II. UN TEXTE DISPARATE ET GLOBALEMENT DÉCEVANT
A. DES OBJECTIFS CONSENSUELS ET UNE PRÉSENTATION FLATTEUSE
Toutes les personnes entendues dans le cadre des travaux préparatoires comme la commission spéciale dans son ensemble ont approuvé les principes, les objectifs et les valeurs défendus par le projet de loi, dans son exposé des motifs ainsi que dans son annexe et repris par le gouvernement lors des débats à l'Assemblée nationale et devant votre commission spéciale. L'administration, qu'elle relève de l'Etat, des collectivités locales ou des organismes sociaux doit être attentive, bienveillante et loyale à l'égard de son public, qu'il soit composé de particuliers, d'entreprises ou d'associations.
Ces grands principes sont développés avec une certaine emphase dans les documents accompagnant le projet de loi qu'ils inscrivent en définitive dans une longue lignée de proclamations et de textes visant ce qu'il était d'usage d'appeler l'amélioration des relations avec le public 5 ( * ) et qui est aujourd'hui requalifié par le Gouvernement en « Etat pour une société de confiance ».
Pour autant votre commission spéciale a trouvé dans les vingt-huit points énumérés par la « Stratégie nationale d'orientation de l'action publique » pour la France d'ici à 2022, annexée au projet de loi, plus de portes ouvertes que de nouveautés révolutionnaires et elle s'est étonnée à cet égard de la comparaison effectuée par l'une des personnalités auditionnées entre cette stratégie et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
La multiplication de textes de ce type peut d'ailleurs conduire à certaines difficultés quant à l'appréciation de leur caractère normatif. C'est ainsi que Didier Maus, entendu 6 ( * ) au titre de représentant de l'Association des maires de France, a attiré l'attention de votre commission sur l'interprétation qu'il conviendrait de donner au vingt-huitième point de l'annexe qui déclare « L'État, les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les autres personnes publiques et les personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public administratif concourent à la mise en oeuvre de la présente stratégie nationale ». Fallait-il y voir la simple reconnaissance des efforts réalisés par chacun ou une collaboration plus ou moins contrainte à des objectifs définis par la loi ?
Elle peut aussi conduire à une grande confusion. Ainsi, au début des années 2010, le juge administratif 7 ( * ) a été amené à trancher le conflit de légitimité entre deux chartes du contribuable, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié dont seules les mentions sont opposables à l'administration, et la charte du contribuable (dite « charte Copé ») qui affichait des prescriptions différentes en terme de délai de réponse au contribuable. En définitive, pour mettre un terme aux contradictions, la charte du contribuable a cessé d'être distribuée.
Votre commission spéciale, sur le plan des principes, a longuement débattu des valeurs d'humanité et d'efficacité qui doivent toutes deux conduire l'action de l'administration. Mais elle a refusé de céder à la tentation de les inscrire dans un texte d'affichage.
* 5 Voir pour les débuts de ce concept, la relation de la création de la Direction générale pour le relations avec le public en 1977 au ministère des finances in « De Rivoli à Bercy. Souvenirs d'un inspecteur des finances 1952-1998 » Guy Delorme.
* 6 Audition du 14 février 2018.
* 7 CAA Paris 2012-05-29, 10PA05558, C, RJF 10/12, n° 937 ; CAA Bordeaux 2013-07-01, 12BX01912, C ; CAA Marseille 2014-11-25, 11MA02180, C ; TA Versailles 2015-04-17, 1101252, C).