DEUXIÈME PARTIE
LE PROGRAMME 207 « SÉCURITÉ ET ÉDUCATION ROUTIÈRES » ET LE CAS « CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS »

I. OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ ROUTIÈRE

A. LA MORTALITÉ ROUTIÈRE RESTE STABLE EN 2019

1. L'année 2019 confirme les bons chiffres de la mortalité routière obtenus en 2018, le plus bas historique jamais atteint

L'année 2019 confirme les très bons chiffres de l'année 2018 (3 488 décès) avec 3 498 décès en France dont 3 244 en France métropolitaine et 254 dans les Outre-mer.

a) En France Métropolitaine un nombre de décès presque identique à celui de l'année 2018

Dans l'Hexagone, le nombre de tués 37 ( * ) en 2019 a ainsi fortement baissé par rapport au point haut atteint en 2016 (233 décès de moins) et se situe à un niveau équivalent à celui de 2018, puisqu'il est de 3 244 décès (4 décès de moins).

Évolution du nombre de tués à 30 jours en France métropolitaine
de 2010 à 2019

Source : bilans de l'Observatoire interministériel de la sécurité routière (ONISR)

b) Légère hausse des décès en outre-mer

Dans les départements d'outre-mer, les baisses consécutives observées en 2017 (-26) et en 2018 (-8) ne se poursuivent pas en 2019 puisque le nombre de tués augmente de nouveau (+18 par rapport à 2018) pour s'établir à 162. Il convient néanmoins de noter que ce nombre se situe au niveau moyen observé ces dix dernières années, la mortalité dans les DOM oscillant autour d'une moyenne d'un peu plus de 160 décès par an.

En revanche dans les collectivités et pays d'outre-mer, on constate depuis les points bas de 2013 (68) et 2015 (71) une augmentation de la mortalité et un retour au niveau de 2010. L'année 2019 a ainsi enregistré 92 tués (après 96 en 2018).

Au total, les populations d'Outre-mer représentent 4 % des citoyens français mais 7 % du nombre de tués sur les routes.

Évolution du nombre de tués à 30 jours dans les départements
et collectivités d'outre-mer de 2010 à 2019

Source : bilans de l'Observatoire interministériel de la sécurité routière (ONISR)

2. Le nombre de blessés hospitalisés diminue en 2019

Alors que le nombre d'accidents est stable par rapport à l'année 2018 (- 0,1% ), le nombre de blessés hospitalisés enregistre une nouvelle baisse en 2019 (- 7,5%) confirmant la rupture avec la tendance haussière observée en 2013-2017 .

Évolution du nombre d'accidents routiers et de blessés hospitalisés
en France métropolitaine et dans les DOM de 2007 à 2019


Source : bilans de l'ONISR

Le rapporteur considère qu'il pourrait être opportun que le gouvernement introduise un indicateur « blessés graves » ou « blessés hospitalisés » ainsi que le suggère le 14 ème rapport sur le classement des progrès de l'Union européenne en matière de sécurité routière 38 ( * ) .

En effet, comme le démontre actuellement la crise sanitaire, la hausse ou la baisse du nombre de personnes hospitalisées en raison des accidents de la route est un élément déterminant de la gestion de nos capacités d'accueil à l'hôpital .

3. Au sein de l'Union européenne la France reste dans la moyenne et dispose d'une marge d'amélioration

D'après les données de l'UE 39 ( * ) , la mortalité routière en France a certes baissé de 60 % sur la période 2001-2019, un résultat légèrement meilleur que la moyenne de l'Union (- 56%), mais seulement de 19 % sur la période 2010-2019 alors que la moyenne de l'Union s'établit sur cette période à - 23,7%.

En nombre de décès par million d'habitants, la France se situe cette fois au niveau de la moyenne de l'Union (51 décès/million d'habitants), mais loin derrière la Norvège (20 décès/million d'habitants), la Suisse (21 décès/million d'habitants) ou encore l'Espagne et l'Allemagne (38 décès/million d'habitants).

Ainsi, bien qu'ayant diminué le nombre de tués sur ses routes ces dernières années, la France enregistre toujours de moins bons résultats que nombre de ses voisins européens .

4. Une année 2020 marquée par une baisse sans précédent de la mortalité mais en trompe l'oeil en raison de la période de confinement

Les neufs premiers mois de l'année 2020 mettent en évidence l'impact de la crise sanitaire sur le nombre de tués qui s'élève au 31 septembre 2020 à 1 957 contre 2 446 à la même période en 2019 soit une baisse de 20 %.

Néanmoins, comme le rappelle la DSR, ce bon résultat n'est pas synonyme d'amélioration des comportements sur la route puisqu'il n'est pas proportionnel à l'évolution du trafic routier au cours de l'année.

