ne reviendrai pas beaucoup plus sur le sujet. Vous avez dit tout à l'heure qu'une nouvelle vague d'immigration, fin juin, risquait d'avoir des conséquences sur l'opinion publique. Je voudrais que vous puissiez nous donner quelques informations sur l'état de l'opinion publique en Grande Bretagne vis-à-vis de la question des migrants. Ils sont hors Schengen, les conséquences sont donc peut-être moins importantes, mais quand même...
On voit bien comment nous vivons les choses de ce côté la Manche, et j'aimerais que vous puissiez nous dire un peu plus en détail ce qui se passe de l'autre côté.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - Le dernier intervenant est M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo . - J'ai tendance à penser que la démarche britannique peut présenter des éléments positifs, notamment cette volonté des Anglais d'avoir une Europe plus compétitive, ce qui obligera peut-être la France à conduire les réformes qu'on reporte depuis longtemps.
Cette remarque, je l'ai faite en commission des affaires européennes, et je la réitère devant la commission des affaires étrangères.
M. Jean Bizet , président de la commission des affaires européennes. - Dans l'hypothèse où il y aurait un Brexit , que nous redoutons tous et que nous ne souhaitons pas, y aurait-il automatiquement une question sur un nouveau référendum pour l'Écosse ? Si je me souviens bien de l'entretien que nous avons eu avec lui, l'ancien chancelier de l'échiquier, Lord Lawson, considérait qu'ils étaient en train de mettre en place une mesure dilatoire pour éviter cette question. Je n'ai pas tout à fait compris comment. Avez-vous quelques précisions sur ce point ?
M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Madame l'ambassadeur, vous avez la parole.
Mme Sylvie Bermann. - Merci à Mme Garriaud-Maylam et à Mme Keller des propos qu'elles ont tenus. Je me réjouis toujours de les recevoir à Londres.
La difficulté, pour l'adoption du projet de loi d'organisation du référendum, au mois de décembre, a d'abord été d'élaborer un projet, ce qui n'était pas évident. Au début, la question était : « Souhaitez-vous être dans l'Union européenne ? ». Ils se sont aperçus que c'était dangereux, beaucoup de Britanniques ne sachant pas qu'ils sont membres de l'Union européenne. C'est la raison pour laquelle la question est à présent en deux parties, in et out. Ce sera effectivement plus facile pour les électeurs de se prononcer.
Par ailleurs, des financements ont été accordés aux partisans du in et du out, mais il existe également beaucoup de financements privés. Par exemple, Sainsbury soutiendra les partisans du maintien dans l'Union européenne, alors que les partisans du non bénéficient déjà de l'appui d'un certain nombre de grands financiers.
En ce qui concerne la presse, il existe le meilleur et le pire au Royaume-Uni. Les meilleurs, comme le Financial Times , ou The Economist , sont plutôt pro-européens. Certains journaux n'ont pas encore pris de décision, mais ils sont conservateurs et soutiennent David Cameron. La position de David Cameron sera donc assez déterminante.
La presse dite « de caniveau » est très anti-européenne. Là aussi toutefois, certains soutiennent David Cameron. On dit qu'un ou deux de ces journaux pourraient in fine se rallier à lui. Pour le moment, ce sont des spéculations. On n'en sait rien, mais le rôle de la presse est souvent toxique, car ils sont naturellement anti-européens.
Quelqu'un posait la question de savoir si les Britanniques se rendent compte de l'agacement qu'ils provoquent. Pas vraiment ! La question qu'ils posent souvent aux pro-européens est inverse : « Comment pouvez-vous trouver l'Union européenne parfaite ? Ce que l'on demande n'est-il pas aussi dans votre intérêt ? ». C'est leur perception. Ils n'ont pas le sentiment qu'ils ennuient les autres et qu'ils en demandent trop. Pour eux, l'Union européenne ne fonctionne pas, elle est trop bureaucratique, trop interventionniste. Selon eux, on devrait accorder davantage de poids au principe de subsidiarité, au rôle des parlements nationaux. Ils ne sont pas dans la même logique que nous.
Pour ce qui est des arguments et des moyens de les contrecarrer, il existe bien sûr la voix des politiques, mais également celle des groupes de pression. Beaucoup se sont organisés, comme Business for Europe , et d'autres.
