II. UN EFFORT DE SINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE QUI POURRAIT TOUTEFOIS SE RÉVÉLER INSUFFISANT
1. Une augmentation significative des crédits demandés : + 26 %
La maquette de la mission reste stable en 2018 . Elle est composée de deux programmes :
- le programme 303 « Immigration et asile » , qui porte les crédits de garantie du droit d'asile et d'accueil des demandeurs d'asile, ainsi que les crédits relatifs à la lutte contre l'immigration irrégulière ;
- le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » , qui porte les crédits d'intégration des étrangers primo-arrivants et des réfugiés, en particulier la subvention à l'Ofii et les subventions aux associations oeuvrant en la matière.
En outre, aucune évolution de périmètre n'a eu lieu depuis la loi de finances pour 2017.
Cette dernière avait été marquée par la budgétisation des taxes précédemment affectées à l'Ofii 6 ( * ) , désormais inscrites sur le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française ». Cette mesure de transfert, qui « gonflait » visuellement les crédits du programme 104 d'environ 130 millions d'euros, expliquait une partie de la forte augmentation des crédits de paiement entre 2016 et 2017, de plus de 31 %. En neutralisant le transfert des taxes affectées, l'augmentation s'établissait à 14 % .
Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit une augmentation conséquente des crédits de paiement de la mission « Immigration, asile et intégration », de 26,01 % en CP.
Évolution des crédits de paiement de la
mission
« Immigration, asile et
intégration »
à périmètre
constant
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
Cette hausse trouve son origine dans deux principaux éléments de la budgétisation pour 2018 :
- une hausse des dépenses d'asile , de plus de 33 %, principalement celles concernant l'allocation demandeurs d'asile (ADA) et l'hébergement (Cada et hébergement d'urgence) ;
- une hausse des dépenses d'accompagnement des réfugiés.
Évolution des crédits de paiement de la mission « Immigration, asile et intégration » à périmètre constant
(en millions d'euros)
Crédits de paiement |
|||||
Exécution 2015 |
Exécution 2016 |
LFI 2017 |
PLF 2018 |
Variation 2017-2018 |
|
Immigration et asile |
617,89 |
912,90 |
858,16 |
1100,56 |
28,25% |
Circulation des étrangers et politique des visas |
1,02 |
0,34 |
0,52 |
0,52 |
0,00% |
Garantie de l'exercice du droit d'asile |
495,90 |
798,47 |
740,91 |
985,45 |
33,01% |
Lutte contre l'immigration irrégulière |
93,95 |
85,52 |
89,16 |
82,83 |
- 7,10% |
Soutien |
27,03 |
28,57 |
27,57 |
31,76 |
15,20% |
Intégration et accès à la nationalité française |
59,62 |
87,47 |
239,49 |
282,59 |
18,00% |
Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants |
8,43 |
8,54 |
8,54 |
0,00% |
|
Actions d'accompagnement des étrangers en situation régulière |
32,35 |
26,11 |
29,73 |
38,43 |
29,26% |
Accompagnement des réfugiés |
18,17 |
33,82 |
26,72 |
43,16 |
61,53% |
Accueil des étrangers primo arrivants |
7,44 |
18,22 |
173,5 |
191,43 |
10,33% |
Accès à la nationalité française |
1,67 |
0,89 |
1 |
1,03 |
3,00% |
Total général |
677,52 |
804,12 |
1097,65 |
1383,15 |
26,01% |
Source : commission des finances
Entre 2017 et 2018, le montant des AE augmente de 10,45 % pour l'ensemble de la mission. Cette différence importante entre l'évolution des AE et des CP s'explique par le choix de recourir, en 2017, à un appel d'offres national pour 5 351 nouvelles places d'hébergement d'urgence, pour une durée de cinq ans, qui a nécessité d'inscrire un montant élevé d'AE en loi de finances initiale pour 2017 . La faible évolution entre la prévision 2017 et la prévision 2018 ne doit donc pas masquer l'évolution tendancielle, fortement haussière, d'une loi de finances initiale à l'autre.
Évolution des autorisations d'engagement de la mission « Immigration, asile et intégration » à périmètre constant
(en millions d'euros)
Autorisations d'engagement |
|||||
Exécution 2015 |
Exécution 2016 |
LFI 2017 |
PLF 2018 |
Variation |
|
Immigration et asile |
610,79 |
920,76 |
985,02 |
1069,79 |
8,61% |
Circulation des étrangers et politique des visas |
1,02 |
0,35 |
0,52 |
0,52 |
0,00% |
Garantie de l'exercice du droit d'asile |
496,56 |
798,87 |
868,67 |
953,01 |
9,71% |
Lutte contre l'immigration irrégulière |
85,86 |
88,36 |
89,02 |
82,63 |
-7,18% |
Soutien |
27,35 |
33,18 |
26,81 |
33,63 |
25,44% |
Intégration et accès à la nationalité française |
59,57 |
87,45 |
239,44 |
282,63 |
18,04% |
Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants |
8,43 |
8,54 |
8,54 |
0,00% |
|
Actions d'accompagnement des étrangers en situation régulière |
32,41 |
26,29 |
29,73 |
38,43 |
29,26% |
Accompagnement des réfugiés |
18,58 |
33,4 |
26,72 |
43,16 |
61,53% |
Accueil des étrangers primo arrivants |
7,44 |
18,22 |
173,5 |
191,43 |
10,33% |
Accès à la nationalité française |
1,14 |
1,09 |
0,95 |
1,07 |
12,63% |
Total général |
670,36 |
1008,21 |
1224,46 |
1352,42 |
10,45% |
Source : commission des finances
2. Un effort insuffisant de sincérité budgétaire
Depuis le début de la crise migratoire, la mission « Immigration, asile et intégration » souffre d'une sous-budgétisation chronique. Le taux d'exécution s'élevait, en 2016, à 116 % en AE et en CP pour l'ensemble de la mission. Cette sur-exécution est principalement due à la sous-dotation de l'action 2 du programme 303 « Garantie de l'exercice du droit d'asile », qui ne prenait pas suffisamment en compte l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile, qui constitue, avec les délais d'instruction des demandes par l'Ofpra (qui conditionnent les dépenses d'hébergement et de prise en charge sociale des demandeurs), le principal déterminant des dépenses de la mission.