Ainsi, après deux premiers mois où la mortalité était stable (- 9 tués fin février 2020 par rapport à fin février 2019), la période de confinement voit le trafic routier baisser de 80 % tandis que la mortalité sur la route baisse de seulement 63 % avec 178 tués au cours des semaines 12 à 19 contre 474 en moyenne sur 2015-2019 .

Les études de l'ONISR sur le premier semestre 2020 mettent en évidence, certes la chute de l'accidentalité pendant la période de confinement, mais aussi une reprise en période de déconfinement qui n'est pas encore à la hauteur d'une situation correspondant aux déplacements habituels.

Répartition de la mortalité routière en 2019

Selon la catégorie d'usagers : forte hausse du nombre de cyclistes tués

La réduction de la mortalité routière n'a pas bénéficié de façon identique à toutes les catégories d'usagers.

En 2019, en métropole, 1 622 usagers de véhicules de tourisme ont été tués. En baisse sensible par rapport à 2018 (-15 tués), ils représentent la moitié (50 %) de la mortalité routière .

Le nombre d'usagers de deux-roues motorisés représentent 23 % des décès avec 615 motocyclistes et 134 cyclomotoristes tués en 2019. Sur la période 2010-2019, la baisse enregistrée est de 13% pour les motocyclistes et de 46% pour les cyclomotoristes.

Piétons et cyclistes constituent 21 % de la mortalité en 2019 avec respectivement 483 (15% des tués) et 187 (6% des tués) personnes tuées. Après avoir baissé dans les années 2000, la mortalité des piétons est stable sur la période 2010-2019.

En revanche, il est à noter que les cyclistes représentent la seule catégorie d'usagers dont la mortalité augmente tendanciellement et la seule où le nombre de décès en 2019 (187) est nettement supérieur à celui de 2010 (140). Le nombre de cyclistes tués connaît ainsi une augmentation d'un tiers par rapport à 2010, et leur part dans la mortalité est passée de 4 à 6 %.

De leur côté, les nouveaux engins de déplacement personnels motorisés (trottinettes, monoroues...) ont entrainé le décès de 10 usagers : le décret n°2010-1082 du 23 octobre 2019 qui pose de nouvelles règles (interdiction aux enfants de moins de 12 ans, usage strictement personnel, limitation à 25 km/h...) n'a donc pas permis d'enrayer la progression de cette mortalité qui devrait constituer un sujet de préoccupation pour la sécurité routière.

• Selon les classes d'âge : les jeunes adultes et les plus de 75 ans restent les plus touchés

En 2019, les jeunes adultes sont les plus touchés par les accidents de la route . Alors que 50 personnes ont été tuées en France métropolitaine par million d'habitants, chez les 18-24 ans, ce taux est 2 fois plus élevés (106). On observe également une surmortalité chez les personnes de 75 ans ou plus avec 86 décès par million d'habitants.

Entre 2010 et 2019, le risque individuel (nombre de personnes tuées par million d'habitants) est passé de 64 à 50, soit une baisse de 22 %. La diminution a été plus forte pour les moins de 45 ans avec une baisse moyenne de 30 % et surtout les moins de 18 ans avec une baisse très marquée de 45 %. En revanche la diminution est de seulement 10 % pour les 45 ans et plus.

• Selon les réseaux routiers

La grande majorité des accidents mortels à lieu hors agglomération (60 % des personnes tuées le sont hors agglomération hors autoroute et 8 % sur autoroute).

De 2000 à 2010, la mortalité a baissé de moitié sur tous les types de réseaux. Depuis 2010, elle a augmenté de + 3 % sur autoroute et a plus baissé hors agglomération (- 25 %) qu'en agglomération (- 8 %).

Le nombre de décès entre 2018 et 2019 est stable mais variable selon le milieu routier : la baisse hors agglomération est de - 3,6 %, et de - 2,2 % sur autoroute. En revanche en agglomération on constate une forte hausse de 7,7 % après une baisse de 4,7 %

• Selon les régions

La région Île-de-France représente seulement 8 % des personnes tuées en métropole, mais 32 % des accidents corporels et 30 % des blessés, pour 19 % de la population

Le nombre de personnes tuées par an et par million d'habitants sur la période 2015-2019 est de 52 pour la France métropolitaine et varie selon les régions entre 25 en Île-de-France et 93 en Corse. Ce taux est aussi inférieur à 52 en Bretagne, Hauts de France et Grand Est mais supérieur à 65 en Bourgogne Franche-Comté ou Occitanie.