Une de leur dirigeante m'a dit qu'ils allaient également mener campagne en province car, à Londres, 40 % des gens ne sont pas nés au Royaume-Uni. C'est une ville très multiculturelle et plutôt pro-européenne. Ailleurs, c'est évidemment beaucoup plus difficile. Cette dirigeante m'a par exemple expliqué qu'ils allaient essayer de détourner les slogans des partisans du non, en disant « Brexit is for the rich », alors qu'on a l'impression que c'est l'inverse, ou en démontrant que les hedge funds peuvent être n'importe où dans le monde sans que cela change quoi que ce soit pour les moins nantis.
Tout ceci est en train de se préparer et sera plutôt réalisé en dehors de Londres.
Vous avez évoqué la question de la revue de compétences. C'était effectivement un très bel exercice pour savoir si l'Union européenne bénéficiait ou non au Royaume-Uni et si tout était bien respecté. Le résultat a été très positif, mais ce n'est plus aujourd'hui le sujet des experts : il appartient désormais à une opinion publique. C'est là le résultat de ce que Nigel Farage a réussi à faire. À l'époque, l'Europe venait au dixième rang des préoccupations britannique. À cause du lien qu'il a établi entre l'immigration et l'Europe, elle est passée au premier rang des préoccupations.
Le problème vient de l'immigration intérieure à l'Union européenne, non de celle en provenance d'ailleurs, qu'ils sont en mesure de contrôler, mais plutôt de Pologne et d'autres pays. Le Royaume-Uni compte aujourd'hui un million de Polonais. Au moment de l'élargissement, nous n'avons pas voulu du « plombier polonais ». Ils se moquaient alors de nous, affirmant que la libre circulation était une très bonne chose ; à présent, ils jugent que la ville de Rugby compte une majorité de Polonais, et affirment que même les pancartes y sont en polonais. Le ressentiment est donc réel.
Toutefois, certains eurosceptiques et parlementaires réalisent que le problème vient du fait que, sans les ouvriers polonais, on ne pourrait rien faire, les ouvriers britanniques ne voulant pas des emplois en cause. La perception populaire est plutôt que « les Polonais prennent les emplois des Britanniques » et les places de leurs enfants à l'école. Il est très difficile d'expliquer qu'en réalité, l'immigration polonaise ou celle d'Europe de l'Est est dans leur intérêt - ce que savent bien les dirigeants.
S'agissant des prestations sociales, ne pouvant mettre fin à la libre circulation, ils ont essayé de trouver d'autres formules, comme le délai de quatre ans, ou de deux ans renouvelables. Les choses sont en cours de négociation, afin de pouvoir annoncer aux Britanniques que le Gouvernement est en mesure de contrôler cela.
Pour ce qui est du rôle des parlements nationaux, les Britanniques voulaient un carton rouge, un veto absolu. On leur a dit que ce n'était pas possible. Ils ont essayé d'élever le seuil à 55 %, ce qui est déjà assez conséquent. Ceci serait pris en considération par la Commission et par le Conseil.
S'agissant du traité de Lancaster House, la force expéditionnaire conjointe est en effet très importante. Elle sera pleinement opérationnelle au printemps. Il s'agit de mille hommes, ce qui est loin d'être négligeable.
Je pense qu'ils sont aujourd'hui dans une logique de réengagement. Je rappelais que David Cameron disait : « Britain is back ». Des déclarations de réengagement dans les opérations ont été également faites lors de l'assemblée générale des Nations unies. Aujourd'hui, les Britanniques interviennent en Syrie ; ils sont par ailleurs prêts à s'investir davantage dans d'autres opérations des Nations unies.
A la suite du traumatisme irakien, il y a deux ans, il n'y avait pas eu d'accord sur l'intervention en Syrie mais la situation a évolué et ils ont effectivement commencé à se réengager.
Quant aux groupes de pression extérieurs, je ne les connais pas nécessairement et je n'ai pas de contact avec eux. Les Britanniques comprennent-ils l'agacement des Européens ? Non. Ils considèrent qu'on devrait être sur la même ligne qu'eux.
On parle de détricotage. Je crois qu'il y a eu une évolution très forte au cours des dernières années, qui n'est pas uniquement le fait du Royaume-Uni. L'euroscepticisme touche la plupart des pays, les reproches en matière de bureaucratie et d'intrusion sont très forts, même en Allemagne. Je crois qu'il y a eu une renationalisation des politiques.
À l'époque où j'étais à Bruxelles, il y a dix ans, les institutions européennes avaient le vent en poupe, la Commission en particulier. On pensait à une communautarisation de l'Union européenne : c'est l'inverse qui s'est produit, et ce n'est pas à cause des Britanniques. On a maintenant une Europe différenciée, qui ne pourra nécessairement pas aller à la même vitesse sur tous les sujets.
