B. L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE, UN POINT D'ALERTE
1. La Cour des comptes a dressé un constat sévère sur la situation de l'Institut national de la propriété industrielle
Vos rapporteurs spéciaux ont été alertés par un référé de la Cour des comptes, en date du 27 mai 2019, sur l'Institut national de la propriété industrielle. Sur le programme, cet Institut ne fait l'objet d'aucune subvention budgétaire dans la mesure où son financement est essentiellement assuré par des redevances payées par les dépositaires de brevets.
Les recettes de l'INPI sont bien supérieures à ses dépenses pour l'exercice 2018 (49 millions d'euros d'excédents de gestion) . Dans son référé, la Cour dénonce un modèle économique favorisant une gestion dispendieuse, qui permet d'accumuler les excédents sans aucun effort. D'après la Cour, cette situation aurait été à l'origine de nombreux dysfonctionnements : processus d'achats défectueux, gestion immobilière défaillante, absence de réelle supervision de la part de la tutelle ainsi que des faiblesses dans la politique de gestion des ressources humaines .
Compte de résultat de l'INPI en 2018
Source : commission des finances, d'après le bilan annuel d'activité de l'INPI
2. Les recommandations de la Cour sont en cours de mise en oeuvre par la nouvelle direction de l'INPI
Au vu du bilan sévère dressé par la Cour des comptes sur la situation de l'INPI, vos rapporteurs spéciaux ont tenu à auditionner son directeur général, Pascal Faure. Celui-ci a pu faire état des évolutions intervenues dans la gestion de l'institut. En effet, depuis 2016, deux directeurs généraux se sont succédé à la tête de l'Institut et ont engagé un certain nombre de réformes visant à résoudre les défaillances dénoncées par la Cour.
Les recommandations du référé ont été globalement suivies ou mises en chantier. Une commission consultative d'attribution des marchés à laquelle assistent le contrôleur budgétaire, l'agent comptable, le chef de pôle marché public et le responsable de l'audit interne, est désormais présidée par une personnalité extérieure. Elle émet un avis sur chaque marché supérieur à 100 000 euros . De plus, un audit interne indépendant a été mis en place.
Les montants des redevances sont en train d'être réformés . Aujourd'hui, la redevance pour le dépôt d'un brevet s'élève à 636 euros pour une grande entreprise et à 318 euros pour une PME, un laboratoire de recherche ou un particulier. L'équilibre financier correspond à un maintien du brevet d'au moins 12 ans.
La mise en place d'un schéma directeur informatique et de la comptabilité analytique a été retardée par la mise en oeuvre des réformes contenues dans la loi PACTE. En effet, cette loi modifiant en profondeur les règles applicables aux brevets, ces deux chantiers ne peuvent être utilement lancés avant que les conséquences de la loi PACTE ne soient précisément mesurées sur l'activité de l'INPI.
Les conséquences de la loi PACTE sur l'activité de l'INPI La loi PACTE modifie les règles applicables à la protection propriété industrielle en renforçant la solidité juridique des titres délivrés et en plaçant la France parmi les meilleurs standards en matière de propriété industrielle. Deux objectifs étaient ainsi poursuivis : améliorer l'attractivité de la France pour la protection de la priorité industrielle et renforcer la crédibilité des entreprises françaises à l'international en leur offrant des titres plus robustes. En matière de marques comme de brevets, l'examen au fond sera approfondi. D'une part, en matière de brevets, la loi PACTE permet à l'INPI de rejeter directement les demandes de brevet qui ne présentent pas de caractère inventif, ce qui était jusqu'alors la prérogative exclusive des juridictions. Ainsi, l'inventivité des brevets se trouve évaluée a priori et non a posteriori devant des juridictions, ce qui renforce leur robustesse. Afin de procéder à l'examen de l'inventivité des brevets, l'INPI a recruté quinze nouveaux ingénieurs (sous plafond d'emploi). D'autre part, la loi PACTE ouvre la possibilité de contester la validité d'un brevet ou d'une marque directement devant l'INPI. Cette procédure est plus souple et plus accessible pour les petites et moyennes entreprises. Cette mesure entrera en vigueur le 1 er avril 2020. Ces évolutions majeures permettront de rendre les brevets délivrés plus robustes et donc de renforcer l'attractivité de l'INPI. Source : audition de l'INPI |
3. La France doit impérativement relever les défis de la propriété intellectuelle dans l'économie de demain
Les entreprises françaises souffrent d'un déficit de culture de la propriété intellectuelle. Il est fréquent que des petites et moyennes entreprises (PME) ne pensent à protéger leur propriété intellectuelle que lorsqu'un concurrent s'est déjà saisi de leurs innovations.
Il est dès lors indispensable de mieux sensibiliser le monde de l'entreprise et les laboratoires à la culture de la protection de l'innovation . L'INPI mène à cet égard de nombreuses actions de sensibilisation qui doivent être poursuivies à tous les niveaux.
Vos rapporteurs estiment que la propriété intellectuelle devrait être davantage intégrée aux formations supérieures, en particulier dans les cursus d'ingénieur . L'INPI doit continuer à développer son offre de formation continue, vers les entreprises, mais également en direction de juges spécialisés en propriété intellectuelle.
Pour saisir toutes les opportunités de l'économie de la connaissance qui est, à n'en pas douter, l'économie de demain, la France doit se doter d'un institut performant et à la gestion irréprochable .
Vos rapporteurs plaident ainsi pour les efforts fournis actuellement par la direction de l'institut soient poursuivis. Les excédents de gestion doivent être réinvestis pour continuer à améliorer la qualité de la protection de l'innovation. Pour assurer l'attractivité de la France, l'INPI doit impérativement être aligné sur les meilleurs standards au niveau mondial, et ce, sur tous les plans.