Évolution des crédits de paiement
demandés pour l'action
« Garantie de l'exercice du droit
d'asile » du programme 303
et évolution de la demande
d'asile
(en millions d'euros et en nombre de demandeurs)
*: prévision
Source : commission des finances
La programmation budgétaire n'est en réalité qu'en augmentation plus faible par rapport à la consommation prévisionnelle pour l'année 2017, de 6,25 % en CP pour 2018. La différence entre les montants demandés en projet de loi de finances pour 2018 et ceux prévus en exécution pour 2017 est faible et doit mener à nuancer l'idée d'une augmentation significative des crédits disponibles. Ainsi, en tenant compte du seul décret d'avance du 20 juillet 2017 7 ( * ) , les crédits exécutés pour l'année en cours pourraient dépasser 1,2 milliard en CP pour l'ensemble de la mission.
Comparaison de l'exécution prévisionnelle
2017 des crédits de la mission
« Immigration, asile et
intégration » à ceux inscrits en PLF 2018
(en CP, en millions d'euros)
*: prévision effectuée à partir du décret d'avance du 20 juillet 2017 et de la situation mensuelle du budget de l'État
Source : commission des finances
Ce besoin d'ouverture était nécessaire en raison, d'une part, des insuffisances des dotations inscrites en loi de finances initiale et d'autre part, de la hausse constatée des flux de demandeurs d'asile, en particulier des demandeurs sous procédure Dublin, qui entraîne une augmentation du nombre de bénéficiaires de l'ADA et des besoins d'hébergement liés aux opérations de mises à l'abri.
Ainsi, si la budgétisation de la mission en projet de loi de finances pour 2018 se démarque des années précédentes par un plus grand effort de sincérité, ce dernier pourrait se révéler insuffisant. L'augmentation prévisionnelle des flux de demandeurs d'asile et de demandeurs sous procédure Dublin, ainsi que l'inertie des stocks risquent en effet d'entrainer un dépassement des crédits demandés au cours de l'exercice.
3. Une programmation triennale prévoyant une légère baisse des crédits, en inadéquation avec le contexte migratoire et les annonces politiques
Sur le triennal 2018-2020, les crédits diminuent de 1,4 % en valeur, contre une augmentation de 3 % en moyenne pour les missions du budget général.
Plafond des crédits de paiements de la mission
« Immigration, asile et intégration »
pour le triennal 2018-2020
(en millions d'euros)
2020 Vs. 2018 |
|||||||
Mission |
LFI 2017* |
2018 |
2019 |
2020 |
En Md€ |
En % |
|
Immigration, asile et intégration |
Valeur |
1,1 |
1,38 |
1,36 |
1,36 |
-0,02 |
-1,4% |
Volume |
1,10 |
1,37 |
1,33 |
1,31 |
-0,05 |
-3,9% |
Note de lecture : les montants indiqués pour 2017 correspondent à la LFI 2017 retraitée au format 2018. Les montants en volume sont exprimés en euros constants de 2017 à partir des hypothèses d'inflation du Gouvernement.
Source : commission des finances du Sénat, à partir du projet de loi de programmation des finances publiques 2018-2022.
La programmation des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » dans le budget triennal 2018-2020 apparaît en décalage avec l'augmentation prévisible des flux sur les deux prochaines années (demandeurs d'asile nationaux et sous procédure Dublin). Surtout, elle traduit l'absence de volonté du Gouvernement de se donner les moyens des ambitions qu'il affiche. Cette programmation prend le risque de ne pas donner de marge de manoeuvre budgétaire suffisante pour renforcer certains aspects fondamentaux de la mission, comme la lutte contre l'immigration irrégulière, ou le nécessaire renforcement du parcours d'intégration des étrangers primo-arrivants.
* 6 Il s'agit des différentes taxes et droits de timbre assis sur la délivrance de titres de séjour et sur l'emploi de main d'oeuvre étrangère par les entreprises.
* 7 Décret n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance (ouverture pour le financement de l'ADA de 217,7 M€ en AE et 206,2 M€ en CP sur le programme 303 « Immigration et asile »).