La mortalité ramenée à la population a baissé entre les périodes 2010-2014 et 2015-2019 dans toutes les régions. Pour beaucoup, la baisse est proche de la baisse nationale (- 9%). Les régions Centre-Val de Loire et Occitanie ont connu des baisses plus importantes (- 16% et - 13%) et les régions Corse et Hauts-de-France des baisses moindres (- 4% ou - 2%).

La mortalité par million d'habitants des 18-24 ans est deux fois plus forte en moyenne (109) que le taux tous âges (52). Mais elle est d'autant plus élevée dans les régions avec les taux de mortalité tous âges les plus élevés : autour de 140 en Occitanie, PACA, et Nouvelle Aquitaine, plus de 175 en Bourgogne Franche-Comté, Centre Val de Loire et jusqu'à 219 en Corse.

• Selon les facteurs comportementaux

La vitesse excessive ou inadaptée demeure la cause principale de 27 % des accidents mortels selon les forces de l'ordre.

Parmi les conduites addictives, l'alcool serait la cause principale de 18 % des accidents mortels pour lesquels ces éléments sont renseignés : 30 % des décès interviennent alors qu'au moins un des conducteurs impliqués avait un taux d'alcool dépassant 0,5 g/l de sang.

Les stupéfiants seraient la cause principale de plus de 9 % des accidents mortels, mais 23 % des décès routiers interviennent lors d'un accident impliquant au moins un conducteur testé positif aux stupéfiants.

Le refus de priorité serait la cause principale d'au moins 10 % des accidents mortels, est désormais devancé par l'« inattention ou par le téléphone portable » ( 11 %).

Enfin, le non-port de la ceinture est encore fréquent : 22 % des usagers tués des véhicules avec le critère « ceinture » renseigné.

• Selon le sexe

En 2019, trois fois plus d'hommes (2 509) que de femmes (735) sont décédés sur la route . Les tranches d'âges des 15-29 ans, 30-44 ans et 44-59 ans concentrent 83 % de la mortalité masculine. Toutefois la mortalité masculine des autres classes d'âge demeure également bien supérieure à celle des femmes, alors que la part de ces dernières dans la population augmente.

Les hommes tués sont à 79 % des conducteurs , à 11 % des piétons et à 10% des passagers. Cette répartition est très différente de celle observée chez les femmes tuées dont 43 % sont des conductrices , 31 % des passagères et 26 % des piétonnes. Enfin 84 % des auteurs présumés d'accidents mortels et 91 % des conducteurs alcoolisés impliqués dans un accident mortel sont des hommes.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

5. Le nouvel indicateur « tués hors autoroute hors agglomération » met en évidence une légère baisse entre 2018 et 2019

La limitation par le décret n°2018-487 du 15 juin 2018 de la vitesse maximale autorisée sur les routes hors agglomération a eu un impact certain mais dont l'appréciation se heurte à la conjonction d'autres facteurs.

Le nouveau sous-indicateur 1.1.3 « nombre de tués hors agglomération hors autoroutes » (HAHA), créé au sein du programme 207, permet de mieux mesurer l'efficacité de cette mesure sur le moyen terme en isolant l'évolution du nombre de tués sur ce réseau routier. Il apparaît alors que ce réseau a enregistré 72 tués de moins entre 2018 (2 016 tués) et 2019 (1 944 tués ) soit une baisse de 3,5%.

Si le rapport final publié en juillet 2020 par le Cerema 40 ( * ) conclut à la baisse de l'accidentalité et la progression de l'acceptabilité, le confinement a conduit à écourter la période d'analyse.

De plus, la baisse de la vitesse permet certes de réduire les distances de freinage et le risque de décès, y compris lorsque la cause principale se situe ailleurs (alcool, stupéfiants, infraction au code de la route, etc.), mais les causes d'accident sont bien souvent multifactorielles.

Le rapporteur spécial estime donc que cet indicateur, bien que positif cette année, nécessite d'être confirmé dans la durée pour apprécier pleinement ses effets .


* 37 Le nombre annuel de tués est le premier indicateur de performances (1.1) de l'objectif n° 1 « Mobiliser l'ensemble de la société sur la sécurité routière pour réduire le nombre d'accidents et de tués sur la route » du programme 207 « Sécurité et éducation routières » du projet de loi de finances 2020.

* 38 Ranking EU Progress on Road Safety, 14 th Road Safety Performance Index Report, juin 2020.

* 39 Ranking EU Progress on Road Safety, 14 th Road Safety Performance Index Report, juin 2020.

* 40 Abaissement de la vitesse maximale autorisée à 80 km/h. Rapport final d'évaluation - Juillet 2020 - Cerema.

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