N° 140 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019 |
RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 , Par M. Albéric de MONTGOLFIER, Rapporteur général, Sénateur |
TOME III LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES (seconde partie de la loi de finances) |
ANNEXE N° 5 ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION |
Rapporteur spécial : M. Marc LAMÉNIE |
(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel . |
Voir les numéros : Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348 Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020) |
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU
RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » s'établit à 2,1 milliards d'euros en crédits de paiement. Les dotations baissent de 142 millions d'euros , soit un recul significatif de 6,2 % , les trois programmes de la mission enregistrant chacun une baisse de leurs moyens. 2. Le programme 169, qui finance les transferts publics à destination des anciens combattants subit le recul le plus significatif avec une chute de ses crédits d'intervention de 124,8 millions d'euros (de 2 093,4 millions d'euros à 1 958,6 millions d'euros), soit - 6%. Cependant, les dépenses fiscales recensées par le projet annuel de performances amortissent légèrement cette chute. Une fois prises en compte, le recul des transferts vers les anciens combattants n'est plus que de 4,6 %. 3. Le projet de budget pour 2020 surenchérit sur la trajectoire baissière instaurée par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022, marquée par des orientations qui excluent toute revalorisation appréciable de la situation réservée aux anciens combattants. 4. Le projet de budget pour 2020 enregistre les effets de l'extension de l'attribution de la carte du combattant aux militaires présents en Algérie entre 1962 et 1964, que le Sénat avait particulièrement saluée, mais aucune mesure nouvelle significative ne vient améliorer la situation des anciens combattants. 5. À cet égard, l'annonce d'une amélioration sous condition de la réversion de la pension militaire d'invalidité versée aux conjoints survivants de grands invalides de guerre, pour être appréciable, ne peut être considérée comme de nature à résoudre les lourds problèmes que rencontrent les aidants des anciens combattants frappés par la dépendance. Elle ne bénéficierait qu'à 461 personnes pour un montant d'un peu plus de 1 300 euros. Compte tenu de la dégradation sensible des conditions d'accueil des personnes dépendantes par le système de soins qui place les aidants dans une situation de collaborateurs bénévoles du service public sans vraie reconnaissance, il est urgent d'évaluer les dispositifs prévus pour accompagner leur oeuvre, les aidants recouvrant une population plus large que celle des seuls conjoints survivants, mais aussi les conditions de prise en charge des patients dépendants. 6. Le renforcement continu de la part des transferts réalisés à travers des avantages fiscaux (27,5 % des interventions du programme 169) et des soutiens inégalement mobilisés par les populations appelées à en bénéficier (les majorations de rente mutualistes par exemple) devrait susciter une réflexion sur les équilibres de l'effort national au bénéfice des anciens combattants. Il convient également, dans ce cadre, d'évaluer la connaissance des droits ouverts par les bénéficiaires, le taux de mobilisation des droits pouvant se révéler inégal. 7. L'action n° 1 « Liens armée-Jeunesse » du programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » tend à se voir imputer une part des coûts des dispositifs en voie de démultiplication par lesquels le ministère des Armées est appelé à contribuer à la politique en direction des jeunes quand bien même leur contenu militaire est des plus ténu. La dispersion de ces dispositifs, destinés à des populations très différenciées, et l'éclatement de leur traduction budgétaire finissent par altérer le suivi des coûts et, surtout, par nuire à la cohérence d'ensemble. D'un point de vue budgétaire, la justification d'une imputation à la mission d'une charge de 2,5 millions d'euros pour une formule dont le coût total pourrait approcher 50 millions d'euros pose à l'évidence la question de sa justification. Il en va de même pour la Journée Défense et citoyenneté (JDC), dont le coût total de l'ordre de 150 millions d'euros, n'est pris en charge par le programme qu'à hauteur de 16 millions d'euros. Quant à la pertinence des opérations ainsi financées, elle se pose particulièrement pour le service militaire volontaire, aux coûts par bénéficiaire très élevés, et qui paraît insusceptible, en l'état des crédits programmés, de satisfaire une demande très supérieure aux capacités d'accueil. Mais, la JDC n'est pas exempte d'interrogations de même nature au vu d'un certain nombre d'indicateurs peu favorables (assiduité, changements permanents apportés à son contenu, trop souvent éloigné de la transmission des fondamentaux de la défense, suivi des décrocheurs...). Si votre rapporteur spécial se félicite que la prise en charge forfaitaire des frais de transport engagés pour suivre la JDC soit revalorisée, les conditions de la revalorisation annoncée semblent peu susceptibles de compenser équitablement les coûts correspondants, très variables selon les appelés, tout en ouvrant la perspective d'une augmentation du coût de la JDC. Quoi qu'il en soit, l'articulation de la JDC avec le futur service national universel obligatoire demeure à préciser. 