DES INSTRUMENTS DE DÉFENSE COMMERCIALE QUI S'AVÈRENT INADAPTÉS À LA RÉALITÉ DU MARCHÉ
Pour autant, ces outils de défense commerciale s'avèrent inopérants. Surtout, la Commission européenne, qui en a la maîtrise, n'a jamais estimé utile ou opportun d'y recourir. Depuis 2013, année de l'entrée en vigueur des deux accords de libre-échange, aucun des deux dispositifs n'a été activé, alors même que l'évolution du marché pouvait, à plusieurs reprises, le justifier. Ce fut notamment le cas de seuils d'importation de bananes péruviennes, largement dépassés en 2013, 2014 et 2015. Ou de ceux provenant du Guatemala en 2015 et à la date du 30 juin 2016.
Les tableaux ci-après précisent les dépassements observés.
Importations européennes de bananes et niveau
d'utilisation
des seuils prévus dans le cadre du mécanisme de
stabilisation
(Source : Eurostat, en tonnes)
Ces mécanismes de stabilisation et de sauvegarde sont donc perfectibles :
- ainsi du mécanisme de stabilisation. L'ouverture des seuils correspondant à l'année civile, si l'apparition du déséquilibre se fait en fin d'année, un déclenchement du mécanisme par la suspension du droit de douane préférentiel pour seulement quelques semaines apparaît inefficace ;
- de même, la mise en oeuvre de la clause de sauvegarde, même en urgence, est contrainte par les délais de l'enquête préalable et de l'analyse du marché.
Par ailleurs, les données sur lesquelles se base actuellement la Commission pour évaluer et agir ne paraissent pas adaptées à une appréciation précise de la réalité du marché en temps réel ni à un suivi efficace.
Ces données, parfois parcellaires, émanent des États membres et ne sont pas harmonisées, ce qui en questionne la fiabilité. Ainsi les États membres communiquent-ils des prix d'importation sans parfois les connaître précisément. Ces prix sont évalués sur la base de déclarations de valeur non définitives. C'est par exemple le cas lorsque les stocks de bananes sont vendus en consignation : le prix final n'étant connu qu'après réalisation de la vente, la valeur affichée en amont est artificielle. Enfin, la disponibilité des données n'est possible qu'après un délai de deux mois, mettant à mal toute réactivité efficace.
Une modalité destinée à donner, à un stade précoce, plus de réactivité à la procédure actuelle du mécanisme de sauvegarde est préconisée par les autorités françaises ainsi que par la Commission compétente du Parlement européen :
Dès que le volume annuel d'importation de bananes en provenance des pays partenaires atteindrait 80 % du seuil de déclanchement du mécanisme, il reviendrait à la Commission d'en informer sans délai les États membres et d'évaluer précisément l'impact de ces importations sur le marché européen de la banane.
Lorsque le seuil de 100 % serait atteint , la Commission informerait de la même façon, précisément, les États membres. La Commission devrait ensuite décider soit de suspendre l'application du tarif préférentiel pour une durée maximum de trois mois, soit décider qu'une telle suspension n'est pas nécessaire.
Surtout la Commission ferait désormais reposer son évaluation, destinée aux États membres, sur une série de critères et d'indicateurs plus précis et élargis qu'à l'heure actuelle : niveau de production et de prix sur le marché européen, évolution des volumes importés et des prix pratiqués quelles que soient les provenances, suivi de la production et des exportations des pays partenaires des accords de libre-échange. Enfin, la Commission porterait son attention sur la situation des producteurs européens, en termes d'emploi, de parts de marché, de revenus.
La Commission devrait aussi procéder à une consultation des États membres, au plus tard à la fin de l'année 2018 , sur l'opportunité de prolonger, au-delà de 2019, le mécanisme de stabilisation spécifique à la banane.
Par ailleurs, toute nouvelle libéralisation des droits pour l'après 2019, si elle devait être envisagée par l'Union européenne, d'une part, et les États partenaires des accords de libre-échange, d'autre part, devrait faire l'objet, de la part de la Commission, d'une information préalable du Conseil et d'une consultation des États membres.