B. UNE FORTE RÉVISION À LA BAISSE DE L'EXCÉDENT DE FINANCEMENT À L'HORIZON 2050 QUI PASSE DE 95 MILLIARDS D'EUROS À 2 MILLIARDS D'EUROS
L'appréciation de la soutenabilité du système de pensions de retraites des fonctionnaires oblige à en projeter les équilibres sur le long terme.
Outre la comptabilisation des engagements futurs de retraite du compte général de l'État, dont on a exposé la très forte révision, celui-ci est désormais enrichi par une évaluation, sur les années à venir, de la séquence des soldes futurs du régime des fonctionnaires civils de l'État et des militaires.
Contrairement à l'estimation des engagements de retraites, qui est réalisée en système fermé (elle ne tient compte que des droits acquis aux pensionnés actuels et liés aux carrières des actifs en poste), cette méthode est dite « en système ouvert » c'est-à-dire qu'elle appréhende les besoins de financement futurs inhérents au régime, compte tenu de la masse des prestations et des cotisations anticipées.
Encore estimé à 95 milliards d'euros à l'horizon 2050 dans le compte général de l'État, la capacité de financement actualisée du régime a été ramenée à 2 milliards d'euros dans le compte général pour 2016.
Les conditions de cette révision sont exposées ci- dessous.
Source : compte général de l'État pour 2016
Le changement de modèle de projections des engagements de retraite joue pour 132 milliards d'euros dans la modification des projections de solde. Les mesures nouvelles adoptées en 2016 exercent un effet de sens contraire en concourant à l'amélioration des perspectives de solde. Il s'agit essentiellement du relèvement de la valeur du point d'indice et du PPCR.
Si ces mesures exercent un effet favorable sur les recettes du régime, leurs effets sur les dépenses ne sont pas pleinement captés par l'horizon de la projection. A un terme plus éloigné que 2050, quand les fonctionnaires qui en auront bénéficié partiront en retraite, les dépenses correspondantes en seront rehaussées d'autant.
Comme pour les engagements de l'État, cet exercice fournit principalement un ordre de grandeur dans la mesure où le résultat est sensible aux hypothèses privilégiées dans la projection et, en particulier, taux d'actualisation retenu.
Variantes portant sur l'estimation du solde du
régime à l'horizon 2050
en fonction du taux
d'actualisation
Source : compte général de l'État pour 2016
Le graphique ci-après illustre la projection du solde du compte (correspondant au programme 741) pour la période 2017-2050, compte tenu d'une projection de ses différentes recettes, celles liées aux cotisations salariales (6 milliards d'euros en 2016) et aux contributions des employeurs (45 milliards d'euros en 2016) à droit constant.
Dans un contexte de faible progression des recettes du compte combinant une dynamique des cotisations salariales légèrement plus forte que celle des contributions patronales, le solde resterait positif jusqu'au milieu des années 2020. Le solde cumulé (de 7,6 milliards d'euros en 2018) atteindrait 27 milliards d'euros à l'aube des années 2030, tout se passant comme si, au cours des prochaines années, le régime accumulait des réserves de financement. Sous l'influence de déficits entre 2030 et 2045, les réserves accumulées seraient consommées. Un besoin de financement se creuserait temporairement (jusqu'à atteindre 10 milliards d'euros en cumulé) puis, sous l'effet d'un retour à l'excédent, il entamerait une reconstitution.
Besoin de financement des retraites du
régime
des fonctionnaires de l'État et des
militaires
Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale
Cette situation d'équilibre financier reste dépendante d'un raisonnement à législation constante, en particulier de maintien sur toute la durée de la projection du taux de contribution des employeurs à son niveau actuel, historiquement élevé. Compte tenu de la progression projetée de l'assiette des cotisations, liée à une hypothèse de stabilité des effectifs, cette situation ne se traduirait pas par une stabilité de la dépense de l'État-employeur. Cependant, une incertitude forte porte sur la croissance économique. Selon la croissance, les recettes sont plus ou moins fortes, pouvant favoriser une réduction du taux des prélèvements obligatoires nécessaires à l'équilibre du régime.
Recettes du CAS selon les scenarios de croissance
Source : service des retraites de l'État, calculs du COR
Entre un scenario de croissance à 1 % et un scenario de croissance à 1,8 %, l'écart spontané de recettes atteint environ 35 milliards d'euros en 2050.
Une des clefs de compréhension de l'équilibre du régime réside dans la perspective d'une baisse constante des taux de remplacement offerts par les pensions ainsi que des taux de rendement des contributions assises sur les prélèvements effectués sur le PIB courant.
Ces perspectives sont liées aux réformes du système de retraite.
Selon le service des retraites de l'État et la direction du budget, les mesures de la réforme de 2010 permettraient de diminuer de 1,71 milliard d'euros en 2015 (910 millions d'euros en dépenses et 800 millions d'euros en recettes) et de 2 ,17 milliards d'euros en 2016 (1,20 milliard d'euros en dépenses et 970 millions d'euros en recettes) le besoin de financement du régime des pensions civiles et militaires de retraite. Quant à la réforme de 2014, son impact passe à ce jour par les effets du décalage de la date de revalorisation des pensions (320 millions d'euros en 2017) tandis qu'au-delà de 2020 jouerait l'augmentation de la durée d'assurance de référence pour un montant qualifié « d'élevé » par le ministère mais non précisé.
Au-delà de certaines incertitudes lourdes sur l'impact de modifications démographiques pouvant toucher les différents âges de la vie (entrée sur le marché du travail, mortalité, espérance de vie en bonne santé, effets de la natalité), il reste à évaluer la soutenabilité d'un système de base de pensions qui offre une perspective de décrochage du niveau de vie des retraités par rapport aux actifs.
Observation n° 8 : L'équilibre du régime de pensions des fonctionnaires civils et militaires paraît acquis à terme malgré la forte révision à la baisse de son excédent cumulé et un profil temporel évolutif. Ces perspectives sont tributaires de choix publics qui peuvent justifier quelques interrogations sur la soutenabilité d'un régime dont les équilibres reposent sur la combinaison d'un maintien des taux de contribution et d'une réduction des taux de remplacement et de rendement des financements qui lui sont apportés. La sensibilité des perspectives de long terme à la croissance économique doit toutefois être soulignée, les estimations actuelles reposant sur des anticipations globalement plutôt moroses. |