8. L'action n° 2 du programme dédiée à la politique de la mémoire subit une forte contraction de ses moyens (- 5 millions d'euros, soit - 31 %). La fin des commémorations de la Grande Guerre peut paraître justifier cette évolution. Il n'en reste pas moins que l'attrition des investissements pour la politique de la mémoire témoigne d'une trop forte dépendance de sa mise en oeuvre à des événements exceptionnels. Un effort plus soutenu s'impose d'autant que les besoins les plus élémentaires (la rénovation des sépultures et des hauts lieux de mémoire) ne sont pas couverts, malgré le recours à des expédients, comme la ponction de la trésorerie de l'ONAC-VG, pour les financer. Il convient de surmonter au plus vite ces difficultés et de ne pas négliger la participation active des bénévoles et des porte-drapeaux aux commémorations régulières qui sont l'un des éléments forts de la politique de mémoire. De même, l'effort des collectivités territoriales pour ancrer dans les territoires la mémoire et l'histoire combattantes doit être soutenu. 9. En l'absence de toute extension significative des droits (600 000 euros au titre de la mesure au profit de 461 conjoints survivants de grands invalides) et malgré les effets en année pleine des mesures acquises l'an dernier, les interventions au profit des anciens combattants accusent une chute de 6 % que traduit la baisse des crédits de paiement inscrits au programme 169 (- 125 millions d'euros). Les évolutions démographiques jouent à plein et avec une particulière ampleur. Pour les pensions militaires d'invalidité (les PMI), à la baisse du nombre des pensionnés s'ajoutent des effets de recomposition. L'extinction de pensions relativement coûteuses tend à peser sur la valeur moyenne des pensions qui recule de 3,2 % dans un contexte de forte dispersion de la valeur des pensions servies. Pour la retraite du combattant, outre des effets infra-annuels qui affectent la valeur effective de la retraite du combattant malgré la stabilisation de son niveau, la réduction des titulaires atteint un stade historique, qui devrait se prolonger au vu de la démographie des titulaires. 10. Le quasi-gel de la valeur du point de PMI dans le cadre d'un « rapport constant » qui lie sa revalorisation à celle du point d'indice de la grille de la fonction publique conduit à affecter la valeur réelle des allocations de reconnaissance aux anciens combattants. La constitution d'une commission tripartite pour trouver une solution aux pertes de pouvoir d'achat de ces allocations consécutives aux effets de la politique salariale de l'État paraît en attente de débouchés effectifs. Dans la réponse transmise au questionnaire de votre rapporteur spécial, le ministère tend à faire valoir l'ampleur des charges résultant des revalorisations mises en oeuvre ces dernières années. Il les évalue pour la période 2017-2019 à 47,41 millions d'euros pour les PMI et 27,05 millions d'euros pour la retraite du combattant auxquels il convient d'ajouter 1,6 million d'euros pour l'année 2020, si bien qu'au total la revalorisation du point PMI aurait eu un impact à la hausse des dépenses correspondantes de 76,06 millions d'euros de 2017 à 2020. Cette présentation doit être remise dans un contexte où, au cours de cette période, les économies réalisées sur ces deux prestations ont atteint 306,5 millions d'euros, la sous-indexation du point de PMI par rapport à l'inflation depuis 2014 ayant dégagé a minima 70,9 millions d'euros en 2018 (41,4 millions d'euros pour les PMI et 29,8 millions d'euros pour la retraite du combattant). 11. Votre rapporteur spécial insiste pour que des situations mal couvertes, comme celle des forces participant aux opérations de sécurité conduites dans le cadre de la protection des Français contre les actions terroristes, soient mieux prises en compte. Par ailleurs, il convient de faciliter l'existence des invalides de guerre en améliorant les conditions générales de révision des PMI. Il convient également de demeurer très vigilant sur les effets de la réforme des retraites en voie de définition puisqu'aussi bien l'effort en faveur des anciens combattants retracé par la mission ne saurait être envisagé indépendamment des dispositions générales appliquées aux militaires. 12. Quant à la revalorisation des allocations de reconnaissance en faveur des rapatriés, la baisse des crédits ne les épargne pas. Le ministère tend à en relativiser l'ampleur en indiquant que les besoins correspondants seront financés sur la trésorerie de l'ONAC-VG. Outre que le niveau de l'effort accompli relève plus du symbole que d'une vraie politique de réparation, cet expédient budgétaire est d'autant moins acceptable que l'ONAC-VG se voit imputer des charges indues. 