E. LES « EMPLOIS FRANCS » : UN DISPOSITIF QUI PEINE À MONTER EN PUISSANCE
L'expérimentation des « emplois francs » devait initialement être menée entre le 1 er avril 2018 et le 31 décembre 2019, et permettre à toute entreprise ou association de bénéficier d'une aide financière pour l'embauche en CDI (5000 euros par an sur 3 ans maximum) ou en CDD d'au moins six mois (2500 euros par ans sur deux ans maximum) d'un demandeur d'emploi, résidant dans l'un des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) dont la liste doit être fixée par arrêté. L'arrêté du 22 mars 2019 a notamment élargi le périmètre de l'expérimentation à 740 QPV (contre 194 auparavant).
Les crédits demandés pour le financement de ce dispositif augmentent en 2021 , et sont ainsi portés à 317,1 millions d'euros en AE (contre 233,6 millions d'euros en LFI 2020) et à 107,2 millions d'euros en CP (contre 79,7 millions d'euros), avec un objectif de 30 000 nouveaux contrats. Ces moyens sont par ailleurs renforcés dans par la mission « Plan de relance », qui alloue 8,1 millions d'euros en AE et 3,8 millions d'euros en CP au financement d'un dispositif « emplois francs plus » ciblé sur les jeunes de moins de 26 ans et aux paramètres très généreux, avec une prime portée à 7 000 euros pour un recrutement en CDI et à 5 500 euros en CDD la première année, soit un montant plus élevé que celui retenu dans le cadre de l'aide à l'embauche votée en troisième loi de finances rectificative (4 000 euros). L'objectif du dispositif, ouvert aux contrats signés sur une période de temps très brève (entre le 1 er octobre 2021 et le 31 janvier 2021), est de permettre le financement de 3 100 contrats supplémentaires
Pour mémoire, l'année 2019 avait été marquée par une très forte sous-exécution des crédits, qui ont été consommés à hauteur de 27,8 millions d'euros en AE et 23,2 millions d'euros en CP, contre respectivement 217,4 millions d'euros et 51,2 millions d'euros prévus en LFI 2019 . Seules 14 989 entrées ont été recensées en 2019, soit un total inférieur à la cible (25 000). Le rapport annuel de performances indique qu'une difficulté technique a contribué à réduire le montant des AE, qui seront ainsi reportés sur l'exercice 2020, dont l'exécution risque cependant d'être fortement heurtée par les conséquences de la crise, comme l'indique le graphique ci-dessous.
Nombre de demandes d'aides d'emplois francs acceptées en 2020
Source : Dares, situation sur le marché du travail durant la crise sanitaire au 27 octobre 2020
Le rapport du comité d'évaluation remis le 13 décembre 2019 n'a pas constaté de variation du profil infra-annuel des embauches des habitants des QPV tout en indiquant qu'il serait prématuré, à ce stade, « d'affirmer ou d'infirmer ses effets sur le taux de chômage de ces populations » . La faiblesse du taux de recours, calculé à 10,7 %, s'explique avant tout par le déficit d'information des recruteurs 23 ( * ) .
Pour les rapporteurs spéciaux, les « emplois francs » constituent un dispositif intéressant en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), qui font face à des problématiques spécifiques en matière d'emploi. En 2017, le taux de chômage en QPV (24,7 %) est 2,5 fois supérieur à celui des autres quartiers des unités urbaines engloblantes (9,2 %) 24 ( * ) . La portée de la généralisation en 2020 est à nuancer, dans la mesure où l'expérimentation a déjà été considérablement élargie à tous les QPV des départements originellement, ainsi qu'à de nouveaux départements. Si l'appropriation du dispositif par les acteurs était encore très limitée en 2019, son démarrage en 2020 semblait davantage prometteur avant le déclenchement de la crise sanitaire . Une forme de sur-promotion du dispositif pourrait toutefois laisser craindre des risques d'effets d'aubaine, qui devront être précisément mesurés.
* 23 Rapport du comité d'évaluation de l'expérimentation des emplois francs, 13 décembre 2019.
* 24 Stéphanie MAS, Emploi et développement économique dans les quartiers prioritaires : d'importantes difficultés subsistent mais un rééquilibrage semble à l'oeuvre, commissariat général à l'égalité des territoires - Observatoire national de la politique de la ville, rapport annuel 2018, mars 2019.