EXAMEN EN COMMISSION
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M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - La proposition de loi de notre collègue Thani Mohamed Soilihi reprend un voeu unanime du conseil général de Mayotte - qui est devenu conseil départemental - pour l'application à cette île du régime électoral en vigueur dans les régions, également appliqué en Martinique et en Guyane.
Le conseil départemental de Mayotte exerçant déjà les responsabilités d'un département et d'une région, le texte lui confère un statut conforme à la réalité en établissant une assemblée unique. C'est une disposition nécessaire.
Le président du conseil départemental m'a indiqué, dans une lettre, qu'il était favorable à cette réforme qui fait consensus, mais demandait un délai supplémentaire pour réfléchir à tout ce qui pourrait l'accompagner. Or une feuille de route sur l'avenir et le devenir de Mayotte comportant 250 points a déjà été adoptée ; je voudrais également faire valoir que la durée de la navette parlementaire laisserait quelques mois pour poursuivre la réflexion.
La proposition de loi déposée par notre collègue a la particularité de ne pas fixer le nombre de membres de l'assemblée et leur répartition entre les sections. Il est seulement jugé souhaitable de conserver les treize cantons, qui deviennent des sections élisant chacune un binôme, comme aujourd'hui, pour constituer une assemblée territoriale de 26 membres. Ainsi pourra être mis en oeuvre un scrutin régional, avec une prime de 30 % attribuée à la liste ayant recueilli la majorité absolue au premier tour ou arrivée en tête au deuxième.
Au vu du rapport entre nombre d'élus et population dans les autres collectivités ultramarines - Guadeloupe, La Réunion, Martinique et Guyane - nous avons estimé convenable, avec le ministre de l'intérieur et la ministre des outre-mer, d'attribuer trois élus à chaque section. L'assemblée passerait ainsi de 26 à 39 membres ; mais un tel amendement, si je le présentais, tomberait sous le coup de l'article 40 de la Constitution.
Nous avons par conséquent retenu, avec le Gouvernement, la solution suivante : j'ai rédigé un amendement fixant le nombre de membres de l'assemblée à 26 membres, et le Gouvernement propose un sous-amendement portant ce nombre de 26 à 39 membres.
M. Pierre-Yves Collombat . - C'est ce que l'on appelle le gouvernement éclairé !
M. Jean-Pierre Sueur . - Voilà le dispositif que je vous propose, qui met en place un scrutin à la fois départemental et régional, en réponse au voeu des élus de Mayotte.
M. Thani Mohamed Soilihi . - Je remercie le rapporteur d'avoir ainsi enrichi la proposition de loi. Le précédent rapporteur, Mathieu Darnaud, a évoqué une réforme consensuelle pour la Polynésie française. Je peux vous assurer que je n'ai déposé ce texte que parce que j'ai été saisi d'une motion unanime du conseil général en 2014 : c'est la volonté de toute la classe politique de Mayotte de voir le statut de département-région évoluer. Lors de la présentation du dernier avis budgétaire de la commission des lois, j'avais demandé que Mayotte bénéficie de la dotation générale de fonctionnement (DGF) attribuée aux régions. Vous aviez alors, monsieur le président, relayé cette demande - à laquelle M. Sueur et Mme Tasca s'étaient montrés sensibles. Vous avez été entendu puisque, le 26 avril, le Premier ministre a acté l'attribution, dans la prochaine loi de finances, de la DGF régionale à Mayotte, au prorata des missions régionales exercées par la collectivité.
Il était tout aussi nécessaire que, comme en Martinique et en Guyane dans le cadre de la collectivité unique, le nombre d'élus corresponde aux compétences exercées. Mayotte compte en effet 26 élus pour une population équivalente à celle de la Guyane, dotée de 51 élus. Même avec 39 élus, nous restons loin du compte, mais un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ! Comme l'a précisé le rapporteur, la procédure parlementaire ménage à la fois le temps de la réflexion et la possibilité d'amender le texte.
Après la création du département, au forceps, c'est une nouvelle étape dans le perfectionnement de l'organisation territoriale de Mayotte. J'ai agi - j'y insiste - sur la base d'une motion unanime du conseil général d'alors et j'ai transmis le texte de la proposition de loi à l'équipe actuelle du conseil départemental. Je vois dans l'absence de retour, positif ou négatif, de celle-ci le signe que ce texte va dans le bon sens.
Mme Catherine Tasca . - Votre texte, important et fondé, pose la question de la représentativité des institutions à Mayotte ; il nous est difficile de nous prononcer sur ce point tant notre connaissance des particularités mahoraises est parcellaire. Les évolutions dans l'île, dont l'intégration à la République est encore récente, ont été considérables, en particulier dans le domaine juridique où il a fallu ajuster dans le temps la coexistence de deux ordres. La complexité de la question de la représentativité s'explique aussi par la diversité de la société mahoraise. Sans nous arrêter aux questions juridiques et techniques, soyons conscients du chemin qui reste à parcourir pour cette société. L'élargissement de la base de représentation est une bonne réponse à cette complexité.
