LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR
L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première délibération, l'Assemblée nationale a adopté deux articles additionnels rattachés à la présente mission (articles 62 et 63) commentés ci-après.
En outre, l'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable du Gouvernement, un amendement de la rapporteure spéciale de la commission des finances Mme Stella Dupont tendant à augmenter les crédits du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » de 93 380 euros en AE et en CP afin de financer en 2021 un dispositif d'aide exceptionnelle de solidarité de 150 euros pour les bénéficiaires de l'aide financière d'insertion sociale et professionnelle (AFIS) versée aux personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution. Cette augmentation de crédits est gagée par une minoration à due concurrence des crédits du programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales ».
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
ARTICLE 68
Extension de l'AAH-2 à Mayotte
Le présent article prévoit d'aligner le régime de l'AAH existant à Mayotte sur le droit commun en permettant son ouverture aux personnes dont le taux d'incapacité permanente est compris entre 50 % et 79 %.
La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : L'AAH-2, QUI EST UNE MODALITÉ DE L'AAH DESTINÉE AUX PERSONNES PRÉSENTANT UN TAUX D'INCAPACITÉ COMPRIS ENTRE 50 % ET 79 %, N'EST PAS APPLICABLE À MAYOTTE
A. L'AAH-2 EST UNE MODALITÉ DE L'AAH DESTINÉE AUX PERSONNES PRÉSENTANT UN TAUX D'INCAPACITÉ COMPRIS ENTRE 50 % ET 79 %
Créée par la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, l'allocation aux adultes handicapés (AAH) est destinée aux personnes handicapées disposant de faibles revenus. Ses conditions d'attribution sont régies par les articles L. 828-1 à L. 828-8 du code de la sécurité sociale.
Pour bénéficier de l'AAH, les allocataires doivent remplir des conditions d'incapacité examinées par les commissions départementales des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) au sein des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), ainsi que des conditions administratives qui sont appréciées par les organismes payeurs. Le taux d'incapacité permanente de la personne et sa distance à l'emploi sont les conditions d'incapacité ouvrant droit à l'AAH :
- une personne dont le handicap représente un taux d'incapacité égal ou supérieur à un pourcentage fixé par décret (en pratique 80 %) est éligible à l'AAH au titre de l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ( AAH-1 ) ;
- une personne dont le handicap représente un taux d'incapacité supérieur ou égal à un pourcentage fixé par décret sans atteindre le pourcentage ouvrant droit à l'AAH-1 (en pratique entre 50 % et 79 %) et une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi, est éligible à l'AAH au titre de l'article L. 821-2 du même code ( AAH-2 ).
En exécution 2019 et hors compléments de ressource, l'AAH-1 représentait 5,2 milliards d'euros et l'AAH-2 4,8 milliards d'euros. Ces crédits sont financés sur le programme 157 « Handicap et dépendance » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
B. SEULE L'AAH-1 EST APPLICABLE À MAYOTTE
L'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale précité prévoit que l'AAH de droit commun s'applique sur le territoire métropolitain ainsi qu'en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
À Mayotte, l'AAH est régi par les articles 35 et suivants de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 relative à la protection sanitaire et sociale à Mayotte prise sur le fondement de la loi n° 2001-505 du 12 juin 2001 portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer. Elle complète les ordonnances du 7 février 2002 concernant les prestations familiales et du 21 février 2002 concernant le droit du travail et la politique de l'emploi à Mayotte.
Ces dispositions ne reprennent pas les conditions fixées à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale précité permettant d'ouvrir droit de l'AAH-2 pour les personnes dont le taux d'incapacité est compris entre 50 % et 79 % .
L'article 39 de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 précitée prévoit que l'AAH est accordée sur décision d'une commission technique appréciant le taux d'incapacité de la personne handicapée.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE EXTENSION DE L'AAH-2 À MAYOTTE AU PLUS TARD AU 1 ER OCTOBRE 2021
Le présent article est issu d'un amendement du Gouvernement adopté avec un avis favorable de la commission des finances.
Le I du présent article prévoit de modifier l'article 35 de l'ordonnance n° 2002-411 du 27 mars 2002 précitée afin d'ouvrir le droit à l'AAH aux personnes remplissant les mêmes conditions que celles prévues à l'article L. 821-2 du code de la sécurité sociale, à savoir :
- une incapacité permanente n'atteignant pas 80 % mais supérieure ou égale à un pourcentage fixé par décret (l'exposé des motifs indique que ce pourcentage serait de 50 %, comme sur le reste du territoire) ;
- une reconnaissance par la commission technique appréciant le taux d'incapacité de la personne handicapée d'une réduction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi.
Le II précise que le dispositif doit entrer en vigueur à une date fixée par décret au plus tard le 1 er octobre 2021.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ALIGNEMENT BIENVENU SUR LE DROIT COMMUN
Les rapporteurs spéciaux ne peuvent qu'approuver cet alignement sur le droit commun des règles de l'AAH versé à Mayotte. Cette différence de traitement était d'autant moins justifiable que la situation sociale est particulièrement tendue dans ce département.
Ils relèvent néanmoins qu'il faudra près de trois ans au Gouvernement pour tenir l'engagement qu'il avait pris à cet égard, lors du lancement du plan d'action pour l'avenir de Mayotte défini en mai 2018.