Il faut le reconnaître : ce sont aujourd'hui les Conseils européens qui décident ; à l'époque, ils se réunissaient deux fois par an. En plus de sessions informelles, ils sont maintenant convoqués régulièrement sur tous les sujets - l'immigration, etc. Je crois que ce sera effectivement la ligne.
Les Britanniques sont entrés à un moment - je ne sais pas si c'est par hasard - où l'Union européenne était performante, et où eux-mêmes étaient dans une situation économique difficile. C'était un peu un rêve d'Eldorado. C'est l'inverse aujourd'hui, et c'est pourquoi beaucoup de Britanniques estiment ne pas avoir besoin de l'Union européenne, pensant que le Royaume-Uni sera beaucoup plus prospère sans elle.
On a évoqué la Chine et les États-Unis. Le président Obama est très clair. Il a déjà dit - et il l'a répété hier - que les États-Unis, qui se sentent plus proches des Britanniques que d'autres pays, en particulier des pays du Sud, voulaient une Grande-Bretagne forte et influente au sein de l'Union européenne. La France a un peu évolué, puisque nous sommes partenaires sur les questions de défense, mais il est certain que les États-Unis sont beaucoup plus proches du Royaume-Uni. Le président Obama devrait encore le redire clairement.
Xi Jinping l'a dit également au moment de sa visite au Royaume-Uni, lors de la signature de très nombreux contrats. Il a estimé que, pour la Chine, le Royaume-Uni était la porte d'entrée sur l'Union européenne, et qu'il était important pour eux d'avoir un Royaume-Uni fort dans l'Union européenne.
Encore une fois, ma conviction est qu'on aura besoin de l'Union européenne quand on négociera avec les puissances d'aujourd'hui et de demain, qui seront des États continents. Je n'ai pas de doute quant à moi sur notre intérêt.
Je suis arrivée au Royaume-Uni directement de Chine trois semaines avant le référendum sur l'Écosse, au moment où le territoire risquait d'être amputé d'un tiers. Les Chinois se demandaient comment on pouvait se fragmenter ainsi, alors que la puissance consiste à être ensemble. Cela génère beaucoup d'interrogations.
Les Chinois sont très favorables à l'Union européenne. Pour eux, c'est un contrepoids aux États-Unis. Ils ont toujours soutenu la construction européenne et l'euro. 26 % de leurs réserves sont en euros et, pendant toute la crise grecque, les Chinois disaient publiquement à tous les dirigeants français, allemands ou autres qu'ils croyaient à l'Union européenne et à l'euro. En fait, ils ont acheté de la dette et sont assez clairs sur ce plan. Ils n'hésiteront pas à s'exprimer.
S'agissant de la Norvège, c'est toute la difficulté des partisans du non. À chaque fois qu'ils ont avancé un contre-modèle - la Norvège, la Suisse, le Commonwealth - ils ont été démentis pas les responsables mêmes de ces pays. Certains rêvent en pensant pouvoir s'appuyer sur le Commonwealth , mais les Australiens regardent la Chine, les Canadiens regardent les États-Unis.
Il y a beaucoup d'illusions et de réactions passéistes. Il existe deux sujets différents. D'un côté, les parlementaires et les membres des Tories sont sur la ligne de la grandeur de l'empire britannique, n'ayant pas vu l'évolution du monde, de l'autre la population est plus préoccupée par le risque de perte d'emploi.
Je ne pense donc pas que le Brexit puisse être « une chance pour l'Europe », car je ne crois pas qu'un tête-à-tête avec l'Allemagne, alors que la performance économique française est moins bonne, soit réellement dans notre intérêt. Si l'Allemagne est plus sur nos lignes en théorie, elle ne l'est pas dans la pratique.
J'ai été ambassadeur à Bruxelles il y a dix ans au Comité politique et de sécurité. Si la discussion était très difficile avec les Britanniques quand on a lancé les premières opérations de l'Union européenne, elles ont été faciles en théorie avec l'Allemagne, mais la participation a été britannique. Il y a donc la position de principe et la réalité. Selon mon expérience, les Britanniques ont des positions de départ qui semblent éloignées parfois mais, in fine, nous aident.
Évidemment, il est hors de question de parler de la défense européenne avant le résultat du référendum, car c'est une phobie totale, alors qu'à l'époque ils prétextaient un risque de découplage avec l'OTAN ou avec les Américains, qui avaient très peur de la défense européenne.
Aujourd'hui, ils plaident pour celle-ci, parce qu'ils ne veulent pas faire ce travail à notre place, et ont fait des campagnes de promotion pour les opérations au Tchad ou en Méditerranée. Ils ont donc évolué et sont les seuls à rester sur cette ligne.