13. De fait, le projet de budget pour 2020 porte la trace d'une restructuration sourde de l'ONAC-VG. La subvention pour charges de service public s'effondre (- 21 % soit - 12 millions d'euros) alors que les effectifs, qui sont significativement réduits, ne baissent que de 3,7 %. Dans ces conditions, l'ONAC-VG devra ponctionner une trésorerie déjà largement amputée ces dernières années et devant supporter de nouvelles débudgétisations en 2020 (harkis, sépultures...) pour payer ses agents. Ce schéma n'est pas soutenable. Il faut, en outre, s'inquiéter des effets d'une restructuration, qui pourrait conduire à ne laisser subsister que des coquilles vides pour accomplir les missions de proximité de l'établissement. Dans ce contexte, la baisse des crédits d'action sociale de l'ONAC-VG constitue un autre mauvais signal. 14. Quant à l'Institution nationale des Invalides, il convient également de s'interroger sur les conditions de financement de son projet de rénovation. Le fonds de roulement affecté par des résultats peu favorables ces dernières années devrait être également sollicité au point de revenir à l'étiage. Votre rapporteur spécial regrette encore que l'échéance de l'ouverture du nouveau service de prise en charge des troubles psychiatriques doive être reportée et s'inquiète de ce que les conditions d'accueil des pensionnaires, si elles devaient être harmonisées avec les conditions générales dans lesquelles notre pays traite ses aînés affligés par la dépendance, puissent se dégrader, quand l'INI présentait jusqu'alors plutôt un modèle. 15. Les dotations du programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale » accusent une réduction considérable (- 12 %), principalement du fait de la chute des moyens consacrés à la réparation des spoliations antisémites. Votre rapporteur spécial relève que le Sénat a souhaité ces dernières années élargir le dispositif de réparation en faveur des orphelins des victimes d'actes de barbarie. Il souscrit à ces initiatives dont le projet de budget ne porte pas la trace. Prenant acte des prévisions relatives aux indemnisations des victimes de spoliation, il en souligne la dimension partiellement aléatoire au vu de la dette de réparation rémanente qui entoure les spoliations antisémites. La budgétisation proposée pour 2020 n'annonce aucun progrès significatif pour apurer le stock des demandes pendantes ni les parts réservées qui pèsent encore plus de 25 millions d'euros. Par ailleurs, il déplore le recul des moyens attribués à la commission d'indemnisation des victimes de spoliation alors même que cette dernière s'est enfin vue dotée d'une mission proactive de réparation des spoliations qui implique un fort engagement pour aboutir à des restitutions dont le bilan est encore trop considérablement éloigné des enjeux que présente la spoliation massive des objets d'art et de culture entre 1933 et 1945. |
I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA MISSION
La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » est une mission interministérielle qui regroupe trois programmes :
- le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » , dont l'objectif est de promouvoir l'esprit de défense et de citoyenneté au sein de la population ;
- le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » , dont l'objectif est de témoigner la reconnaissance de la Nation à l'égard des anciens combattants et des victimes de guerre.
Ces deux programmes sont placés sous la responsabilité du ministre des armées .
- le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale » , qui porte les trois dispositifs d'indemnisation en faveur des victimes de la Seconde Guerre mondiale et de leurs ayants-cause, et relève du Premier ministre .
Après les quelques évolutions du périmètre de la mission enregistrées au cours des deux derniers exercices, ce dernier est stable en 2020.
Un petit élargissement du périmètre de la mission en 2018 La mission a connu un petit élargissement de son périmètre en 2018. Le programme 169 a intégré la subvention pour charges de service public du Conseil national des communes - « Compagnon de la Libération » (CNCCL) dont le transfert avait été acté en 2017 depuis le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental ». Cette évolution s'est traduite par un transfert de 1,3 million d'euros et atteint 1,7 million d'euros en 2020 comme en 2019. |
Un élargissement plus significatif en 2019 En 2019, le programme 167 a pris en charge deux nouvelles missions pour un total de 4,9 millions d'euros : le dispositif « service militaire volontaire-volontariat militaire d'insertion » (2,5 millions d'euros) et l'organisation logistique du défilé du 14 juillet auparavant financée par le ministère de la culture (2,4 millions d'euros). |
En revanche, le dispositif de performance évolue pour deux des programmes de la mission.
