B. LE CIR BÉNÉFICIANT TROP LARGEMENT AUX GRANDES ENTREPRISES, REMETTRE EN PLACE UN PLAFOND EST INDISPENSABLE
Le CIR représente près de 60 % des aides publiques à l'innovation selon la CNEPI. En à peine 10 ans, son coût a doublé, passant de 3,1 milliards d'euros en 2011 à 6,2 milliards d'euros en 2020.
Cette dépense est en grande partie imputable aux grandes entreprises. Une étude d'Oxfam indique en effet qu'en « 2015, sur 14 000 entreprises ayant bénéficié du CIR, 42 grandes entreprises (soit 0,3 % des bénéficiaires) se sont accaparées à elles seules 31 % des créances du CIR. » 29 ( * )
Afin de limiter les effets d'aubaine de la part de grands groupes qui, dans plusieurs cas, ne localisent pas l'essentiel de leurs bénéfices en France mais seulement leurs activités de recherche afin de bénéficier du crédit d'impôt, le rapporteur spécial propose de remettre en place un plafonnement du bénéfice du dispositif à 16 millions d'euros, tel qu'il s'appliquait avant la réforme de 2008. Ce plafond global doit impérativement s'appliquer au niveau des résultats consolidés des groupes et non au niveau de chaque filiale.
En effet, il existe certains grands groupes qui utilisent le CIR comme instrument d'optimisation fiscale et il est indispensable de se poser la question de ce dispositif dans une perspective globale de lutte contre l'érosion des recettes fiscales. Les enjeux entourant les prix de transferts et la localisation des bénéfices doivent être pris en compte pour s'assurer que le dispositif est correctement calibré .
C. LES MÉCANISMES DU CIR EMPORTENT UNE ABSENCE DE PILOTAGE DE LA RECHERCHE VERS LES ENJEUX PRIORITAIRES
Les recherches aujourd'hui financées par le CIR concernent des sphères diverses, allant du domaine médical à la transition écologique ou encore à l'intelligence artificielle. Cependant, le dispositif de crédit d'impôt ne hiérarchise ni ne priorise aucun de ces différents types de recherche, de sorte qu'il peut aussi bien financer des activités utiles que d'autres non créatrices de valeur, voire même néfastes pour l'économie dans son ensemble.
Le rapporteur spécial pense tout particulièrement au développement d'algorithmes et de l'intelligence artificielle dans les secteurs bancaires ou financiers afin de réduire les délais des ordres d'achats ou de ventes de titres. Ces développements ne créent aucune valeur mais constituent au contraire un véritable gaspillage de l'argent public . Pire, ces dépenses renforcent l'instabilité financière et la volatilité des marchés. Ainsi, l'indicateur pertinent ne doit pas être seulement centré sur le volume de dépense de R&D mais doit intégrer une dimension qualitative.
* 29 Rétablir un impôt juste, progressif et lisible, Oxfam France