LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE DE LA DÉLÉGATION À L'OUTRE-MER : UNE DOUBLE MISE EN GARDE
UNE NECESSAIRE ADAPTATION DU CADRE JURIDIQUE POUR UNE CONCURRENCE LOYALE
La résolution européenne que nous propose la Délégation à l'Outre-mer vise à provoquer une prise de conscience , au niveau européen, sur la gravité de la situation dans laquelle se trouve l'agriculture des régions ultrapériphériques. Par là même, il s'agit aussi et surtout de donner enfin à ces territoires les moyens d'une concurrence juste et loyale avec les pays tiers , d'Amérique centrale et andine notamment.
En effet, l'agriculture des RUP semble pour ainsi dire prise en étau , entre l'ouverture croissante des marchés européens aux productions des pays tiers dans le cadre d'accords de libre-échange, mais sur la base de moindres exigences environnementales, d'une part, l'inadaptation du cadre réglementaire sanitaire et phytosanitaire aux besoins des producteurs locaux , d'autre part.
L'enjeu économique et social est de première importance pour les départements d'Outre-mer français, qui connaissent un niveau de chômage très élevé. L''agriculture y représente une valeur ajoutée évaluée à 735 millions d'euro, soit environ 1,7 % du produit intérieur brut. Le secteur emploie 47 000 personnes à plein temps dont 32 000 actifs familiaux et 8 000 salariés permanents. On y recense, au total, plus de 43 000 exploitations.
La présente proposition de résolution s'attache à traiter les deux volets du problème, qui l'un conjugué à l'autre, tendent à remettre en cause la stratégie de développement vertueuse suivie au cours des dernières années. Les trois grandes filières exportatrices - la banane, la canne à sucre et le rhum - ont réalisé d'importants efforts en matière de qualité et de respect des normes environnementales, dans l'objectif d'assurer une « montée en gamme », qui serait reconnue à sa juste valeur par les consommateurs européens. Ces efforts apparaissent d'autant plus méritoires qu'ils ont pour origine des initiatives locales et qu'ils soutiennent le secteur marchand, traditionnel « maillon faible » de l'économie de ces territoires.
S'agissant plus particulièrement de la question de l'inadaptation du cadre juridique des produits phytosanitaires à l'agriculture des RUP, la présente proposition de résolution fournit une synthèse des principaux points abordés dans le rapport d'information précité de la Délégation à l'Outre-mer « Agricultures des outre-mer : Pas d'avenir sans acclimatation du cadre normatif ».
Elle rappelle dans ses considérants qu'en dépit de la place spécifique que les traités européens reconnaissent aux RUP, en particulier l'article 349 du TFUE qui légitimerait l'édiction de mesures spécifiques, les normes et procédures applicables aux RUP sont élaborées « sans aucune prise en compte des caractéristiques de l'agriculture en contexte tropical ». L'application uniforme de cette réglementation « conçue pour des latitudes tempérées, sans forte pression de maladies et de ravageurs, conduit à une impasse qui menace directement la survie des filières agricoles des RUP ».
Après avoir souligné le rôle économique « vital » des filières agricoles pour ces territoires, la proposition de résolution illustre les difficultés rencontrées en faisant valoir, dans ses considérants, la « fragilité de la couverture phytopharmaceutique» . Elle s'inquiète également des perspectives de développement de la production biologique « bridées par une réglementation européenne défavorable et par le cumul des normes sur l'agriculture biologique et sur les produits phytosanitaires » De la même façon, la résolution souligne que la stratégie de montée en gamme et de certification ne pourra porter ses fruits, tant que les conditions d'une concurrence saine et loyale ne seront pas rétablies. Cela supposerait, en particulier, d'obtenir que les conditions de production dans les pays tiers ne se limitent pas au seul respect des limites maximales de résidus (LMR) de pesticides.
La proposition de résolution formule ensuite un ensemble très complet de recommandations en matière de réglementation phytosanitaire .
Deux d'entre-elles revêtent une importance particulière, dans la mesure où l'objectif recherché vise à « peser », ou plutôt à ce que les RUP ne soient pas oubliées, dans le processus en cours de réécriture de deux règlements européens.
Il s'agit, en premier lieu, de la refonte, aujourd'hui largement engagée, du Règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques . La résolution appelle à « prévoir un volet spécifique pour la culture biologique en milieu tropical afin d'assouplir le recours aux semences conventionnelles, d'autoriser la culture sur claies, de raccourcir le délai de conversion et de permettre le traitement post-récolte par des produits d'origine naturelle ».
Il s'agit, en second lieu, à l'occasion de la prochaine révision du Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques d'obtenir une dispense « d'homologation les phéromones et les extraits végétaux, et en général tous les moyens de lutte biologique, développés et validés par les instituts de recherche implantés dans les RUP, afin de doter les agriculteurs de moyens de protection contre les ravageurs, efficaces et conformes à la mutation agroécologique ».
Plusieurs autres recommandations visent à venir en aide aux exploitants agricoles des RUP, par des dispositions de portée opérationnelle . Il est ainsi :
- recommandé à la Commission européenne « d'établir une liste positive de pays dont les procédures d'homologation de produits phytopharmaceutiques sont équivalentes à celles de l'Union européenne afin de permettre aux autorités françaises d'autoriser directement un produit homologué dans un des pays de la liste pour la même culture et le même usage » ;
- proposé « d'autoriser pour les RUP, à titre dérogatoire, la culture locale de variétés végétales résistantes aux ravageurs tropicaux mais non-inscrites au catalogue européen des variétés » ;
- préconisé « d'autoriser la certification de l'agriculture biologique par un système participatif de garantie (SPG), comme en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, en rendant facultatif le recours à un organisme certificateur pour les exploitations implantées dans les RUP ».
Pour le reste, les autres recommandations formulées dans la proposition de résolution recouvrent une dimension plus générale, en tendant plus largement à sortir la réglementation sanitaire et phytosanitaire applicable à l'agriculture des RUP de « l'angle mort » dans lequel elle se trouve. La résolution invite ainsi la Commission européenne à « acclimater les normes européennes en milieu tropical » et l'Agence européenne de sécurité des aliments à compléter ses référentiels en prenant en compte les caractéristiques propres des RUP au moment de l'évaluation des risques. Il est également jugé nécessaire de développer l'information du consommateur et « d'assurer la cohérence des normes de production et des normes de mise sur le marché pour résorber le handicap normatif des RUP tout en veillant à la protection du consommateur européen ».