Mme Jacky Deromedi . - Je soutiens pleinement votre texte. Je connais bien la situation de l'île : c'est un territoire que nous devons aider !
M. Philippe Bas , président . - Avec l'accord unanime des représentants de Mayotte, ce texte se présentait sous les meilleurs auspices. Mais hier, le président du conseil départemental a adressé à la ministre des outre-mer une lettre où, sans marquer d'opposition sur le fond, il demande que soit traitée, en même temps que cette proposition de loi, la question de l'évolution des compétences de l'assemblée, sur le modèle d'autres collectivités ultramarines. Nous ne pouvons négliger d'en tenir compte. Je vous propose par conséquent d'examiner le rapport et les amendements et de nous assurer, avant l'examen en séance, que les feux sont au vert ; pour le moment, ils sont à l'orange clignotant, voire au rouge...
M. Thani Mohamed Soilihi . - Je ne crois pas que ce texte aille à l'encontre de ce que souhaite le président du conseil départemental, que j'ai au demeurant informé de la proposition de loi dans un courriel daté du 30 mars. S'il y voyait des difficultés, j'aurais souhaité qu'il m'en fasse part ; j'aurais également aimé recevoir copie du courrier adressé à la ministre... La précédente équipe du conseil départemental et l'équipe actuelle ont été tenues informées. J'ai tenu une conférence de presse pour expliquer que notre département avait besoin de ce texte, sans susciter aucun son de cloche dissonant. J'assume mes responsabilités en déposant ce texte, et je demande à mes collègues de la commission de le faire aussi.
M. Philippe Bas , président . - Chacun connait votre sincérité. J'ai reçu copie du courrier que vous évoquez en arrivant ce matin. En voici la conclusion : « Au vu des enjeux conduisant à une telle réforme, vous comprendrez qu'il ne peut, à ce stade, être question que d'une simple révision de scrutin. Les élus de Mayotte demandent donc que soit ajourné l'examen de ce projet de loi et constitué le groupe de travail mentionné pour aboutir à une réforme globale institutionnelle pour Mayotte. » Nous ferons notre travail de législateur, mais voilà une difficulté politique que nous sommes tenus de prendre en compte, quelle que soit la manière dont nous trancherons.
M. Jean-Pierre Sueur , rapporteur . - Voici le texte de la motion adoptée à l'unanimité par le conseil départemental : « En cohérence avec la logique portée par la réforme territoriale et les autres collectivités territoriales uniques qui verront le jour en 2015 en Guyane et en Martinique, nous demandons l'application d'un mode de scrutin proportionnel de liste à deux tours sur la base d'une circonscription unique ». La proposition de loi a pour unique objet de répondre à cette demande. Il appartiendra à chacun de prendre ses responsabilités en séance si ce texte soulève quelque difficulté.
Dans son courrier, le président du conseil départemental demande que soient aussi traités la construction des collèges et lycées, la gestion des routes nationales, les mineurs isolés, le transport maritime entre Petite et Grande Terre ou la gestion du port de Longoni. Je ne m'oppose pas à ce que nous nous penchions sur ces sujets, mais ce texte n'est pas le cadre approprié. Ce n'est pas de bonne méthode que de tout traiter dans le même véhicule.
M. René Vandierendonck . - Je remercie le président Bas d'avoir porté ce courrier à notre connaissance. Je suggère que le président du conseil départemental reçoive notre rapporteur, si ses demandes n'ont été pas entendues...
M. Jean-Pierre Sueur . - Le sous-amendement n° 3 du Gouvernement, rendu nécessaire pour échapper à l'irrecevabilité financière, porte de 26 à 39 le nombre de membres de l'assemblée départementale et introduit en conséquence un tableau modifié de répartition des sièges entre sections. J'y suis favorable.
Le sous-amendement COM-3 est adopté.
L'amendement COM-1, ainsi sous-amendé, est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-2 est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Thani Mohamed Soilihi . - Je remercie la commission des lois.
M. Philippe Bas , président . - Elle en prend acte.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article unique |
|||
M. SUEUR, rapporteur |
1 |
Insertion du dispositif au livre VI
bis
du code
électoral
|
Adopté |
Le Gouvernement |
3 |
Augmentation du nombre d'élus de 26 à 39 |
Adopté |
Intitulé de la proposition de loi |
|||
M. SUEUR, rapporteur |
2 |
Rédactionnel |
Adopté |