A. UNE NOUVELLE RÉDUCTION SIGNIFICATIVE DES CRÉDITS DE LA MISSION
La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » connaît une diminution régulière de ses crédits , dégageant ainsi des économies spontanées, qu'on pourrait aussi qualifier de passives, sur les dépenses publiques de l'État.
De 2012 à 2019, les dépenses auront reculé de presque 900 millions d'euros.
Après une légère atténuation de la décrue des dotations en 2018 résultant principalement de mesures acquises au budget de 2017 et de l'effet de leur extension en année pleine, la forte baisse des dotations programmées l'an dernier (- 159,3 millions d'euros) avait confirmé une tendance que prolonge : - 142 millions d'euros, dont - 125,3 millions d'euros au titre du programme 169 porteur des principales allocations prévues en faveur des anciens combattants.
1. Les économies programmées atteignent 142 millions d'euros soit plus de 6,2 % des dotations de 2019
Les crédits programmés pour 2020 s'élèvent à 2 159,9 millions d'euros contre 2 301,9 millions d'euros l'an dernier, faisant ressortir une économie de 142 millions d'euros. Elle emporte un repli des dotations budgétaires de l'ordre de 6,2 %, qui correspond aux évolutions spontanées des charges de la mission en l'absence de mesures significatives concernant les droits ouverts aux anciens combattants.
Évolution par programme des crédits de
paiement de la mission
entre 2019 et 2020
(en millions d'euros)
2019 |
2020 |
Écart
|
|
Programme 167 |
33,7 |
29,4 |
- 4,3 |
Programme 169 |
2 162,3 |
2 037 |
- 125,3 |
Programme 158 |
105,9 |
93,5 |
- 12,4 |
Total |
2 301,9 |
2 159,9 |
- 142 |
Source : commission des finances du Sénat
En deux ans, à périmètre constant, la mission aura perdu près de 12 % de ses crédits, dégageant plus de 300 millions d'euros d'économies budgétaires.
Habituellement, la quasi-totalité des économies prévues est attribuable au programme 169 qui est, pour l'essentiel, un « programme de guichet » correspondant à la vocation de la mission de regrouper principalement des dépenses de prestations (de titre 6) accordées en témoignage de la reconnaissance de la Nation à ses anciens combattants.
Les dotations de ce programme correspondant à des prestations aux anciens combattants (hors subventions aux opérateurs) sont à nouveau en repli, de 5,8 %, à peu près en ligne avec les variations structurelles liées aux dynamiques naturelles.
Cependant, les dépenses programmées au titre du programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » qui avaient connu l'an dernier elles aussi un fort recul (- 20 %) poursuivent leur repli, mais sur un rythme qui quoique plus modéré reste très soutenu (- 12,8 %).
Quant au programme 158, les crédits programmés pour 2019 avait enregistré une hausse significative, de l'ordre de 5 %, du fait des indemnisations résultant des crimes antisémites commis durant l'Occupation, mais que le projet de budget pour 2020, loin de la prolonger, inverse brutalement. Ses dotations sont réduites de 11,7 %.
2. Un projet de budget pour 2020 sans ambition, calé sur une trajectoire baissière tendancielle de la mission dès lors qu'aucune revalorisation des droits des anciens combattants n'intervient
Après le ralentissement de la réduction des dépenses de la mission relevé en 2018, les dotations de la mission avaient été réinstallées en 2019 sur une trajectoire fortement descendante.
Le projet de budget pour 2020 prolonge cette tendance. Face à l'impact modéré des élargissements de droits réalisés ces dernières années qui ne trouvent qu'un faible prolongement en année pleine en 2020 et ne sont relayés par aucun initiative autre que symbolique, l'attrition des populations bénéficiaires des allocations de reconnaissance envers les anciens combattants et le gel de la valeur de ces dernières déterminent des économies substantielles.
Ces dernières sont secondées par quelques artifices budgétaires tirés des équilibres entre le budget de la mission et les finances de ses opérateurs.
Évolution du budget de la mission depuis 2012
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat
Compte tenu de la place occupée par les dépenses de transferts sociaux dans la mission, dont une des variables majeures réside dans la démographie des bénéficiaires, celle-ci, qui a pour particularité, en lien avec l'historique des conflits, de se contracter inexorablement, comme le montre le graphique ci-après, est un déterminant majeur de la dynamique des dépenses de la mission (voir infra les développements propres au programme 169).
