B. LES ZONES FRANCHES D'ACTIVITÉ NOUVELLE GÉNÉRATION : UNE RÉFORME DÉFAVORABLE À CERTAINS SECTEURS ET TERRITOIRES

Les départements et régions d'outre-mer sont concernés par cinq dispositifs zonés d'exonérations fiscales et sociales visant à favoriser l'activité économique et qui interviennent sur des périmètres géographiques, sectoriels, de taille d'entreprises et de taxation distincts.

Ces dispositifs comprennent notamment un mécanisme propre aux départements et régions d'outre-mer, les zones franches d'activité (ZFA).

Ils sont également concernés par des dispositifs nationaux ; les zones franches urbaines-territoires entrepreneurs (ZFU-TE), qui concernent plusieurs quartiers dans les départements et régions d'outre-mer, et les zones de revitalisation rurale (ZRR), applicables en Guyane et à La Réunion.

Les départements d'outre-mer comptent également 200 quartiers prioritaires de la ville (QPV) et des zones d'aides à finalité régionale (ZAFR), qui concernent l'ensemble des départements et régions d'outre-mer avec une intensité renforcée s'agissant de la Guyane et encore davantage à Mayotte.

Les zones franches d'activité

Le dispositif des zones franches d'activité (ZFA) dans les départements d'outre-mer a été mis en place en 2009 par la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) 26 ( * ) , et est aujourd'hui codifié aux articles 44 quaterdecies , 1388 quinquies , 1395 H et 1466 F du code général des impôts.

Il est composé d'abattements sur les bénéfices des petites et moyennes entreprises soumises à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés, sur leur base d'imposition à la cotisation foncière des entreprises (CFE), à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et d'une exonération partielle sur la base d'imposition à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB).

Ce dispositif s'applique en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et en partie à Mayotte 27 ( * ) .

Le taux de ces abattements et exonération, initialement dégressifs, a été gelé par la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

Source : commission des finances

L'article 6 du présent projet de loi de finances supprime les ZFU et les ZRR dans les départements et régions d'outre-mer, mettant fin à une superposition de dispositifs poursuivant des objectifs similaires difficilement lisibles.

En contrepartie, il créé les « zones franches d'activité nouvelle génération » (ZFANG). Concrètement, cela revient à :

- pérenniser ce dispositif, qui était auparavant temporaire ;

- augmenter les taux normaux des différents avantages fiscaux prévus, et supprimer leur dégressivité ;

- réduire le nombre de secteurs éligibles aux taux préférentiels.

Synthèse des dernières modifications de taux applicables pour les différents abattements

(en %)

Dispositif LODEOM

Réforme adoptée en loi de finances pour 2017

Réforme adoptée en loi EROM

Dispositif proposé

2017

2018

2017

2018

2017

2018

2019

2020

Permanent

Abattement sur les bénéfices imposables

44 quaterdecies

Normal

30

35

35

35

35

50

Préférentiel

50

60

60

60

60

80

Abattement TFPB

1388 quinquies

Normal

35

30

40

30

40

40

40

40

50

Préférentiel

60

50

70

50

70

70

70

70

80

Exonération de TFPNB

1395 H

Normal

60

50

70

50

Dispositif non modifié

80

Abattement CFE et CVAE
1466 F

Normal

65

60

70

60

70

70

70

70

80

Préférentiel

80

70

90

70

90

90

90

90

100

Source : commission des finances du Sénat

Une revue de dépenses de juin 2016 portant sur les ZFA a permis de mettre en évidence leur impact positif sur l'activité et sur l'emploi. Ainsi, sur la période 2009-2014 et pour les quatre départements d'outre-mer concernés par ce dispositif, l'emploi a augmenté de 12,7 % pour les entreprises bénéficiant du dispositif contre 1,3 % pour les entreprises éligibles n'ayant pas bénéficié du dispositif. De même, leur chiffre d'affaires a augmenté de respectivement 20 % et 8,3 %, soit de près de 12 points de plus pour les entreprises ayant bénéficié du dispositif ZFA. Cette étude relève en outre que ce dispositif est particulièrement utile en tant qu'aide « ciblée pour le développement économique des petites et moyennes entreprises de moins de 250 salariés » 28 ( * ) .

Cet impact apparaît d'autant plus important que, parallèlement, le nombre de défaillances d'entreprises a augmenté fortement dans les départements d'outre-mer sur la période 2010-2011 (22 % pour l'ensemble des départements d'outre-mer), alors même qu'il s'est réduit dans l'hexagone (- 1,3 %).

La revue de dépenses précitée prônait toutefois un réexamen du champ d'application des ZFA afin que ce régime bénéficie aux secteurs porteurs. Tirant les conclusions de ces préconisations, l'article 6 du présent projet de loi de finances limite le bénéfice des taux majorés aux entreprises situées en Guyane et à Mayotte (hors secteurs exclus) et aux entreprises situées dans les autres départements et régions d'outre-mer qui exercent leur activité dans les secteurs considérés comme prioritaires (recherche et développement, technologies de l'information et de la communication, tourisme, y compris les activités de loisirs s'y rapportant, agro-nutrition, énergies renouvelables, bâtiments et travaux publics).

La pérennisation du dispositif met en outre fin à une instabilité normative préjudiciable à l'activité économique.

Le Gouvernement chiffre le dispositif proposé à 124 millions d'euros à partir de 2021, avec un surcoût pour 2020 par rapport au droit existant de 10 millions d'euros. Ce coût apparaît proportionné à ses effets sur l'activité et l'emploi et au signal qu'il envoie au tissu économique ultra-marin 29 ( * ) .

Vos rapporteurs spéciaux approuvent cette réforme, même s'ils déplorent que certaines entreprises soient « perdantes » du fait de ce recentrage. Il en va ainsi des entreprises situées dans des zones qui ne correspondent pas au nouveau zonage ou qui perdront le bénéfice d'un avantage majoré dans le zonage actuel : les entreprises des îles des Saintes, Marie-Galante et la Désirade, la majorité des entreprises de la zone spéciale d'action rurale à La Réunion, des zones classées « zones de montagne faiblement peuplées » de Guadeloupe et de Martinique.

Votre rapporteur spécial Georges Patient souhaite, à cette fin, que le dispositif qui sera finalement mis en oeuvre ne se traduise pas par une perte de compétitivité pour la Guyane, qui bénéficie aujourd'hui d'une zone de revitalisation rurale (ZRR). Une incorporation des secteurs auparavant éligibles aux ZRR et exclus des ZFANG dans ce dernier dispositif apparaît à cet égard indispensable.


* 26 Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.

* 27 Cette dernière collectivité ne bénéficie pas du dispositif prévu à l'article 44 quaterdecies du code général des impôts.

* 28 Contrôle général économique et financier, revue de dépenses sur les zones franches d'activité outre-mer, juin 2016.

* 29 Les travaux effectués à ce sujet, aussi bien parlementaires que gouvernementaux, évoquaient uniquement des possibilités de prorogation du dispositif existant ou de refonte. Ainsi, les 124 millions d'euros de dépenses supplémentaire évoqués par le gouvernement, calculés en prenant en compte une extinction effective du dispositif, qui n'a en réalité jamais été une hypothèse de travail ces dernières années, sont purement théoriques.

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