En matière de sécurité, les Britanniques ont beaucoup évolué. Ils étaient très attachés au respect total des libertés publiques. Ils ont pris conscience des dangers qui les menacent et savent que la France n'est pas seule dans ce cas. David Cameron, quand il a vu le Président de la République, a dit que c'était comme si cela était arrivé aux Britanniques, et que cela pouvait d'ailleurs leur arriver. Ils ont mis en place un dispositif équivalent à celui de Sentinelle.
Ils sont en train de revoir leur dispositif de sécurité à la suite des attentats du 13 novembre. Il y a maintenant des policiers armés dans les rues de Londres, ce qui n'était pas concevable auparavant. Ils sont favorables à la surveillance et vont également adopter une loi pour la renforcer, ainsi que celle des réseaux sociaux, mais cela a été très compliqué parce qu'ils n'arrivent pas à contrôler WhatsApp et les applications de ce genre. Pour ce qui est de la question de l'Écosse, celle-ci pourrait demander un nouveau référendum, mais ne le redemandera qu'à condition que l'Écosse vote oui et que le reste du Royaume-Uni vote non. Si eux-mêmes votent non pour des raisons tactiques, cela ne fonctionnera pas. Je pense que la situation actuelle de l'Écosse, avec la baisse des prix du pétrole, peut aussi faire réfléchir. C'est un levier des partisans du oui.
Un mot sur le Brexit . Je parlerais ensuite de Calais.
Lors d'un récent colloque franco-britannique, quelqu'un, plutôt que de parler de Brexit , qui suppose que l'on va sortir, a choisi d'évoquer le « Bremain », - contraction des mots « Britain » et « remain ». C'est certes moins populaire et on a tendance à parler de Brexit mais, personnellement, je parle toujours du référendum sur l'Europe et non du Brexit . C'est une nuance, mais qui compte car le but n'est pas de sortir de l'Europe.
Quant à la question de Calais, il s'agit d'un sujet qui est également très difficile au Royaume-Uni. J'ai été, fin juillet-début août, fortement sollicitée par la presse britannique, qui montrait les photos non seulement des réfugiés qui prenaient le tunnel ou les camions attaqués, mais aussi des pneus brûlés, en disant que la police ne faisait pas son travail. J'ai dû à chaque fois répondre et rectifier les choses, en essayant de leur expliquer que, de l'autre côté de la frontière, la perception était totalement différente et que beaucoup d'autorités régionales et locales se demandaient pourquoi elles feraient le travail de police pour les Britanniques. Ce sont là les résultats des accords du Touquet.
J'ai également relativisé les choses en rappelant qu'à Calais, il s'agissait de 4 000 personnes, mais qu'un million était entré en même temps dans l'Union européenne. J'ai dit tout ce que la France faisait sur le plan financier, j'ai évoqué le centre d'accueil des migrants, mais c'était très difficile. Eux nous parlaient des camionneurs, des grèves.
Il y a une incompréhension très forte. Elle demeure. Nos ministres de l'intérieur s'entendent très bien. Ils ont pris des mesures de sécurité communes, en renforçant énormément la sécurité, à l'entrée du tunnel en particulier. Il n'y a plus de passage par le tunnel, mais les migrants se déportent évidemment vers le port ou vers d'autres ports.
On insiste pour que les Britanniques financent également les mesures de sécurité - ce qu'ils ont fait - ainsi que les mesures de protection des migrants, et qu'ils prennent en particulier des migrants qui ont des familles au Royaume-Uni. Ce sont souvent des Soudanais, des Érythréens et, quoi qu'on fasse, même si on leur propose l'asile, ils ne veulent pas rester chez nous, préférant aller au Royaume-Uni, où il y a plus d'emplois et où ils ont soit de la famille, soit des communautés très importantes.
David Cameron, dans le contexte du référendum, a décidé d'accueillir quelques réfugiés dans les camps du Liban ou de Jordanie, pour éviter ce qu'il appelle « l'appel d'air » et inciter les gens à ne pas venir jusqu'à Calais. Mais un jugement d'un tribunal britannique concernant les enfants qui ont de la famille au Royaume-Uni fait qu'ils vont être obligés d'en accueillir un certain nombre. Même s'ils vont faire appel, l'immigration est actuellement la question la plus sensible.
Il existe un sujet international, qui est celui de l'euro et de la place de la City, mais le sujet qui sera déterminant pour le référendum réside dans l'immigration et dans la manière dont seront perçues ces questions migratoires.