Cependant, d'autres facteurs peuvent influer sur le niveau des dépenses.
Pour s'en tenir aux prestations financées par la mission, l'extension des droits ouverts et les choix portant sur la valeur de chacune des prestations doivent bien entendu être pris en compte.
Pour 2020, ces derniers facteurs jouent un rôle négligeable (voir infra ), ce qui traduit une réelle négligence des besoins des anciens combattants.
Évolution du nombre des
bénéficiaires des pensions militaires
d'invalidité
(PMI) et de la retraite du combattant (RC) (2008-2020)
Source : projet annuel de performances pour 2020
3. La loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, sur laquelle le projet de budget pour 2020 surenchérit, annonce un déclin des conditions de reconnaissance de la Nation pour ses anciens combattants
La loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 dessine une trajectoire de repli tendanciel des crédits de paiement consacrés à la mission « Anciens combattants ».
Évolution des crédits de la
mission
dans la loi de programmation des finances publiques
(2018-2022)
Montant |
Évolution par rapport
|
Évolution cumulée |
|
LFI 2017 |
2,54 |
NS |
NS |
PLF 2018 |
2,46 |
-3,10% |
-3,10% |
2019 |
2,34 |
-4,80% |
-7,90% |
2020 |
2,25 |
-3,80% |
-11,40% |
Total |
9,59 |
NS |
NS |
Source : commission des finances du Sénat d'après les données du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022
Au total, les crédits de la mission seraient réduits en cumulé de 11,4 % entre 2017 et 2020 soit un recul annuel moyen de l'ordre de 3,9 % .
Cette programmation ne fait que traduire la diminution des contingents de bénéficiaires des prestations financées par la mission.
Elle implique une quasi-absence de revalorisation de la valeur du point de pension militaire d'invalidité, dans le cadre plus global d'une absence de toute revalorisation significative des différentes prestations financées par la mission (en particulier, par le programme 169), d'autant que celui-ci devrait assumer des charges exceptionnelles en lien avec la rénovation de l'Institution nationale des Invalides.
Dans ce contexte, les programmes 167 et 158 subiraient, de leur côté, une stagnation de leurs dotations.
Le tableau ci-dessous détaille, pour le seul programme 169, les équilibres sur lesquels la programmation pluriannuelle repose et vient illustrer ce jeu d'hypothèses.
Évolution triennale prévisionnelle des
crédits du programme 169
par catégorie de
dépense
( en millions d'euros)
Dispositif |
PLF 2018 |
2019 |
2020 |
Écart entre 2020 et 2018 |
PMI |
1 074,00 |
1 003,70 |
938 |
- 12,70 % |
Retraite du combattant |
743,9 |
704,5 |
665,1 |
- 10,60 % |
Soins médicaux gratuits, appareillage, expertises |
52,4 |
49,6 |
48,4 |
- 7,60 % |
Remboursement réductions de transport |
2,7 |
2,5 |
2,3 |
- 14,80 % |
Remboursement prestations sécurité sociale |
80,9 |
76,3 |
71,9 |
- 11,10 % |
Majoration des rentes mutualistes |
247,4 |
246,1 |
244,8 |
- 1,10 % |
Institution nationale des invalides |
12,1 |
12,1 |
12,1 |
0 |
Institution nationale des invalides Investissement |
0,8 |
2,7 |
15 |
NS |
TOTAL |
2 214,20 |
2 097,50 |
1 997,60 |
- 9,80 % |
Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial, PLF 2019
Le projet de budget pour 2020 inscrit des crédits sous le plafond de la loi de programmation des finances publiques ; il ajoute ainsi à l'austérité programmée, même s'il conviendrait de tenir compte de l'imputation de charges aux trésoreries des opérateurs, qui sont constitutives de débudgétisations.
Votre rapporteur spécial est conduit à regretter une forme d'irréalisme de la programmation à moyen terme des crédits de la mission. Non seulement traduit-elle une érosion du pouvoir d'achat des différentes prestations par lesquelles la Nation témoigne sa reconnaissance à ses anciens combattants - et a fortiori n'intégrerait aucune amélioration des prestations -, mais encore ne reflète-t-elle pas différentes orientations, déjà arrêtées ou en cours de précision, concernant les politiques publiques financées par la mission (service national obligatoire, politique proactive de gestion des indemnisations des victimes de la période d'Occupation).