Les rapporteurs spéciaux proposent d'adopter cet article sans modification.
Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE 69
Remise d'un rapport au Parlement sur la politique d'accueil
et d'orientation des mineurs non accompagnés accueillis par la
France
Le présent article prévoit la remise au Parlement d'un rapport sur les actions menées à destination des mineurs non accompagnés accueillis par la France et leur financement.
La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : LE FINANCEMENT DE LA POLITIQUE D'ACCUEIL ET D'ORIENTATION DES MINEURS NON ACCOMPAGNÉS EST PARTAGÉE ENTRE L'ÉTAT ET LES DÉPARTEMENTS
En application de l'article 48 de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfance , il revient au président du conseil départemental un rôle de mettre à l'abri et d'évaluer la situation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille - dits « mineurs non accompagnés (MNA) » - dans son département, avant que ceux-ci ne soient répartis entre les départements par le ministre de la justice.
En vertu de leur compétence de gestion le service d'aide sociale à l'enfance (ASE) prévue par l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles, les départements sont également chargés de la prise en charge des MNA répartis sur leur territoire.
Néanmoins, dans un contexte de forte hausse du nombre de MNA, l'État assure désormais également une participation financière à la politique d'accueil et d'orientation des MNA , relevant des crédits du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
S'agissant de la phase de mise à l'abri et d'accompagnement des MNA , depuis le 1 er janvier 2019 et conformément au décret n° 2019-670 du 27 juin 2019 et à l'arrêté du 28 juin 2019 pris pour son application, la participation forfaitaire financière de l'État est fixée à 500 euros par jeune auxquels s'ajoutent 90 euros par jour pendant 14 jours maximum puis 20 euros par jour pendant neuf jours maximum pour chaque jeune effectivement mis à l'abri.
S'agissant de la phase d'ASE , la participation de l'État a été fixée à 30 % du coût correspondant à la prise en charge du nombre de MNA supplémentaires accueillis par les départements au 31 décembre 2017 par rapport au 31 décembre 2016. La dotation attribuée à chaque conseil départemental a été calculée à partir des informations transmises par les départements au ministère de la justice, conformément à l'article R. 221-14 du code de l'action sociale et des familles. L'arrêté du 23 juillet 2018 fixant le montant alloué à chaque département a été publié sur cette base au Journal officiel du 5 août 2018, pour un montant total de 96,2 millions d'euros en 2018.
Un arrêté du 27 août 2019 a prolongé cette aide exceptionnelle en 2019 sur la base de 6 000 euros par MNA supplémentaire pris en charge par l'ASE au 31 décembre 2018 par rapport au 31 décembre 2017 et pour 50 % des jeunes concernés. Le Gouvernement a par la suite pris la décision de porter cette aide à 75 % des jeunes concernés. Le montant total de cette aide s'établit donc à 33,6 millions d'euros en 2019.
Cette aide exceptionnelle doit être reconduite en 2020, mais l'arrêté n'a pas encore été pris à ce jour.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA REMISE D'UN RAPPORT AU PARLEMENT SUR LA POLITIQUE D'ACCUEIL ET D'ORIENTATION DES MINEURS NON ACCOMPAGNÉS ET SUR SON FINANCEMENT
Le présent article est issu d'un amendement de la députée Perrine Goulet, adopté avec un avis favorable de la commission des finances et un avis de sagesse du Gouvernement.
Il propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport avant le 1 er juin 2021 portant sur :
- les actions menées à destination des MNA au financement desquels les crédits de l'action n° 17 du programme 304 précité permettent de contribuer ;
- le nombre et l'âge des MNA accueillis ;
- la charge financière assurée respectivement par l'État et les départements ;
- la prise en charge dont bénéficient les MNA.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : IL EST NÉCESSAIRE DE FAIRE TOUTE LA LUMIÈRE SUR LA POLITIQUE DES MINEURS NON ACCOMPAGNÉS, QUI PRÉSENTE DES ENJEUX FINANCIERS CONSIDÉRABLES POUR LES DÉPARTEMENTS
La mise à l'abri, l'évaluation et l'accompagnement des MNA constituent un enjeu financier majeur pour les départements. L'Assemblée des départements de France dénombre un triplement de leurs effectifs entre 2015 à 2018, de telle sorte qu'ils représenteraient entre 15 % et 20 % des mineurs pris en charge au titre de l'ASE. Pour 2018, le coût induit par l'évaluation et la prise en charge de ces mineurs est estimé par l'ADF à 2 milliards d'euros.
En projet de loi de finances pour 2021, les crédits du programme 304 précité prévus pour l'accueil et l'orientation des MNA s'élèvent à 120,4 millions d'euros.
Les auditions menées par les rapporteurs spéciaux ont par ailleurs mis en évidence que le sujet était une source de tensions dans les relations entre l'État et les départements, en particulier pour ce qui concerne le décompte du nombre de MNA et leur répartition. La remise au Parlement du rapport proposé serait ainsi bienvenue pour faire la pleine transparence sur cette politique aux enjeux financiers importants.
Les rapporteurs spéciaux proposent d'adopter cet article sans modification.
Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.