Je ne sais si j'ai répondu à toutes les questions, mais j'ai essayé d'être exhaustive.
M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Vous considérez donc qu'il existe des avancées pratiques significatives dans les positions britanniques auxquelles nous devons être attentifs. Les choses ne vont-elles pas en sens inverse avec les États-Unis ? Au fond, les États-Unis nous envoient des messages positifs mais certaines décisions récentes nous interrogent. Ainsi, pour l'Iran, au-delà de la normalisation affichée, nous avons appris qu'il faudrait dorénavant un visa spécial pour les patrons de PME ou les parlementaires français ou européens qui seront allés en Iran et qui voudront ensuite se rendre aux États-Unis. D'une certaine manière, les États-Unis rendent l'Iran respectable, mais gardent ce pays pour eux...
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Je vais dans le sens du président Raffarin. J'ajoute que nos amis américains nous ont incités à nous engager davantage dans les sanctions vis-à-vis de la Russie. Or, c'est précisément le secteur agroalimentaire européen qui est fragilisé.
C'est la même chose pour la définition de la Chine en tant qu'économie de marché, sur laquelle ils se gardent bien de se déterminer. J'ai eu l'occasion de rencontrer l'ambassadeur américain auprès de l'OMC, M. Punk, hier midi. J'aimerais qu'on ait une réponse cohérente ! Seule l'Union européenne est appelée à se prononcer avant le 31 décembre 2016. On sait combien les mesures de rétorsion de la Chine sont brutales et rapides. Je n'ose pas dire que nos amis américains nous tendent un piège, mais enfin, ils nous poussent au front !
M. Daniel Reiner . - Sur ce point, il faut faire la différence, s'agissant des visas pour l'Iran, entre la position du Congrès et celle du département d'État, en désaccord sur ce sujet, dans le contexte de la préparation de l'élection présidentielle...
M. Jean-Pierre Raffarin, président . - C'est exact.
Mme Sylvie Bermann. - En même temps, le président américain est comme Gulliver empêtré. Cela a déjà été dit il y a quelque temps par un grand spécialiste, mais cela reste vrai. Le poids du Congrès dans la définition de la politique américaine est toujours déterminant.
Je crois que les relations des Américains avec les Français se sont considérablement améliorées, grâce à nos capacités d'intervention militaire et à notre détermination. Cela dit, ils se sentent effectivement plus en phase avec les Britanniques.
Encore une fois ma conviction est que notre intérêt réside dans le poids de l'Union européenne face aux États-Unis et à la Chine. Nous avons une capacité de négocier, ainsi qu'une capacité normative de fixer un certain nombre de règles, et je crois qu'on ne devrait pas se priver de cette influence.
M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Mes chers collègues, je vous propose que nous exprimions collectivement nos remerciements à Bermann pour cette heure et demie très intéressante et très fertile que nous avons passée ensemble. Nous souhaitons que nos collègues Fabienne Keller et Joëlle Garriaud-Maylam abordent tous ces points dans le débat qui aura lieu en préalable au Conseil européen, à l'initiative de la commission des affaires européennes présidée par Jean Bizet, à qui je cède la parole.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Je voudrais simplement donner la tonalité du rapport de Fabienne Keller, en soulignant qu'à l'occasion de ce référendum britannique, sur lequel nous n'avons bien évidemment pas de prise, les questions posées par nos amis d'outre-Manche sont l'occasion d'améliorer le fonctionnement de l'Union européenne. Madame l'ambassadeur, vous avez parlé d'une Europe différenciée : si nous ne jouons pas cette carte de la coopération renforcée, on n'aura qu'une Europe uniforme, paralysée et paralysante.
Enfin, vous avez mis l'accent sur la dimension européenne dans les négociations commerciales internationales. C'est fondamental. Le prochain traité, qui nous occupe dès à présent, est le traité de libre-échange transatlantique (TTIP) : si nous n'avions pas cette dimension, ce serait dramatique pour les différents États membres.
M. Jean-Pierre Raffarin, président. - La parole est à Mme Keller.
Mme Fabienne Keller . - Si j'ai bien compris, la commission des affaires étrangères devrait examiner la proposition de résolution la semaine prochaine. Son objectif est de rappeler les principes de l'Union européenne, mais aussi les éléments de souplesse auxquels on peut adhérer, comme le fait de pouvoir renforcer les parlements nationaux. Cette PPRE ne comporte pas beaucoup de détails techniques, car il faut laisser une marge de négociations aux sherpas en charge de la discussion jusqu'au Conseil européen.
M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Merci à tous.